Un texte de Francisco Padilla, chercheur-associé à Etopia et conseiller politique à Ecolo

Introduction

Les événements qui ont secoué les marchés financiers depuis deux semaines
marqueront sans aucun doute les annales de l’histoire économique contemporaine. Ils
représentent non seulement une aggravation de la crise financière qui sévit depuis la
mi-2007, mais ils constituent aussi un tournant significatif dont les implications se
feront vraisemblablement sentir pendant de longues années. On trouvera dans cette
analyse quelques premières leçons à tirer, des éléments de diagnostic et des ébauches de
propositions en matière de régulation des marchés financiers.

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1. Eléments de contexte et de diagnostic

Le séisme provoqué en juillet dernier par la nationalisation de facto des deux géants du marché hypothécaire américains Freddy Mac et Fannie Mae qui détiennent des actifs pour 1,8 trillions de dollars avait constitué un désaveu cinglant des analyses selon lesquelles le pire de la crise financière était passé. Comme l’affirme l’hebdomadaire The Economist, les faits survenus entretemps nous montrent que la crise financière est entrée dans une nouvelle phase extrêmement dangereuse, caractérisée par un très haut degré d’incertitude quant aux perspectives à venir.

Dix jours de graves turbulences dans les marchés boursiers mondiaux se sont soldés par le sauvetage in extremis par les pouvoirs publics américains du plus grand assureur mondial, American International Group dont les actifs étaient évalués quelques jours plus tôt à 1 trillion de dollars américains, ainsi que par la faillite et le rachat des troisième et quatrième banques d’affaires américaines, Lehman Brothers et Merrill Lynch, dont la valeur des actifs combinés est estimée à 1,5 trillions de dollars américains. Face à la gravité de la situation, qui est d’ores et déjà caractérisée par les analystes comme la plus grosse crise financière depuis 1929, le trésor américain a annoncé le jeudi 18 septembre dernier une vaste opération de sauvetage du secteur financier à hauteur de 700 milliards de dollars. C’est en pratique la plus grosse intervention étatique d’urgence économique en temps de paix de l’histoire. Ces 700 milliards de dollars représentent 5% du PIB américain ! Après une dizaine de jours d’intenses négociations entre l’exécutif et le législatif, un accord politique bipartisan sur le contenu de l’opération de sauvetage serait sur le point d’être trouvé au Congrès.

Sans pouvoir entrer ici dans les détails, le plan a pour objectif de stabiliser les marchés financiers par le biais du rachat par le trésor américain des actifs financiers « toxiques » issus de la titrisation, c’est-à-dire, toute une catégorie d’actifs émis par des entités financières hors bilan (shadow banking system, voir ci-dessous) en contrepartie des paquets de crédits hypothécaires à très haut risque (subprimes) qu’elles ont racheté aux sociétés de crédits hypothécaires. Ces actifs titrisés ou dérivés sont devenus pratiquement invendables depuis l’éclatement de la bulle immobilière américaine au milieu de l’année 2007 .

Une fois ce plan approuvé, le dilemme auquel sera confronté le trésor américain portera sur le prix d’achat de ces actifs toxiques. Si ces actifs sont achetés à des prix relativement proches des prix nominaux, cela reviendra à une pure opération de socialisation des coûts qui ne pourra qu’alourdir considérablement la dette publique fédérale américaine (qui est de l’ordre de 70% du PIB des USA) et aggravera le déficit des comptes courants américains qui tournait en septembre 2008 autour de 5% du PIB sur douze mois. Si en revanche, les prix d’achat sont relativement proches du prix de marché de ces actifs (qui dans certains cas sont proches de zéro), cela accentuera la contraction des liquidités et du crédit dans les marchés américains (credit crunch), exacerbant les tendances à la récession de l’économie américaine. Le dosage retenu se trouvera sans doute quelque part à mi chemin entre ces deux cas de figure et dépendra de l’évolution des fondamentaux ainsi que du degré de confiance insufflé au marché par l’opération de sauvetage dans les jours et semaines qui viennent.

Alors que la planète financière était en pleine digestion du choc des événements survenus aux USA, la crise s’est fortement intensifiée en Europe. La Belgique a été touchée de plein fouet par effet de contagion. Les rumeurs persistantes concernant les niveaux de liquidité (et donc les capacités honorer les engagements à court terme) et l’exposition aux actifs toxiques américains de nombreux groupes financiers européens –dont Dexia et Fortis- ont exacerbé la nervosité des marchés boursiers européens. Toute une série d’éléments indiquent que selon toute vraisemblance le secteur financier belge a fait l’objet d’attaques spéculatives prédatrices de grande intensité qui n’ont fait qu’exacerber la volatilité des marchés boursiers. Face à un risque systémique de plus en plus manifeste, les gouvernements du Benelux -et postérieurement de la France en ce qui concerne Dexia- ont déclenché deux opérations de sauvetage sans précédents.

Contrairement aux opérations de sauvetage menées par les pouvoirs publics intervenues au Royaume-Uni, les opérations de secours à l’intention de Dexia et de Fortis ont eu ceci de spécifique qu’elles ont été le résultat d’une concertation transfrontalière en étroite interaction avec la Banque Centrale Européenne et la Commission, mettant ainsi à l’épreuve les capacités des acteurs européens à faire face à une situation de crise transfrontalière. Ces opérations de sauvetage se soldent par des prises de participation et donc par la prise de contrôle et la nationalisation partielle de deux fleurons du secteur financier belge. Les autorités belges se sont empressées de signaler qu’il s’agit d’une situation temporaire, mais étant donné le degré d’incertitude qui pèse sur l’ensemble de l‘économie, force est de constater que ces recapitalisations de facto sont à durée indéterminées. Cela ne manque pas de soulever toute une série de questions et d’enjeux de grande importance sur lesquels nous reviendrons dans la dernière partie de cet article.

A ce stade, il est possible de dresser quelques remarques préliminaires :

1. Même si le trésor américain parvient à limiter dans une certaine mesure l’ampleur de la socialisation des coûts, le plan de sauvetage pose question du point de vue de la justice redistributive. Le coût de ce plan représente un montant du même ordre que les mesures de réduction d’impôts concédées par l’administration Bush au cours des huit dernières années. Or ces réductions ont surtout touché les couches les plus favorisées de la population, alors que les coûts de la crise seront davantage supportés par les classes moyennes qui payent proportionnellement plus d’impôts sur leur revenu que les déciles supérieurs. L’aggravation de l’endettement public entraînera vraisemblablement une contraction à terme des dépenses publiques qui affectera davantage les catégories de la population les plus vulnérables. La crise et les mesures mises en place pour y remédier –et surtout pour éviter une situation encore plus grave- déboucheront donc sur des externalités négatives de très grande ampleur. La logique du too big to fail est génératrice d’un aléa moral. L’État se porte au secours d’un secteur de l’économie qui a pris des risques considérables et irresponsables aux dépens de l’ensemble de la société. Il reste à voir dans quelle mesure les autorités seront en mesure -et auront la volonté politique- de mettre en place des mécanismes de contrôle et régulation autrement plus contraignants que ceux qui existent actuellement et d’impulser des politiques redistributives susceptibles d’équilibrer le partage du fardeau en fonction des responsabilités. Cette question ne manquera pas de se poser également en Europe –et plus particulièrement en Belgique- suite aux effets de contagion des marchés financiers européens et aux prises de participation en série et aux garanties octroyées par les pouvoirs publics dans les différents États membres (Northern Rock, Bradford & Bingley , HBOS, Fortis, Dexia, garanties aux dépôts des banques irlandaises, qui seront vraisemblablement suivies par plusieurs autres institutions européennes dans les semaines et mois à venir.)

2. Compte tenu du premier point et contrairement aux diagnostics triomphants de nombreux analystes qui voudraient voir dans la crise actuelle le crépuscule du capitalisme financier, ou du capitalisme tout court, ou encore, dans sa version « sarkozyste », une « moralisation » du capitalisme, la crise risque plutôt de déboucher sur l’approfondissement d’un certain nombre de tendances lourdes qui vont de pair avec la financiarisation de l’économie. Celle-ci pourrait déboucher sur une concentration oligopolistique accrue du secteur financier, une socialisation sans précédents des coûts comme cela a été le cas lors des autres grandes crises financières en Asie et en Amérique Latine et un affaiblissement des capacités financières et redistributives de l’État.

3. Se pose également la question de l’éligibilité des institutions financières européennes au plan de sauvetage américain. Il est à ce stade difficile de dire dans quelle mesure –et sous quelles conditions- les sociétés européennes implantées aux USA pourront bénéficier de ce plan. L’incertitude qui pèse en la matière ne va pas sans conséquences sur les marchés boursiers européens en proie à une très grande fébrilité et volatilité depuis l’éclatement de la crise financière.

4. La question sous-jacente qu’il y a lieu de se poser face à la crise actuelle est celle de la soutenabilité du paradigme de la financiarisation. Les exigences de retour des marchés financiers sont supérieures aux taux de croissance de l’économie depuis une vingtaine d’années. Cette tendance lourde de régulation par les taux de profit entraîne une modification de la répartition du PIB entre travail et capital à la faveur du capital. La pleine intégration des économies émergentes aux marchés mondiaux accentue cette tendance par la mise en concurrence de la main d’œuvre à l’échelle globale qui fait du coût du travail la variable d’ajustement par excellence des stratégies d’optimisation des sociétés anonymes internationales. Michel Aglietta a notamment mis en évidence le fait que ces exigences de retour débouchent à l’heure actuelle sur une difficulté croissante de l’économie réelle à répondre aux impératifs des marchés des capitaux. La croissance des salaires qui est restée inférieure à la croissance de la productivité dans la plupart des pays industrialisés et des économies émergentes n’est pas en mesure de stimuler durablement la demande des biens et services, ce qui intensifie les tendances à la suraccumulation. Les exigences de retour à court terme entraînent, par ailleurs, des défaillances du marché au niveau de l’allocation des ressources dans la mesure où des projets nécessitant des investissements à longue échéance et à rentabilité limitée susceptibles d’élargir et d’améliorer la base productive sont délaissés au bénéfice des placements spéculatifs à court terme plus lucratifs.

5. Les USA sont restés pendant une quinzaine d’années la locomotive de l’économie mondiale au prix de l’aggravation considérable et totalement insoutenable de ses déficits commerciaux et de sa balance courante . Cela se traduit par le fait que la consommation soutenue des ménages américains a été financée ces dernières années par le recours de plus en plus important à l’emprunt facilité par l’afflux massif des capitaux étrangers.

6. Dans un contexte où une masse considérable de capitaux étaient à la recherche de placements rentables, les marchés financiers ont suscité la création de toute une série d’innovations technologiques de gestion du risque et de contournement des dispositifs de régulation et de contrôle prudentiel. Depuis la moitié des années ’90, on a assisté à la démultiplication des entités de placements, véhicules et produits structurés hors bilan (shadow banking system, hedge funds, private equity ) qui empruntent à très court-terme et investissent dans des actifs financiers à plus longue maturité, ce qui entraîne des effets levier très significatifs. Ces entités et technologies ont permis aux marchés des capitaux de contourner les exigences imposées par les régulateurs aux banques commerciales en matière de capitaux propres et coefficients de réserves obligatoires, exacerbant la prise de risques et la vitesse de circulation de la masse monétaire. Les conflits d’intérêt générés par le rôle de juge et partie joué par les agences de notation, qui font en même temps l’analyse de risque et l’audit des institutions financières, ont été également très pernicieux. La facilité avec laquelle ces agences ont donné des notations très favorables (AAA) à des produits dérivés a fortement facilité les flux massifs des capitaux sur les marchés à haut risque. Tous ces processus conjugués ont entraîné une inflation sans précédents du prix des actifs financiers dont l’éclatement de la boule immobilière a sonné le glas.

Comme le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Joaquín Almunia, l’a affirmé ce mercredi 23 septembre en séance plénière du Parlement Européen, il existe à l’heure actuelle un très haut degré d’incertitude sur l’ampleur de l’impact de la crise financière sur l’économie réelle. D’autres déclarations plus alarmistes comme celles exprimées dans Le Monde par Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, invitent l’opinion publique à se préparer au pire… Dimanche 20 septembre dernier, l’économiste Nuriel Rubini de l’université de New-York, réputée mondialement par la qualité de ses analyses de prospective économique –et qui avait prédit dès 2006 dans une conférence du FMI l’éclatement de la boule immobilière, l’effondrement des subprimes et l’augmentation spectaculaire des prix des matières premières- a publié un article lapidaire dans le quotidien Financial Times. Les conclusions de son article sont saisissantes à plus d’un titre :

We are observing an accelerated run on the shadow banking system that is leading to its unravelling. If lender-of-last-resort support and deposit insurance are extended to more of its members, these institutions will have to be regulated like banks, to avoid moral hazard. Of course this severe financial crisis is also taking its toll on traditional banks: hundreds are insolvent and will have to close.
The real economic side of this financial crisis will be a severe US recession. Financial contagion, the strong euro, falling US imports, the bursting of European housing bubbles, high oil prices and a hawkish European Central Bank will lead to a recession in the eurozone, the UK and most advanced economies.
European financial institutions are at risk of sharp losses because of the toxic US securitised products sold to them; the massive increase in leverage following aggressive risk-taking and domestic securitisation; a severe liquidity crunch exacerbated by a dollar shortage and a credit crunch; the bursting of domestic housing bubbles; household and corporate defaults in the recession; losses hidden by regulatory forbearance; the exposure of Swedish, Austrian and Italian banks to the Baltic states, Iceland and southern Europe where housing and credit bubbles financed in foreign currency are leading to hard landings.
Thus the financial crisis of the century will also envelop European financial institutions.

En tout état de cause il est plus que vraisemblable que les dernières estimations en matière d’activité économique seront revues à la baisse. Ce vendredi 26 septembre, l’agence de notation Standard & Poor vient de revoir à la baisse les estimations économiques pour le vieux continent.

A la lumière des événements récents il y a lieu en tout cas de poser les interrogations suivantes :

1. La dégradation escomptée des finances publiques américaines exacerbe les risques de dégradation de la cotation de titres du trésor américain [5]. Si la cotation de la dette (actuellement AAA) est revue à la baisse, quelles seront les conséquences en matière de gestion de portefeuille pour les très nombreuses institutions publiques (notamment les banques centrales) et privées qui ont investi massivement dans les titres du trésor américain et qui se verraient obligées à dévaluer la valeur des actifs dans leurs bilans?

2. A l’instar de Nuriel Rubini, des nombreux analystes s’inquiètent fortement des reflux massifs (déjà en cours) des capitaux en dehors du shadow banking system, et plus particulièrement des hedge funds et des private equity d’ici la fin de l’année 2008. Quel sera l’impact escompté de ces mouvements pour les marchés des capitaux ?

3. De manière corollaire, quel serait l’impact pour les institutions financières européennes si d’autres tranches d’actifs financiers créés sur base de produits hypothécaires moins risqués, mais non dépourvus de risque tels que les actifs ARM (adjustable rate mortgage) et Alt-A [6] qui devraient arriver à maturité en 2009 s’avéraient insolvables suite notamment à la dégradation des perspectives en matière d’emploi aux USA?

4.Les sauvetages qui ont eu lieu dernièrement en Europe (Fortis, Dexia B&B) semblent confirmer la logique du too big to fail et font état d’une capacité de réaction rapide et concertée des acteurs publics européens dont on ne peut que se réjouir. Cependant, compte tenu des risques accrus d’éclatement des bulles immobilières en Europe et des autres risques systémiques conjugués, les dispositifs en vigueur au niveau de l’UE, y compris la mise en ouevre des règles de la concurrence, semblent mal adaptés pour répondre de manière cohérente et concertée à une situation où plusieurs institutions financières transfrontalières connaitraient des graves difficultés de manière plus ou moins simultanée. En effet, à l’heure où plusieurs institutions financières sont touchées de plein fouet dans différents pays de l’UE il y a lieu de constater que les réactions se font, à ce stade, en ordre dispersé. Or elles entraîneront des profonds changements dans le paysage financier européen avec la disparition ou démembrement de certains pôles et l’émergence de nouveaux oligopoles de grande envergure. Dans ces circonstances ne risque-t-on pas de se trouver devant une situation où le secteur financier européen se restructure de manière plutôt anarchique affaiblissant encore davantage les capacités de l’UE à répondre de manière concerté et cohérente à une éventuelle aggravation de la crise ?

2. Considérations prospectives en matière de régulation

1. Comme en témoignent les vifs débats qui ont eu lieu durant la dernière séance plénière du Parlement Européen, l’enjeu de la régulation financière se trouve au cœur de l’actualité politique européenne. Deux résolutions d’initiative législative adoptées mercredi au Parlement Européen obligent la Commission à présenter des propositions en matière de fonds alternatifs (hedge funds) et fonds capital-investissement (private equity).
Le groupe des verts au PE a déploré que les éléments les plus audacieux de la résolution aient été supprimés dans le but d’obtenir un accord politique avec la droite .
Parmi ces éléments on trouve les demandes suivantes :

 instauration d’une agence de supervision européenne des marchés financiers ;

 mise en place d’une agence de notation publique et indépendante ;

 mise en place d’une entité de certification des produits structurés ;

 mise en place d’un cadre européen pour l’enregistrement et l’autorisation des entités qui contrôlent les investissements des fonds alternatifs et fonds de capital-investissements ;

 instauration d’exigences en matière d’endettement des fonds capital-investissements et imposition de limites aux effets leviers pour les fonds alternatifs.

De manière complémentaire à ces propositions en matière de régulation et de transparence, ECOLO et les Verts européens portent depuis plusieurs années toute une série d’initiatives visant à reconnecter la sphère financière de l’économie avec l’économie réelle telles que la taxation des transactions de change et des transactions boursières et des initiatives législatives dans le domaine de l’encadrement des fonds de pension. Il s’avère également urgent de revoir les normes comptables internationales en vigueur (IFRS) qui obligent les institutions financières à évaluer leurs actifs –et donc à modifier leurs bilans- en fonction de la valeur de marché (fair value), ce qui ne manque pas d’entraîner des forts effets pro-cycliques qui s’avèrent à l’heure actuelle néfastes.

Parallèlement à l’injonction reçue par la Commission de la part du PE en ce qui concerne ces fonds, l’agenda législatif de la Commission prévoit deux initiatives importantes en la matière :

 Paquet « supervision financière ». Ce paquet vise à renforcer les normes existantes en matière de coordination de la supervision financière au sein de l’UE et à définir un cadre réglementaire portant sur les agences de notation (divulgation de la communication attendue pour octobre 2008). Ce paquet en codécision sera accompagné d’une proposition de révision de la directive du PE et du Conseil sur les exigences en matière de capitaux propres des entreprises du secteur financier.

 Une proposition de révision de la directive du Conseil sur la fiscalité de l’épargne. Plusieurs sources annoncent une proposition de révision imminente de cette directive de 2003 de manière à étendre son champ d’application aux personnes morales et aux autres sources de revenus financiers. Cependant, cette révision ne figure pas dans la dernière version du programme d’adoption d’initiatives législatives de la Commission pour le dernier trimestre de 2008. Il est vraisemblable qu’elle fera l’objet d’une proposition durant le premier trimestre 2009.

2. Un deuxième axe propositionnel concerne l’enjeu systémique de l’allocation du crédit. Le recours actuel aux plans de sauvetage des pouvoirs publics pour empêcher certaines institutions financières privées de sombrer ne doit pas être considéré sous l’angle exclusif de la socialisation escomptée des coûts. Les formes de contrôle qui découlent des prises de participation et des autres mécanismes de soutien ouvrent également des nouvelles perspectives. Ils pourraient constituer des véritables leviers pour faciliter la transition écologique et la socialisation des bénéfices par une politique de réallocation durable et citoyenne du crédit. Si l’un des objectif à poursuivre par les écologistes est celui du rééquilibrage du rapport capital-travail et la réallocation du crédit de manière à assurer un soutien à des projets de développement durable, à retour modéré et nécessitant des niveaux importants et stables d’investissements, il s’avère alors judicieux de prôner un nouveau cadre réglementaire. Ce cadre viserait à moduler les coûts des refinancements des agents financiers en difficulté en fonction des risques encourus et surtout à canaliser le crédit vers des projets à haute valeur ajoutée en termes de durabilité sociale et environnementale. Cet immense chantier s’avérera d’autant plus urgent et incontournable que la crise prendra de l’ampleur et que les institutions financières auront recours aux instruments de sauvegarde créés par les pouvoirs publics.

L’enjeu est énorme et doit être soulevé très rapidement. La prise de participation des États du Benelux à Fortis et de la Belgique et la France à Dexia pourraient être considérés comme des aides d’État par la Commission européenne. La présence de la commissaire à la concurrence Nelly Kroes à la réunion de crise de dimanche 28 septembre dans le cadre des négociations sur l’opération de sauvetage de Fortis porte cependant à croire que si aide d’État il y a, elle ne sera pas considérée comme une aide illégale. La Commissaire a elle même déclaré dimanche que “s’il y a un élément d’aide d’État, nous considérerons cela comme une question d’urgence”. Si la CE estime qu’il s’agit d’une aide d’État, il faudra alors voir de quelle manière cette prise de participation sera notifiée ex-post par la Belgique et ses voisins. Soit elle sera notifiée comme une aide au sauvetage, auquel cas elle ne pourra être accordée que pour six mois, soit elle sera notifiée comme une aide à la restructuration, ce qui implique que la Belgique devra soumettre un plan de restructuration à la Commission sujet à son approbation.
Dans ces circonstances la manière dont la CE va considérer ces prises de participation, et de manière corollaire, le type de notification qui serait présenté par la Belgique dans le cas où cette participation serait considérée comme une aide d’État revêt la plus haute importance si l’on vise à saisir ce levier comme un vecteur de socialisation des bénéfices et d’allocation durable du crédit.

3. A plus court terme, il apparaît opportun de faire des propositions spécifiques dans le domaine des salaires des patrons et gestionnaires de fonds. Les formes de rémunération en fonction des résultats des entreprises assorties de parachutes dorés récompensent les prises de risque.

Notes

 Pour une analyse rigoureuse et à chaud des mécanismes de la crise des subprimes, je renvoie ici à l’article de John Kiff et Paul Mills, « Money for Nothing and Checks for free : Recent Developments in US Subprime Mortgage Markets », Working Paper du FMI, juillet 2007.

 Voir notamment son article, Repenser la régulation financière publié dans la revue Savoir-Agir n° 4 de juillet 2008.

 Le stock de dette extérieure nette des USA est d’environ 2,5 trillions de dollars.

 Ces fonds sont privés en ce sens qu’ils ne sont pas listés dans des archives publiques et dérivent leur capitaux d’investisseurs –qui font des placements à court ou moyen terme- en dehors des marchés de capitaux publics. Ce caractère privé leur permet de contourner les normes de régulation qui prévalent pour les fonds publics en matière de transparence et de fonds propres. Les fonds capital-investissement permettent de lancer des nouvelles affaires, d’élargir des affaires existantes ou de prendre le contrôle de firmes existantes. Les fonds alternatifs font des placements hautement spéculatifs et tentent d’exploiter les inefficiences des marchés financiers. Parmi les investisseurs qui placent de l’argent dans ces fonds on trouve des fonds de pensions, des fonds mutuels et des assureurs. Ce qui veut dire que des nombreux travailleurs et pensionnés sont indirectement exposés aux risques inhérents à ces fonds. Une autre caractéristique cruciale de ces fonds a trait au fait qu’ils ne payent guère de taxes puisque leur siège social est en règle générale enregistré dans des paradis fiscaux.

 L’intégralité de l’article est disponible à l’adresse : http://www.rgemonitor.com/roubini-monitor/253696/the_shadow_banking_system_is_unravelling_roubini_column_in_the_financial_times_such_demise_confirmed_by_morgan_and_goldman_now_being_converted_into_banks

 Il est à cet égard intéressant de lire à titre rétrospectif l’article publié en avril dernier dans le journal Le Figaro. L’article porte sur l’éventualité que la dette américaine soit « downgradée » et sur les conséquences catastrophiques d’une telle situation : http://www.lefigaro.fr/economie/2008/04/15/04001-20080415ARTFIG00590-les-etats-unis-menacespar-la-dette-.php

 Ces actifs titrisés ont pour collatéral des crédits hypothécaires donnés à des ménages réputés solvables, mais pour lesquels des crédits ont été octroyés sans vérification préalable des moyens effectifs de remboursement des créances.

 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A6-2008-0338&language=FR&mode=XML

 Voir le communiqué de presse du groupe des verts au PE à l’adresse : http://www.greens-efa.org/cms/pressreleases/dok/250/250749.rapport_rasmussen_crise_financire@fr.htm

 Voir proposition de loi d’ECOLO en la matière : http://www.senat.be/www/?MIval=/index_senate&MENUID=12200&LANG=fr

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