Revue Etopia 14 - Julien Vastenaekels

Notre système alimentaire industriel et globalisé est responsable d’impacts environnementaux et sociaux majeurs. Bien des alternatives locales et écologiques se multiplient, celles-ci demeurent aujourd’hui des niches. Afin de lutter contre les inégalités et démocratiser l’alimentation durable, l’idée d’une sécurité sociale alimentaire est développée par des activistes. Une proposition qui mérite une exploration depuis de multiples perspectives.

Notre système alimentaire industriel et globalisé est responsable d’impacts environnementaux et sociaux majeurs (Oosterveer & Sonnenfeld, 2012). Pointé du doigt notamment pour sa contribution importante à la destruction de biodiversité (Scherr & McNeely, 2008) et au changement climatique (Foster et al., 2006), il participe aussi à saper la résilience de l’agriculture et de l’approvisionnement alimentaire à travers le monde. En effet alors que ce système agroindustriel ne parvient pas à nourrir la planète, il tend à faire disparaitre progressivement les formes d’agriculture paysanne, inscrites dans la durabilité et le maintien du tissu social (Hilmi & Burbi, 2015; IPES-Food, 2017). De plus, à travers ses pratiques de production mais aussi de lobbying, l’industrie agroalimentaire pose de sérieux problèmes de santé publique (Bourdillon, 2005).

En réaction, des formes de résistance se multiplient. Depuis les luttes contre le libre échange aux mobilisations locales contre des projets industriels, en passant par les nombreuses alternatives de production et de consommation qui émergent dans les interstices du système dominant pour tenter de porter des modèles plus respectueux de l’environnement et des personnes. En effet, de nombreux producteurs et productrices développent des modes alternatifs de production, tels que ceux répondant aux principes de l’agroécologie. En parallèle, des acteurs et actrices collaborent tout au long de la chaîne pour créer des circuits de distribution durables et extraire tant bien que mal l’alimentation de l’emprise d’un nombre limité de grandes entreprises (Blay-Palmer, 2008; IPES-Food, 2016). On voit ainsi fleurir en Belgique et ailleurs des magasins biologiques spécialisés, des coopératives alimentaires, des groupes d’achats communs, des AMAP, des plateformes en ligne, des ceintures alimentaires, et bien d’autres initiatives d’alimentation durable.

Alors que les alternatives alimentaires de consommation foisonnent, elles sont critiquées pour être porteuses d’un certain élitisme social (Allen, 2004; Hinrichs & Kremer, 2002), voire parfois considérées comme vecteurs d’une forme d’oppression culturelle (Slocum, 2007). Elles ont tendance à rassembler des personnes qui ont la capacité matérielle d’acheter des produits à des niveaux de prix en moyenne plus élevés (Chiffoleau & Prevost, 2012).

Afin de rendre une alimentation de qualité, durable, issue de l’agriculture paysanne, accessible à toutes et tous, et d’améliorer la résilience de nos sociétés, l’idée d’une « sécurité sociale alimentaire » (SSA) émerge. A travers celle-ci, chaque citoyen·ne recevrait un certain montant – de l’ordre de 150€ par mois  – réservé à l’achat d’aliments auprès d’acteur.trices conventionné.es, sur base de critères élaborés de manière démocratique au niveau local (ISF-Agrista, 2019). Financé par une large base de cotisant·e·s selon les moyens de chacun·e, il s’agit d’un projet qui veut réconcilier le social et l’environnement au niveau alimentaire et construire les fondations d’une démocratie alimentaire.

Cet article présente quelques éléments de contexte qui montrent la nécessité d’un projet égalitaire, qui agit au niveau systémique pour sortir les alternatives alimentaires de leur niche, il dessine ensuite les contours de la sécurité sociale alimentaire telle que défendue par ses militant·e·s et enfin identifie des pistes d’approfondissement pour nourrir le débat autour de cette proposition.

Des alternatives qui ne sont pas accessibles à tou·te·s

Nous sommes face à un système alimentaire à plusieurs vitesses (ISF-Agrista, 2019), avec notamment d’un côté des acteurs·trices qui répondent aux demandes éthiques, sociales, environnementales de consommateurs·trices souvent privilégié·e·s (Goodman, DuPuis, & Goodman, 2012; Hinrichs & Kremer, 2002). De l’autre côté, il existe une offre alimentaire industrielle importante, perçue comme moins chère, de moindre qualité et de plus faible durabilité (Oosterveer & Sonnenfeld, 2012). Cette dualité est source d’inégalités. En effet, au sein des ménages en situation de pauvreté, l’alimentation est une variable d’ajustement du budget (Thouvenot, 2013). En Belgique, selon des chiffres de 2010, les dépenses alimentaires (hors restauration) des 10% des ménages avec les plus hauts revenus sont en moyenne 1,83 fois plus élevées que celles des 10% ayant les revenus les plus faibles (Statbel, 2013). Pour s’en sortir au quotidien, 169 642 personnes ont fait appel à une des neuf banques alimentaires belges en 2019 (Service de lutte contre la pauvreté la précarité et l’exclusion sociale, 2019). De plus les études s’accordent pour montrer que plus les revenus d’un ménage sont bas, moins son alimentation sera qualitative en moyenne (Darmon & Carlin, 2013). Or en 2017, 15,9% des Belges vivaient sous le seuil de pauvreté (Statbel, 2018).

Par ailleurs, la capacité à choisir librement de son alimentation est plus qu’un enjeu de santé et d’environnement, il s’agit aussi de dignité humaine. Selon la définition de l’ancien Rapporteur spécial des Nations Unies, Olivier De Schutter, le droit à l’alimentation est celui « d’avoir un accès régulier, permanent et non restrictif, soit directement ou au moyen d’achats financiers, à une alimentation quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante correspondant aux traditions culturelles du peuple auquel le consommateur appartient, et qui lui procure une vie physique et mentale, individuelle et collective, épanouissante et exempte de peur » (De Schutter, s. d.). Devoir se contenter des produits alimentaires dont des personnes plus privilégiées ne souhaitent pas, que ce soit à travers des mécanismes de dons ou de marché, est considéré par certain·e·s comme allant à l’encontre de ce droit (ISF-Agrista, 2019).

La problématique des inégalités dans l’accès à l’alimentation durable est connue des acteurs et actrices du secteur (DuPuis & Goodman, 2005). En témoignent diverses initiatives pour favoriser des formes de mixité sociale et culturelle et garantir une certaine accessibilité des prix au sein de ces alternatives1. Cependant leur potentiel semble limité. Il existe souvent des barrières d’ordre socioculturel (Allen, 2004), mais aussi des contraintes matérielles (Damhuis, 2019). En moyenne le prix d’un panier alimentaire « durable » (par exemple bio, en circuit court, issu d’une agriculture non-intensive…) demeure plus élevé que celui des produits équivalents proposés par les circuits conventionnels et constitue un des obstacles à la consommation d’alimentation durable (Good Food Bruxelles, 2015). Selon une étude de l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, le prix constitue même l’obstacle numéro un à l’achat d’alimentation biologique pour 84% des consommateurs·trices (Agence Bio, 2019).

Il ne serait pourtant pas raisonnable de vouloir diminuer coûte que coûte les prix des produits issus des systèmes alimentaires durables, au détriment de paysan·ne·s qui éprouvent déjà des difficultés pour vivre de leur activité. En Belgique, selon une étude commandée par Fedagrim et menée en 2016, « plus de 97% des agriculteurs indiquent que le prix du marché pour les produits n’atteint pas un niveau suffisamment élevé. 94% ajoutent qu’ils n’ont pratiquement pas leur mot à dire à propos du prix qu’ils perçoivent pour leurs produit » (Fedagrim, 2016). L’enquête montre également que 40% des agriculteurs·trices belges gagnent moins de 1000€ par mois pour des semaines de 68 à 80h de travail.

Ces chiffres sur la situation économique des agricultrices·teurs suggèrent que seule une petite minorité d’entre elles·eux écoule sa production à travers des circuits de distribution qui permettent de vendre à un prix rémunérateur. Les systèmes alimentaires offrant un prix juste aux producteurs·trices ne permettent donc de palier un problème systémique de sous-rémunération que localement.

Des politiques qui favorisent les systèmes industriels

L’ascendance du système alimentaire industriel sur les autres formes de production et consommation est notamment le fruit des politiques en matière d’agriculture et d’alimentation. En particulier, le cadre posé par la Politique Agricole Commune de l’Union européenne (PAC)–à travers aides directes à l’hectare, la libéralisation des marchés agricoles, la standardisation des semences…–soutient les pratiques agricoles productivistes et la concentration des acteurs (Hazell, Poulton, Steve, & Dorward, 2007; IPES-Food, 2016).

Les alternatives alimentaires suscitent l’enthousiasme car elles font mentir le discours selon lequel il n’y aurait pas d’alternative possible au système dominant. Cependant elles semblent aujourd’hui profondément insuffisantes pour assurer une transition écologique et sociale du système alimentaire à large échelle. Des mesures systémiques apparaissent indispensables pour sortir les alternatives de leurs niches.

A cet égard, le remplacement de la Politique Agricole Commune par une Politique Alimentaire Commune, telle que proposée par IPES Food (2019) ou Pour Une Autre PAC2, est une idée qui a fait surface. Ces propositions mettent notamment l’accent sur la nécessité de dispositifs luttant contre les inégalités dans l’accès à l’alimentation et de la gouvernance démocratique du système alimentaire. Pour autant, les mécanismes précis restent à inventer.

Vers une sécurité sociale alimentaire

La suite de cet article explore une piste en ce sens : la sécurité sociale alimentaire, dont l’objectif est de rendre l’alimentation durable et issue de l’agriculture paysanne accessible à toutes et tous. Cette proposition a été développée à l’origine par le groupe thématique Agricultures et Souveraineté Alimentaire d’Ingénieur·e·s sans frontières (ISF-Agrista) en France, qui regroupe « des citoyen·ne·s et des professionnel·le·s œuvrant pour la réalisation de la souveraineté alimentaire et des modèles agricoles respectueux des équilibres socio-territoriaux et écologiques » (ISF-Agrista, 2019). Elle est depuis lors soutenue également par d’autres associations et intellectuels3.En admettant la proposition des militant·e·s d’ISF-Agrista, à l’origine de l’idée de sécurité sociale alimentaire, un budget alimentaire de 150 € par mois est alloué sans condition à chaque individu (et pour les mineur·e·s, versés à leurs parents). Cette somme est disponible sur une carte spécifique (en France il existe la carte « Vitale » déjà pour la santé), mise en œuvre au niveau national. Le montant de 150 € a été imaginé de manière arbitraire par les défenseurs·euses de la proposition, de manière se situer en dessous des dépenses alimentaires moyennes4 et au-dessus des dépenses alimentaires des personnes en situation de pauvreté. Ce montant pourrait bien sûr évoluer. Il peut être dépensé exclusivement auprès d’agriculteurs·trices et points de ventes conventionnés. En considérant les 11,4 millions d’habitants en Belgique (chiffres 2018), cela représente un budget annuel de l’ordre de 20,5 milliards d’euros d’allocations, auxquels il faut ajouter des frais de fonctionnement. A titre de comparaison, en 2017 la sécurité sociale belge a dépensé 104 milliards d’euros5.

Le système est pensé pour être financé à travers une nouvelle cotisation spécifique, prélevée de manière similaire au prélèvement actuel des cotisations sociales, c’est-à-dire sur les salaires. L’assiette de la cotisation pourrait cependant être élargie. Par exemple en effectuant des prélèvements également sur « la valeur ajoutée de la structure employeuse » (ISF-Agrista, 2019, p. 10). Il est possible d’imaginer de faire contribuer également les revenus des capitaux, qui sont encore très peu taxés en Belgique. La manière de financer le dispositif est cruciale, et résulte d’un choix intrinsèquement politique, puisqu’elle détermine la capacité du dispositif à redistribuer la richesse et atteindre ses objectifs de lutte contre les inégalités sociales.

Ensuite, les cotisations sont transférées à des caisses de sécurité sociale alimentaire, gérées démocratiquement à l’échelle locale. Les points de vente et agriculteurs qui souhaitent pouvoir être payés avec la carte de sécurité sociale alimentaire doivent se faire conventionner6. Les conditions à remplir pour se faire conventionner sont déterminées par les membres des caisses. A travers ces nouvelles institutions, les citoyens·nes et acteurs·trices du système alimentaire peuvent ainsi façonner démocratiquement les normes et interactions régissant les échanges au sein du système alimentaire sur leur territoire. Cette manière d’agir diffère de la « consom’action », appelé aussi « consumérisme politique », qui postule que les consommateurs·trices « voteraient » à travers leurs achats et insuffleraient au marché certaines valeurs dont il serait dépourvu – cette idée ne résistant pas à l’épreuve des faits (Cochoy, 2008). Le pouvoir d’action des caisses se résume en deux rôles majeurs. Le premier est de décider d’un cahier des charges qui impose certains critères de production en fonction d’enjeux locaux, nationaux et globaux, tels que le paysage et l’aménagement du territoire, la dégradation de la biodiversité, le changement climatique, et le respect des droits humains. Une partie de ces critères doivent donc être décidées à des niveaux supérieurs, via des mécanismes à inventer. Le deuxième rôle est celui d’établir les prix des produits, en fonction de leur coût de revient, afin de rémunérer les différents acteurs à un prix qui leur permettent de vivre dignement. Les habitant·e·s, producteurs·trices et autres acteurs·trices du système alimentaires doivent donc décider démocratiquement ce qu’ils estiment être des prix justes.

Les défenseurs·euses de la sécurité sociale alimentaires avancent également l’idée d’exclure du système les entreprises capitalistes—entendues par ISF-Agrista (2019, p. 11) comme celles qui rémunèrent les capitaux d’investisseurs extérieurs à un taux plus élevé que celui de l’inflation. De plus, pour être conventionnée, une entreprise alimentaire doit se fournir auprès de structures du secteur alimentaire également conventionnées. L’approvisionnement en produits ne pouvant être conventionnés, tels que ceux devant obligatoirement être importés, pourrait se baser sur certaines certifications existantes, comme celles du commerce équitable, bien qu’elles soient critiquées (Jaffee, 2010; Pouchain, 2011).

A travers ces mécanismes, réside l’espoir d’une forme de démarchandisation de l’alimentation. Celle-ci n’est alors plus un bien échangeable comme un autre, soumis aux aléas des forces du marché et à la captation de la valeur par les possesseurs de capitaux. La portion du secteur alimentaire qui décide de rejoindre le dispositif est de la sorte « ré-encastrée » (Polanyi, 2001; Vastenaekels & Pelenc, 2018) dans le rapport social et les régulations démocratiques.

Une proposition à explorer sous différents angles

Comme dans toute proposition utopique—non pas dans le sens d’une « idée irréaliste » mais plutôt en tant qu’invitation à une « réflexion holistique sur les liens entre les processus économiques, sociaux, existentiels et écologiques de manière intégrée [qui mène à] imaginer les institutions sociales et les relations sociales d’une meilleure société  » (Levitas, 2013, pp. 19–20, notre traduction)—il existe des silences, des zones d’ombre à examiner de manière critique. Celles-ci génèrent autant de pistes de recherche future et d’approfondissement. Nous en sommes convaincu, le débat autour de cette proposition en est à ses balbutiements et doit être nourri depuis diverses perspectives multi-, inter-, voire transdisciplinaires. Nous dressons ci-dessous une série non-exhaustive de questions à explorer.

Une question centrale est savoir de quelle manière gouverner la transition du « business as usual » vers une sécurité sociale alimentaire fonctionnelle. Comment réunir une coalition d’acteurs·trices capables de faire passer la mesure ? Par quelles étapes faut-il commencer ? Comment éviter la récupération du dispositif par les acteurs·trices dominant·e·s ? Les transitions studies, la sociologie des mouvements sociaux, les sciences politiques notamment peuvent fournir des clés de lecture à cet égard.

Une difficulté à surmonter est la marginalité actuelle des systèmes d’alimentation durable. A titre d’exemple, en Belgique, selon des chiffres de 2017, seuls 5,8% de la surface agricole est dédiée à l’agriculture biologique. Comment assurer l’augmentation offre d’agriculture durable ? Quel est le potentiel en la matière ? Par quels moyens y arriver ? Des questions qui peuvent être étudiées depuis des perspectives issues notamment de l’économie, de l’agronomie, de la géographie, des sciences politiques.

Ensuite, créées au milieu du XIXe siècle et au départ des maintenues par leurs membres volontaires, les premières caisses d’assistance mutuelles se sont vues accorder des subsides quelques décennies plus tard et se sont organisées en unions et fédérations (CRISP, 2020). Sans elles la sécurité sociale n’aurait pas vu le jour – du moins sous cette forme. Quelles leçons peut-on tirer de l’histoire de la sécurité sociale pour la mise en œuvre de la SSA ?

Quels sont les potentiels effets redistributifs de la mesure ? Qui sont les « gagnants » et les « perdants » ? Des projections socioéconomiques peuvent être utiles pour comparer les effets de différents types de financement et du montant alloué notamment.

De quelle manière un tel projet peut-il changer les habitudes de consommation alimentaires ? Les théories des pratiques nous indiquent que la consommation est façonnée par une multitude d’éléments à la fois individuels et structurels, tels que le temps et les rythmes sociaux, les routines et les infrastructures matérielles (Dubuisson-Quellier & Plessz, 2013; Warde, 2014). Dans quelle mesure la SSA offre-t-elle des opportunités matérielles sur lesquelles les citoyens peuvent s’appuyer pour développer et entretenir d’autres habitudes de consommation ? Est-elle plus efficace que les solutions qui visent à augmenter la « rationalité » des consommateurs·trices, tels que les modifications de signaux-prix et les campagnes de sensibilisation ?

Enfin, si la démocratie participative imaginée au niveau des caisses de SSA peut générer des espaces d’expérience (Pleyers, 2016) émancipateurs, elle peut aussi être le terreau d’une autre forme d’élitisme (Birck, 2018). Un apport des études de genre, des travaux sur l’intersectionnalité et en sociologie plus généralement peut contribuer à façonner le projet pour assurer une juste place à chacun·e et réduire le risque de reproduction des inégalités, discriminations et oppressions au sein des institutions nouvellement créées.

Conclusion

Les résistances au système alimentaire industriel globalisé se multiplient. Cependant aujourd’hui ces initiatives restent relativement marginales en comparaison avec le système conventionnel. Pour libérer le potentiel transformatif des alternatives alimentaires de production et de consommation, il faut parvenir changer certaines règles du jeu au sein du système alimentaire. La sécurité sociale alimentaire est une réponse systémique à cet enjeu. Il s’agit d’un projet de démocratie alimentaire qui vise à réduire les inégalités dans l’accès à l’alimentation durable. Il offre à chacun et chacune la capacité de participer à la construction du système alimentaire, loin des chimères telles que « 1 achat = 1 voix » qui n’ont pas empêché la concentration démesurée du pouvoir d’une poignée d’acteurs·trices aux pratiques néfastes d’un point de vue social, environnemental et de santé publique (Howard, 2016). Il s’agit potentiellement d’un outil puissant de transformation des systèmes alimentaires. Il reste cependant encore de nombreux points d’interrogation. Les débats autour de ce projet doivent être nourris d’analyses multi-, inter-, transdisciplinaires plus approfondies, sur la stratégie et la manière de la mettre en œuvre, ses contingences, ses effets, ses règles et principes. En parallèle, il nous semble indispensable que les alternatives alimentaires et mouvements sociaux luttant pour une justice sociale et environnementale s’emparent de l’idée pour la confronter aux réalités de terrain et aux contraintes institutionnelles et politiques. Cette proposition est un premier pas pour une transition démocratique, écologique et sociale de nos systèmes alimentaires, à la base d’une plus grande résilience. Elle doit encore mûrir, s’affiner, s’orienter, et être accompagnée de propositions complémentaires ambitieuses. Face aux désastres sociaux et environnementaux provoqués par le système alimentaire industriel et globalisé, il est plus que temps d’apporter une réponse systémique à la hauteur des enjeux.

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1 Voir par exemple le projet Falcoop : http://falcoop.ulb.be/

2 www.pouruneautrepac.eu

3 Par exemple Les Ami.e.s de la Confédération paysanne (2019) et le sociologue et économiste Bernard Friot (Là-bas si j’y suis, 2019).

4 La part du budget d’un ménage dédié à l’alimentation était de 13,5 % en Belgique en 2016, soit 382€ par mois et par ménage (2,3 personnes) en moyenne (Statbel, 2017). Mais il faut envisager qu’avec des prix plus rémunérateurs pour les producteurs·trices, les dépenses alimentaires pourraient augmenter.

5 En additionnant les dépenses des régimes « employé·e·s », « indépendant·e·s » et « soins de santé » (SPF Stratégie et Appui, 2017).

6 Un parallèle peut être fait avec les médecins conventionnés par l’assurance maladie.

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