Il règne comme un malaise voire une tétanisation dans la pensée de gauche contemporaine concernant la manière de « penser » l’international depuis le début de cette décennie. Si les années 2000 ont été celles des luttes, justifiées, contre les interventions américaines au Moyen-Orient, les années 2010 ont vu l’émergence de contre-discours parfois violents à l’égard des événements secouant diverses régions du globe. Les révolutions arabes sont les premiers exemples qui viennent à l’esprit pour illustrer cette posture critique radicale. À ceux-ci doivent être ajoutés les autres zones de conflits en cours comme en Ukraine, en Bolivie ou au Venezuela, pour ne citer que les plus emblématiques.

Que dit cette lecture critique ? Son approche est assez simple. La cause des différents conflits actuels est imputable aux actes des puissances occidentales, États-Unis en tête, dont le seul objectif est celui de la déstabilisation d’États souverains essentiellement dans une logique de contrôle des ressources, surtout énergétiques. Un agenda caché organiserait ces déstabilisations qui orienteraient la politique étrangère américaine depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Longtemps marginale, cette conception d’un monde dominé par un « État profond » (deep state) américain dominant le monde occupe aujourd’hui un espace de plus en plus grand dans la lecture internationale portée par les mouvements de gauche ainsi que par certains partis ayant le vent en poupe. Du PTB en Belgique à La France Insoumise en France, en passant par le parti travailliste au Royaume-Uni, cette posture promeut directement ou implicitement une tendance au complotisme, une lecture déterministe des relations internationales et une approche qui refuse la complexité pour lui préférer, pour reprendre l’historien français Marc Bloch, un « idole des origines[1] ».

Le choix pourrait être fait de laisser ces postures de côté et de les considérer comme des simplismes ne valant pas la peine d’être débattu. Ce serait cependant nier leur propagation dans un espace public en quête de réponses à ses questions sur la marche du monde voire le sens de l’histoire. Ce serait aussi refuser de prendre conscience du danger de ces approches. Cette instrumentalisation des enjeux internationaux dans une logique politique fait le lit des extrémismes divers qui jouent sur les peurs et les ressentiments. Si la politique étrangère américaine en particulier et occidentale en général a prouvé, à de nombreuses reprises, qu’elle était productrice de déstabilisations diverses, en faire la seule responsable des conflits actuels sert des intérêts politiques qui n’ont souvent que faire des populations concernées. Cet essor d’une lecture critique de gauche que l’on pourrait qualifier de « radicale-simpliste » met enfin en évidence le délabrement dans lequel se trouve la pensée critique progressiste des relations internationales. Un dépoussiérage et un renouvellement dans le chef de cette dernière devient indispensable au regard des crises futures en devenir, qu’elles soient sociales, économiques, politiques ou environnementales.

Si un renouvellement de la pensée critique doit se réaliser, il doit toutefois d’abord se faire à partir de la déconstruction de la pensée radicale-simpliste. Les piliers sur lesquels cette dernière s’établit sont d’autant plus solides qu’ils reposent sur des concepts et notions issues de la lutte contre les instruments de dominations. L’anti-impérialisme est une référence régulièrement utilisée. Né au début du XXème siècle sous la plume de personnalités comme Lénine, Trotsky ou Rosa Luxemburg, l’anti-impérialisme permet de dénoncer la main-mise d’un acteur international, souvent un État, sur un autre. Hannah Arendt en a affiné les aspects autour d’un acteur animé par des pratiques comme celle du militarisme sans fin, du racisme, de l’expansion territoriale illimitée, de la colonisation de peuplement et de l’exploitation, de la bureaucratie et du massacre administratif avec, enfin, une négation radicale des libertés démocratiques au cœur de la métropole elle-même[2]. L’anti-impérialisme a longtemps servi d’instrument de dénonciation des rapports dominants-dominés dans la lutte anti-coloniale.

Lorsqu’elle est atteinte, la victoire contre les forces impérialistes ne peut se maintenir sans un autre instrument : celui de la souveraineté. Dans un système international marqué par des rapports de force violents, seul un État pleinement maître de ses moyens peut éviter le retour d’une domination extérieure. La non-ingérence devient un principe à défendre au nom de la liberté des États. Cette conception se réalise dans une promotion de l’anti-système que l’on retrouve au sein des mouvements de gauche, se basant notamment sur les différentes interventions occidentales ayant fait s’effondrer des pouvoirs suivant leurs intérêts, durant la Guerre Froide.

L’anti-impérialisme et la souveraineté permettent l’organisation des luttes à mener, en s’appuyant notamment sur la notion de « peuple(s) » à défendre ici et là-bas. C’est précisément là que s’organise la grande force du discours radical, en parvenant à lier conflits locaux et globaux. L’universalité des droits, que l’on retrouve dans la matrice des luttes de la gauche, permet de s’engager dans la défense d’un peuple global, un « Un », menacé par les intérêts de diverses couches dominantes qui se fondent au sein du capitalisme. Appliqué en tant que théorie des relations internationales, cette vision marxiste et néo-marxiste après les années septante propose une lecture des rapports de force internationaux à partir du concept gramscien d’hégémonie et de l’approche du système-monde de Wallerstein. La domination mondiale, assurée par l’État bourgeois occidental, se réalise via une fonction d’encadrement de l’exploitation, qui est avant tout économique. La mondialisation a permis l’expansion sans contrainte de cette domination, au sein duquel les États bourgeois disposent, le cas échéant, de la contrainte armée pour assurer l’ordre.

Cette lecture critique connaît une profonde remise en question à la fin du XXème siècle. Elle n’est d’ailleurs pas la seule. Avec l’effondrement de l’URSS et la fin de la Guerre Froide, les intellectuels des relations internationales, tant de gauche comme de droite, se sont retrouvés déboussolés. Face à la transformation de l’ordre du monde, une reconversion idéologique s’est réalisée à droite. L’avènement du néo-conservatisme permis une nouvelle raison d’être, soutenue notamment par le discours civilisationnel proposé par Huttington[3]. Concrétisée par la « guerre à la terreur » et l’intervention de 2003 en Irak, cette lecture a mis à mal de nombreux principes progressistes, dont celui de la défense des droits de l’homme. De son côté, la lecture néomarxiste, déconsidérée, n’a plus guère trouvée de soutien dans les mouvements de gauche traditionnels, englué dans le délitement de la sociale-démocratie. La perte de légitimité en interne du discours de la gauche classique a aussi entraîné sa dévalorisation sur son approche externe des rapports de force. Le monde militant ayant horreur du vide, ce manque fut comblé via le nouvel horizon des luttes incarnés par de nouveaux mouvements de lutte, comme le bolivarisme, parvenant à susciter l’inspiration grâce à la double dimension de son combat, à la fois localiste (par les intérêts défendus) et globale (par la vision affichée)[4]. Cependant, cette demande d’engagement et de lecture du monde fut instrumentalisée par divers acteurs poursuivant leurs intérêts avant ceux prônés par leurs discours.

C’est que l’horizon des luttes s’aveugla progressivement par la haine porté à l’égard des États-Unis, au regard des profonds dégâts réalisés par l’administration Bush après 2001. Face au radicalisme du bloc néo-conservateur, un autre radicalisme aussi fort se devait d’émerger, jouant finalement le même jeu mais avec d’autres mots. Face au déterminisme des civilisations, le déterminisme des dominations matérialistes représentait une alternative puissante. Cette posture a finit par donner un caractère positiviste à l’analyse des sujets et des objets internationaux dépossédant ces derniers de leurs caractéristiques propres. Pire, la compréhension de cette déshérence de la gauche par des acteurs cherchant avant tout à démobiliser et à entretenir la confusion au nom de leurs intérêts a permis à cette lecture faussée du monde d’accroître son occupation de l’espace public.

Les piliers du discours radical du XXème ont ainsi fait leur retour en force non plus au service des communautés humaines mais des acteurs de domination. Alors outil critique pertinent, l’anti-impérialisme n’est désormais plus considéré que sous un seul angle anti-occidental. Poussé à son paroxysme, il verse dans une critique du monde qui profite à des acteurs instrumentalisant ces luttes. Quand ce n’est pas un aveuglement sciemment admis par certains mouvements anti-impérialistes[5] . Monocausale, cette réflexion s’inscrit dans une lecture univoque des crises et des conflits, avec une incapacité d’imaginer une multiplicité d’oppresseurs. Un anti-impérialisme de connivence voit le jour, récupéré par les héritiers du camp soviétique ou par les tenants de systèmes autoritaires utilisant l’anti-impérialisme comme discours leur permettant de se maintenir leur pouvoir. C’est dans ce cadre que les « droits de l’homme » ne sont plus présentés que comme les droits de la société bourgeoise, c’est-à-dire de l’homme égoïste et comme un instrument d’ingérence occidental insoutenable.

De son côté, la lecture souverainiste finit par défendre un droit absolu, organisateur de violences. Une vision stato-centrée des conflits en ressort, impliquant une lecture verticale des conflits, au sein de laquelle chaque acteur est forcément rattaché à entité étatique. La capacité politique est finalement retirée aux citoyens tandis que les mécanismes les plus simples de solidarité entre les peuples sont gommés par le retour des frontières. Le résultat en est la fin de la distinction entre violence légitime des États et violences aveugles, condamnables. Les systèmes autoritaires en sortent avec un blanc-seing qu’ils parviennent facilement à instrumentaliser en fonction du rapport de forces entre les acteurs internationaux. Le peuple est éjecté de la scène, la reconnaissance internationale lui étant refusée. Seuls lui ouvrent les bras les mouvements violents, parvenant à jouer des frustrations et des ressentiments. L’affaiblissement de la norme internationale en devient une autre conséquence servant les intérêts de ces systèmes autoritaires.

Si l’anti-impérialisme reste une référence utile dans la dénonciation des entreprises opportunistes d’acteurs internationaux, son usage en est devenu fondamentalement politique. Sa lecture en est devenue essentialiste, échouant à comprendre l’impérialisme en tant que relation et processus impliquant différents acteurs, à différents degrés. Cette lecture rejette également la réalité de révolutions démocratiques portées par des mouvements de travailleurs et d’activistes défendant les droits des minorités. Or, l’impérialisme pose moins la question de celui qui détient l’hègémon, à savoir l’acteur le plus puissant que celui de l’arkhè, à savoir ceux qui commandent de manière auto-instituée, sans aucun égard pour le consentement.

Une négation de l’autre à la fois en tant qu’humain et en tant qu’acteur politique se retrouve donc dans ces discours. Les communautés politiques existantes sont décrédibilisées au motif de leur pseudo-instrumentalisation. En Syrie, les expériences révolutionnaires locales ne sont guère perçues comme des innovations ou des moyens d’affirmations des populations mais plutôt comme des expériences à relativiser. Dans d’autres espaces, comme au Venezuela ou en Libye, les expériences révolutionnaires sont délégitimées au profit d’un postulat géopolitique, considérant que les populations ne sont que des pions manipulés et manipulables. Ailleurs, les mobilisations sont perçues d’une manière suspicieuse, comme en Bolivie. L’idée d’une société autonome n’est guère validée que dans les moments et les espaces qui arrangent le mieux les contemplateurs de l’ordre international. Le droit de participer à une communauté politique agissante n’est reconnu que dans les quelques cas où cette communauté politique s’inscrit dans les valeurs définie par la gauche radicale. Pour le reste, à partir du moment où ces communautés autonomes s’écartent du modèle étatique et géopolitique à défendre, la capacité du politique qui leur était reconnue est finalement discréditée avant d’être supprimée. Comment comprendre autrement le soutien accordé au forces kurdes du Rojava, correspondant à « l’idéal de gauche » et la critique des révolutionnaires syriens autonomes, perçus comme des forces djihadistes ou favorisant l’avènement du djihadisme ? Cette capacité politique, quoi qu’il arrive, sera toujours reconnue aux Kurdes tandis que les révolutionnaires anti-Assad seront constamment confrontés à l’impossibilité d’en retrouver une. Cette gauche, finalement néo-conservatrice, devient productrice d’un révolutionnaire « modèle » qui n’a plus rien de subversif.

L’analyse des rapports de forces en ressort faussée, à partir de référents anachroniques et dont la viabilité n’est plus pertinente au XXIème siècle. Ces rapports de « forces mortes » ne conçoivent pas que dans les systèmes autoritaires, la société militaire est devenue une composante autonome à l’intérieur de la société ; ni que pour ces sociétés militaires autonomes, la guerre contre des civils, intégrant l’idée de destruction en totalité d’une société, n’est plus perçue comme une limite à ne pas franchir. Castoriadis définissait ce stade comme celui de la stratocratie, à savoir le moment où une société se décompose dans l’investissement guerrier. Le sens global est décimé par la recherche indéfinie de la guerre, la société devient littéralement cynique[6]. Ce n’est plus seulement la concentration du capital qui détermine les rivalités et les conflits des groupes dominants. À cette concentration doit être ajoutée la concentration du pouvoir qui catalyse les frustrations à l’intérieur des groupes dominants ainsi qu’entre dominants et dominés. Il n’existe ainsi aucune différence de nature entre les différents acteurs étatiques. Seules les formes varient selon l’intensité de ces concentrations exercées. La puissance de domination des structures concentrant ces pouvoirs s’accentue grâce à l’altération de la conscience des populations, via le retour en force de la propagande et des manipulations des esprits devenus faussement critiques. L’aliénation des couches sociales réalisée dans les systèmes autoritaires finit par être exportée dans les systèmes non-autoritaires au non d’une pseudo-émancipation qui ne propose rien d’autre qu’asservissement à des puissances extérieures. Présentes en Russie, en Chine, au Venezuela, etc., ces stratocraties assurent leur domination via la mobilisation constante des sphères sociales autour d’un ennemi omniprésent, omnipotent et déterminé. La lutte contre l’impérialisme est devenu, au final, un outil utile à cette domination, détourné de sa valeur et de son sens critiques.

Si l’approche des relations internationales de la gauche se place sous l’horizon des luttes sociales et politiques à gagner, alors la dimension portée par la gauche radicale actuelle échoue à soutenir correctement ses luttes, quand elle ne se fourvoie pas dans une approche conservatrice des dominations. Ce que les pseudos-impérialistes refusent ainsi de voir, c’est que sans la démocratie, le capitalisme est encore plus violent. Les structures autoritaires, à l’image de la Russie, de la Chine ou de la Syrie, appliquent un capitalisme dans sa forme la plus radicale, supprimant toute possibilité de contestation au sein d’une économie de marché complètement dérégulée.

Au final, la gauche radicale-simpliste a opéré un transfert, au niveau international, de son discours interne se basant sur les clivages entre peuple/élites et sur la privation de libertés. La frontière entre politique intérieure et extérieure s’en est retrouvée brouillée par une obligation de prolonger ici les luttes de là-bas, dans une pseudo-solidarité se basant sur une vision des masses confondues avec les États. La lecture des conflits est devenue globale, déniant l’autonomie de toute autre lutte sociale et politique ayant lieu dans le monde. La lecture de l’histoire est bloquée dans une vision dialectique, déterministe, dans un combat finalement orwellien qui oppose depuis un temps indéfini l’Occident impérialiste capitaliste au reste du monde. La solidarité ressort comme une solidarité politique, qui s’impose à un sujet dont le propre chemin de l’histoire est occulté voire nié. Peu importe, dans ce cas, le contexte spatial et temporel dans lequel une lutte émerge.

Que faire, dès lors ?

Si l’international offre aux mouvements populistes de gauche une mise en scène leur permettant avant tout d’occuper la politique interne par d’autres moyens, il n’en reste pas moins qu’une lecture du monde prétendument alternative est proposée.

La première démarche critique pour renverser cet état des choses serait d’abord ontologique : qu’est-ce-que encore que « la gauche » ? « La gauche est en crise » pourrait-on résumer. La sociale-démocratie, tétanisée, a laissé un vide que la gauche radicale a tôt fait d’occuper. Entreprenant une lecture idéologique du monde, cette gauche radicale a versé dans une attitude régressive ouvrant la voie à la barbarie. La valeur des victimes diffère selon les espaces analysés avant tout suivant le rapport de force politique. Où réside encore la capacité critique au moment où la lecture du monde s’enferme dans une indignation à sens unique ? Mais passé ce constat, quel projet critique proposer ?

S’il fallait se positionner, une première démarche serait de différencier la gauche progressiste de la gauche conservatrice, finalement proche du fascisme naïf. La dénonciation continue des déviances, travers et manipulations de la lecture radicale-simpliste doit être maintenue, afin de casser le monopole du discours alternatif et faire émerger un autre récit dans la lecture du monde.

Une autre étape serait la redéfinition du sens d’un des principaux éléments des relations internationales : la notion de puissance et les mécanismes de domination. La capacité d’agir sur le monde et de le transformer ne dépend plus de la seule volonté étatique, ou n’est plus du seul contrôle des États. La puissance peut aujourd’hui s’affirmer en-dehors de l’État voire même contre l’État. L’analyse des mécanismes de domination et d’hégémonie permet de mettre en évidence l’évolution des structures politiques qui aujourd’hui agissent sur les relations internationales. Cette lecture critique ne représente pas non plus un blanc-seing à l’égard de la lecture marxiste. Si la question des inégalités reste centrale, il est simpliste de considérer la domination uniquement à l’intérieur de rapports productifs ou économiques. Comme le montre Castoriadis, l’exploitation se réalise aussi bien par le marché que par l’État. La question de la dignité, et pas seulement économique, devient un élément pesant sur les devenirs des sociétés. Comme l’ont montré les révolutions de 2011 et les récents soulèvements en Algérie et au Soudan, cette « capacité » des populations à entrer dans le jeu politique devient un élément dont il faut se soucier, au nom des solidarités entre les peuples. Le passage d’une société hétéronome à une société autonome ne peut être mis sous un couvercle selon le principe égoïste que les objectifs des populations ne nous agréent pas. Face à l’identitaire qui devient la forme dominante actuelle, entretenant et créant les crises et les violences nécessaires à sa croissance, une meilleure articulation entre politique de reconnaissance et politique de redistribution doit se mettre en place[7].

Il s’agira également de ne plus refuser le débat sur la notion de peuple et sur sa souveraineté à défendre. Cependant, au-delà des contours forcément limitants que sont la nationalité et l’identité, le critère de l’humanité pourrait être poussé comme nouveau référent à défendre. Entre la conception nativiste de droite et anti-élite de la gauche, une autre approche doit être définie permettant de repenser l’organisation des luttes sociales et politiques. Bref, appréhender le monde suivant de « Nouveaux problèmes », de « nouvelles approches » et de « nouveaux sujets » pour reprendre les titres des volumes de Faire de l’histoire, de Pierre Nora et Jacques Le Goff. L’héritage de la pensée décoloniale peut aider à changer de cadre, en proposant une autocritique radicale de l’Occident sans nier le rôle joué par les subalternes en tant qu’acteur politique. De nouvelles normes internationales doivent en sortir, réinventant le pacifisme et réactualisant des droits de l’Homme aujourd’hui attaqués de toute part.

La voie de la reconceptualisation est longue et semée d’embûches. La gauche progressiste doit déjà comprendre que la marche du monde tend vers un recentrage national-populiste. Au-delà des poncifs sur un nouvel ordre global basé sur les principes de solidarité, de nouvelles formes d’action internationale devront être dégagées. Sans cette lucidité, cette tentative de proposer un nouveau récit ne pourra être qu’un échec.

 

 

[1]Marc Bloch, Apologie pour l’Histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 2018, p. 22s.

[2]Hannah Arendt, Origines du totalitarisme, Paris, Gallimard, 2002.

[3]Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2005.

[4]Delphine Allès, « L’international, horizon commun et lieu de différenciation », in Le retour des populismes. L’état du monde en 2019, B. Badie et D. Vidal (dir.), Paris, La Découverte, 2018, p. 130.

[5]Rohini Hensman, Indefensible. Democracy, counter-revolution, and the rhetoric of anti-imperialism, Haymarket Books, Chicago, 2018, p. 11s.

[6]Christophe Premat, Guerre et démocratie dans la pensée politique de Cornélius Castoriadis, Sens public, 5 septembre 2010, [en ligne], http://sens-public.org/article771.html.

[7]Nancy Fraser, « La justice mondiale et le renouveau de la tradition de la théorie critique, entretien avec Alfredo Gomez-Müller et Gabriel Rockhill », in Penser à gauche. Figures de la pensée critique aujourd’hui, Paris, Éditions Amsterdam, 2011, p. 248

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