Que veut-on dire lorsque l’on parle de « faire tourner la planche à billets » ? Cette expression désigne la création de monnaie par une Banque centrale. Aujourd’hui, les Banques centrales (BC) créent la « monnaie centrale ». Cette monnaie reste sur les comptes des banques commerciales auprès des BC. Elle joue le rôle de réserves obligatoires, dont le montant est déterminé par les BC, et sert à la compensation des paiements entre les banques . Une autre forme de monnaie centrale est constituée des billets et les pièces émises par les BC.

Ce sont les banques privées qui créent la monnaie courante utilisée. En effet, celles-ci créent de la monnaie en octroyant du crédit, ces crédits génèrent à leur tour des dépôts. Pour éviter que les banques privées ne créent de la monnaie en surabondance, elles sont obligées de détenir de la monnaie centrale dans une certaine proportion (variant en fonction du taux de réserves obligatoires) sous forme de réserves.

En créant la monnaie centrale à la disposition des banques commerciales, la BC joue bien un rôle dans la création monétaire, mais elle n’est pas pour autant l’émettrice de la monnaie existante (à l’exception des pièces et billets), celle que l’on trouve sur les comptes courants des clients. La monnaie relève donc d’un processus de création propre aux banques commerciales, et sans ce processus cette monnaie n’existerait pas. La BC peut influer sur la masse monétaire globale en modulant son offre de monnaie centrale.

Créer de la monnaie est très facile pour une banque commerciale, car cette opération se limite à un simple jeu d’écriture. La comptabilité d’une banque se décompose en un actif et un passif.

 l’actif est ce qu’on doit à la banque, ce sont des « actifs financiers », des titres de créance, de la monnaie que la banque a prêtée et qui lui rapporte des intérêts.

 le passif est ce que la banque doit à ses déposants, la monnaie qu’on lui a confiée et qui est inscrite sur les comptes de dépôt.

Que se passe-t-il quand une banque prête 5.000 € à un emprunteur ?

 L’opération crée un titre de créance de 5.000 €, comptabilisé en actif pour la banque.

 Ces 5000 € sont inscrits sur le compte de l’emprunteur, comptabilisés au passif de la banque.

Au final, on peut constater que la banque inscrit la même somme à son actif et à son passif, et que sa comptabilité reste équilibrée. Y compris si la banque ne possédait pas ces 5.000 € au préalable, et a profité de l’opération pour les créer. La masse monétaire est donc un flux et non un stock, puisqu’à mesure que les crédits sont remboursés la monnaie est détruite. Ce sont les renouvellements des crédits qui déterminent l’ampleur de la masse monétaire.

Cette création monétaire est parfois appelée “création ex nihilo”, c’est à dire création à partir de rien. Cette qualification repose sur le fait que la monnaie ainsi prêtée à l’emprunteur n’existait pas au préalable.

Divers économistes ont mis en évidence le lien entre masse monétaire et inflation. Aux 19e et 20e, lorsque la politique monétaire était encore balbutiante les désordres monétaires et l’inflation étaient un sujet de préoccupation importante. C’est à Irving Fisher que l’on doit la théorie quantitative de la monnaie (TQM): MV = PT (Avec M = stock de monnaie en circulation, P = niveau des prix, V = vitesse de circulation de la monnaie et T = volume des transactions). On traduit donc MV = flux de monnaie dépensé, et PT = valeur nominale des paiements (transactions). Sous certaines hypothèses particulières (plein emploi des facteurs de production, donc T fixé ; habitudes de paiements stables, donc V fixé ; T indépendant de M), on obtient que les variations de prix sont proportionnelles aux variations de la masse monétaire. Si la BC décide d’augmenter la masse monétaire de 5%, les prix devraient augmenter également de 5%. L’équation de Fisher est à la base du monétarisme remis au goût du jour et affiné par Milton Friedman . Ce courant de pensée affirme que l’inflation est partout et toujours un phénomène monétaire (à long terme). Il est le fondement de l’idée actuelle que faire tourner la planche à billets serait le pire de maux, car cela génère de l’inflation.

Des économistes tels que John Kenneth Galbraith (qui a été en charge du contrôle des prix durant la seconde guerre mondiale aux États-Unis) ont étudié la relation entre croissance, inflation et monnaie au cours de l’histoire. Galbraith a montré que les milliers de banques américaines qui émettaient de la monnaie de manière non coordonnée, avant l’introduction du dollar américain, ont permis de générer une croissance inégalée de l’économie .

La Grande Dépression des années 1930 a eu un impact considérable sur l’évolution de la pensée économique et des diverses théories. De nombreux économistes de l’époque se sont attachés à comprendre les causes et les origines de la déflation, qui est une baisse généralisée et continue des prix des biens de consommation. Il s’agit d’un danger bien plus grand encore que l’inflation. Irving Fisher, à qui l’on doit la TQM, a publié en 1932 la Théorie des grandes dépressions par la dette et la déflation qui décrit en 9 étapes successives le mécanisme de déflation cumulative. L’origine de cette spirale déflationniste se trouve dans l’endettement excessif des agents économiques ou dans tout autre choc qui conduit à une baisse de la demande agrégée. Pour se désendetter, ceux-ci réduisent leurs dépenses et les banques réduisent l’offre de crédit (on a donc une contraction de la masse monétaire).

Comme les ménages réduisent leurs dépenses et thésaurisent, les prix commencent à baisser. La baisse des prix entraine une augmentation de la valeur réelle des dettes, ce qui les rend difficilement remboursables .
(…)

Share This