Introduction et contexte
Les écologistes sont souvent accusés d’être contre le progrès technologique. Les caricatures sont légion, d’Emmanuel Macron qui associe les critiques du progrès aux Amish en passant par le sultan Al-Jaber, sulfureux président de la COP28, qui parle de retour dans les cavernes. Un cadrage est ainsi imposé dans le débat public: d’un côté il y aurait les partisan·nes de l’innovation et du progrès technologique, supposés apporter une prospérité toujours plus grande à l’humanité. De l’autre ses détracteur·ices, qui souhaitent en finir avec la société moderne et industrielle malgré tous ses avantages évidents. Un retour à la bougie en somme. Répondre à ces accusations nécessite de renverser le cadre.
Partie 1: La technologie est politique
Cette première partie a pour but de mettre en évidence le caractère éminemment politique de la technique1. Encore trop souvent considérée comme «neutre», la technologie est pourtant une partie fondamentale (mais non la seule) de l’interaction entre l’homme et le monde. Nous y intégrons nos idées, nos imaginaires, nos besoins et nos envies. Il n’existe pas de société sans technologie, et de nos jours elle apporte à nos sociétés occidentales un confort de vie indéniable. Le débat n’est donc pas de savoir si les écologistes sont pour ou contre la technologie. Aujourd’hui le problème se pose différemment: les grands systèmes techniques qui nous entourent (exemple: le numérique) placent la société sur des rails dont nous ne maîtrisons que trop peu la direction. Face à cela, il est nécessaire de redéfinir ce que nous appelons le progrès technologique pour en modifier la trajectoire. Autrement dit, si les écologistes savent quel modèle de société doit servir la technologie, il nous faut maintenant préciser les moyens technologiques nécessaires pour répondre aux besoins définis par ce modèle. La technologie n’est pas magique, elle est avant tout politique. C’est la raison pour laquelle les écologistes doivent défendre une posture critique vis-à-vis de la technique actuelle et prôner un rapport renouvelé à la technologie.
À quoi sert la technologie?
Aujourd’hui, la technologie est sur toutes les lèvres. Repoussant les limites de la capacité humaine dans presque tous les secteurs, l’innovation technologique est perçue comme naturellement bonne, progressant main dans la main avec la science. Plus qu’une manière d’améliorer nos modes de vie, le progrès technologique permet de soutenir une croissance économique continue. Mis en valeur dans le modèle de Solow dès la fin des années 502, le progrès technique est l’élément-clé qui permet de sortir d’une économie stationnaire et de repousser sans cesse les frontières de la richesse économique. L’innovation et le progrès restent des éléments centraux dans les modèles dits néoclassiques encore aujourd’hui. Selon l’économie orthodoxe, la technologie nous rend plus productifs et plus riches, voilà pourquoi elle permet une amélioration continue. D’un côté elle automatise une partie du travail, et de l’autre elle permet au travailleur d’être plus efficace et rapide. Le résultat est une société qui peut produire de plus en plus de biens et services dans un laps de temps qui se réduit sans cesse. La technologie chevillée au capital offre une promesse sans cesse renouvelée d’abondance et de liberté.
La tâche des écologistes est de replacer la question de la technologie au centre du débat afin de la mettre au service d’un modèle de société écologique et solidaire
Ce narratif d’un progrès technologique neutre et naturellement bon est toujours assez populaire. Il ne tient pourtant pas à l’examen des faits. Premièrement la technologie aujourd’hui offre de l’abondance à quelques uns, au détriment de la liberté de nombreux autres. Deuxièmement le progrès tel qu’il se réalise aujourd’hui se fait en contradiction avec les limites écologiques de la planète et contribue à l’extinction de nombreuses formes de vie. En bref, il engendre une aggravation des inégalités tout en accentuant la destruction des écosystèmes dont nous dépendons. Dans le même temps, le progrès technologique n’améliore pas nécessairement nos existences et contribue même à l’aliénation des individus. Une telle trajectoire n’est ni soutenable, ni juste. La tâche des écologistes est de replacer la question de la technologie au centre du débat afin de la mettre au service d’un modèle de société écologique et solidaire, un idéal que le précurseur de l’écologie politique Ivan Illich a appelé la société conviviale.
La technologie n’est pas neutre
Le progrès technologique n’est pas quelque chose de naturel qui évolue indépendamment des communautés humaines. Pourtant, la vision dominante et contemporaine de la technologie est celle de l’outil neutre. Elle se formule de la manière suivante: L’humain fabrique des outils et des infrastructures pour améliorer ses conditions d’existence. Ces objets peuvent en retour être bien ou mal utilisés, mais ils restent en tant qu’objets des entités neutres. Selon cette vision, un avion, une caméra et un missile balistique ont tous comme point commun d’être des objets neutres, qui peuvent être utilisés correctement ou non. Examinons cela avec un exemple historique cher aux écologistes : la centrale nucléaire. Dire d’une centrale nucléaire qu’elle peut être bien ou mal utilisée est absurde: elle constitue plutôt un choix technologique de production d’énergie. Son existence-même est liée à des politiques de productivisme énergétique et nécessite d’avoir accès à des combustibles extraits à grands frais à l’autre bout du monde. Son utilisation promeut de par la nature du processus une centralisation énergétique et une militarisation de l’espace. Dans une société démocratique, faire le choix d’implanter une centrale nucléaire est avant tout un choix politique. Ce qui est valable pour le nucléaire vaut aussi pour une grande part de nos système technologiques contemporains. De manière générale, choisir quelle technologie nous souhaitons promouvoir et déployer est politique.
Si la société moderne est un train, la technologie s’apparente aux rails sur lesquels elle s’engage. Chaque tronçon de rails posé reflète un choix de technologies qui « verrouillent » une trajectoire de société pendant un certain temps. En Belgique par exemple, le choix du nucléaire dans les années 60 a placé le pays dans une situation de dépendance énergétique par rapport à ce type de technologie, dont nous ne sommes toujours pas sortis aujourd’hui. Autrement dit, les choix technologiques sont au cœur de notre société et déterminent grandement son évolution à moyen terme. Les écologistes l’ont bien compris et promeuvent des technologies qui profitent à toutes et tous en respectant le plafond écologique. Pour la mobilité nous soutenons les transports publics plutôt que la voiture individuelle, en énergie l’hydraulique, le solaire et l’éolien plutôt que les énergies fossiles et nucléaires. Au travers de ces exemples, nous voulons mettre en évidence que ce que nous appelons « le progrès » n’est ni naturel, ni neutre mais est le résultat de choix, d’idéologies, de rapports de pouvoir, de conditions économiques et écologiques, etc. Le progrès technologique est une construction humaine, et en ce sens il est pleinement politique.
Choix techniques, choix de société
Ce que nous appelons les nouvelles technologies aujourd’hui émergent de l’organisation de la société mondialisée et des choix de développement qui sont favorisés dans une configuration politique particulière. Prenons un nouvel exemple: l’IA générative (de type ChatGPT). Un logiciel d’intelligence artificielle qui décuple le besoin en ressources et en énergie du secteur numérique, accentue les dynamiques d’exploitation Nord-Sud, et vole le contenu des artistes du monde entier pour augmenter la productivité de cadres supérieurs en Occident est un choix politique bien plus que technique. Ce type d’innovation n’était ni inévitable, ni nécessaire pour faire progresser nos connaissances scientifiques ou améliorer nos modes de vie. Cela n’empêche pas l’IA générative créée par les grandes entreprises technologiques d’être pratique et utile pour qui a les moyens et les capacités de s’en servir. Mais l’exemple de l’IA montre que ce que nous appelons le progrès technologique aujourd’hui pose avant tout des questions politiques: Qui influence le développement et le déploiement des technologies? Comment les choix technologiques sont-ils actés ? Et qui profite de ces technologies ? Les réponses à ce type de questions déterminent ce que nous appelons le progrès technologique, et elles doivent être davantage posées dans le débat public.
Les exemples de l’IA et du nucléaire montrent que la technologie est au cœur des rapports de pouvoir dans la société. Or la direction qu’a pris le développement technologique depuis la première révolution industrielle est insoutenable et injuste. Insoutenable car la plupart des objets techniques produits demandent une quantité significative de ressources non-renouvelables et ne peuvent être efficacement recyclés à la fin de leur courte vie. Un smartphone consomme ainsi pas moins de 50 métaux différents, qui sont irrécupérables après sa période d’utilisation qui est de moins de deux ans en moyenne. Ensuite elle est injuste, car le développement technologique occidental se fait en grande partie au détriment du reste du monde et d’une partie de sa propre population. Les avancées du numérique aujourd’hui servent le plus souvent à justifier et accentuer des dynamiques de domination économiques et politiques. Les cryptomonnaies, les réseaux sociaux, l’internet 2.0 : Tous ces développements ont permis à une poignée d’acteurs de s’enrichir considérablement et d’asseoir leur domination au détriment du bien commun.
Il n’y a pas un seul chemin tout tracé pour le développement technique. Historiquement ce que nous appelons le progrès n’est pas quelque chose de naturel et déterministe, les possibilités sont ouvertes et plurielles à chaque moment de l’histoire. Aujourd’hui, l’innovation est la règle et la croissance économique en est la mesure. Le progrès social est supposé découler automatiquement de ces avancées. L’économiste J.M. Keynes se demandait il y a près d’un siècle comment les humains de nos jours occuperaient tout le temps libre dégagé par les produits de la science. Force est de constater que la question ne se pose pas actuellement. Alors que les systèmes technologiques ont continué à produire une accumulation économique toujours plus grande, ils sont loin de contribuer à « une société du temps libéré »3 pour toutes et tous. En ce sens, il est nécessaire de reprendre en main notre trajectoire technologique générale afin que nos infrastructures et objets techniques cessent d’être un frein à l’écologie et à la justice sociale, et reflètent les manières de faire société prônées par les écologistes.
La récupération des enjeux de la technologie
Face aux constats démontrés du dérèglement climatique et de la montée des inégalités, les acteurs de la technologie tentent aujourd’hui de réduire le problème posé par le développement et le déploiement de leurs produits à une question d’efficacité technique. L’avion serait ainsi une technologie neutre et un moyen de transport comme un autre, il doit simplement être rendu «sustainable». Quant à l’IA, elle doit être rendue accessible pour les pays du Sud et «verdir» son empreinte, via une minimisation de son impact carbone dans les phases d’entraînement et d’utilisation. La technologie dans sa globalité reste considérée comme une source magique de progrès et d’abondance, elle ne serait juste pas encore assez efficace ou éthique. Les limites d’une approche par le prisme de l’efficacité se font pourtant vite ressentir, et la vision magique de la technologie s’effrite vite à mesure que l’on gratte sous le vernis posé par certains économistes, instituts de conseil et grandes entreprises du secteur. Or les choix technologiques actuels sont bien plus motivés par les exigences de rentabilité que par des notions de bien commun. Les contraintes écologiques et sociales sont toujours perçues comme exogènes et interviennent uniquement de manière secondaire et marginale. Pire, les avancées techniques constituent parfois des reculs démocratiques voire des obstacles à l’émancipation des plus précarisé.es.
Malgré ses faiblesses, la popularité de cette vision parmi les acteurs concernés reste immense. La remise en question de la technologie ne doit se faire que de manière superficielle pour conserver la poule aux œufs d’or de la croissance. Les discours fleurissent alors sur la nécessité d’une technologie plus verte, plus éthique, et parfois plus accessible. Ce refus de remettre en question l’idéologie du progrès couplé à une confiance inébranlable dans la capacité des technologies à tout résoudre porte un nom: le techno-évangélisme4. Nommer cette croyance est importante si les écologistes veulent pouvoir être en mesure d’inverser le frame anti-technologie dans lequel ces acteurs cherchent à les enfermer. Mais outre notre opposition au techo-évangélisme, quel alternative crédible propose l’écologie politique pour en sortir?
Partie 2: Redéfinir notre horizon technologique
Si la technologie est politique, nous devons définir un horizon technologique en accord avec l’horizon de l’écologie politique. Cet horizon se distingue à la fois du techno-évangélisme que nous cherchons à combattre, et de la technophobie qui sert à nous caricaturer. L’écologie politique, depuis ses origines a amené au cœur de ses réflexions et de son projet politique la critique de la technologie, bien moins présente dans les courants politiques traditionnels. C’est une spécificité et, de plus en plus, une nécessité dont nous pouvons être fiers et dont il faut prendre soin. La question de la technologie est essentielle pour mener à bien une transition juste. Alors, à quoi ressemble une société technologique écologiste?
Antiproductivisme, Sobriété et post-croissance
Les technologies écologistes ne sont pas des technologies dont la finalité est de produire plus, mais celles qui permettent de produire mieux. Un exemple en agriculture: au lieu de favoriser la monoculture intensive, les écologistes promeuvent des techniques respectueuses des sols et du vivant, qui émancipent réellement les agriculteur·ices. Notre horizon technologique vise à l’amélioration des modes de vie, ce qui se fait par la juste répartition des fruits de la technologie, et une sortie du cadre industriel productiviste. Bien sûr les écologistes ne nient pas qu’il va falloir redoubler d’efforts dans les secteurs nécessaires à la transition écologique. Mais dans la plupart des secteurs, c’est bien la sobriété qui doit s’imposer, pour relâcher la pression mise sur les écosystèmes et les travailleur·euses. Pour ce faire il faut décorréler technologie, capital et industrie. L’idée d’une technologie sobre s’inscrit à terme sur une trajectoire de post-croissance. De plus l’exigence de sobriété doit être pensée en amont de chaque choix technologique. Une nouvelle technologie doit pouvoir montrer qu’elle répond à un cahier des charges rigoureux (économie de ressources et d’énergie, conception durable et inclusive, réparabilité, etc) avant d’être déployée.
Démocratie technique
Si la technologie transforme nos sociétés, alors elle doit être l’affaire de toutes et tous. Les écologistes sont pour une technologie conçue et choisie démocratiquement. Reprendre collectivement la main sur notre trajectoire technologique n’est pas chose aisée. Le secteur est dominé par des grandes entreprises qui se réservent le monopole de l’innovation et du déploiement des technologies. L’émergence d’une démocratie technique implique concrètement un démantèlement des géants de la tech qui étouffent le reste du secteur, et un soutien aux initiatives de réappropriation et d’innovation technique collaborative. Le mouvement du logiciel libre est à ce titre un exemple phare, défendu de longue date par les écologistes. Plus largement, favoriser la participation du plus grand nombre dans nos choix technologiques à venir est une condition pour voir émerger des technologies au service de toutes et tous. Toute technologie nouvelle d’importance doit pouvoir être collectivement débattue.
Inclusivité et accessibilité
Les technologies doivent être conçues et adaptées pour permettre à chacune et chacun d’en jouir pleinement. Aujourd’hui, beaucoup de nouvelles technologies sont imposées sans prendre en compte les particularités des différents groupes sociaux et la possibilité pour ceux-ci d’y accéder. Le numérique constitue l’exemple paradigmatique d’un ensemble de technologies peu inclusives et peu accessibles. L’inclusivité est complémentaire de la démocratie technique. L’inclusion by design, c’est-à-dire la participation de tous les types de profils concernés par une technologie tant dans la conception de biens et services que dans les choix infrastructurels et stratégiques est à ce titre essentielle. L’accessibilité des technologies, elle, est double. Cela signifie à la fois qu’une technologie doit pouvoir être également distribuée pour répondre correctement à un besoin mais qu’il doit être possible de s’en passer, surtout si cette technologie complexifie la réponse à ce besoin. Appliqué au numérique, cela signifie que les écologistes sont pour l’accès de toustes aux infrastructures digitales mais que cela doit rester une option pour celleux qui souhaitent l’utiliser, et non une contrainte supplémentaire dans l’exercice de leurs droits fondamentaux.
Communs, robustesse et pluralité technique
Les écologistes prônent un rapport apaisé à la technologie, et une gestion durable de nos infrastructures techniques via des modes d’organisations collaboratifs et pluriels. Les communs numériques sont un exemple, les coopératives de réparation et d’entretien en sont un autre. La vision des écologistes est celle qui garantit un écosystème technologique pluriel, durable et robuste. Nos systèmes technologiques actuels sont puissants mais fragiles: Ils dépendent de chaînes de valeur mondialisées, sont très peu adaptables aux besoins spécifiques et ne sont pas réappropriables par les publics concernés, une fois déployés. Une connexion internet fluctuante ou une borne d’enregistrement hospitalière défectueuse suffisent à faire dysfonctionner tout un service. Une technologie émancipatrice doit donner autant que possible à son public le pouvoir de la construire, de la maintenir et de l’adapter selon ses propres besoins. Ainsi pourra-t-on voir émerger des pluralités d’organisation techniques qui mettront la productivité et l’optimisation au second plan pour offrir avant tout des voies d’émancipation robustes au plus grand nombre.
Autonomie stratégique
Un développement technologique convivial implique une certaine forme d’autonomie stratégique à l’échelle européenne. Pour pouvoir choisir sa trajectoire, l’Europe doit en effet maîtriser les acteurs-clés dans chaque secteur. Les écologistes défendent dès lors une forme de souveraineté technologique. Cette stratégie implique de reléguer à la marge les services provenant d’entreprises extra-européennes, pour privilégier les solutions « natives ». Mais, loin de soutenir l’élaboration de partenariats publics-privés tournés vers la prospérité économique, l’autonomie stratégique prônée par les écologistes implique une réappropriation par le secteur public et les collectivités des solutions déployées sur leur territoire. Cette reprise en main doit être l’occasion de faire primer les exigences sociales et écologiques dans l’élaboration de tous les systèmes technologiques dont nous dépendons collectivement. Seule une minimisation radicale de nos dépendances extra-européennes dans les secteurs concernés (énergétique, numérique, agroalimentaire, etc) couplée à une mainmise forte sur les acteurs technologiques permettra d’opérer une bifurcation à la hauteur de nos ambitions.
Innovation sociale et low-tech
La vision écologiste de la technologie sort de l’obsession contemporaine pour les solutions techniques, et replace au premier plan l’innovation sociale et politique comme réponse aux défis contemporains. Le développement technologique n’a pas le pouvoir de résoudre tous les problèmes d’une société complexe. Il n’y a pas de solution strictement technique à la crise socio-écologique, et les promesses des acteurs du secteur technologique ne doivent pas servir de prétexte pour freiner les changements systémiques nécessaires pour transformer de modes de vie. Les écologistes croient en l’innovation, mais sont conscients que la boussole du progrès technique ne va pas toujours dans le sens de celle du progrès humain. L’organisation sociale, politique et économique est au moins tout aussi déterminante. Dans ce cadre, le mouvement low-tech représente une partie de la solution vers un avenir technologique plus autonome et durable. Les écologistes soutiennent un rapport renouvelé vis-à-vis de la technologie, qui ne sacrifie pas les bénéfices réels de la « haute » technologie mais en minimise l’impact délétère.
Conclusion: Contre les techno-évangélistes, pour une société conviviale
L’horizon technologique défini ici porte déjà un nom: la convivialité. Un tel projet, loin de nous ramener collectivement à un passé fantasmé, vise à remettre la technologie au service de toutes et tous, en accord avec les limites écologiques planétaires. La société conviviale reconnaît la destruction, l’injustice et l’aliénation provoquée par les grands systèmes techniques au service de la productivité et de la croissance économique. Contre ces maux, elle propose de réinventer nos modes de production pour que la technologie profite à chacune et chacun d’entre nous, puisse rassembler et autonomiser les individus. La technologie est la matrice de nos modes de vie modernes, et pour cette raison il est déterminant de repenser ses objectifs en profondeur.
N’en déplaise aux techno-évangélistes, les nouvelles technologies n’offriront pas de solutions miracles aux problèmes sociaux et environnementaux auxquels nous devons faire face.
Les écologistes portent le projet progressiste d’une société socialement et écologiquement apaisée. Bien que la technologie soit un facteur essentiel de ce projet, elle ne peut pas se substituer à l’innovation sociale et politique dont nous avons grandement besoin. N’en déplaise aux techno-évangélistes, les nouvelles technologies n’offriront pas de solutions miracles aux problèmes sociaux et environnementaux auxquels nous devons faire face. Les écologistes, loin de vouloir retourner à la bougie adoptent une position réaliste vis-à-vis des solutions techniques. Reconnaissant que la technologie est politique, iels prônent une technique conviviale, seule garante d’un avenir désirable et juste.
1Nous utiliserons ici alternativement le mot «technique» et «technologie», même si la technologie désigne traditionnellement l’étude et le discours sur la technique. Dans le langage courant, cette distinction tend à s’effacer.
2Notons que le facteur de progrès technique est exogène au modèle, c’est-à-dire que pour Solow il tombe du ciel. Cela a suscité de nombreuses remises en question sur la validité de l’explication. Néanmoins, la croyance qui associe progrès technologique et croissance est toujours largement répandue dans le monde économique.
3Concept cher à André Gorz.
4Nous préférons ce terme à techno-optimistes ou techno-solutionnistes pour des raisons de frame. Le techno-optimisme est un terme à consonance positive qui peut être perçu comme tel, et le techno-solutionnisme garde une association similaire entre technologie et solution. Le techno-évangélisme a directement une connotation plus négative, on y associe d’emblée l’idée de convaincus qui ont la foi en une technologie salvatrice. Un cadre bien plus favorable aux écologistes selon nous.