Introduction : écologie géopolitique et anti-impérialisme

Cet article se veut être la continuation d’un article que j’avais rédigé en 2020, juste avant ma soutenance de thèse : « L’écologie politique comme matérialisme géographique ». Karl Marx pensait un matérialisme historique, par lequel il proposait de remettre la pensée du philosophe Georg Wilhelm Friedrich Hegel sur ses pieds[1]. Hegel est très connu pour sa fameuse « dialectique du maître et de l’esclave ». Cette dernière est plutôt un rapport entre domination et servitude. C’est à partir de ce rapport que Marx a proposé son concept de lutte des classes. Ma proposition de matérialisme géographique se voulait une radicalisation du propos marxien en vue de l’étendre à l’environnement, et même au monde en son ensemble.

L’écologie politique défendrait bien une pensée globale en correspondance avec un agir local. En vue de lier le texte présent à son aîné, puis-je considérer que l’écologie politique, plus que politique, est géopolitique. Mais si l’écologie politique est géopolitique, de quelle géopolitique est-il question ? Le problème se pose d’autant plus en raison de l’association de la pensée géopolitique à l’impérialisme. Impérialisme que je définis avec Vladimir Illich Lénine de « stade suprême du capitalisme ». Puisque ce capitalisme peut être conçu comme une forme de l’économie politique, l’impérialisme serait la politique particulière d’un (groupe d’)État(s) contre laquelle l’écologie politique se positionne.

Afin de définir cette écologie géopolitique, je vais me baser sur Bruno Latour. Ce dernier propose de repolitiser l’écologie. Pour ce faire, il relit le juriste allemand et réactionnaire, et un temps adhérent au parti national-socialiste allemand, Carl Schmitt. La proposition de Latour entre dans un cadre plus général, celui d’une politique de la nature, qui ne sera pas analysé ici, mais dans un travail ultérieur. Tout au plus vais-je développer cette proposition à partir de Schmitt. Ce dernier a ainsi été inspiré par plusieurs pères de la géopolitique : Alfred Mahan, Halford John Mackinder et Friedrich Ratzel. Cet article aura ainsi trois parties : 1. La présentation de Schmitt par Latour, avec son intérêt, mais aussi ses limites ; 2. Le parallèle entre la pensée de Schmitt et la géopolitique ; 3. L’ébauche d’une géopolitique conciliable avec l’écologie politique.

​1. Le Schmitt de Latour : humains contre terrestres

La présentation de Schmitt par Latour a autant d’intérêt qu’elle m’apparaît limitée. Et elle est d’autant plus intéressante qu’elle invite à aller plus loin que ces limites. L’intérêt premier est qu’il permet, par Schmitt, de penser les liens possibles d’une écologie politique avec la géopolitique. La limite est que sa connaissance de Schmitt demeure superficielle. Dès lors, une analyse plus approfondie – dans les limites de cet article – démontrerait d’autant mieux la pertinence d’une pensée d’écologie géopolitique. Que dit Latour sur Schmitt ?

Le texte de Latour sur Schmitt se trouve dans le cadre d’une conférence intitulée « Les états (de la nature) entre guerre et paix ». C’est la septième et avant-dernière des conférences qui composent son livre Face à Gaïa.  Dans ce livre, et ce chapitre en particulier, Latour oppose ceux qu’il nomme les humains et ceux qu’il qualifie de terrestres. Une telle opposition justifie son appel à Schmitt qui pense la géopolitique avec le Nomos de la Terre, mais est surtout connu pour sa Notion de politique. En effet, dans ce dernier, Schmitt fait de la distinction entre amis et ennemis le critère de cette notion. Pour rendre justice à Latour, il convient de montrer qui sont ces Humains et Terrestres.

Les premiers semblent être ceux qu’il qualifie de « modernes ». Latour, en ce sens, poursuit ses réflexions de son Nous n’avons jamais été modernes de 1991[2], et surtout de ses Politiques de la nature de 1999, où il mentionnait déjà Schmitt dans ses notes. Ils représenteraient ce que Latour désigne, d’après un tableau du peintre Caspar David Friedrich, comme la Grande clôture[3]. Une telle clôture consisterait en la croyance en la possibilité de saisir la terre comme « un Tout raisonnable et cohérent ». Elle serait la prétention à « ordonner les différentes dimensions de la Terre »[4].

Ces humains ou modernes forment pour Latour un Ancien régime climatique. Sous un tel régime, on ne connaît pas d’ennemis, seulement des adversaires, des personnes irrationnelles ou des infidèles à éduquer ou à convertir, et non à combattre. Du fait qu’il n’y a pas d’ennemis pour les humains ou modernes, Latour peut dire qu’il y a avec eux, et la nature traitée selon cette clôture, dépolitisation[5]. La nature est présentée comme « neutre ». Elle ne serait pas un objet politique.

Les terrestres, ennemis de ces humains, potentiellement en guerre avec eux, sont en faveur d’une repolitisation de la nature. Ils sont liés à celle-ci ou en tout cas à la terre (Latour donne à ces terrestres le terme anglais d’Earthbound). Il invite ainsi les terrestres (les écologistes politiques et leurs alliés, pourrions-nous dire) à dessiner les territoires par lesquels ils existent[6]. Par ce dessin, ou cette cartographie, il s’agirait de retteritorialiser, et même reterrestrialiser (c’est le néologisme qu’il propose) notre existence. Cette retteritorialisation, ou reterrestialisation, serait cette repolitisation de notre conception de l’écologie[7].

Cette opposition entre humains et terrestres rend compréhensible cette convocation de Schmitt par Latour. D’une part du Nomos de la Terre, d’autre part de la Notion de politique. Latour conçoit Schmitt, malgré son conservatisme, comme un pharmakon, ou un poison qui peut servir de remède[8]. Le Nomos de la Terre l’intéresse surtout parce que Schmitt fait de la Terre la mère du droit[9].  Avec ce livre, Schmitt se situerait par-delà la séparation moderne que Latour décrie entre phusis (nature) et nomos (loi ou culture)[10]. La conception de Schmitt d’un nomos, ou prise de terre, permet selon Latour de penser un ancrage territorial, ou une redistribution du pouvoir d’agir[11].

Mais c’est surtout la pensée de la discrimination de l’ami et de l’ennemi qui intéresse Latour, et donc la Notion de politique. Latour continue en ce sens ses propos des Politiques de la nature, où il cherchait déjà à définir une écologie politique. Dans ce livre, Schmitt avec sa Notion de politique apparaissait déjà bien que de manière très marginale, dans ses notes de fin de livre. Il reprenait déjà la pensée de l’ennemi chez Schmitt. Ennemi qu’il interprétait non dans le sens de terrestre ou d’humain, mais plutôt ici de non-humain (végétaux, animaux ou autres)[12]. Il admettra penser l’ennemi ici en termes de ce qui est décidé comme extérieur au champ humain ou politique[13]. Nous pouvons considérer qu’il déplace avec Face à Gaïa le problème de l’ennemi à celui de la lutte entre les modernes ou humains et les terrestres, voire, dit d’une autre façon, écologistes.

Un tel parallèle entre le Nomos de la Terre et la Notion de politique de Schmitt n’est ni erroné, ni inintéressant pour penser l’écologie politique. Je reproche surtout à Latour de rester en surface, raison pour laquelle je propose d’approfondir la pensée de Schmitt. Surtout puisque le Nomos de la Terre relie Schmitt aux géopoliticiens et donc peut servir de base à une écologie géopolitique. Schmitt, à l’instar des premiers géopoliticiens, serait d’autant plus intéressant qu’il serait moins un pharmakon qu’un ennemi (pour reprendre sa propre pensée) par rapport auquel il s’agit de se positionner. Et donc de prendre très au sérieux.

​2. Schmitt et la géopolitique

Sans nier l’intérêt de la proposition de Latour qui poursuit sa critique de la modernité, il convient d’approfondir son propos. Il s’agit de donner un intérêt plus précis aux textes de Schmitt (dans les limites de cet article). Et plus largement sur sa continuité avec la pensée géopolitique. En quoi consiste cette dernière ? Comment Schmitt la continue ?

La géopolitique est une pensée de la puissance, voire de la violence : il s’agit pour une entité collective ou politique, surtout des États, d’imposer leur volonté aux autres. Nous pouvons comprendre que le géographe Yves Lacoste, en 1976, écrive que la géographie, l’étude de la Terre ou, en tout cas de sa surface, sert à faire la guerre. Cette conception de l’enjeu de la puissance qu’est la géographie était déjà reconnue en 1897 par Ratzel qui en fait (avec l’ethnographie ou l’étude des peuples) une source de renforcement politique. Une meilleure compréhension de son territoire, mais aussi de terres étrangères à conquérir, serait source de puissance pour l’État[14].

Cet enjeu d’un lien entre géopolitique et puissance peut être constaté avec celui qui est considéré comme le premier géopoliticien : Mahan, historien et officier naval étatsunien et théoricien de la puissance maritime (sea power) et donc de la stratégie, ou conduite de l’armée, navale. Il s’agissait pour lui de penser par la création d’une marine la défense des intérêts étatsuniens. En ceci, il prolongeait la doctrine de 1823 du président James Monroe qui voulait interdire l’intervention des Européens sur les continents américains[15].

L’enjeu géopolitique de la puissance se retrouve de même chez Mackinder. Pour ce dernier, l’Histoire, au sens de passé écrit humain, se caractérise par la tension entre l’Ouest et l’Est, en raison des invasions des peuples en provenance de l’Est (surtout des steppes, tels les Mongols). S’il reconnaît la rapidité des navires sur la mer – surtout depuis la marine vapeur – cette vitesse aurait été rattrapée avec le train et le chemin de fer. Or, dans cette tension entre Ouest et Est, ce qui compte pour Mackinder, c’est la domination de l’Europe de l’Est, ou de l’Eurasie, qu’il nomme le pivot géographique de l’histoire[16]. Pivot qui serait plus accessible par terre que par mer. Il donnera après la Grande Guerre à ce pivot le nom de « Terre Centrale » ou Heartland, par rapport à laquelle il écrira :

« Qui gouverne l’Europe de l’Est commande la Terre Centrale, qui gouverne la Terre Centrale commande l’Ile-Monde, qui gouverne l’Ile-Monde, commande le Monde »[17]

La référence à la géopolitique montre que Latour, dans sa lecture de Schmitt, se trompe en ce qui concerne la « Grande clôture ». Même si elle n’a pas chez Schmitt une définition de la modernité, mais une situation géopolitique déterminée. Situation qui peut être considérée comme l’aboutissement de la modernité. Schmitt reconnaît l’influence des géopoliticiens, ou en tout cas des géographes, et de Mackinder en particulier[18]. Or, ce dernier considère la fin de ce qu’il nomme l’ère colombienne, en référence à Christophe Colomb, à partir de la découverte européenne des Amériques. La clôture est donc à la fois spatiale et temporelle. L’appropriation du Monde par des États (pas toujours européens) serait, au crépuscule du 19e siècle, terminée[19]. Schmitt pense d’autant mieux cette Grande Clôture avec la conférence du Congo à Berlin de 1885 qui acte pour lui l’achèvement de la colonisation avec le partage de l’Afrique entre les États européens[20].

Latour a raison de mettre en rapport le Nomos de la Terre et la Notion de politique de Schmitt. Le problème de l’ennemi, et avec lui celui de la guerre, sont liés à ce nomos, cette prise de terre. Un tel nomos est équivalent à ce que Ratzel nomme la « position ». Pour ce dernier, l’État est une entité géographique. Il serait même déterminé, en tant qu’organisme[21], par son rapport avec son sol, et surtout, bien plus que par rapport à son étendue et ses frontières (deux autres concepts chers à Ratzel), par cette position, son ancrage territorial[22].

Si je rapproche la position de Ratzel et le nomos chez Schmitt, puis-je dire qu’elle a valeur constitutionnelle. Elle pourrait être équivalente au concept juridique de constitution en tant que loi fondamentale d’un État. La pensée du nomos chez Schmitt rejoint ainsi ses réflexions antérieures d’une Théorie de la constitution de 1928 et des Trois types de pensée juridique composé de conférences de 1934[23]. Ainsi, il pense une constitution comme une totalité ou un ordre concret[24], ou comme un régime politique particulier, née par la décision d’une autorité se faisant pouvoir constituant[25]. En 1934, il reprendra cette conception de l’ordre concret qu’il qualifiera d’institutionnaliste[26]. Conception à la racine de son Nomos de la Terre.

Or, Schmitt, avec ce dernier, donne à cette position géographique ou à ce nomos une acceptation internationale et même globale. C’est à partir des prises de terre ou de la colonisation progressive par les États européens qu’un droit international mondial se serait créé. Schmitt apparaît être en accord avec Mackinder en ce qui concerne l’ère de conquête colombienne. Or cette ère aurait permis une conception globale du monde, du monde en tant que globe. Cette conception serait aussi à l’origine d’une fixation plus précise des frontières des États. Et avec cette fixation, l’établissement d’un droit de la guerre, et surtout la pensée de la guerre que Schmitt qualifie de « non-discriminatoire » : l’ennemi que serait un autre État serait traité comme « juste », il n’y aurait pas, en cas de conflit armé, à le traiter en criminel[27]. De même, la guerre prendrait une forme régulière, elle ne concernerait que les armées des États en présence et non plus les civils.

Les choses auraient changé pour Schmitt à partir de la conférence du Congo, avec un retour de la guerre discriminatoire : d’où la criminalisation de l’Allemagne, et du Kaiser Guillaume II à la fin de la Première Guerre mondiale. Schmitt complète de même les propositions des géopoliticiens qui l’ont précédé. Si Mahan avait pensé la puissance maritime et Mackinder un pivot géographique terrestre, Schmitt pense le sous-marin et surtout l’arme aérienne[28]. En effet, ce ne serait pas une coïncidence si ces armes, surtout la seconde, qui méprisent la distinction entre civils et militaires étaient apparues à une telle période.

Schmitt publie en ce sens après son Nomos de la Terre un Théorie du partisan, lequel met l’accent sur les guerres révolutionnaires du 20e siècle. De telles guerres seraient irrégulières en tant qu’elles reposent sur la guérilla ou méthode armée qui consiste en la prise de l’ennemi par surprise. Or, une telle méthode méprise aussi la distinction entre soldats et civils. Elle pourrait être considérée, du moins au 20e siècle[29], comme une réponse à la guerre aérienne. Il est assez étonnant que Latour soit passé à côté de ce texte, puisque Schmitt, dans sa description du partisan, ou du soldat irrégulier, insiste sur son caractère tellurique ou terrien, ancré dans le sol[30]. Le partisan apparaît très proche de ce qui est chez lui un terrestre, et donc un écologiste politique.

Schmitt, plus que ses prédécesseurs, souligne la dimension technique, et donc armée, de la politique internationale, de la géopolitique. Même en ce qui concerne le partisan contemporain (il est question dans son propos de l’exemple de la guerre du Vietnam[31]). Cette question de la technique trouve un écho dans la proposition de Latour de repolitiser l’écologie quand Schmitt, dans la Notion de politique, écrit sur une ère des neutralisations et des dépolitisations qui culmine avec la conception libérale de l’État comme neutre, ou comme une simple réalité technique[32].

Latour en est conscient. Ainsi, il interprétait, dans les Politiques de la nature, l’économie chez Schmitt comme neutralisatrice de la politique, une source de dépolitisation[33]. Cependant, chez Schmitt, cette neutralisation n’est pas tant le fait de l’économie qu’un processus en faveur d’une conception technique de l’État. Processus qui va de la théologie à la technique et à la foi en son progrès[34]. Il convient ici de rappeler que Schmitt est aussi le théoricien d’une théologie politique, d’une correspondance entre la pensée sur Dieu et celle de l’État. Théologie qu’il reprendra dans sa Théorie de la constitution, puisqu’il fera de la pensée de la nature de Baruch Spinoza, la base de la pensée du pouvoir constituant par l’Abbé Emmanuel-Joseph Sieyès[35]. Schmitt, en continuité avec le Léviathan de Thomas Hobbes, explique ainsi la monarchie absolue, laquelle aurait trouvé sa justification dans le monothéisme[36].

Or Latour n’apparaît pas insensible à une telle réflexion théologique, puisqu’il fait de la religion le contraire de la négligence, et la condition d’une prise en compte de ce qui importe aux différents acteurs concernés par les questions environnementales, et donc d’une écologie politique[37]. De même, reprend-t-il l’image du Léviathan de Hobbes avec le roi formé par l’ensemble des corps de ses sujets. Il propose ainsi d’opposer deux conceptions de ce Léviathan, et même du monde ou cosmologies[38], qui seraient celles opposées des humains et des terrestres. Il convient ici de rappeler que Hobbes est très connu pour la fiction ou le récit d’un état de nature ou un état de guerre permanent. Or, ce problème d’une guerre permanente ou de « tous contre tous » est repris par Latour et justifie son intérêt ultérieur pour la pensée de l’ennemi de Schmitt (je pourrais cependant souligner que la guerre chez Latour apparait peu sanglante… Métaphorique, même).

Ainsi, Latour a raison de lier les Notions du politique et Nomos de la Terre, même si Schmitt, au contraire de ce qu’il prétend, pense la Grande Clôture. Cependant, une telle clôture avec Schmitt n’a rien de pacifique. Elle concerne un monde presque similaire à la fiction de Hobbes d’une guerre de tous contre tous, à laquelle Latour apparaît souscrire pour repolitiser l’écologie. Cette clôture serait source de conflictualités nouvelles. Maintenant que j’ai présenté Latour et Schmitt, avec un rapide horizon sur les géopoliticiens, il convient de revenir sur la possibilité d’une écologie géopolitique.

​3. Matérialisme géographique et écologie géopolitique

Ce retour sur Schmitt et la géopolitique doit me permettre de poser les bases d’une écologie géopolitique ou d’une géopolitique écologiste. Ici je ne contredis pas Latour, je propose au contraire de poursuivre son propos et ainsi revenir à ma proposition d’il y a cinq ans pour un matérialisme géographique. Dans cet article, je postulais que l’écologie politique pouvait être pensée comme une radicalisation du matérialisme historique marxien.

Ainsi, Marx propose son approche matérialiste contre l’idéalisme de Hegel. Or cet idéalisme est la source de la pensée hégélienne de l’État. Et il est possible d’aller plus loin que Marx, puisque Hegel envisage un fondement géographique à l’Histoire, et avec lui de l’État. Un matérialisme géographique en ce sens serait une remise en question de l’approche historique de Hegel. En quoi ce matérialisme serait-il proche de l’écologie politique ? Comment mettrait-il en question la pensée géopolitique ? En quoi consisterait une géopolitique écologiste ou écologie géopolitique ?

C’est à partir de ce fondement géographique qu’un État chez Hegel, et la reconnaissance d’un peuple, peuvent advenir[39]. Il convient de rappeler ici que cette reconnaissance, chez Hegel, s’établit dans un duel. Or ce duel, en ce qui se rapporte l’État[40], concerne pour lui un état de nature. Sa réflexion reprend donc celle de Hobbes et de son Léviathan pour penser une violence pré-étatique qui serait préalable à la fondation de l’État. Pour Hobbes c’est la violence potentielle des individus qui les enjoint à se soumettre à une autorité étatique. Cependant, chez Hegel, cet état de nature n’existe que dans les rapports entre les États ou entre les peuples.

C’est parce que ses rapports avec un autre peuple peuvent être guerriers qu’un peuple est capable d’assurer sa souveraineté, son indépendance vis-à-vis de l’extérieur, puis de donner des droits à ses membres. En bref, la souveraineté ou liberté vis-à-vis de l’extérieur chez Hegel est la première des libertés, puisque, par elle des libertés individuelles peuvent par la suite advenir. Mais si le fondement de la liberté est la souveraineté, nous pouvons comprendre que Hegel soit favorable à une armée permanente. Cette armée ou cet « état de bravoure » permettrait la reconnaissance de l’État et de sa souveraineté. Elle formerait par sa bravoure ou son sacrifice potentiel la « classe » (bien qu’Hegel parle d’« état » et non de classe) maîtresse au sein d’un État[41]. Hegel lie ainsi sa pensée de l’État et de la guerre à son fameux rapport entre maîtrise et servitude. Rapport qui n’est pas sans préfigurer la lutte des classes marxienne et donc la critique du capitalisme et de l’impérialisme.

Nous pouvons considérer que cette question d’un fondement géographique de l’Histoire, à partir duquel une pensée de l’État peut advenir, est un point où les géopoliticiens peuvent s’accorder. Mackinder, avec son pivot géographique, et Ratzel en ce qui concerne sa position. Or ces auteurs, y compris Mahan, demeurent des penseurs de l’impérialisme, ce « stade suprême du capitalisme ». Si le capitalisme consiste en la domination par les détenteurs des capitaux sur les travailleurs, l’impérialisme devient l’extension de cette domination sur le monde.

En ce sens, Mahan, en penseur de la puissance maritime, conçoit l’importance du commerce, lequel doit être soutenu par une marine conséquente. Le commerce n’a donc rien de paisible, mais est pour lui un enjeu de puissance[42]. Puissance qui est celle de la marine, mais aussi celle de réserve de main-d’œuvre nécessaire à sa préparation et à son entretien[43]. Mackinder, après la Grande Guerre, et à la veille du second conflit mondial, admet que le libre-échange est au service d’une politique prédatrice en faveur du pays le plus puissant[44]. Il donne en ce sens à l’Affaire en activité (Going Concern) que sont les États la définition d’un organisme social[45], mais aussi celle d’une accumulation de forces industrielles et financières (un capital, dit d’une autre manière)[46].

Ratzel fournit de même une pensée de la colonisation, en tant qu’une colonie est à la base une entreprise agricole. Il montre ainsi que la colonisation n’est pas juste le fait de la conquête armée, qui serait inopérante seule, mais du travail du sol. Et, en effet, le concept même de colonie concerne d’abord l’exploitation agricole, une économie au sens originel de la gestion d’un domaine agricole. Cette appropriation du sol par le travail semble autant valoir à l’extérieur qu’à l’intérieur d’un État. La colonisation ainsi pour Ratzel est autant interne qu’externe. Par son accent sur le travail, Ratzel montre des développements très hégéliens. Ainsi, il différencie les travailleurs et ceux qui s’approprient les fruits de leur labeur, les paysans et les propriétaires terriens. Il reprend ainsi dans sa réflexion le fameux rapport entre maîtrise et servitude de Hegel[47].

Les géopoliticiens s’accordent sur le caractère politique de l’économie, puisque le commerce et l’échange sont des vecteurs de puissance. Je rappelle ici que l’économie dans son sens courant désigne l’économie politique. Là où elle désignait auparavant la gestion d’un domaine agricole. Or, ce concept d’économie a été étendu. L’économie est devenue politique, non parce qu’elle a été politisée, mais est un outil politique, une biopolitique pour reprendre Michel Foucault. Latour a en ce sens raison dans les Politiques de la nature d’opposer l’écologie politique et cette économie politique. Cette dernière serait, dans sa conception moderne du moins, peu préoccupée par ce qui lui est extérieur, et qu’il convient de nommer externalités auxquelles l’écologie sensibilise[48].

Si l’économie est un tel outil politique est source de puissance, nous pouvons comprendre que Mahan soutienne une flotte militaire ou marine pour défendre le commerce comme partie de la puissance maritime d’un pays. De même, nous pouvons concevoir que Mackinder voit dans le libre-échange une politique prédatrice. Ratzel enfin explique par le commerce, ou la circulation des habitants sur le sol, une source de vitalité politique. En tant qu’elle forme un nœud par rapport à ce commerce, Ratzel fait de la ville un centre de la vitalité politique d’un État, et explique donc la domination de la ville (où vivent les propriétaires terriens) sur la campagne et de la paysannerie[49].

Mackinder et Ratzel, en renfort à Latour, fournissent une possible voie de la critique de l’économie politique actuelle et du libre-échange. Le premier par sa reconnaissance du caractère impérialiste du libre-échange. Le second parce que la valeur géographique de la position ne se laisse pas traduire par le seul échange, la seule valeur d’échange ou monétaire. Or, Mackinder et Ratzel suivent en ce sens, et le mentionnent, Friedrich List. Ce dernier est un opposant à l’économie politique d’Adam Smith (premier grand penseur de l’économie politique libérale), et le théoricien d’une économie nationale, voire du protectionnisme en vue de protéger cette économie nationale.

List en ce sens met en question la conception du capital circulant monétaire en faveur de celle du capital fixe. Un objet verrait par l’échange sa valeur modifiée. Ainsi, un cheptel ovin n’a pas la même valeur s’il s’agit de vendre sa laine ou sa viande, ou une forêt, par rapport à ses fruits ou son bois[50]. Par ces exemples, List insiste sur le caractère destructeur d’une conception de l’économie politique par le seul échange. Une conception nationale de l’économie politique serait plus préoccupée par la préservation des ressources, et peut servir de base à une dénonciation des écocides.

L’optique de List, à l’instar des géopoliticiens, demeure celle d’un État et de son économie nationale. En raison de son caractère global, l’écologie politique devrait aller dans le sens d’un cosmopolitisme, de la conception de l’humain en tant que citoyen du monde. Toutefois, un tel cosmopolitisme pourrait s’inspirer de ce protectionnisme en vue de promouvoir la défense de l’environnement.

Ainsi, l’opposition des écologistes européens, plus en faveur d’un commerce équitable, au traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Marché commun du Sud) d’Amérique latine peut se comprendre à plusieurs niveaux[51]. Un tel traité peut être source d’une concurrence déloyale pour les agriculteurs européens devant des produits agricoles moins chers. Ces produits sont soumis à des normes moins sévères en ce qui concerne l’usage de pesticides et peuvent nuire à la santé des consommateurs. Un tel traité encourage, avec la production agricole, la déforestation de la forêt amazonienne en vue d’étendre les terres cultivables. L’écologie politique en ce sens peut fournir une critique de la domination sur laquelle repose la théorie hégélienne de l’État. Elle devrait d’autant plus se mettre du côté des dominés que sont ici les agriculteurs et les autochtones.

La critique du libre-échange et de son caractère destructeur, et même impérialiste, est moins celle d’une idéologie que d’une technique politique. Mais la critique de cette technique politique peut s’étendre à celle de la technique en général. Cette technique politique serait corrélée à une telle technique, ou plutôt un ensemble de techniques. Mackinder ainsi associe la théorie de Smith avec l’invention de la machine à vapeur[52]. De même, Ellul souligne que la pensée de Marx sur la lutte des classes prend sa racine dans une pensée technique de la division du travail et du machinisme[53]. En ce sens, la critique de la technique en tant que recherche systématique du moyen le plus efficace est une affaire politique. Ellul allie donc l’enjeu de la technique et de son développement et celui de l’État : c’est dans le cadre et au service de ce dernier qu’elle se déploie le mieux[54].

La technique est dès lors un enjeu de pouvoir, politique et même géopolitique. La pensée de Schmitt et des géopoliticiens mérite d’être actualisée par l’écologie politique en raison du caractère destructeur de cette technique et par elle de l’anthropocène, ou empreinte de l’humain et surtout du capital et de ses détenteurs. L’écologie politique devrait ainsi aller dans le sens d’une néguanthropocène, d’une opposition à cette empreinte, pour reprendre Bernard Stiegler[55].

Or, si l’anthropocène est lié à la technique, il peut être vu comme une conséquence de l’impérialisme, d’abord européen. Le matérialisme géographique que je propose peut donc d’autant mieux s’inspirer des auteurs marxistes. Je reprendrais ici la conception de Mao Tsé-Toung d’une guerre à la guerre. La proposition de Mao n’a rien de pacifique, puisqu’elle concerne une guerre révolutionnaire à opposer aux forces qu’il qualifie de contre-révolutionnaires[56].

Cependant, il est tout à fait possible à partir de sa proposition d’assumer un point de vue pacifiste, et même antimilitariste. Contre l’impérialisme, l’écologie politique proposerait une politique de la non-puissance, pour reprendre l’idée d’une éthique de la non-puissance d’Ellul[57], ou d’un projet révolutionnaire que prônait Cornélius Castoriadis. Cette idée de non-puissance consiste à pouvoir renoncer à l’usage d’une technique si des effets délétères sont avérés. Celle d’un projet révolutionnaire a l’avantage de permettre de penser, voire de constituer (au sens d’une constitution politique ou juridique) une société autonome, souveraine même en tant que la souveraineté est autonomie, et peut s’imposer des limites[58].

Contre une technique perçue comme inarrêtable, ce qui constitue, selon Ellul, un « bluff technologique »[59], nous pouvons interroger nos techniques, notre dépendance à celles-ci, aux énergies et matériaux nécessaires à leur fonctionnement, et aux pays qui les produisent. Nous pouvons penser au nucléaire, par exemple, ou encore au pétrole… L’écologie politique aurait ainsi tout à gagner à se réapproprier la pensée géopolitique. À se faire géopolitique.

Mon ancienne proposition d’un matérialisme géographique rencontre la possibilité d’une réappropriation de la géopolitique par l’écologie politique. La « remise sur ces pieds » de Hegel peut fournir une critique de la domination et, en ceci, celle de l’impérialisme. Elle irait même dans le sens d’un projet révolutionnaire pour reprendre Castoriadis. Il s’agirait de promouvoir contre la domination libérale et technique, et l’anthropocène qu’elle engendre, un protectionnisme qui irait dans le sens d’une autonomie de la société.

​Conclusion : vers un nouveau nomos de la Terre

Le but de cet article consistait à prendre au sérieux la proposition de Latour de faire de Schmitt un pharmakon, et d’une repolitisation de l’écologie. Pour ce faire, j’ai assumé le lien que Latour établissait entre le Nomos de la Terre et la Notion de politique. Néanmoins, pour ce faire, j’ai dû prendre acte du caractère superficiel de la lecture de Latour. Il me fallait donc approfondir sa proposition d’un lien entre les deux ouvrages de Schmitt, et la liaison de ce dernier avec les géopoliticiens. Ce ne serait qu’à cette condition qu’une géopolitique écologique est pensable.

Latour proposait la thèse d’un conflit possible entre les humains modernes et ceux qu’il nomme les terrestres, les êtres attachés à la terre, ancrés dans cette dernière. Au contraire de ce que pensait Latour, une Grande Clôture était pensée par les géopoliticiens, et par Schmitt. Or une telle clôture chez lui, celle d’un monde créé par la fin de la colonisation, n’aurait rien de paisible comme il le présente dans son Nomos de la Terre et surtout sa Théorie du partisan.

La relecture de Schmitt croisée avec celle des géopoliticiens a été pour moi l’occasion de revenir à mon matérialisme géographique. La définition de l’écologie politique par ce dernier rend possible la réactualisation de la critique marxienne de l’impérialisme, du capitalisme et de la domination en général. Dès lors, j’assume que l’écologie politique poursuit le projet révolutionnaire d’une autonomie de la société. C’est en ce sens d’une telle autonomie que devrait aller une géopolitique en accord avec l’écologie politique.

Si Schmitt mérite d’être relu dans la perspective d’une écologie politique, cette relecture doit le prendre au sérieux. Et sans doute plus qu’un pharmakon, est-il davantage un ennemi par rapport auquel s’agit de se positionner, à l’instar du moderne ou de l’humain pour Latour. Schmitt, tout comme Hegel, voire de Hobbes, demeure un penseur de la domination. Ses réflexions sur la constitution et la théologie politique pourraient se montrer utiles pour penser tel Latour une politique de la nature. Ou un Contrat naturel pour reprendre Michel Serres, en vue de revisiter à l’instar de Hegel le Contrat social hobbesien. Je pourrais préciser ce que pourrait être mon matérialisme géographique et son lien avec une écologie (géo)politique. Mais ceci sera l’objet d’autres investigations.

 

[1] K. MARX, Extraits de la postface de la seconde édition allemande, in K. MARX, Philosophie, trad. de l’allemand par M. RUBEL, ed. Gallimard, coll. Folio/essais, Paris, 1982, p. 510.

[2]     Dans ce dernier livre, Latour critique le grand partage fait par la pensée moderne entre « nature » et « culture ». L’écologie politique peut se lire aussi dans la continuité de cette critique. Mais tel n’est pas l’objet de cet article.

[3]     B. LATOUR, Face à Gaïa, Huit conférences sur le nouveau régime climatique, ed. La Découverte, Paris, 2015, pp. 285-286.

[4]     Ibid., p. 288.

[5]     Ibid., p. 290.

[6]     Ibid., p. 320.

[7]     Ibid., p. 288.

[8]     Ibid., p. 295.

[9]     Ibid., p. 296.

[10]  Ibid., p. 297.

[11]  Ibid., p. 303.

[12]  Ibid. p. 340.

[13]  Ibid., p. 344.

[14]  F. RATZEL, La géographie politique, trad. de l’allemand par P. RUSCH, ed. Economica, Paris, 1988, pp. 198-199.

[15]  A. MAHAN, The Future in Relation to American Naval Power (1895), in A. MAHAN, The Interrest of America in Sea Power, Present and Future, ed. Little, Brown and Company, Boston, 1917, pp. 152-156.

[16]  H. J. MACKINDER, The Greographical Pivot of History, in The Geographical Journal, Vol. 23, No. 4, Avril 1904, p. 434.

[17]  H. J. MACKINDER, Democratic Ideals and Reality, A Study in the Politics of Reconstruction, ed. National Defense University Press, Washington, 1942, p. 106.

[18] C. SCHMITT, Le nomos de la Terre ; Dans le droit des gens du « Jus Publicum Eurpaeum », trad. de l’allemand par L. DEROCHE-GURCEL, ed. Presses Univ, coll. Quadrige, Paris, 2008, p. 45.

[19]  H. J. MACKINDER, The Greographical Pivot of History, op. cit., p. 421.

[20] C. SCHMITT, Le nomos de la Terre, op. cit., p. 215. 

[21]  F. RATZEL, La géographie politique, op. cit., p. 11 ; Ratzel était biologiste avant de devenir géographe.

[22] Ibid., p. 231.

[23] Cette date est très importante. Le deuxième texte en question est marqué par l’adhésion de Schmitt au nazisme.

[24] C. SCHMITT, Théorie de la constitution, trad. de l’allemand par L. DEROCHE, éd. PUF, coll. Quadrige, Paris, 2013, pp. 132-134.

[25] Ibid., p. 152 ; j’aurais pu établir aussi le lien entre ces œuvres de Schmitt et sa théorie de la Dictature de 1921. Cette dernière peut être considérée comme le fondement de l’œuvre de Schmitt.

[26] C. SCHMITT, Les trois types de pensée juridique, trad. de l’allemand par M. KÖLLER et D. SEGLARD, ed. Presses Universitaires de France, coll. Droit, éthique, société, Paris, 1995, p. 72.

[27] C. SCHMITT, Le nomos de la Terre, op. cit., p. 153.

[28] Ibid., pp. 310-314.

[29] La guérilla existe depuis bien avant les guerres révolutionnaires et Schmitt ne l’ignore pas.

[30]  C. SCHMITT, La théorie du partisan, in C. SCHMITT, La notion de politique, théorie du partisan, trad. de

l’allemand par M-L. STEINHAUSER, éd. Flammarion, coll. Champs « classique », Paris, 1992, p. 277.

[31]  Ibid., p. 285.

[32]  C. SCHMITT, La notion de politique, in C. SCHMITT, La notion de politique, théorie du partisan, op. cit., pp. 144-146.

[33] B. LATOUR, Politiques de la nature, op. cit., pp. 330-331.

[34]  Ibid., pp. 133-137.

[35] C. SCHMITT, La théorie de la constitution, op. cit., p. 215.

[36] C. SCHMITT, Théologie politique, trad. de l’allemand par J-L. SCHLEGEL, ed. Gallimard, coll. NRF, Paris, 1988, pp. 56-57.

[37]  B. LATOUR, Face à Gaïa, op. cit., pp. 200-201 ; il reprend cette idée de religion contre la négligence à Michel Serres.

[38] Ibid., pp. 193-198.

[39] G.W.F. HEGEL, Leçons sur la philosophie de l’histoire, trad. de l’allemand par J. GIBELIN, Paris, 1998, p. 66.

[40] Je précise dans mon article de 2020 qu’une telle lutte concerne à la base la conscience de soi. Si le lecteur s’y intéresse, je l’invite à lire soit cet article, soit Hegel lui-même et sa Phénoménologie de l’esprit.

[41] G.W.F. HEGEL, Encyclopédie des sciences philosophiques, III, Philosophie de l’esprit, trad. de l’allemand par B. BOURGEOIS, éd. Librairie Philosophique J. Vrin, coll. Bibliothèque des textes philosophiques, Paris, 2006, p. 325.

[42] A. MAHAN, The Influence of Sea Power upon History, 1660-1783, ed. Little, Brown and Company, Boston, 1890, p. 26.

[43] Ibid., p. 213.

[44]  H. J. MACKINDER, Democratic Ideals and Reality, op. cit., p. 104.

[45]  Ibid., p. 99.

[46]  Ibid., p. 102.

[47]  F. RATZEL, La géographie politique, op. cit., pp. 66-71.

[48] B. LATOUR, Politiques de la nature, op. cit., p. .

[49] F. RATZEL, La géographie politique, op. cit., pp. 118-120.

[50] F. LIST, Système national d’économie politique, trad. de l’allemand par H. RICHELOT, ed. Gallimard, coll. Tel, Paris, 1998, p. 351.

[51] Je m’inspire ici de la conférence-débat organisée par Saskia Bricmont, le 5 juin 2025, au parlement européen « COP 30 – Pour une alliance forte entre Européens et peuples indigènes ».

[52] H. J. MACKINDER, Democratic Ideals and Reality, op. cit., p. 8.

[53] J. ELLUL, La Technique, ou l’enjeu du siècle, ed. Economica, Paris, 2008, p. 399.

[54] Ibid., p. 213.

[55] B. STIEGLER, La société automatique, 1 ; L’Avenir du travail, ed. Fayard, Paris, 2015, p. 26.

[56] Z. MAO, Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire, in Z. MAO, Écrits militaires, trad. du chinois par Anonyme, éd. Éditions en langues étrangères, Pékin, 1964, p. 87.

[57] J. ELLUL, Recherche pour une éthique dans une société technicienne, in J. ELLUL, Théologie et technique ; pour une éthique de la non-puissance, ed. Labor et Fides, Genève, 2014, pp. 64-66.

[58] C. CASTORIADIS, L’institution imaginaire de la société, ed. Seuil, Paris, 1975, pp. 111-116.

[59] J. ELLUL, Le bluff technologique, ed. Fayard, Paris, 2010 [1988], pp. 25-26.

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