Christine Mahy

Christine Mahy est secrétaire général du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, observatrice, négociatrice et militante tout terrain de la justice sociale et des droits fondamentaux des plus pauvres de notre société.

Etopia: Nous faisons face à une crise sanitaire majeure qui engendre, directement ou via les mesures politiques adoptées, des conséquences sociales importantes. Au regard de ce qui nous arrive, qu’est ce qui pour vous s’éclaire ou apparaît dans notre société et dont on pourrait éventuellement tirer des leçons pour le futur?

Christine Mahy: En effet, je trouve que c’est une période très particulière, très bousculante, avec une facette angoissante, insécurisante et on se demande comment tout cela va tourner ou va finir. En même temps, et paradoxalement, c’est une période unique où se révèlent toute une série de choses qui étaient tenues invisibles depuis longtemps. Certaines choses sont entendues et écoutées alors qu’avant la crise elles étaient inaudibles ou mises sur le côté. Plusieurs éléments me viennent à l’esprit en ce sens:

Le premier, c’est que cette crise a ceci de bouleversant : elle ramène au sens de la vie puisque c’est une question de vie ou de mort. Ce virus atteint invariablement tout le monde, quelles que soient les conditions socioéconomiques, les lieux de vie, qu’on vive en ville ou à la campagne, etc. Je pense que c’est déjà un élément qui doit être utilisé dans le bon sens du terme, c’est à dire qui est de nature à nous questionner sur l’existence à titre individuel mais aussi l’existence de la collectivité, le sens de l’existence des ressources et de ce qu’on appelle des métiers essentiels. Évidemment, si on est atteint par le virus et qu’on était dans la pauvreté avec une maladie chronique aggravée, on aura plus de risques. Mais on voit aussi des gens en pleine forme que ce virus a touché. On se trouve face à ce phénomène de peur généralisée qui est propice à questionner les valeurs et qui est peut être propice à questionner une plus grande diversité de catégories de population qui, auparavant, n’y aurait pas pensé. Il y a des gens qui sont bousculés dans leurs fondements… Alors, je ne suis pas naïve et je sais que les dominants de la finance vont probablement où ont déjà commencé à recycler la crise. Mais on est dans une temporalité où je trouve qu’il y a une diversité de gens qui parlent un peu autrement. C’est un point qui compte.

Un deuxième point qui compte, c’est le fait que l’épidémie révèle à la loupe les inégalités sociales, les disparités sociales, le non réglé social, le non considéré suffisamment par l’État, par les décideurs, etc. Pourquoi? Parce que comme il faut soigner, qu’il faut isoler et qu’il faut confiner pour des raisons sanitaires, il faut s’intéresser à tout le monde et à tout le monde à égalité. Cela oblige à ouvrir les yeux sur les conditions variables d’existence. Depuis que je travaille, je n’avais jamais vu un révélateur aussi puissant. Il y a peut-être des gens qui ne veulent pas encore voir mais il faut alors vraiment être de mauvaise foi parce qu’il est clair que vivre le confinement dans du logement social, dans une tour à Liège, à Charleroi, à Bruxelles ou dans d’autres villes, dans des petits appartements avec des cloisons où on entend ce qui se passe chez le voisin, avec des cages d’escalier où on ne sait pas se croiser, sans espace vert voire sans balcon, c’est extrêmement différent que de le vivre quand on a un petit jardin et qu’on peut sortir de chez soi. C’est aussi extrêmement différent quand on vit en ruralité. Les inégalités sont flagrantes et criantes. Il faut aussi voir le sort des migrants ou des SDF face au confinement, voir où ils vivent. Quelle est la réalité du danger dans leur tête, puisque ce sont des gens qu’on laisse en danger dans notre pays en permanence? En quoi est ce que ce virus est véritablement plus dangereux que les conditions dans lesquelles on les a laissés jusque là ? Il faut parler de tout cela.

Quand on parle des familles monoparentales qui vont avoir les enfants toute la journée à la maison, on est aussi confronté à des situations d’inégalités. Parce que forcément, les inégalités générées dans le monde scolaire, les enfants les emportent avec eux. Et donc, comment on vit l’école à la maison lorsqu’il faut faire l’école à la maison? Les enfants nantis auront plus d’opportunités, même dans la vie à la maison, à travers toutes sortes d’outils comme des livres, des jeux, des relations, des Skype avec de la famille, des parents qui partageront peut-être avec eux ces moments de jeux, etc. Tandis que l’enfant moins nanti devra se débrouiller avec ce qu’il a chez lui. Il y a une maman qui me disait ne pas avoir de matériel de bricolage chez elle, juste des feuilles, un paquet de marqueurs et rien d’autre : « Je dois faire avec… ». Cet élément, c’est le révélateur de l’abandon dans lequel on a laissé une série de gens à travers les disparités et les inégalités sociales.

“Et donc, il y a de nouveau un effet loupe qui permet de reconnaître qu’il y a des métiers essentiels, très importants, qui touchent à la vie, qui touchent aux relations sociales, qui touchent aux liens de proximité, qui aident à rompre l’isolement et qu’on mettait en danger encore juste avant la crise en voulant fragiliser leur statut.”

Le troisième élément, c’est évidemment celui qui apparaît le plus évident à la population. Ce sont tous ces métiers qui sauvent des vies, depuis l’infirmière jusqu’à la personne qui nettoie, jusqu’au monsieur qui transporte le matériel médical, jusqu’à celui qui répare les machines des hôpitaux. C’est tout ce personnel qui venait aussi à domicile et qui, aujourd’hui, ne peut plus y aller que ce soit auprès des personnes âgées ou pour aller nettoyer, les aides familiales, etc. Ce sont toutes ces femmes qui gardaient des enfants à la maison et qui se retrouvent aujourd’hui avec un salaire pour certaines réduit à néant suivant le statut qu’elles avaient. Et donc, il y a de nouveau un effet loupe qui permet de reconnaître qu’il y a des métiers essentiels, très importants, qui touchent à la vie, qui touchent aux relations sociales, qui touchent aux liens de proximité, qui aident à rompre l’isolement et qu’on mettait en danger encore juste avant la crise en voulant fragiliser leur statut.

Et puis il ne faut pas oublier le monde de la culture, des artistes qui n’ont pas de statut. Il n’y a pas de reconnaissance du monde de la création aujourd’hui et voilà que le monde de la création nous apparaît comme un espace où des personnes faisaient des choses, produisaient des choses, généraient de l’argent, pouvaient en vivre, créaient des flux financiers, etc.

Enfin, on découvre aussi la déstructuration du champ du travail. Aujourd’hui, heureusement, les gouvernements ont pris des mesures par rapport aux travailleurs salariés et aux indépendants. Il y a le chômage temporaire amélioré. Cela étant, déjà rien que dans le chômage temporaire, on voit la disparité. La multitude des gens en temps partiel contraint beaucoup de personnes, notamment des femmes qui avec 70 % d’un temps partiel contraint ne peuvent pas tenir longtemps. On voit aussi que plein de travailleurs n’ont pas d’épargne et donc pas de matelas pour faire face à cette situation. On perçoit la déstructuration du travail à travers les contrats ambigus, les flexi-jobs, les heures ALE, le travail à la journée, le travail à l’heure, etc. Face à cela, que fait-on dans un moment comme celui-ci? Sans oublier les migrants, les sans-papiers qui travaillaient au noir et qui n’ont plus rien du jour au lendemain. Je trouve que comme analyse macro, c’est assez extraordinaire. Après, comment fait on un cercle vertueux de tout ça? Comment en tire-t’on une bonne analyse pour qu’on n’en reste pas au constat et à l’émotion? Et comment est ce qu’on ramène ça dans le champ d’une culture Politique au sens grand « P » du terme avec la population, pour entraîner un mouvement qui engage à se dire « qu’est ce qu’il faut pour la société de demain » ?

Q. Au regard de ces éclairages et de ce que cette crise révèle et renforce comme inégalités, avez-vous l’impression que ces enjeux sont pris en compte pour l’instant ? De quelle façon?

C’est une question difficile. Ce n’est pas tout blanc ou noir. Je pense que dans un premier temps, les acteurs en charge de décider par rapport à cette crise n’étaient pas conscients de ces inégalités à ce point là et qu’il fallait prendre ces disparités en compte. Des positions généralistes ont été prises et puis tout s’est focalisé sur la question de l’économie, des entreprises, des indépendants, des travailleurs. À juste titre, je ne critique pas le fait qu’il faille du soutien aux entrepreneurs et aux indépendants, souvent précaires. Mais le discours a été assez vite accaparé par ça. L’angle était que l’économie était en danger, qu’il y allait y avoir des faillites. Il a fallu la réactivité de certains acteurs, dont le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, pour interpeller le Gouvernement wallon, par exemple, et lui dire « attention aux effets d’aubaine » ainsi qu’insister sur les autres milieux sociaux. Les ménages et la population sont aussi un allié de l’organisation de la société. Ce sont aussi des personnes à prendre en considération. Ces milieux aussi font partie de l’économie. Si leurs revenus s’effondrent, qu’est ce qui va se passer pour l’ensemble de la collectivité et aussi pour l’économie? C’est systémique. On a donc pu mettre une task force en place qui s’appelle « Urgence sociale en Wallonie » comprenant des rendez vous entre l’ensemble des cabinets ministériels et l’associatif et où on met sur la table toutes les questions qui se posent au sujet des ménages, depuis les plus vulnérables jusqu’à ceux qui sont sur le fil, etc. Le tout pour essayer de prendre des mesures compensatoires momentanées, le temps du Covid. Cela permet précisément d’identifier les problèmes qui existaient déjà avant et donc de les visibiliser.

Ce que je découvre et qui est très intéressant, c’est que la crise nous fait vivre une réalité de travail que je n’ai jamais connu avant avec le gouvernement wallon. On a travaillé à un plan de lutte contre la pauvreté la législature précédente mais jamais dans ce rythme là. Cette relation permanente entre l’administration, les cabinets et l’associatif, je ne l’avais jamais connue et je la trouve extrêmement intéressante. Il est utile d’avoir ces acteurs là ensemble autour de la table. Par exemple, dans la mise en place du numéro 1718. Au début, il y avait l’idée de créer un nouveau numéro. Nous avons posé la question de l’intérêt de ce nouveau numéro vert alors que nous avons déjà le 1718 à disposition et qu’il est connu. Nous avons donc demandé à le faire évoluer et l’ouvrir à l’urgence sociale. Après, on a dû mener le combat au niveau du fédéral. Nous avons souhaité une task force mais elle est beaucoup plus déconnectée. L’associatif est d’un côté et le politique, de l’autre, il y a pas de connexion entre les deux. En outre, le message au niveau du fédéral est centré essentiellement sur un retour à l’économie classique le plus vite possible, parce qu’il faut renouer avec la croissance du PIB, etc. Et donc, l’ouverture ne se fait pas vers les nouveaux indicateurs de bien être social ou environnementaux. On doit faire un gros travail, rappeler qu’il faut remettre les ménages au centre et insister sur le fait qu’ils comptent autant que les investisseurs, que les indépendants, etc.

Mais je pense que si l’organisation de l’État se met au service de cette bonne volonté de faire société ensemble, on a les ingrédients pour s’en sortir.

Le fait que tout le monde soit concerné et que la peur incite chacun.e à se questionner sur ses valeurs, suscite donc de la créativité et de l’innovation, y compris dans les relations entre le politique et l’associatif. Peut-on dire que cette crise présente aussi des opportunités dont il faut se saisir pour construire « l’après » ?

Oui, j’en vois plein, à condition de se mettre au service de ces opportunités. La première opportunité serait de réexpliquer à la population ce que c’est l’État. On voit que sans intervention de l’État, c’est compliqué. On peut bien entendu critiquer l’État et dire qu’il s’y est pris à l’envers mais on a besoin de l’intervention de l’État. Je me rends compte que lorsqu’il y a de la colère, les gens balancent tout ce qui vient de l’État. Mais à côté de ça, cette crise permet de dire que l’État, c’est la Sécurité sociale, que l’État, ce sont les allocations de chômage avec le chômage temporaire, etc. Que l’État, c’est aussi la part de dialogue avec les syndicats pour voir comment améliorer les choses. L’État, c’est encore les subventions que nous recevons parce qu’il nous reconnaît comme compétents. Donc, je trouve qu’il y a une opportunité extraordinaire d’essayer de redonner du sens à l’État pour plus d’État et mieux d’État.

“je trouve qu’il y a une opportunité extraordinaire

d’essayer de redonner du sens à l’État pour plus d’État et mieux d’État.”

Je pense qu’on est aussi devant une opportunité pour réfléchir au rapport au travail. Je suis quelqu’un qui croit au travail, à la nécessité de travailler et pas seulement pour vivre, pour pouvoir contribuer à partir des compétences que chaque personne a, de ce que nous savons faire dans les limites qui sont les nôtres. Je ne veux plus croire au modèle de travail que nous avons aujourd’hui et qui contraint les gens, qui les place dans de mauvaises conditions de travail avec de mauvais revenus, sans services organisés autour pour les enfants, avec un déséquilibre complet entre vie privée et vie professionnelle, etc.

On a l’opportunité de questionner cela justement parce qu’on ré-identifie de quoi nous avons besoin dans cette société pour vivre ensemble. Beaucoup de travailleurs souhaiteraient un emploi à la fois plus détendu et qui leur permet de vivre. Mais il faut que nous nous demandions comment avancer là dessus sans qu’il y ait un blocage chez ces travailleurs. Ceux qui travaillent dans l’aviation ne souhaitent pas spontanément une réduction des avions car ils ne souhaitent pas perdre leur emploi. Il faut les comprendre, évidemment. Donc on a besoin d’anticiper beaucoup plus pour pouvoir y arriver. Je trouve que cette crise l’impose et le nécessite.

L’autre opportunité, c’est l’inventivité et la créativité à tous les niveaux de notre société. On voit des citoyens aujourd’hui qui inventent dans l’aide sociale directe, comme on voit des citoyens qui inventent dans les technologies les plus élaborées. Je pense qu’on est une société pleine d’invention. Mais ce que je trouve intéressant ici, c’est qu’en ce moment, même si ce sont les scientifiques qui sont mis en avant, on voit qu’on a aussi besoin de techniciens avec le scientifique. C’est un moment qui remet les pendules à l’heure. Je pense qu’on est en train de voir un peu plus encore que les gens ont des potentialités qui peuvent être en phase et utiles à la société et que ça peut créer des métiers et des revenus.

On entend parler des personnes qui nettoient ou qui lessivent les vêtements des infirmières : cela fait combien d’années que nous n’avions plus vu cela dans nos médias de façon régulière, en montrant que ces gens sont importants, que leur métier est sérieux, que pour le moment ils prennent des risques en le pratiquant, etc ? On a maintenant de l’empathie. Tant mieux si cela remet ces personnes au centre. Mais il faut aussi remettre au centre leur statut, leurs revenus et leur considération dans la société.

Ce qu’on voit, c’est que cette mondialisation débridée qui nous fait aller acheter des produits au bout du monde, qui sont produits dans des conditions probablement indécentes, ça nous remet un peu les pendules à l’heure. Je ne suis pas de celles qui disent qu’il faut fermer les frontières. Je ne suis pas dans le protectionnisme et le repli sur soi. Il faut des frontières raisonnables, avec une qualité de travail, avec un arrêt des spéculations incessantes et indécentes. Mais pour cela, évidemment, il faut mettre à la barre des acteurs qui ne vont pas recycler instantanément cette crise au service du capitalisme.

On a, peut être de façon simplifiée, trois scénarios possibles devant nous. Un scénario avec les acteurs dominants qui vont très vite reprendre les choses comme avant. Un scénario qui serait celui du nationalisme et du populisme. Et puis le troisième scénario autour d’une transition plus juste, d’une relocalisation partielle de l’économie, etc. Si on espère que ce dernier puisse se déployer, quelles seraient les mesures prioritaires, politiques ou peut être collectives, à mettre en place dès que possible ?

C’est une question compliquée. Il faut parler fiscalité et fortune. Cela s’imposait avant la crise, cela s’impose toujours aujourd’hui. Il faut absolument trouver la manière d’aller vers une fiscalité plus juste, notamment des contributions de ceux qui ont plus de ressources et de voir comment utiliser cette fiscalité, etc.

Autre élément : un renforcement élargi de la Sécurité sociale. Je pense que la Sécurité sociale est un joyau. Peut être qu’il faut l’actualiser en certains endroits, pas pour reculer mais parce qu’il y a des choses nouvelles à y faire entrer. J’ai déjà défendu l’idée qu’il faut faire financer en partie par la Sécurité sociale le fait de faire manger des repas sains à tous les enfants jusqu’à l’âge de 12 ans. Parce que c’est extrêmement préventif en termes de santé. On pourrait développer tout ça. Pourquoi est ce que cela ne pourrait pas être un champ de la Sécurité sociale actualisé aujourd’hui puisqu’il y a des enjeux environnementaux et des enjeux de santé, de productions locales, etc.

Je pense vraiment qu’il faut des emplois qui font du bien à ceux qui l’exercent, à ceux qui en bénéficient et à la planète. c’est une porte d’entrée importante. Il faut un basculement.

Pour arriver à tout cela, il me semble qu’on a déjà beaucoup d’ingrédients sur la table. Je parlais tout à l’heure des indicateurs complémentaires au PIB. L’IWEPS a fait du travail là dessus. On a des universitaires qui s’engagent là dessus. Quelles sont les alliances pour qu’on ne recommence pas à zéro, qu’on en débatte encore entre les mêmes et pour que ces éléments viennent au dessus de la pile ? Cela doit venir au cœur du système pour être débattu. Alors oui, on peut être en désaccord sur certaines choses. Le réseau Wallon, par exemple, est en désaccord avec la taxe carbone pour des raisons de risque de pauvreté. On n’a pas dit qu’on était contre le fait qu’il faille diminuer le carbone mais on veut être sûr de ne pas renforcer les inégalités. Mon inquiétude se situe plutôt sur le où, quand, comment va t’on arriver à faire « ensemblier » pour que le rapport de force permette qu’a plein d’endroits, ce soit cela qui soit porté. Ma question critique c’est : comment on rassemble les forces et à quel endroit ?

Voyez-vous des raisons aujourd’hui d’être optimiste ?

J’ai toujours vu des raisons d’être optimiste. Je ne vois pas le sens de la vie en dehors de se battre pour réduire les inégalités et éliminer la pauvreté. Je puise mon optimisme dans les combats gagnés par d’autres auparavant et en me disant que quand on se met ensemble on arrive à gagner. Mon optimisme, je le puise dans la force des gens qui sont dans le trop peu de tout, qui sont méprisés, qui sont non respectés, qui ne sont plus considérés, qui sont considérés comme des excès, des poids lourds, des poids morts. Je la puise chez eux parce que je me demande souvent comment ils ont encore le courage de se lever le matin, tant ils sont piétinés. Ils ont encore la force de venir donner du temps à la collectivité pour essayer de changer les choses, au nom de valeurs collectives. Je crois que la société est prête, si tous les ingrédients dont on vient de parler se mettent en place pour soutenir les citoyens, prête au collectif. Je ne suis pas favorable à la citoyenneté débridée en petits groupes où chacun fait ce qu’il veut au nom du fait qu’il s’est découvert citoyen un jour mais sans penser nécessairement à la collectivité. C’est une citoyenneté connectée, partagée et pas pour satisfaire son orientation personnelle. Je vois de l’optimisme dans tout cela parce que je ne vois pas d’intérêt à faire autre chose.

Propos recueillis par Patrick Dupriez

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