Critique et mise à jour féministe (du courant de pensée) de l’écologie politique. Première partie.
L’étude suivante propose de s’intéresser à l’institution familiale et à la socialisation des femmes, dans une perspective féministe, pour revenir sur certains concepts de l’écologie politique. Cet article vise en particulier à élargir et revoir la compréhension du concept d’autonomie, cher à l’écologie politique, pour saisir la particularité de l’histoire et de la trajectoire des femmes depuis le début de la modernité. La spécificité de la socialisation et du type d’aliénation des femmes nécessite en effet qu’une théorie politique qui se veut émancipatrice s’y attarde.
Table des matières
1.1 L’apport de certaines autrices
1.2 La non-symétrie de l’autonomisation des hommes et des femmes
- Accointance (ou non) entre féminisme et écologie politique: le cas de l’institution familiale
- Histoire de l’aliénation des femmes
- Retour à Françoise d’Eaubonne.
- Focus sur la société uni-sexe d’Illich ou la société mâle d’Eaubonne
- Retour sur la pensée de Gorz
6.1 Les critiques des féministes du GRIF
6.2. Premier point d’attention: pas aliénée au même endroit
6.3. Deuxième point d’attention: pas les mêmes capacités (de désir d’autonomie)
7.1 Pourquoi ce manque d’intersection?
1. Introduction
“Le besoin collectif de se ressaisir de notre passé pour appréhender notre présent, tel que l’on peut le percevoir, témoigne du fait que notre mythe de création est en train de changer. (…) Les mythes ne sont rien d’autre que les histoires que nous nous racontons sans relâche, formant la matière vivante de nos manières d’habiter le monde (…) Je fais l’hypothèse que ces propositions narratives sont autant de tentatives de renouveler la trame mythique qui nous constitue face à l’implosion du grand récit de la modernité[1]“.
Il n’est pas rare que l’histoire se fasse après coup. C’est le cas de l’histoire des femmes. Du livre de Marylène Patou-Mathis “L’homme préhistorique est aussi une femme”, à l’ouvrage d’Heide Goettner-Abendroth “Les sociétés matriarcales. Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde” en passant par “Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive” de Silvia Federicci, bien des historiennes ont cherché à refaire l’histoire qui jusque là avaient été essentiellement produite par les hommes, faisant porter aux femmes un rôle secondaire, ou, simplement, les invisibilisant.
Il en va, évidemment, de l’histoire de l’écologie politique. Si ce courant de pensée, principalement produit par des hommes comme Gorz, Morin, Illich, Ellul, Castoriadis est profondément inspirant, il n’en reste pas moins qu’il mériterait d’être réactualisé à l’aune des idées de certaines penseuses et écrivaines.
Cet intérêt pour l’histoire et la nécessité d’intégrer la pensée féministe à l’écologie n’est pas qu’une simple remise à niveau, elle est aussi potentiellement transformatrice. Contrairement à ce que la doctrine socialiste ou libérale a pu faire en traitant de “la question féminine” tel un complément ou une simple affaire d’égalité de droits[2], l’invitation des féministes faite à l’écologie est de complètement revaloriser l’acte de génération (le fait que la nature ou les femmes puissent générer du vivant), ainsi que de dénaturaliser les rapports de reproduction (reproduire demande de l’énergie, du travail) prônent la philosophe Emilie Hache ou encore la sociologue Ariel Salleh. Ce changement peut être de taille.
1.1 L’apport de certaines autrices
Dans cette analyse, nous souhaitons donc confronter les auteurs de l’écologie politique aux autrices féministes qui ont tourné autour de cette galaxie, voire, même parfois, ont été invisibilisées pour leurs apports intellectuels. Il en va, surtout, de Françoise d’Eaubonne, qui a écrit Écologie/féminisme. Révolution ou mutation ? ou Le féminisme ou la mort en référence à L’Utopie ou la mort de Dumont, a été compatriote et contemporaine d’André Gorz, sans que rien n’en soit dit[3]. Pourtant, Françoise d’Eaubonne parle des sujets de son temps: l’illimitisme et la lutte contre le nucléaire. Elle critique le principe même de croissance et propose une sortie de la logique productiviste. Pour elle, « l’hypercroissance industrielle assassine la terre, épuise les ressources et se heurte aux limites d’un monde fini» ou encore « tout essai théorique d’économie devrait commencer par une critique de la notion et du fait de croissance[4]».
Il en va aussi, nous semble-t-il, de manière plus lointaine, de Silvia Federicci, qui fit un travail historique remarquable autour des effets du début ou de la proto-modernité sur les femmes et les colonies, et dont il nous semble que le propos est d’actualité avec celui de l’écologie politique, alors qu’il n’a pas été intégrée à la grille d’analyse de ce courant de pensée.
Il en va, par ailleurs, de sociologues du genre ou de penseuses de l’éthique du care, qui déplacent la question de l’autonomie, centrale chez les écologistes.
Le travail de confrontation entre l’écologie politique et les autrices féministes proches de ce courant est infini. Nous l’entamons dans cette analyse, sans pour autant prétendre (du tout) le clôturer. Par ailleurs, il s’agira ici, essentiellement, de tracer les grands contours de l’histoire moderne et européenne des femmes ou de commencer à réactualiser la pensée de l’écologie politique continentale. Idéalement, nous devrions davantage nous attarder sur d’Eaubonne, et réaliser un travail de recherches historiques européennes, ou encore intégrer les visions politiques d’autrices déjà connue comme Maria Mies, Mary Mellor, Janet Biehl, Ariel Salleh… Par ailleurs, les autrices du Sud global, pourtant existantes, influentes et prolifiques sur la question de l’écologie (à commencer par Vandana Shiva), devraient elle aussi être intégrées à la grille de lecture ici présente. Ce travail d’élargissement des horizons de l’écologie, que nous avions entamé dans l’article “Sur la piste d’un éco-décolonialisme ?” devra donc se poursuivre, que ce soit pour l’Europe ou le reste du monde.
1.2 La non-symétrie de l’autonomisation des hommes et des femmes
L’histoire produite par les penseurs de l’écologie politique est indubitablement une histoire d’hommes, enracinées dans un vécu et un contexte d’homme. A ce titre, il ne nous semble pas hasardeux qu’André Gorz se soit particulièrement penché sur la question du “travail libéré”[5] à l’ère de la société industrielle, alors que les femmes entraient à peine sur le marché du travail, et que cet accès au marché du travail avait gravement été entravé depuis des siècles.
Pouvait-elle désirer la même chose que les hommes? A qui s’adressait André Gorz, au juste?
Ainsi, pendant que les auteurs de l’écologie politique pensaient et systématisaient les conditions d’existence souhaitables, dignes et durables pour soit-disant un tout universel, ils ne pouvaient en réalité pas parler des femmes, de leur vécu, de leurs conditions d’émancipations et d’autonomisation, puisque les forces oppressives ne s’exerçaient pas au même endroit pour eux et qu’ils ne vivaient pas ces forces oppressives. Ainsi, notre opinion est que certaines idées, comme particulièrement l’idée centrale de sphère autonome chez les écologistes politiques, méritent d’être revisitée. C’est entre autre ce que nous ferons ici.
2. Accointance (ou non) entre féminisme et écologie politique: le cas de l’institution familiale
Par ailleurs, soyons bon compte et admettons les grandes affinités existante entre écologie et féminisme, fondamentalement autour de la question centrale de l’émancipation. Car si les écologistes apparaissent dans les années 70, au même titre que les féministes, c’est parce qu’iels portent en eux un désir d’émancipation et d’autonomie, qui n’est pas porté par les autres courants politiques. Pour Gorz, comme nous l’apprend Céline Marty, il s’agit de poursuivre la voie de “l’autogestion de la vie et des besoins” ou encore de “l’autogestion du temps qui, pour lui, va être la condition d’expérience de l’autonomie”.
Gorz tient fort à la possibilité pour un individu d’exister en dehors du collectif, d’avoir une partie de son existence qui n’est pas régie par les normes collectives et pour laquelle il n’a pas à se justifier de ce qu’il fait, parce que ces activités n’ont pas d’autres finalités que la valeur intrinsèque de ce qu’il y met.[6]
Pour Illich, de la même manière, l’idéal émancipateur des phénomènes sociaux et des institutions de la modernité que sont l’école, les hôpitaux, ou la mobilité, sont à un certain niveau contre-productifs. Par exemple: l’école formate plutôt qu’elle n’autonomise, les hôpitaux rendent malades, la voiture demande de travailler pour l’obtenir, et réduit donc le gain de temps de ce mode de transport.
Or, les féministes ne désirent que cette même chose: s’émanciper ou s’autonomiser des rapports d’oppressions ou d’aliénation sociale qui, cependant, ne s’exercent pas (le plus massivement) au même endroit, puisque dans leur cas, la première institution aliénante est celle de… la famille. Eaubonne écrira d’ailleurs à ce sujet que l’âge post-industriel de l’éco-féminisme est caractérisé par trois éléments capitaux, le premier étant l’abolition de la cellule familiale, car c’est un «espace privilégié de l’oppression féminine et de la manipulation de l’enfance»[7].
On peut considérer que par “famille”, Eaubonne entend le couple hétérosexuel, l’infantisme (ensemble de préjugés systématiques et négatifs que subissent les mineurs ou jeunes adultes en raison de leur identité sociale), l’injonction à la reproduction, les inégalités de répartition des tâches, et la dévalorisation du travail domestique. Pour qualifier l’institution familiale qui se met en place au début de la Renaissance, Emile Hache parlera de la “petite unité économique que nous connaissons bien qui est celle du couple hétérosexuel, constituée d’une homme, d’une femme, de leurs enfants, au sein duquel l’un travaille de manière salariée, et l’autre plus du tout, parce que ce qu’elle fait, ce n’est pas du travail, c’est de l’amour[8]“. En cela, Eaubonne et Hache rejoignent l’analyse historique de Silvia Federicci, qui a étudié la manière dont les femmes ont été dévalorisées et renvoyées au foyer durant le siècle des Lumières, et pour lesquelles nous consacrons toute un chapitre dans cette analyse.
Bien sûr, voir la famille comme une institution peu choquer. Certains d’entre nous aurions envie de souligner que cette institution est déjà largement déconstruite: les femmes ne sont pas sanctionnées du fait de travailler… et, selon les pays, elles possèdent le droit d’avorter. Les permissions quant aux mœurs sexuels qui ne vont pas dans le sens de la reproduction (l’homosexualité, le célibat, la sortie du modèle du couple) sont tolérées. Et le travail domestique “gratuit” des femmes se rééquilibre… quelque peu.
En Belgique, selon une étude de 2020, 81 % des femmes belges effectuent quotidiennement des tâches domestiques, contre 33 % des hommes belges[9]. En France, en 2015, l’Insee nous apprend les mères passaient en moyenne chaque jour 1h35 aux tâches parentales, pour 41 minutes chez les pères[10].
D’autres cependant – souvent des femmes ou des minorités sexuelles -, en feraient un récit différent. Le fait qu’Emilie Hache termine son assertion par “ce n’est pas du travail, c’est de l’amour” nous en dit long sur les impacts de la socialisation à l’amour, d’ailleurs largement explorée par les théories du care. Car le travail de soin, d’empathie, et d’amour, la sociologue Carol Gilligan l’a largement démontré[11], est inégalement distribué, et différemment encouragé. Dans son livre Pourquoi le patriarcat, celle-ci démontre l’existence d’un processus d’internalisation d’un modèle binaire de genre qui assigne connaissance aux garçons et attribue bienveillance aux filles, au travers d’expériences répétées durant lesquelles les filles vont apprendre à désapprendre ce qu’elles savent et les garçons à ne pas se soucier de, celles et ceux dont, en vérité, ils se soucient profondément[12]. Ainsi, cette socialisation inégale au “travail d’amour” a des conséquences: pour les femmes qui s’associent à ces valeurs, l’amour deviendra le principe moral qui va bien souvent sous-tendre le travail de subsistance et de soin, c’est-à-dire un travail gratuit, ou un travail relativement dévalorisé.
Par ailleurs, de manière générale, remarquons qu’encore aujourd’hui, au sein de l’institution familiale, les faits de violences conjugales et sexuelles sur les femmes et les enfants sont largement plus courant de la part des hommes, que des femmes. Les hommes représenteraient 27 % des victimes des cas de violence conjugales et 17 % des cas mortels[13].
Et ajoutons à cela: les sanctions sociales et culturelles, en termes de mœurs sexuelles non reproductives, sont encore légions (voir les manifestations contre le mariage pour tous). Mais aussi: le genre, qui est performé de manière bien plus polarisée depuis la Renaissance[14] (à la suite d’injonctions sociales et culturelles) demeure une source d’aliénation pour certain.e.s.
Bref, nombreuses seront d’accord de dire, encore aujourd’hui, que l’institution familiale et les normes sociales de genre sont défavorables aux femmes.
Françoise d’Eaubonne, qui est non seulement féministe au sein du MLF mais qui milite aussi activement pour le Front homosexuel d’action révolutionnaire, était cependant optimiste. Pour elle: “nous arrivons à une époque beaucoup plus révolutionnaire qu’on ne peut l’imaginer. Ce qui sera certainement la marque spécifique de cet avenir sera que l’homme et la femme, enfin libéré de leur erreurs, cesseront de se rechercher comme des contraires”. Pour préciser sa pensée, en indiquant: “on aurait un être doublement sexué, qui aurait toutes les qualités des deux sexes. On n’aurait plus d’un côté mettons: l’homme viril et la femme gracieuse, pour prendre très grossièrement des styles dépassés, mais chaque être humain serait mettons : gracieux et viril à la fois[15]“.
Ce appel à un sortie des normes de genre produira aussi une aspiration à un monde aux tendances plus équilibrée. Françoise d’Eaubonne fera régulièrement le lien entre les normes de genre et les désastres environnementaux, pour en appeler, de manière générale, à une nouvelle distribution des qualités dites “féminines” et “masculines”:
Oui l’addition va être lourde, dans un monde sexiste où l’homme s’était réduit et identifié au Masculin destructeur pour laisser à la femme le Féminin conservateur […] Les valeurs du féminin, si longtemps bafouées, puisque attribuées au sexe inférieur demeurent les dernières chances de survivance de l’homme lui-même. Mais il faudrait faire très vite; encore plus que de révolution, nous avons besoin de mutation[16].
Sans étonnement, à son époque, Eaubonne réclame une revalorisation des valeurs «jadis arbitrairement attribuées au Féminin» telles la compassion, l’égalitarisme, la connaissance des limites plutôt que l’idéologie d’expansion[17].
On peut naïvement se demander, dès lors, pourquoi, au sein de l’écologie politique, la socialisation conséquente des femmes au travail de soin, pendant que les hommes sont socialisés à l’autonomie, ne figure pas comme un point central d’attention et de lutte, et ce, en interrogeant les codes de l’institution familiale, comme lieu central de reproduction du travail gratuit, mais aussi de toute une socialisation au bénéfice des hommes. On voit bien, évidemment, que les pensées féministes écologiques n’ont pas encore bénéficié de la même acceptabilité sociale que les grandes pensées de l’écologie politique telle que la décroissance (bien qu’elle reste polémique et considérée comme relativement radicale). Pourtant, nous le verrons, les auteurs tel que Gorz et Illich ont déjà, dans les années 70, rencontré la pensée féministe. Le manque d’intersection ne provient donc pas uniquement d’un rendez-vous manqué entre ces auteurs et les féministes. Il semblerait, en général, que les écologistes masculins ne voient pas ce qu’il se passe comme forme d’aliénation dans la sphère domestique, ou la juge secondaire.
Peut-être est-il temps d’en venir aux écrits de Silvia Federicci, qui nous éclairera sur cette opération historique, en Europe, qui a aliéné les femmes au foyer, à la sexualité reproductive, et au travail gratuit.
3. Histoire de l’aliénation des femmes
Les recherches de Silvia Federicci permettent en effet d’envisager l’accumulation primitive du point de vue non du prolétariat masculin, mais du point de vue de la femme[18]. Pour elle: “Marx n’aurait jamais pu penser que le capitalisme ouvrait la voie de l’émancipation humaine s’il avait envisagé l’histoire du point de vue des femmes”[19]. On voit bien, ici, à quel point inclure les femmes dans la réflexion politique permet d’avoir un regard plus englobant de la situation. Il en va de même, bien sûr, de l’entreprise coloniale, des minorités et des marges en général. Penser depuis celles-ci est la condition nécessaire pour produire un savoir généralisé.
Selon l’autrice, avec l’avènement des Temps Modernes, l’Europe voit apparaître:
1) le développement d’une nouvelle division sexuée du travail assujettissant les femmes à leur fonction reproductive
2) la construction d’un nouvel ordre patriarcal fondé sur l’exclusion des femmes du travail salarié et leur soumission aux hommes
3) la mécanisation du corps prolétaire et sa transformation, dans le cas des femmes, en une machine de production des enfants (qui seront des nouveaux travailleurs).
Ainsi donc “le corps a été pour les femmes dans la société capitaliste ce qui l’usine a été pour les travailleurs salariés: le terrain originel de leur exploitation et résistance”[20]. Pour l’autrice, le genre devient donc une spécification du rapport de classe[21] : la “féminité” se constitue, dans la société capitaliste, comme fonction dissimulant la production de la force de travail sous couvert d’une fatalité biologique.
Les lois mises en place au début de la Renaissance ont en effet largement servi à réduire la liberté sexuelle et reproductive du corps des femmes. Elle écrit: “L’État n’a pas ménagé ses efforts pour reprendre aux femmes le contrôle sur la reproduction, pour dicter quels enfants devaient venir au monde où, quand, et dans quelles proportions (…) La criminalisation de la contraception a dépossédé les femmes de ce savoir [l’usage des plantes], qui se transmettait de génération en génération, leur donnant une certaine autonomie[22]“.
Ce changement de régime se fait, comme toujours, sur fond de problèmes économiques. Moins d’un siècle après l’arrivée de Colomb sur le continent américain, 95% de la population d’Amérique du Sud meurt[23]. En Europe, comme dans les colonies, les marchés se contractent, le commerce s’arrête et le chômage se généralise[24]. C’est, pour l’autrice, la première crise économique internationale. Son apogée, qui correspond aussi à une crise démographique, se situe dans les décennies 1620-1630. Dans ce contexte, les débats politiques se tournent vers le rapport entre travail, population et accumulation de la richesse. C’est le premier coup d’envoi pour un régime, qu’elle appellera, de “bio-pouvoir”. En effet, alors que les populations baissent, de lourdes peines sont introduites dans les codes pénaux d’Europe, visant à punir les femmes qui seraient coupables d’avortement[25]. En France, un édit royal de 1556 oblige les femmes à enregistrer chaque grossesse. Celui-ci condamne aussi à mort celles dont les enfants meurent avant le baptême suite à une grossesse dissimulée. Donner refuge à une femme enceinte non mariée est déclaré hors la loi. Les soupçons s’abattent aussi sur les sages-femmes, favorisant l’arrivée des docteurs dans les salles d’accouchement[26]. En France et en Angleterre, c’est bien simple, les sages-femmes doivent espionner pour le compte de l’État si elles veulent encore exercer.
Ainsi, au 16ème siècle, tous les gouvernements européens commencent à établir les peines les plus dures contre la contraception, l’avortement et l’infanticide. Ce bio-pouvoir prend surtout la forme, pour Federicci, d’une chasse aux sorcières diabolisant tout contrôle des naissances ou forme de sexualité non-procréative. Au final, il y a aura plus d’exécutions de femmes pour infanticide dans l’Europe des 16ème et 17ème siècles que pour tout autre crime, à l’exception de la sorcellerie[27].
Mais ce n’est pas tout. Au delà du progressif rétrécissement de la sexualité des femmes à la procréation, les femmes sont aussi renvoyées au travail de subsistance, nouvellement qualifié de gratuit. Le travail effectué par les femmes, à la maison, est en effet progressivement vu comme du “non-travail” : coudre des habits, même s’il n’était pas destiné à la famille, est jugé comme du travail domestique. “Rapidement, tout le travail féminin effectué à domicile fut défini comme “travaux de ménage” et même lorsqu’il était effectué au dehors, il était moins payé que les hommes, et jamais suffisamment pour que les femmes puissent en vivre (…) le mariage était donc perçu comme la véritable vocation d’une femme[28]“.
En plus de cette dévalorisation du travail domestique, au cours de la Renaissance, en Europe, les femmes perdent progressivement l’accès à des métiers qui avaient constitué leurs prérogatives “tels les emplois de sage-femme ou de brasseuse de bière”[29]. Dès le 15ème siècle, des artisans commencent à demander que les femmes ne soient pas autorisées à entrer en concurrence avec eux. Pour eux, “la gestion prudente du ménage de la part de l’épouse” doit permettre d’éviter la faillite[30]. L’idée que les femmes doivent prendre part à la “production” uniquement pour aider leurs maris se répand (dans la justice, les documents fiscaux, les ordonnances des guildes).
Ainsi, avec leur expulsion des corporations et la dévalorisation du travail reproductif “domestique”, la pauvreté se féminise[31]. Cette perte de pouvoir produit une massification de la prostitution[32]. Or la prostitution elle-même, devient criminalisée: “dans un climat d’intense misogynie, marqué par la progression de la Réforme protestante et la chasse aux sorcières, la prostitution fut sujette à des limitations, puis criminalisée[33]“. Les prostituées sont alors soumises à des châtiments. A titre d’exemple, dans la France du 16ème siècle, le viol d’une prostituée cesse d’être un crime, et une femme seule qui se promène dans la rue, risque d’être le sujet d’agressions sexuelles. Ce nouveau contrat social et cette nouvelle répartition de l’espace est nouveau, remarque Fédéricci.
Or, avant ça, “les femmes serves étaient moins dépendantes de leur compagnon mâle, moins différenciées d’eux physiquement, socialement et psychologiquement, et moins asservies aux besoins des hommes”[34]. Dans le village féodal, aucune séparation sociale n’existait entre la production de biens et la reproduction de la force de travail : tout travail contribuait à la subsistance de la famille. Les femmes travaillaient dans les champs, en plus d’élever les enfants, de faire la cuisine, de laver, de filer, et de tenir un jardin de simples: leurs activités domestiques n’étaient pas dévalorisées et n’impliquaient pas des rapports différents de ceux des hommes, comme ce devait être le cas ultérieurement, dans une économie monétaire, quand le travail domestique cesserait d’être perçu comme un véritable travail.
D’après Silvia Federicci, les femmes sont donc progressivement privées d’autonomie par rapport aux hommes, aussi au travers d’un processus d’avilissement social:
les femmes accusées d’être des mégères étaient muselées comme des chiens pour être promenées dans les rues; les prostituées étaient flagellées ou mises en cage et soumises à des simulacres de noyade; alors que la peine de mort était instaurée pour les femmes coupables d’adultères[35] (…) Un nouveau modèle de féminité émergea à la suite de cette défaite: la femme et l’épouse idéale, passive, obéissante, économe, taiseuse, travailleuse et chaste.
Ainsi, au 16ème siècle de nouveaux canons culturels s’élaborent “extrapolant les différences entre femmes et hommes et engendrant des archétypes plus féminins et plus masculin (…) il fut établi que les femmes étaient intrinsèquement inférieures aux hommes, émotives à l’excès et délurées, incapables de se contrôler, et devaient être placées sous la coupe des hommes”[36].
L’étau se resserre donc autour de l’association “femme-travail reproductif gratuit-foyer”. La répression ne s’arrête par ailleurs donc pas là: un des principaux droits qui échappe tout d’un coup aux femmes est celui de conduire des activités économiques par elles-mêmes (elles doivent être mariées). En France, elles perdent même le droit de contracter ou de se représenter elles-mêmes au tribunal, étant déclarées légalement “imbéciles”. Silvia Federicci parle de processus d’infantilisation légale[37]. Il est évident que c’est “pour les femmes une défaite historique[38]“.
Silvia Federicci n’hésitera pas à parler du caractère répressif du pouvoir, à l’époque déchaîné contre les femmes. Ses hypothèses sont fortes: “dans ce nouveau contrat social/sexuel, les femmes prolétaires remplaçaient pour les travailleurs mâles les terres perdues lors des enclosures, devenant leur moyen de reproduction le plus fondamental et un bien commun que tout le monde pouvait s’approprier[39]“. Ainsi, pour elle, “la chasse aux sorcières des 16ème et 17ème siècles, démontre que la persécution des sorcières, en Europe comme dans le Nouveau Monde, a été aussi importante pour le développement du capitalisme que la colonisation et l’expropriation de la paysannerie européenne[40]“.
4. Retour à Françoise d’Eaubonne
Si ces éléments historiques ont largement été développé par Silvia Federicci, Françoise d’Eaubonne, pour revenir à elle, était bien consciente de ces mécanismes historiques, dont certaines thématiques sont développées dans ses essais Les femmes avant le patriarcat (1976) et Le sexocide des sorcières (1999). Quand elle part à la recherche des cultures pré-patriarcales occidentales et “pose déjà l’hypothèse que la chasse aux sorcières est une guerre contre les femmes, leur corps, leur âge ou leurs savoirs ancestraux[41]“, l’autrice se fait l’écho des contours et des phénomènes historiques qui ont participé à affaiblir les femmes.
Elise Thibeau, qui a écrit la biographie de Françoise d’Eaubonne (sous le titre de l’Amazone verte), confirme que pour celle-ci: “la domination des femmes par les hommes, l’appropriation de leur corps par les hommes ou le patriarcat, c’est la matrice de toutes les autres forme de domination[42]“.
Ainsi, comme souvent dans un style drôle et provoquant, elle et d’autres féministes du MLF détourneront un questionnaire distribué lors des état généraux de “la” femme, organisé par le magazine Elle, en 1970, et écriront:
Qui est le plus apte à décider du nombre de vos enfants?
– Le pape qui n’en a jamais eu
– Le président qui a de quoi élever les siens
– Le médecin qui respecte plus la vie d’un fœtus que celle d’une femme
– Votre mari qui leur fait guili-guili le soir en rentrant
– Vous qui les portez et les élevez
– Est-ce que vous pensez que la notion de respect varie avec les lois?[43]
Bien sûr, aujourd’hui, il s’agit moins de l’obligation de faire des enfants, qui pèserait encore sur les femmes, que de la difficulté de se défaire des sanctions morales masculines quand on porte une voix émancipatrice (pensons seulement au documentaire #SalePute, qui parle du cyber-harcèlement de deux journalistes), ou la socialisation au “travail de l’amour”, souvent gratuit, qui produit des fortes inégalités en matière d’émancipation. Nous y reviendrons.
Certain.e.s diront donc de Françoise d’Eaubonne qu’elle pose les premiers fondements de l’écoféminisme, et qu’elle établi comme priorité la reprise en main de son corps, contre une culture qui objectivise et contraint culturellement encore fort le corps ou l’émancipation des femmes.
5. Focus sur la société uni-sexe d’Illich ou la société mâle d’Eaubonne
Ce n’est peut-être pas chose aisée à saisir mais pour Illich et Émilie Hache, qui le reprend; au 19ème et au 20ème siècles se déroulent un double mouvement : à la fois de naissance d’une société dans laquelle le genre cesse d’être une catégorie structurante des économies de subsistance, dira Illich (nous parlerons de “la société mâle”)[44]; en même temps que l’évaporation d’une reconnaissance sociale du travail des femmes. Parce que le genre (la binarité homme-femme) structurait l’espace domestique de manière assez explicite à partir du 16ème siècle, le travail des femmes et les fonctions assignées aux femmes pouvaient encore être reconnues comme nécessaires et complémentaires au travail et aux fonctions assignées aux hommes, postulent Hache et Illich.
Même si nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec leur hypothèse car celle-ci invisibilise la dévalorisation du travail domestique qui a précédé, ou la dissymétrie qui règne dans cette soit-disant “complémentarité”, nous pensons le propos utile, pour tracer les contours de l’avènement d’une société “mâle”, au sens, cette fois-ci, d’Eaubonne.
Au terme de la société uni-sexe d’Illich nous préférons donc celui de “société mâle”: dans celle-ci, les femmes doivent travailler à (re?)”devenir un homme comme les autres”[45], dira Émilie Hache.
Alors disons ceci: c’est à partir du moment où la “société mâle” apparaît que le travail des femmes peut être totalement déconsidéré, car n’étant plus valorisé dans sa complémentarité avec le travail des hommes. La catégorie “femme” perd donc de sa valeur, dans une société où le travail salarié est relativement uni-sexe.
Émilie Hache résume cette réflexion de la manière suivante: “La dislocation d’un monde genré, et son remplacement progressif par le monde “unisexe” dans lequel nous vivons encore, peut-être envisagé comme l’aboutissement des attaques multiséculaires contre les femmes et le monde vivant. Elles ont notamment pris la forme de la destruction de cette sphère féminine distincte, passant par la disparation d’espaces féminins réservés (…), le dénigrement de compétences spécifiquement féminines et l’appropriation de ces mêmes espaces et activités féminines par les hommes[46]“… même si les compétences spécifiquement féminines ont été en partie des construits sociaux, datant des siècles précédents.
Alors que “la génération” (le fait d’engendrer et de veiller à la reproduction du vivant) était davantage déléguée aux femmes, la société mâle fait disparaître le principe (re)génératif et, avec l’idée de spécificité de femmes, l’importance du travail de génération. Émilie Hache dira dans une interview que c’est le christianisme, avec sa théologie transcendantale, qui plongea le travail de génération dans une abîme:
Le christianisme apporte une autre définition de l’éternité, une autre façon d’accéder à l’éternité (…) La forme d’éternité païenne n’est pas autre chose que la génération et la génération du monde par les vivants eux-même (de la mort va renaître la vie etc.). Forme d’éternité qu’on pouvait retrouver dans plein de rituels. Le christianisme dit que l’éternité est celle qui nous est donné par le salut. Or le salut, on y accède en étant baptisé (qui veut dire “renaître”). La génération vue comme un ensemble de pratiques, d’attention aussi bien agricole que rituelle, bascule du côté de la mort. (…) La génération est alors associée à la corruption.[47]
Avec la génération disparaît la nécessité du principe féminin. Pour rappel, les théories éco-féministes rappellent à l’envi que l’association culturelle femme-nature (analogue à celle de femme-génération) dont Carolyn Merchant parle dans son livre La Mort de la nature : les femmes, l’écologie et la Révolution scientifique, a produit, en même temps qu’une dévalorisation de la nature, une dévalorisation de la femme. Ainsi, pour les écoféministes, la lutte écologiste se doit de retourner ce double (et ce multiple) stigmate: femme-nature, mais aussi femme-colonisée-animaux-nature. Il n’y a pas de pensée écologiste efficace, sans un travail conjoint de revalorisation de tous ces signifiants.
6. Retour sur la pensée de Gorz
6.1 Les critiques des féministes du GRIF
Au delà de la question de la génération, et de l’importance, pour les écologistes, de revaloriser les ressources auto-engendrées par la nature, l’autre boussole de l’écologie politique, comme nous l’avons dit, est la question de l’autonomie.
Or cette question de l’autonomie est elle aussi potentiellement problématique, si elle n’est pas envisagée différemment selon la situation sociale des hommes et des femmes.
Voyons ça de plus près.
La critique féministe de la sphère autonome date en réalité déjà de 1985, moment où des féministes bruxelloises la développent. Pour rappel, chez Gorz, comme nous l’avons dit, l’enjeu central est, en tant qu’individu, d’acquérir plus d’autonomie, autrement dit, de capacité à s’auto-définir dans le travail et en dehors. Cette autonomie s’acquiert entre autre par le développement de la “sphère autonome”, dont voici quelques exemples cités par lui-même.
– Il peut s’agir de sortir de la sphère marchande et de reconquérir des « activités comme la puériculture, l’éducation, le soin des malades, l’aide aux personnes âgées, mais aussi la création et l’entretien de parcs publics, l’équipement et l’animation des quartiers[48] ». Ici Gorz parle d’activités de soin ou de subsistance.
– Il peut s’agir aussi, de favoriser, le « tissu de relations sociales autonomes régulatrices et non institutionnelles[49] » (qu’il définit plus précisément comme toutes les relations fondées sur la réciprocité et le volontariat, et non sur le droit et l’obligation juridique). Il donne quelques exemples comme: les relations d’entraide dans une commune, un quartier ou un immeuble, les associations volontaires et les coopératives, les rapports familiaux et les communautés domestiques élargies[50].
– Enfin, si on lit transversalement son œuvre, il peut être question d’augmenter « une forme d’autonomie existentielle dans des activités librement décidée[51] », c’est-à-dire, en dehors de la sphère productiviste, y compris, de subsistance.
L’actualité des propos de Gorz, pour les écologistes, reste entière. En effet, dans le récent livre d’Olivier de Schutter et de Tom de Deurwaerdere Pour un état partenaire, on peut lire :
« Nous parions sur le fait que les communautés locales, si elles ont la liberté d’expérimenter, sont capables de concevoir des solutions susceptibles d’avoir un impact transformateur de la société. Le changement ne peut pas reposer uniquement sur une planification centralisée du gouvernement, ni sur des entreprises agissant soudainement comme des citoyens responsables. La transformation de la société, compte tenu de la vitesse et de l’ampleur requises, doit également reposer sur la reconstitution du capital social, ainsi que sur de nouvelles formes de démocratie émergeant de l’action collective au niveau local (…) L’État partenaire encourage l’autonomie et la réflexivité sociale.[52] »
Puisque la pensée de Gorz est encore actuelle, il nous semble utile de nous pencher dessus, et d’y voir ce que les féministes ont à y redire. Car en effet, jusqu’ici, on ne sait pas si l’autonomie appelée de ses vœux par Gorz implique des conséquences différentes, au vu de la longue socialisation et histoire différenciée des hommes et des femmes, ou si elle doit se conquérir aussi dans la sphère reproductive et familiale. Allons voir les échanges qu’il a avec les féministes bruxelloises des cahiers du GRIF, qui le confrontent déjà sur cette question.
Voilà dans quels termes les féministes des Cahiers du GRIF s’adressent à lui: « il est à craindre que la restriction de la sphère du travail marchand au profit d’une sphère d’activités non marchandes, d’échanges et de services mutuels, très séduisante en soi, ne maintienne ou même n’accentue l’actuelle division sexuée du travail.»
Ce à quoi Gorz répond en produisant une confusion entre travail de subsistance et libre-association autour d’activités de loisir: «Je ne vois pas pourquoi ces activités [non-marchandes] seraient le domaine réservé des femmes (…) Toutes les enquêtes menées depuis une dizaine d’années révèlent une valorisation croissante du non économique chez les hommes, une préférence pour la libération du temps plutôt que pour la majoration du revenu.[53]»
Difficile de faire le lien entre libération du temps et désir du travail au foyer…
Il ajoute ensuite: « L’éducation des tout petits, à la maison ou dans les écoles maternelles, aussi bien que la cuisine, la vaisselle, le ménage et, bien sûr, les échanges affectifs sont de moins en moins des domaines réservés à la femme. L’un des effets du mouvement des femmes a été de libérer l’homme de l’obligation d’avoir à nier la femme en lui-même, de lui permettre, dans ses rapports avec la nature, les enfants, la vie, le corps, etc., la mise en pratique des valeurs féminines. »
Là encore, André Gorz mélange aspiration au loisir et au travail de génération. En quoi « ne pas nier la femme » en soi, pour un homme, ou retrouver un rapport au corps et à la nature, va forcément répartir les tâches ménagères? Ce n’est pas en récupérant les catégories mises du côté du genre féminin que l’homme va arrêter de profiter de sa position dominante.
Qui plus est, son renvoi au mouvement des femmes, comme quelque chose auquel il ne devrait pas s’associer nécessairement pour rendre sa thèse réellement émancipatrice, ou comme ayant des effets intemporels, interroge. Il n’y a pas de main invisible du mouvement féministe, qui rendrait la proposition d’André Gorz forcément émancipatoire. Bien sûr, André Gorz écrit dans les années 70 mais tout de même… comment se fait-il qu’il ne conçoit pas que, pour que la sphère autonome puisse être un horizon souhaitable pour (au moins) la moitié de la population, il doit avancer, participer et annoncer explicitement son appartenance au combat féministe (voire des minorités)?
Il ne le fera pas non plus ici, alors que les autrices du GRIF lui disent « reste qu’on ne voit pas en quoi la mutation de l’idéologie du travail entraîne par elle-même une amélioration des rapports entre sexes, même si elle répond davantage à la demande des femmes », et qu’il répond:
Quand les hommes commencent à renoncer à l’idée que le travail salarié est la seule activité capable de donner un sens à l’existence, l’idéologie de la domination est mise en question et en crise sur tous les plans : domination de la nature, technicisme, culte de la puissance, de la violence, du rendement, du profit. C’est au mouvement des femmes de foncer dans la brèche qui s’ouvre ainsi dans le dispositif de la domination mâle.[54]
Ainsi, Gorz ne doit pas assurer, dans sa théorie, que celle-ci profite aux femmes. Mais c’est aux femmes, en revanche, de le faire… Étrange réponse, qui laisse douter du désir d’émancipation « universel » porté par Gorz, quand celui-ci se désolidarise ou se permet de faire l’économie, dans sa théorie, de sa participation à la libération des femmes.
Heureusement, Gorz annonce tout de même ceci, en toute fin d’entretien avec les autrices des Cahiers du GRIF: « La réciprocité dans les rapports entre sexes (…) ne peut résulter que d’un double mouvement : celui, d’une part, par lequel les hommes, reconnaissant une valeur éminente à ce qu’on fait gratuitement, sans être payé et sans nécessité, assument leur part du travail gratuit nécessaire que jusqu’ici ils ont abandonné aux femmes. »
Avant d’ajouter, malheureusement: « D’autre part, le mouvement par lequel les femmes, accédant au travail socialement nécessaire, générateur de citoyenneté et d’universalité, assument leur part du fardeau des nécessités sociales et reconnaissent l’aliénation salariale inhérente à toute division sociale du travail à grande échelle. Pour moi, ce second aspect est aussi important que le premier. »
Si on peut éventuellement comprendre qu’André Gorz souhaite que les femmes « assume leur part du fardeau » (comme si on ne leur avait pas enlevé l’occasion d’obtenir une rémunération en travaillant, dans un mouvement d’oppression organisé, pour les assimiler à leur tâche de reproduction), il est difficile de comprendre en quoi « cet aspect serait aussi important que le premier ».
Le sociologue Léo-Tiers Vidal dira des hommes qui ont intégré ce qu’il appelle « l’éthique égalitariste de type libéral reconnaissant l’existence d’inégalité sociales », que cette reconnaissance est relativement « désincarnée », c’est-à-dire que les rapports de genre sont prioritairement perçus comme le fruit d’institutions (école, famille, État) et d’une socialisation pensée en termes de rôles des sexe[55], mais que ces « hommes ne s’intègrent pas eux-mêmes à l’analyse en tant que sujets actifs, voulant et conscients, qui investissent certains comportements plutôt que d’autres en fonction d’objectifs précis [56]. » Ainsi, Gorz ne voit pas qu’il est lui-même un acteur de la reproduction de la domination homme-femme, en ne faisant pas de l’émancipation des femmes un sujet digne d’intérêt. Leo Thier Vidal parlera d’une éthique désincarnée qui nie la propre agentivité des hommes dans le maintien de la domination.
Et en effet, les oppressions vécues par les femmes et les hommes ne sont pas équivalentes, et ceux qui possèdent le plus de pouvoir symbolique, économique et de privilèges, dans la société industrielle, sont indubitablement les hommes.
Bref, la rencontre entre les féministes et Gorz ne se fait indubitablement pas. Et à raison, il nous semble: celui-ci ne répond pas du tout aux inquiétudes des femmes du GRIF; et ne prend pas la peine de s’allier à leurs causes. Ainsi, pour nous, en tant que femme, continuer à promouvoir la sphère autonome sans indiquer quels en sont les limites, participe à reproduire des enjeux de domination homme-femme.
Donc pour résumer, nous formulons trois oppositions, ou points d’attentions, autour de la valorisation d’une sphère autonome:
6.2. Premier point d’attention: pas aliénée au même endroit
Nous l’avons déjà dit: l’histoire ouvrière de la société industrielle correspond peu à celle des femmes. Comme nous le dit Silvia Federicci[57], le développement du capitalisme n’a pas été que centralisé (avec des travailleurs centralisés), il a demeuré de sujets « autonomes » à cette centralisation… en l’occurrence, les femmes. L’autonomie peut donc avoir un certain goût amer, pour celles-ci, assignées au même moment à domicile.
Il a fallu attendre que les autrices féministes commencent à faire l’histoire de l’emprise que l’État avait pu avoir sur leur corps et leur fonction reproductive, pour qu’on puisse comprendre comment opérait l’état de servitude industrielle (non-centralisé) pour cette catégorie de la population. De ce fait, l’aliénation à la société industrielle dont nous parlèrent donc André Gorz, Jacques Ellul ou Ivan Illich, ne ressemble pas à l’aliénation que connaissaient les femmes (ou peut-être s’additionnait-elle à une première aliénation à la sphère reproductive, qui avait donc bien d’autres conséquences pour elles).
Le mouvement de reprise ou peut-être même déjà de « reclaim » de la sphère autonome par les hommes ne peut donc sonner tout à fait angéliquement pour les femmes, qui ont quelque part été assignée à celle-ci, et réduite dans leur valeur pour cette même raison.
Ainsi, quand Ivan Illich fustige, en décriant les effets de la modernité sur la médecine, « qu’on a rendu impossible à la grand-mère, à la tante ou à la voisine de prendre en charge la femme enceinte, le blessé, le malade, l’infirme ou le mourant, ce qui a créé une demande impossible à satisfaire[58] » On ne peut s’empêcher de se dire qu’il ne dépeint ici que la perte du travail gratuit… des femmes. Qui reprendra donc ce travail, si aucun propos féministe ne s’associe à un appel à la sphère autonome?
Par ailleurs, le désir d’Illich de revenir à la « convivialité » des outils et usages, qui quelque part redonne du souffle à une sphère autonome vidée de sa substance, résonne comme un retour des hommes dans des sphères qui avaient été désinvestie historiquement par eux (pour des raisons structurelles), mais cet investissement risque de se faire sans revaloriser des personnes assignées femmes.
En effet, deux évolutions pourraient nuirent aux « femmes »: l’excès de travail gratuit des femmes (la grand-mère, la tante, la voisine…) par rapport au travail des hommes; ou la récupération des valeurs féminines par les hommes de classes supérieures qui continueraient à leur faire bénéficier, seuls, d’une plus grande distinction sociale, à moindre temps de travail gratuit (« Cet homme s’occupe de son enfant un jour par semaine, mais c’est magnifique! »).
6.3. Deuxième point d’attention: pas les mêmes capacités (de désir d’autonomie)
En fait, quand les femmes poursuivent le même désir d’autonomie que les hommes, elles produisent d’autres théories, qui ne sont pourtant pas directement intégrée dans la doxa de l’écologie politique.
Comme nous l’avons vu, les femmes sont socialisées à ne pas rechercher leur autonomie mais à se mettre au service. Marie Durubella et Annette Jarlégan[59] nous apprennent en effet que, dans la petite enfance, les mères encouragent davantage l’autonomie et l’exploration de l’environnement chez les garçons. Et à l’inverse elles valorisent beaucoup plus les comportements d’obéissance et de passivité chez les filles. Comme nous l’avons vu plus haut, Carol Giligan et Naomi Snider ne diront que la même chose dans Pourquoi le patriarcat en nous disant que « les filles vont apprendre à désapprendre ce qu’elles savent et les garçons à ne pas se soucier de ce, celles et ceux dont, en vérité, ils se soucient profondément[60]. »
Les injonctions reçues par les hommes et les femmes ne sont pas symétrique. C’est à la fois lié à la quantité des injonctions mais aussi à leur nature. L’injonction de « ne pas pleurer » chez les hommes n’est pas de même nature que de « prendre soin » chez les femmes, puisque certaines permettent de garder l’ascendant relationnellement.
Ainsi, l’injonction qui serait « désaliène toi du travail salarié » est à la fois « à côté du sujet » et insuffisant pour permettre à une femme de retrouver son autonomie. La désaliénation d’une personne socialisée comme une femme est avant tout permise dans le fait de se réapproprier son corps, d’éventuellement se distancier de l’importance du “travail d’amour” pour être une bonne femme, et éventuellement de son rôle familial.
Il est impératif, pour les femmes, de produire des pensées autour de leur propre aliénation, de leurs propres difficultés à aller conquérir leur autonomie, si elles désirent atteindre le même résultat que Gorz pour les hommes, sans quoi, comme le dirait le sociologue Leo Thiers Vidal, celles-ci pourraient produire une conception désincarnée du système patriarcal.
6.4. Troisième point d’attention: théorie du care, mythe de l’individu autonome et conditions neuro-affectives de l’autonomie
Les recherches en neurosciences le démontrent de plus en plus: nous sommes des individus profondément relationnel. La recherche a formellement établi qu’un havre de sécurité favorise l’autonomie et inculque un sentiment de sympathie et de prévenance envers les autres en détresse. A partir du donner-et-recevoir du lien d’attachement, les enfants (…) « s’accordent » avec leur entourage et développent la conscience de soi, l’empathie, le contrôle des impulsions et la motivation qui leur permettent de devenir des membres à part entière du monde social plus large.[61]”
Le désir d’autonomie repose donc bien souvent sur le mythe de l’individu néolibéral indépendant et « entrepreneur de lui-même », auquel il faut substituer un être humain avant tout relationnel et vulnérable que la société doit permettre de protéger et de soigner. Cette réflexion, qui revalorise le rôle social de la sollicitude, est bien celle de la théorie du care. Ce care, ce « besoin d’être pris en charge, de recevoir des soins qui sont par conséquent nécessaires à la vie en société[62] », est, comme nous l’avons vu, souvent laissée aux femmes ou aux personnes migrantes.
Ce que nous disent les théoriciennes du care, c’est d’abord que le concept de liberté moderne, aussi essentiel soit-il, ne permet pas de considérer les humains dans leur vulnérabilité. Parce que si le libéralisme a bien aidé à penser l’état moderne laïc, il ne nous aide pas aujourd’hui, à une époque largement dominée par la logique marchande et l’intérêt personnel, à penser les liens d’interdépendance entre les humains et donc à voir ceux-ci non seulement comme des sujets égaux en droits mais comme des êtres inégaux en termes de besoins. Le terme d’autonomie, de la sorte, peut porter à confusion.
L’imaginaire de l’individu autonome aliéné par son environnement oblitère toute la phase pré-adulte ou adaptative où l’individu doit recevoir aide, attention ou soin.
Nous sommes, comme êtres humains, êtres de relations, responsables et sensibles (…). Nous naissons avec une voix et dans la relation -qui sont la condition de l’amour, et de la citoyenneté dans une société démocratique (Carol Gilligan).[63]
A l’inverse de l’idée d’autonomie, l’éthique du care propose une éthique de la relation. A l’individu auto-suffisant, l’éthique du car troque l’individu vulnérable (tout le monde n’est pas vulnérable mais tout le monde passe par une période de vulnérabilité)[64].
La prise en charge des autres ou de notre environnement, si nous y prêtons attention, nous rappellent combien nous sommes en réalité dépendants à différents égards, ou susceptibles de le redevenir.[65]
L’humanité n’est pas partagée entre d’un côté des individus autonomes et de l’autre des personnes dépendantes (enfants, seniors, malades, handicapés) mais est composée d’êtres interdépendants car tous plus ou moins vulnérables selon leurs parcours (origines, genre, race, etc..) et leur âge[66]. Voilà une autre conviction essentielle à une éthique du care.
Le point de vue des autrices du care est donc de favoriser le principe d’interdépendance à celui d’autonomie, pour insister, aussi, sur les institutions politiques qui pourraient se développer autour de ces concepts. Qu’est-ce que cela produit, dès lors, comme théorie politique?
Probablement un système social orienté autour de la complexité de mener des relations justes, équitables et épanouissantes; avec un intérêt porté sur les compétences inter-personnelles, et la recherche de structures sociales qui permettent d’atténuer les périodes de vulnérabilité, en favorisant les solidarités chaudes et contextuelles, plutôt que les solidarités froides dont les règles sont non-ajustables. Car le care n’est pas un principe de justice universel. Le care est ce principe moral toujours inspiré du contexte de la personne pour qui il s’applique.
Cela requiert un examen des situations particulières et, comme le dit Gilligan, « un mode de pensée plus contextuel et narratif que formel et abstrait ». Cette conception de la morale, pour Gilligan, se définit par un souci fondamental du bien-être d’autrui, et centre le développement moral sur l’attention aux responsabilités et à la nature des rapports humains. La morale conçue comme justice centre par contre le développement moral sur la compréhension et la mise en œuvre des droits et des règles[67],
Il se caractérise par l’attention portée à la voix qui est propre à chaque individu. Elle implique de se demander ce qui peut être fait, très concrètement, pour augmenter en dignité (en bien-être) la vie des personnes que nous rencontrons, côtoyons, en premier lieu celle des plus vulnérables (celles et ceux qui, pour différentes raisons, ont peu ou n’ont pas de moyens de faire valoir leur droit ou d’accéder au discours pour défendre un point de vue, exprimer un désir, des valeurs, faire appel à des principes moraux, etc.).
7. Conclusion
Au fond, que ce soit l’histoire féministe ou le care, ces courants nous invitent à penser les individus à partir de leur situation, plutôt qu’à partir de la catégorie de l’universel. Ces théories permettent de développer une pensée politique qui s’enracine dans le corps et les situations réelles. Elles invitent à sortir de l’idée d’une justice qui s’instaurerait depuis des règles universelles, un peu comme la théorie économique pense depuis un monde abstrait. En cela, la pensée politique des écologistes diffère sûrement de la pensée politique des féministes: les théories univoques qui s’attelleraient à valoir pour tout le monde font moins légion chez les féministes.
Il s’agirait donc en même temps qu’une pensée abstraite est développée, de produire des formes d’attention aux différences de vécus, d’accès, de situations. Si Gorz aurait fait cela, il aurait tout de suite compris qu’il ne pouvait pas adresser sa théorie aux femmes, sans faire un effort de décentrage. Le féminisme ou les écrits féministes ont depuis toujours voulu penser “depuis” cet endroit où la liberté est contrainte car elle ont moins eu accès ce privilège d’être traversée, dans leur “habitus”, par ce fantasme de la liberté. C’est aussi cela, l’apprentissage de la pensée féministe dans le giron de l’écologie.
Ainsi, une théorie écologiste qui intégrerait les apports du féminisme, nous semble-t-il, proposerait de diversifier et de valoriser financièrement différentes formes de dépendances pour réduire la tension aliénation-interdépendance, ou autonomie-soin. Il s’agirait de reconnaître la nécessité d’une multiplicité de formes de dépendance, de l’organiser, et de la rendre possible.
7.1 Pourquoi ce manque d’intersection?
Par ailleurs, après avoir vu qu’historiquement, des accointances existaient, et des rendez-vous entre féministes et écologistes auraient pu avoir lieu, on peut se demander: pourquoi ce manque d’intersection? Une des hypothèses que nous pouvons faire est que les valeurs d’horizontalité et d’ouverture (ou de « société ouverte ») porté par l’écologie se heurtent, dans leur mise en place, à la nécessité de s’intéresser réellement aux problématiques des femmes, ce qui est chronophage, et moins valorisé socialement quand on est un homme.
Car l’idéal « d’ouverture » ne produit pas toujours, concrètement, des changements. C’est en tout cas manifeste quant il s’agit des homosexuels. L’étude de Wilfried Rault publiée dans les Actes de la recherches en sciences sociales ainsi que le livre de Sylvie Tissot sur l’acceptabilité des LGBT[68] à Paris et à New York, nous apprennent que si l’homosexualité est jugée, par les plus diplômés, comme étant une sexualité comme les autres, elle perd de son acceptabilité si elle implique l’éducation des enfants. Ainsi, à la question « est-ce que cela vous poserait problème qu’un couple d’homme ou des femmes élèvent des enfants? », il n’y a quasiment plus de différences de classe dans l’occurrence des réponses. Pour Sylvie Tissot, cela nous apprend que les élites culturelles qui promeuvent l’ouverture ne seraient pas forcément plus tolérantes, dans les faits, à l’homosexualité.
Il n’est pas certain que l’on puisse faire un parallèle avec la question des femmes mais tout de même: et si, dans les faits, dès qu’il y a fin des privilèges, qui plus est, ici, par rapport à la famille, l’ouverture ne deviendrait pas factice ou « de surface »? Pourquoi, Gorz s’échine à ne pas inclure la question féministe, pourtant centrale, dans son appel à la sphère autonome?
Non seulement car la valeur d’ « ouverture » est, en francophonie, souvent un signe de distinction sociale des classes supérieures mais aussi parce que nous pensons que si les privilèges n’ont pas été pensé en amont, alors il y a peu d’intérêt à les abandonner.
Ainsi, alors que la pensée marxiste a participé à normaliser la déconstruction des privilèges économiques de classe et rendu possible la perspective (par la description et la puissance de l’imagination) d’une société sans classe produite par un travail libéré ou un revenu de base; ceci est moins le cas en matière de féminisme. À quoi ressemble une société où la femme est libérée de ses assignations de genre, et le care partagé? La pensée féministe a été lue et partagée essentiellement dans des cercles de femmes, comme le prouve l’absence totale de référence à d’Eaubonne, chez les auteurs de l’écologie politique, ou la difficulté qu’à eu Gorz à « se mettre sur la même longueur d’onde » que les féministes du GRIF. La reproduction d’un privilège peut par ailleurs provenir comme nous le disions d’un simple désintérêt pour une question jugée centrale pour les autres. Les hommes peinent à s’imaginer leur privilèges, du fait d’un manque de socialisation à la question féministe. N’ayant pas vécu les obligations sociales afférentes aux mères, ni n’ayant lu les féministes, il y a de forte chance pour qu’il ne puisse pas s’imaginer l’intérêt d’y réfléchir, ou d’abandonner cette posture.
Nous encourageons donc, dès lors, de multiplier ce genre d’analyse, éventuellement en déployant d’autres thématiques que celle de l’autonomie, ou simplement en s’intéressant à d’autres autrices. Et nous encourageons aussi, évidemment, les lectures féministes (Pourquoi le patriarcat? est un très bon début), et l’intégration de la pensée féministe dans le contenu de l’écologie politique.
Delphine Masset
[1]Emilie Hache, De la génération, Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production, Les empêcheurs de penser en rond, 2024, p.10.
[2]Ariel Salleh, Pour une politique écoféministe, Comment réussir la révolution écologique, Domaine sauvage, 2024,p .43.
[3] Françoise D’Eaubonne, encore, qui a a influencé Henri Lebfèvre (penseur du quotidien), qui lui même a influencé Ellul, sans encore une fois encore, que personne n’en parle.
[4] Françoise d’Eaubonne, Écologie et féminisme, Révolution ou mutation ? , 1978, Paris, Libre & solidaire, 2018, p65 et 70.
[5] Une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables dans les actions qu’ils jugent bon d’entreprendre.
[6]Marc Decitre, Gorz et la sphère autonome, Etopia, 14 janvier 2024.
[7]Caroline Golgblum, Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme, Le passager clandestin, p117.
[8]Radio France. Sortir de nos sociétés sans limites avec Emilie Hache, 19 juin 2024.
[9]Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, “La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale encore fortement marquée par le genre”. 29 octobre 2020
[10] Insee, Économie et Statistique n° 478-479-480 – 2015
[11]Voir ses livres: Une voix différente et Pourquoi le patriarcat?
[12]Carol Gilligan et Noami Snider, Pourquoi le patriarcat?, Flammarion, 2021, p68.
[13]Le Monde, Hommes battus : des chiffres pour comprendre une réalité méconnue, Par Leila Marchand, Publié le 10 avril 2015
[14]Nous développons ce point dans cette analyse.
[15] Manon Aubel. Documentaire “Françoise D’Eaubonne, une épopée écoféministe”, à 27min.
[16]Françoise d’Eaubonne, Le féminisme, Paris, Éditions A. Moreau, 1972, p353-354.
[17] Sonja Papunen, La pensée écoféministe de Françoise d’Eaubonne, 2014. Tiré d’Écologie/féminisme. Révolution ou mutation? Paris, Actualité Temps Présent, 1978, p198–199.
[18]Silvia Federicci, Caliban et la sorcière, femmes, corps et accumulation primitive. Entremonde et Senonevero, 2014, p19.
[19]Idem, p20.
[20] Ibid., p24.
[21]Silvia Federicci, Caliban et la sorcière, femmes, corps et accumulation primitive. Entremonde et Senonevero, 2014, p23.
[22] Ibid., p162.
[23]Ibid, p149.
[24]Ibid, p151.
[25]Ibid, p153.
[26]Ibid, p157.
[27]Ibid, p156.
[28]Silvia Federicci, Caliban et la sorcière, femmes, corps et accumulation primitive. Entremonde et Senonevero, 2014, p163.
[29]Ibid, p163.
[30]Ibid, p167.
[31]Ibid, p170.
[32]Ibid, p163.
[33]Ibid, p164.
[34]Ibid, p40.
[35] Ibid, p178-179.
[36]Silvia Federicci, Caliban et la sorcière, femmes, corps et accumulation primitive. Entremonde et Senonevero, 2014, p177.
[37]Ibid, p176.
[38]Ibid, p140.
[39]Ibid, p168.
[40]Ibid, p19.
[41]Page de présentation du livre Le sexocide des soricères, sur Au diable Vauvert
[42]Manon Aubel. Documentaire “Françoise D’Eaubonne, une épopée écoféministe”, 30min.
[43]Mon MLF, récit de Marie-Jo Bonnet, Albin Michel, 2018.
[44] A ce titre, il semblerait que le genre soit surtout un curseur autour duquel restructurer l’économie: retour à la binarité, lors des moments de contraction économique; fiction d’une société uni-sexe (basé sur l’universel mâle) lors de moment d’expansion économique.
[45] Radio France. La suite dans les idées. Un nouvel écoféminisme. 13 janvier 2024.
[46]Emilie Hache, De la génération, Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production, Les empêcheurs de penser en rond, 2024, p36
[47]Radio France. Sortir de nos sociétés sans limites avec Emilie Hache, 19 juin 2024.
[48] Les Cahiers du GRIF, n°30, Gorz André. Automation et crise de la société de travail, 1985.
[49]André Gorz, Ecologie et liberté, Galilée,1977, p79.
[50]André Gorz, Ecologie et liberté, Galilée,1977, p80.
[51]Marc Decitre, Gorz et la sphère autonome, Etopia, 14 janvier 2024.
[52]Olivier De Schutter, Tom Dedeurwaerdere, Pour un Etat partenaire, Altura-Etopia, p5.
[53]Les Cahiers du GRIF, n°30, Gorz André. Automation et crise de la société de travail, 1985.
[54] Les Cahiers du GRIF, n°30, Gorz André. Automation et crise de la société de travail, 1985.
[55]Léo Thiers-Vidal, De “L’Ennemi Principal” aux principaux ennemis. Position vécue, subjectivité et conscience masculines de domination, p154.
[56]Idem, p154.
[57]Podcast “Aux origines du capitalisme patriarcal” avec Silvia Federicci.
[58]Ivan Illich, La convivialité , Seuil, Paris, 1973, p18
[59] Marie Duru-Bellat et Annette Jarlégan, Garçons et filles à l’école primaire et dans le secondaire. Sur Cairn.
[60]Carol Gilligan et Noami Snider, Pourquoi le patriarcat?, Flammarion, 2021, p68.
[61]Bessel Van der Kolk, Le corps n’oublie rien, Albin Michel, 2018, p159.
[62] CVFE, Roger Herla, Ethique féministe, vulnérabilité et sollicitude, décembre 2011.
[63] CVFE, ibid.
[64] REP 2023 – Grande conférence: une économie centrée sur le soin, Emmanuel Petit
[65] REP 2023 – Grande conférence: une économie centrée sur le soin, Emmanuel Petit
[66] CVFE, Roger Herla, Ethique féministe, vulnérabilité et sollicitude, décembre 2011.
[67] Sandra Laugier, L’éthique du care en trois subversions, Multitudes, 2010/3, n°42.
[68] Les attitudes « gayfriendly » en France : entre appartenances sociales, trajectoires familiales et biographies sexuelles Wilfried Rault ET Tissot Sylvie, Gayfriendly, Acceptation et contrôle de l’homosexualité à Paris et à New York