Ce n’est désormais plus un secret, les inégalités économiques sont de retour, et elles atteignent des sommets. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elles sont très toxiques pour les sociétés…

Le problème des inégalités économiques est devenu incontournable. En septembre 2011, le mouvement Occupy Wall Street (« nous sommes les 99 % ») braquait le feu des projecteurs sur les quelques 1 % de privilégiés qui possédaient près de la moitiédes richesses mondiales (alors que la moitié de la population en détient moins de 1 %[[STIERLI, M.et al.Global Wealth Report 2014. Credit Suisse AG Research Institute, 2014.]]).

Dans cet article, nous tentons d’aborder le thème des inégalités avec un certain recul historique. Pour cela, nous partons de l’étude scientifique« de la NASA »[En réalité, l’étude a été partiellement financée par la NASA et cette dernière a publié un communiqué indiquant qu’elle ne cautionnait pas l’article ou ses conclusions, comme c’est toujours le cas avec les études indépendantes. Voir[www.nasa.gov/press/2014/march/nasa-statement-on-sustainability-study/#.VIwE1ovQPTN

]]qui a fait un buzz médiatique lors de sa publication début 2014 car elle annonçait—selon les propos exagérés de certains journalistes— « la fin très proche de la civilisation ». Après avoir décrit brièvement cette étude prospective, nous la commentons à la lumière de récents travaux sur les inégalités.

Et si les inégalités provoquaient des effondrements de civilisation ?

Développé par uneéquipe multidisciplinaire composée d’un mathématicien, d’un sociologue et d’un écologue, le modèle HANDY (Human and Nature Dynamics) simule les dynamiques démographiques d’une civilisation fictive soumise à des contraintes biophysiques [[MOTESHARREI, S.et al. Human and nature dynamics (HANDY): Modeling inequality and use of resources in the collapse or sustainability of societies.Ecological Economics. 2014. Vol. 101, pp. 90102.

]]. C’est une expérience scientifique qui vise à mieux comprendre les phénomènes d’effondrement observés par le passé et à explorer les changements qui permettraient de l’éviter dans le futur. L’originalité de ce nouveau modèle réside dans le fait qu’il intègre le paramètre des inégalités économiques.

HANDY est construit sur base d’un système d’équations conçues dans les années 1920 par les mathématiciens Alfred Lokta et Vito Volterra, utilisées fréquemment en écologie pour décrire les interactions entre les populations de prédateurs et de proies. De manière schématique, lorsque les proies pullulent, la population de prédateurs prospère et fait chuterle nombre de proies, ce qui fait s’effondrer la population de prédateurs. Le cycle redémarre puisqu’en présence de peu de prédateurs, les proies se remettent à pulluler. On obtient ainsi à long terme une sorte de «battement» de croissances et de déclins, deux sinusoïdes de populations.

Dans le modèle HANDY, le prédateur est la population humaine et la proie est son environnement. Mais à la différence des poissons ou des loups, les humains possèdent cette capacité à s’extirper d’un monde malthusien où les limites des ressources dictent la taille maximale de la population. Grâce à leur capacité à créer des groupes sociaux organisés, à utiliser la technique et au fait de pouvoir produire et garder des surplus, les humains ne subissent pas systématiquement de déclin de population au moindre épuisement d’une ressource naturelle. Ainsi, deux paramètres supplémentaires ont été introduits dans les équations pour apporter plus de réalisme au modèle : la quantité globale de richesses accumulées et la répartition de celles-ci entre une petite caste d’« élites» et une plus grande de «commoners» (le peuple).

Trois groupes de scénarios ont été explorés. Le premier (A) prend pour hypothèse de départ une société égalitaire dans laquelle il n’y a pas d’élites (élites = 0). Le deuxième (B) explore une société équitable où il y a une caste d’élite mais où les revenus du travail sont distribués équitablement entre cette caste de non-travailleurs et les travailleurs. Enfin, le troisième (C) explore les possibilités d’une société inégalitaire où les élites s’accaparent les richesses au détriment des commoners.

Avant de lancer la simulation, les chercheurs font varier les taux de consommation des ressources de chaque société virtuelle, générant ainsi quatre types de scénarios allant du plus soutenable au plus brutal : 1. une lente approche des populations vers un équilibre entre population et environnement ; 2. une approche perturbée montrant un mouvement oscillatoire avant un équilibre ; 3. des cycles de croissances et d’effondrements ; et 4. une croissance forte suivie d’un effondrement irréversible.

Dans une société égalitaire sans castes (A), lorsque le taux de consommation n’est pas exagéré, la société atteint unéquilibre (scénario 1 & 2). Lorsque ce taux augmente, la société subi des cycles de croissance et de déclin (3). Et enfin, lorsque la consommation est soutenue, la population croît avant de s’effondrer de manière irréversible (4). Cette première série de résultats montre qu’indépendamment des inégalités, le taux de« prédation »d’une société sur les ressources naturelles est à lui-seul un facteur d’effondrement.

Ajoutons maintenant le paramètre des inégalités. Dans une société « équitable », c’est-à-dire avec un partie de la population qui ne travaille pas et une majorité qui travaille, mais où les richesses sont bien réparties (B), un scénario d’équilibre peut être atteint uniquement si le niveau de consommation est faible et si la croissance est très lente. Lorsque la consommation et la croissance s’accélèrent, la société peut facilement basculer sur les trois autres scénarios (perturbations, cycles de déclins, ou effondrement).

Dans une société inégalitaire où les élites s’accaparent les richesses (C), ce qui semble plutôt correspondre à la réalité de notre monde, le modèle indique que l’effondrement est difficilement évitable, quel que soit le taux de consommation. Cependant, il y a une subtilité. A un faible taux de consommation global, comme on peut s’y attendre, la caste des élites se met à croitre et accapare une grande quantité de ressources au détriment des commoners. Ces derniers, affaiblis par la misère et la faim, ne sont plus capables de fournir suffisamment de puissance de travail pour maintenir la société en place, ce qui mène à son déclin. Ce n’est donc pas l’épuisement des ressources, mais l’épuisement du peuple qui cause l’effondrement d’une société inégalitaire relativement sobre en consommation de ressources. Autrement dit, la population disparait plus vite que la nature. Le cas des Mayas, où la nature a récupéré après l’effondrement des populations, s’apparenterait à ce type de dynamique. Ainsi, même si une société est globalement « soutenable », la surconsommation d’une petite élite mêne irrémédiablementàson déclin.

Dans le cas d’une société inégalitaire qui consomme beaucoup de ressources, le résultat est le même, mais la dynamique est inverse : la nature s’épuise plus vite que le peuple, ce qui rend l’effondrement rapide et irréversible. Selon les chercheurs, c’est typiquement le cas de l’île de Pâques ou de la Mésopotamie, où l’environnement est resté épuisé même après la disparition des civilisations.

De manière générale, HANDY tend à montrer qu’une forte stratification sociale rend difficilement évitable un effondrement de civilisation. La seule manière d’éviter cette issue serait donc de réduire les inégalités économiques au sein d’une population et de mettre en place des mesures qui visent à maintenir la démographie en dessous d’un niveau critique.

Cette expérimentation est une tentative originale de modélisation d’un comportement complexe à l’aide d’une structure mathématique relativement simple. Simpliste, même, puisqu’on ne modélise pas le monde en quatre équations. Cependant, ce travail constitue un outil heuristique important, voire un avertissement qu’on aurait tort de balayer d’un revers de main.

Dans son livre Comment les riches détruisent la planète [[KEMPF, H.Comment les riches détruisent la planète. Seuil, 2009.]], Hervé Kempf avait également montré les rapports étroits qu’entretenaient les inégalités et la consommation. En effet, l’augmentation des disparités économiques provoque une accélération globale de la consommation par un phénomène sociologique appelé consommation ostentatoire, et décrit pour la première fois pas le sociologue Thorstein Veblen. Chaque classe sociale a tendance à tout faire (et en particulier consommer) pour ressembler à la classe sociale qui se trouve juste au-dessus. Les pauvres s’efforcent de ressembler aux classes moyennes, ces dernières veulent revêtir les attributs des riches, qui eux font tout pour montrer qu’ils font partie des« hyper-riches ». Ce phénomène est si puissant que la consommation peut devenir, dans les sociétés riches, inséparable de la construction de l’identité personnelle. Coincée dans un modèle de compétition, la société sombre dans cette spirale infernale de consommation et d’épuisement des ressources.

HANDY est d’autant plus pertinent que notre société montre aujourd’hui tous les symptômes de la société inégalitaire fortement consommatrice de ressources décrite dans le modèle. En effet, depuis les années1980, les inégalités ont littéralement explosé. Pour les nantis, c’est l’accumulation phénoménale de richesses, pour les plus pauvres, des conditions de vie toujours plus précaires, et pour les classes moyennes, un niveau de vie qui stagne, voire qui baisse.

La corrosion de la société

De nombreux travaux abondent dans ce sens, à l’instar de ceux du lauréat du «prix Nobel» d’économie Joseph Stiglitz [[STIGLITZ, J. Le prix de l’inégalité.Les Liens qui libèrent. 2012.

]]ou de l’économiste superstar Thomas Piketty [[PIKETTY, T.Le Capital au XXIème Siècle.Seuil, 2013.

]]. La littérature académique s’est également étoffée sur le sujet. En 2012, le nombre d’articles traitant de la problématique a augmentéde 25 % par rapport à 2011 et de 234 % par rapport à 2004 [[NAIM, M. Piketty, le bon essai au bon moment.Slate.fr. 3 mai 2014. http://www.slate.fr/story/87419/thomas-piketty [Consulté le 11 décembre 2014].

]]. En mai 2014, la prestigieuse revue Science a même consacré un numéro spécial à la « science des inégalités »[[CHIN,G. & CULOTTA, E.. Introduction to the special issue. The science if inequality : What the numbers tell us.Science. 2014. Vol. 344, n° 6186, pp. 818821.

]]. Des figures marquantes comme le Pape François ou Barack Obama ont dénoncé publiquement cette réalité en les qualifiants de fléaux modernes [[AFP.Première rencontre entre Obama et le pape François unis dans la lutte contre les inégalités. 27mars 2014. http://www.lepoint.fr/monde/premiere-rencontre-entre-obama-et-le-pape-francois-unis-dans-la-lutte-contre-les-inegalites-27-03-2014-1806197_24.php [Consulté le 10 décembre 2014].]].

Le problème est que les inégalités économiques sont toxiques pour les démocraties. Selon Stiglitz, elles découragent l’innovation, érodent la confiance des populations et empêchent « l’ascenseur social » de fonctionner. Lentement mais sûrement, en favorisant les écarts de revenus faramineux, les Etats-Unis s’éloignent de leur rêve américain, celui d’une société de la classe moyenne où chacun aurait sa chance…Les disparités économiques renforcent un sentiment de frustration qui sape la confiance des populations envers le monde politique et ses institutions. « La démocratie elle-même se trouve mise en danger. Le système semble avoir remplacéle principeune personne, une voixpar la règleun dollar, une voix[] Labstention progresse, renforçant encore la mainmise des plus riches (qui eux votent) sur le fonctionnement des pouvoirs publics ».[[STIGLITZ, J. 2012. pXXX.]]

Les inégalités sont aussi toxiques pour la santé. Les sentiments d’angoisse, de frustration, de colère et d’injustice de ceux qui voient cet horizon d’abondance leuréchapper, ont un impact considérable sur les taux de criminalité, l’espérance de vie, les maladies psychiatriques, la mortalité infantile, la consommation d’alcool, lestaux d’obésité, les résultats scolaires ou la violence des sociétés. Ce constat est remarquablement décrit, documentéet chiffré par les épidémiologistes Richard Wilkinson et Kate Pickett dans leur best-seller Pourquoi l’égalitéest meilleure pour tous[[WILKINSON, R. & PICKETT, K. Pourquoil’égalitéest meilleure pour tous, Les Petits matins / Institut Veblen, 2013. 500 p.]].En comparant les données de 23 pays industrialisés (données de l’ONU et de la banque mondiale), ils découvrent que de nombreux indices de santé d’un pays se dégradent non pas lorsque son PIB chute, mais lorsque le niveau d’inégalités économiques augmente[[Défini comme la différence de revenus entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres]].

Nous savons très bien—depuis peu—que la richesse globale d’une société industrielle (mesurée par le PIB) ne fait pas le bonheur ni la bonne santéde sa population[[CASSIERS, I..Redéfinir la prospéritépour un débat public. Editions de l’Aube, 2011, 282 p.]]. Nous savons désormais, grâce à ces travaux, que la santé d’un pays dépend du niveau d’égalité des revenus entre ses habitants. Autrement dit, non seulement l’inégalité économique est toxique pour une société, mais l’égalité est bonne pour tous, même pour les riches ![SERVIGNE, P.. Interview de Richard Wilkinson« L’égalité est bénéfique pour tous, même pour les riches ».Imagine demain le Monde. janvier 2014. N° 101, pp. 2829 ; SERVIGNE, P.. L’inégalité économique, un agent socialement toxique.Barricade asbl. 2010. Analyses.[http://www.barricade.be/publications/analyses-etudes/inegalite-economique-un-agent-socialement-toxique]]

Les inégalités génèrent aussi de l’instabilité économique et politique. Les deux crises les plus importantes du XXème siècle—la grande dépression de 1929 et le crash boursier de 2008—ont toutes deux été précédées d’une forte augmentation des inégalités. Selon le journaliste économique et financier Stewart Lansley, la concentration du capital dans les mains d’une petite caste d’élites mène non seulement à la déflation mais aussi à des bulles spéculatives, c’est-à-dire à la diminution de la résilience économique et donc à des risques amplifiés d’effondrement financier[[LANSLEY, S.The Cost of Inequality: Three Decades of the Super-Rich and the Economy. Gibson Square Books Ltd, 2011.]].Les chocs à répétions érodent la confiance et surtout la croissance du PIB, ce que ne fait qu’augmenter les disparités entre classes. Pire, les inégalités économiques sont également amplifiées par les effets néfastes du changement climatique, qui frappent plus durement les populations et les pays les plus pauvres[[FIELD, C B et al. Climate change2014: impacts, adaptation, and vulnerability.Contribution of Working Group II to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). 2014.]]. Cette spirale négative des inégalités ne mène finalement qu’à l’autodestruction.

Pourquoi ne fait-on rien ?

On peut s’étendre indéfiniment sur les causes des inégalités, tant elles sont complexes et nombreuses. Pour Joseph Stiglitz, les causes sont surtout politiques et institutionnelles. Dans son livre Le prix de linégalité, il dénonce la pression exercée par des oligarques pour fixer les règles du jeu à leur propre avantage en influençant directement les politiques publiques.

Pour l’économiste Thomas Piketty, c’est la structure même du capitalisme, son ADN, qui favorise l’accroissement des inégalités. Dans une grande analyse historique basée sur les archives fiscales disponibles depuis le XVIIIème siècle, lui et son équipe battent en brèche l’idée reçue que les revenus générés par la croissance du PIB bénéficient à l’ensemble de la population d’un pays. En réalité, le patrimoine se concentre inexorablement entre les mains d’une petite caste de rentiers, lorsque le rendement du capital (r) est plus élevé que la croissance économique (g). C’est tout simplement mécanique. La seule manière d’éviter cet écueil est mettre en place des institutions nationales et internationales puissantes qui redistribuent équitablement les revenus. Mais pour que de tels sursauts démocratiques émergent, il faut des conditions extraordinaires. Or, au cours du siècle dernier,ces conditions n’ont pu être réunies qu’après les catastrophes des deux guerres mondiales et de la grande dépression des années 30. Il faut que le monde de la finance soit à genoux, suffisamment affaibli, pour qu’on puisse lui imposer un contrôle par des institutions puissantes. Et c’est d’autant plus difficile que ces institutions ont prospéré grâce aux fortes périodes de croissances qui ont suivi les conflits (reconstruction oblige), une conjoncture que nous ne trouvons plus aujourd’hui.

Considéré sous cet angle, les trente glorieuses sont une« aberration historique »[[Voir MARSHALL, E.. Tax man’s gloomy message: the rich will get richer.Science.23 mai 2014. Vol. 344, n° 6186, pp. 826827.]], car tout au long du XIXème siècle et au début du XXième siècle,« les patrimoines hérités »ont dominé « les patrimoines constitués »[[ALLÈGRE, G. et TIMBEAU, X..La critique du capital au XXIe siècle:àla recherche des fondements macroéconomiques des inégalités. Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE), 2014. http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2014-06.pdf [Consulté le 11 décembre 2014].]]. Depuis les années 1980, le retour des inégalités serait donc…un retour à la normale ! Aux Etats-Unis, par exemple, le niveau d’inégalités a récemment atteint celui de 1929[[SAEZ, E. et ZUCMAN, G.Wealth Inequality in the United States since 1913: Evidence from Capitalized Income Tax Data. Working Paper. National Bureau of Economic Research, 2014.http://www.nber.org/papers/w20625 [Consulté le 11 décembre 2014].]].

Le plus troublant dans cette histoire est d’observer l’inexorable retour des inégalités malgré les preuves de ses effets corrosifs sur les sociétés, et malgré les leçons de l’Histoire. Serait-ce un destin inexorable ? Serions-nous condamnés à attendre la prochaine guerre ou à défaut, un effondrement de civilisation ? Pourquoi les élites ne font-elles rien alors qu’il est évident qu’elles souffriront également de ces deux issues catastrophiques ?

Pour répondre à cette question, revenons un instant au modèle HANDY. Il est particulièrement intéressant de noter que dans les deux scénarios d’effondrement des sociétés inégalitaires (famine des commoners ou effondrement de la nature), les élites, parés de leur richesse, ne souffrent pas immédiatement des premiers effets du déclin. Elles ne ressentent les effets des catastrophes que bien après la majoritéde la population ou bien après lesdestructions irréversibles desécosystèmes, c’est-à-dire trop tard.« Ceteffet tamponde la richesse permetàl’élite de continuer unbusiness as usualen dépit des catastrophes imminentes. »[[MOTESHARREI, S.et al. 2014, p.100]].

De plus, pendant que certains membres de la société tirent la sonnette d’alarme indiquant que le système se dirige vers un effondrement imminent et donc préconisent des changements de sociétéstructurels, les élites et leurs partisans sont aveuglés par la longue trajectoire apparemment soutenable qui précède uneffondrement, et la prennent comme une excuse pour ne rien faire.

Ces deux mécanismes (l’effet tampon de richesses et l’excuse d’un passéd’abondance), ajoutés aux innombrables causes de verrouillage qui empêchent les transitions« socio-techniques » d’avoir lieu[SERVIGNE, P. & STEVENS, R. Alors,ça vient ? Pourquoi la transition se fait attendre.Barricade, 2014. Disponible sur[www.barricade.be]], expliqueraient pourquoi les effondrements observés dans l’histoire ont été permis par des élites qui semblaient ne pas prendre conscience de la trajectoire catastrophique de leur société. Selon les développeurs du modèle HANDY, dans le cas de l’empire Romains et des Mayas, cela est particulièrement évident.

Aujourd’hui, alors qu’une majorité de pays pauvres et une majorité d’habitants des pays riches souffrent des niveaux exubérants d’inégalités et de la destruction de leurs conditions de vie,des cris d’alarme toujours plus perçants s’élèvent régulièrement dans le ciel médiatique. Mais ceux que cela dérangent s’insurgent contre le catastrophisme, d’autres tirent sur les porteurs de mauvaises nouvelles, et personne n’en prend vraiment acte. Or, depuis les années 1970 —et le fameux rapport Meadows— jusqu’au dernier rapport du GIEC, en passant par les documents de synthèse du WWF, de l’ONU ou de la FAO, le message est sensiblement le même, à un détail près, les verbes ne sont plus conjugués au futur, mais au présent.

Share This