Une balle dans le pied gauche… ou le droit.
Face au désarroi démocratique, à gauche comme
à droite : l’urgence d’une réflexion concertée.
« Ce que les conservateurs ont compris et que les démocrates ignorent. »
Téléchargez cet article en PDF
En décembre 2023, la France a adopté de nouvelles dispositions sur l’immigration, qui resserrent les conditions d’accès au territoire. « Nous avions besoin de ce bouclier », martèle Emmanuel Macron. Et Marine Le Pen de saluer cela comme « une victoire idéologique ». Elle s’en explique. La « préférence nationale », chère à notre parti, est désormais inscrite dans la loi, pavoise-t-elle. La fascination qu’exerce la politique française ne doit pas nous aveugler : c’est bien d’un vaste mouvement international dont il est question. Les élections aux Pays-Bas de novembre 2023 et la victoire de l’extrême-droite de Geert Wilders, avant cela, celle de Georgia Meloni en Italie sont des confirmations dont nous nous serions bien passés. S’indigner, fustiger et commenter, c’est bien. Comprendre ce qui se joue, identifier les fondements et stratégies mises en œuvre, c’est mieux. Mais il y a mieux encore : s’organiser pour y faire face. Les analyses et propositions du cognitivo-linguiste George Lakoff peuvent aider en ce sens.
Ce que les conservateurs ont compris, explique Lakoff, c’est que la politique est avant tout une affaire de morale. C’est par les valeurs que l’on s’associe la confiance du plus grand nombre possible d’électeur·rices, et ce n’est pas par la présentation de faits, d’analyses et de propositions techniquement argumentées. Cette analyse se veut une présentation du modèle, à travers l’analyse d’un cas et un appel à la responsabilité politique. Cette recherche est le fruit d’un travail de recherche entamé par Etopia depuis 2022.
Dans cet article, nous allons tout d’abord prendre un exemple, inscrit dans le paysage politique de la partie néerlandophone du pays. Nous exposerons ensuite une grille d’analyse élaborée par le cognitivo-linguiste George Lakoff, en prenant bien soin de décrire le point de vue singulier sur le langage, le langage politique, fondés sur des travaux en neurolinguistique. Cette grille sera reprise pour en montrer la pertinence, en l’appliquant à notre exemple. Nous serons alors en mesure d’en appeler, non seulement à de la vigilance, mais surtout à l’élaboration d’une stratégie concertée, de la part de toutes les composantes démocratiques du spectre politique.
La gauche est consternée et perdue, face à la droitisation des opinions, sensibles aux sirènes populistes. La droite est en désarroi, débordée par un électorat attiré par des thèses radicales et elle adopte jusqu’ici, pour y faire face, des stratégies suicidaires. Cette analyse souhaite proposer des clés de compréhension et des pistes d’action.
Table des matières
Job de base – basisbaan : au-delà de la provocation, une interpellation radicale
Un apparent mais nécessaire détour par la sociologie politique
Construire le point de vue : l’approche cognitive du langage.
Métaphore conceptuelle, cognition et culture
Aux sources des fondements moraux de la politique
Job de base – basisbaan : la fausse bonne idée
Une balle dans le pied (de la) gauche
En Flandre ? Non, ailleurs aussi en Europe…
Job de base – basisbaan : au-delà de la provocation, une interpellation radicale
Il fallait l’oser, à la veille du 1er Mai. Encore président de « Vooruit », Conner Rousseau a fait cette proposition : les chômeurs de longue durée doivent être obligés d’accepter un « job de base », (basisbaan) sous peine de suppression des allocations1. La valeur implicite fondant cette proposition : les chômeurs doivent mériter leurs allocations.
Cette sortie en a choqué plus d’un, dans la partie francophone du pays, tout au moins. « Comment un parti de gauche peut-il dire cela », s’indigne Ahmed Laaouej, chef de groupe PS à la Chambre, estimant cette proposition « très éloignée du projet socialiste ». Pour la plupart, les commentateurs y ont vu une manifestation du tournant « blairiste » du parti socialiste flamand. C’est là toutefois une analyse bien trop superficielle, précisément parce qu’elle ne relève que de l’examen de la cohérence programmatique et idéologique des partis, sur fond de coups médiatiques. On est pourtant fondé à y voir la manifestation, en surface, de courants de fond autrement plus puissants. C’est à cette profondeur des évolutions du paysage politique, non seulement en Flandre, mais dans l’ensemble du monde occidental, qu’il s’agit de s’attacher.
Un apparent mais nécessaire détour par la sociologie politique
Dans les années qui ont suivi la chute du mur de Berlin, deux théories politiques différentes sont apparues. Francis Fukuyama, interprétait la disparition du modèle communiste et la fin de la Guerre froide comme la victoire du modèle des démocraties occidentales et du libre marché comme modèle universel, autant que la fin des idéologies. C’était là, selon lui, l’aboutissement et la fin de l’histoire.2 Autant le dire tout de suite : cette proposition s’est très vite vue ridiculisée, face à l’islamisme radical et aux montées du populisme.
En 1991, un autre sociologue américain, James Davison Hunter, exposait une tout autre approche3. Selon lui, c’est une guerre culturelle qui caractérise notre temps. Ses analyses montrent que les débats publics polarisés autour de questions morales sont des manifestations d’une stratégie de conquête d’une hégémonie culturelle. Enjeu de cette guerre : une définition de ce qu’est l’âme de l’Amérique.4 Cette guerre se joue entre deux visions fondamentalement opposées quant à ce que signifie l’Amérique, son histoire, ce qu’elle est aujourd’hui et ce que doit être son avenir. Chacun de ces deux camps se perçoit comme l’incarnation légitime des valeurs nationales. Nombre de commentateurs voient dans ces batailles culturelles une stratégie délibérée des conservateurs, en réaction au combat pour les droits civiques, les mouvements féministes et anti-guerre au Vietnam, des années ’60 et ‘70.
On aurait tort de n’y voir qu’un phénomène américain. En Europe, ne citons que l’actualité politique qui touche la Pologne, la Hongrie, le Royaume-Uni… Ainsi, la conférence de mai 2010 de l’EAPC, [European Association of Political Consultants] a été amenée à constater que des professionnels américains, spécialistes en stratégies et communications politiques, ont été engagés par des partis conservateurs européens.5
Oui, mais, en Belgique ?
La Belgique est également concernée. Dans son ouvrage, « La N-VA expliquée aux francophones6 », Luc Barbé a rendu patent les fondements théoriques qui conduisent la N-VA, non seulement dans sa stratégie politique mais aussi à concevoir sa stratégie de communication dans ces termes d’une bataille culturelle. Pour qui observe la scène politique belge francophone, ce constat vaut également. Depuis deux ans environ, le MR, vraisemblablement instruit par les communicants et les stratèges de la N-VA, s’est lui aussi engagé dans cette bataille culturelle. L’actuel président du MR se montre très explicite sur ce sujet comme il le reconnaissait lui-même dans une interview pour La Libre Belgique7. Dans le contexte fédéral belge, on peut voir l’intérêt d’un parti du Nord du pays à en outiller un autre, même sur des matières aussi sensibles que la stratégie politique et de communication. Pour composer un gouvernement fédéral, au lendemain des élections de 2024, la N-VA a tout intérêt à susciter, dans la partie francophone du pays, un parti pivot avec lequel il peut s’entendre sur un certain nombre de repères centraux8. Plus récemment encore, la sortie en néerlandais du livre « Debatfiches van de vlaamse elite » vient apporter de l’eau au moulin de cette analyse9.
Raisonner la politique en ces termes peut sans doute étonner, voire choquer. En effet, on peut bien sûr y opposer une conception davantage matérialiste du politique : on attribue alors une valeur explicative plus pertinente à l’affrontement entre groupes sociaux, dont les membres partagent des conditions objectives communes (Exemple : statut socio-professionnel) et dont les intérêts divergents s’affrontent. Selon cette conception, les individus se définissent par le groupe social auquel ils appartiennent, par les caractéristiques communes qu’ils partagent et par les intérêts communs qu’il s’agit pour eux de défendre. On soulignera également ici l’importance des corps intermédiaires10 qui médiatisent ces intérêts divergents et les modalités de la construction entre eux d’équilibres conflictuels. Il s’agit au contraire de soutenir ici que les préférences politiques s’expliquent davantage par les systèmes de valeurs auxquels on se réfère et cela massivement de manière implicite.
Construire le point de vue : l’approche cognitive du langage.
Le point de vue que qui sera adopté ici peut-être assez déroutant. Il importe donc d’en exposer tout d’abord quelques fondements, avant de pouvoir développer les raisonnements de base et les propositions qui peuvent en découler.Une première question est dès lors posée : comment nos cerveaux élaborent-ils de la signification ? La réponse à cette question donnera des moyens permettant d’en explorer les implications sur la seconde : comment nos cerveaux comprennent-ils la politique ?
Aborder de telles questions nécessite de recourir aux travaux en neurosciences et en approche cognitive du langage. Il s’agit ici de s’appuyer sur un courant de recherche qui insiste sur le caractère incarné de nos cerveaux. Toute entreprise de compréhension du fonctionnement de nos cerveaux se doit nécessairement de prendre en compte cette quasi-banalité : notre cerveau est incarné, il est un des organes de notre corps.
L’approche cognitive du langage, telle qu’adoptée par la cognition incarnée a permis de mettre en évidence qu’un des mécanismes fondamentaux de toute compréhension consiste à projeter, sur que nous cherchons à connaître, une structure schématique et imagée issue d’un autre domaine.11 Dans leur fondement ultime, ces structures correspondent à l’organisation de nos réseaux neuronaux. Elles sont tributaires et sont déterminées par les caractéristiques et les contraintes de notre corps, de ses « récepteurs sensoriels » et par l’expérience préverbale qu’il nous donne, singulièrement de l’espace. Ce procédé de projection est « automatique ». De plus, il est très massivement situé en dehors du champ de notre conscience. C’est ce procédé que Lakoff et Johnson appellent la métaphore. « L’essence d’une métaphore, écrivent-ils, est qu’elle permet de comprendre quelque chose (et d’en faire l’expérience) en termes de quelque chose d’autre. »12
Autrement dit, ce que nous savons d’un domaine (domaine-source) est projeté (to map) sur un autre domaine (domaine-cible) pour le comprendre. Insistons-y : tout cela se déroule massivement en dehors de notre conscience. Ce procédé métaphorique n’est donc pas un jeu poétique sur la langue, tel un écran qu’il nous faudrait traverser pour avoir accès aux significations premières. C’est au contraire un des mécanismes cognitifs des plus fondamentaux qui soient, au même titre que la vue, le toucher ou l’ouïe, par exemple.
Métaphore conceptuelle, cognition et culture
Avant d’examiner la portée de la métaphore « La-nation-est-une-famille », il importe tout d’abord de bien appréhender la conception générale de la métaphore dont il s’agit, à cent lieues de l’approche aristotélicienne, comme on va le voir.
Chaque procédé métaphorique retient du domaine-source les éléments qui s’avèrent pertinents pour rendre compte du domaine-cible. Autrement dit, le recours à une métaphore déterminée permet d’éclairer certaines dimensions de ce qui est à connaître mais laisse aussi dans l’ombre d’autres dimensions. C’est cette structure de connaissance, qui est projetée d’un domaine vers l’autre et qui est conservée, au travers ce processus de projection. Dans la théorie contemporaine de la métaphore conceptuelle, cette caractéristique est appelée « le principe d’invariance ».
Ce procédé s’observe dans les langues naturelles et les usages qui en sont faits dans une culture déterminée. Mais, rappelons-le bien : dans cette approche, il ne s’agit là que de manifestations de surface de procédés bien plus profonds et préverbaux qui président à la génération et la compréhension du langage. On ne s’intéresse donc pas aux langues, à la manière des linguistes, c’est-à-dire en tant qu’objet d’étude en soi. On se situe davantage dans les champs de l’électro-neuro-biologie, des neurosciences, autant que de l’anthropologie, culturelle et linguistique. Toutefois, ne nous trompons pas : comme nous le verrons, ces niveaux ne manquent pas d’avoir des implications massives sur les questions politiques et de communication.
Le mécanisme de compréhension le plus fondamental est un mécanisme de projection métaphorique. On entend par là le procédé qui consiste à projeter, sur un domaine que nous cherchons à comprendre, une structure schématique et imagée, issue d’un domaine sur lequel nous avons construit, par expérience, une structure de connaissance.
Comprenons bien le raisonnement fondateur qui découle de tout ce que nous venons d’expliquer. Si notre cerveau privilégie le concret, c’est en raison du fait qu’il est nécessairement relié à notre corps. Il s’est structuré sur base des contraintes et des caractéristiques de notre corps, lors de ses interactions avec les objets du monde physique. Le mécanisme de compréhension le plus fondamental est un mécanisme de projection métaphorique. On entend par là le procédé qui consiste à projeter, sur un domaine que nous cherchons à comprendre, une structure schématique et imagée, issue d’un domaine sur lequel nous avons construit, par expérience, une structure de connaissance. C’est cette structure schématique et imagée, issue de l’expérience concrète que nous avons élaborée dans un domaine, qui est projeté sur le domaine que nous cherchons à comprendre. Toute forme de compréhension se décrit massivement, in fine, comme le recours à ce processus fondamental de projection métaphorique. On notera aussi que cette structuration du cerveau se réalise au cours d’apprentissages qui ont lieu dans des contextes sociaux et que cette dimension culturelle fait partie du modèle d’analyse.13 Une culture et une langue déterminées pourraient alors être abordées à partir du corpus de métaphores conceptuelles que partagent les locutrices et les locuteurs de cette langue.
Ultimement, le fondement de tout ce raisonnement est le lien nécessaire entre notre cerveau et notre corps. Objet par objet, nos efforts de compréhension, massivement non conscients, vont consister à identifier les métaphores pertinentes, c’est-à-dire les domaines-sources que nous allons mobiliser pour les comprendre. Tout objet concret, ou plus précisément, la structure de connaissance, schématique et imagée que nous avons élaborée à propos d’un objet (le plus souvent concret) peut servir de base à la compréhension de tout objet abstrait. Comme on va le voir, la politique est un de ces objets, abstrait.
La nation est une famille
Ce développement était nécessaire pour être en mesure d’aborder maintenant résolument le domaine politique. Concevoir et exprimer une préférence politique revient à identifier ce qui, pour la collectivité, représente selon nous un horizon désirable. Reconnaissons-le : une ville, une région, un pays, a fortiori le monde représentent de telles abstractions que notre cerveau nécessite d’avoir recours, pour les comprendre, selon le procédé métaphorique que nous avons exploré, à un objet davantage concret. Quelle est alors cette expérience concrète que nous pouvons avoir d’un collectif dont nous faisons partie et pour lequel des décisions sont à prendre pour son bien ? Réponse de ce courant de recherche : la famille. Précisons-le d’emblée, il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de la famille, mais de rendre compte la manière dont nos cerveaux procèdent pour aborder le niveau d’abstraction où se situe le politique.
On l’a vu, dans la conception mobilisée ici, la métaphore conceptuelle désigne le processus neuronal fondamental par lequel nous comprenons une chose dans les termes d’une autre. C’est en ce sens qu’il faut considérer la métaphore conceptuelle : « la-nation-est-une-famille ». Cette métaphore sous-jacente, cette structure schématique et imagée se manifeste dans les langues naturelles au travers d’expressions comme :
-
La mère patrie
-
Le père de la nation
-
Donner les meilleurs de nos fils et de nos filles
-
Flamands et Wallons ne sont que des prénoms. Belges et notre nom de famille
-
La comparaison si souvent faite entre le budget d’un Etat et celui d’un ménage
-
…
Selon la structure de cette métaphore, le gouvernement est un parent et les citoyens sont les enfants. Selon le procédé métaphorique exposé ci-dessus, cette métaphore autorise à raisonner, à propos de la nation, sur base de ce que nous savons à propos de la famille. Par exemple, une des fonctions parentales et de protéger ses enfants. Dès lors, une des fonctions gouvernementales est de protéger les citoyens.
Si l’on a bien saisi tout ce qui précède, constater l’existence d’une telle métaphore est loin d’être aussi trivial ou anecdotique qu’il n’y parait au premier abord, tant les implications d’une telle mise au jour sont décisives. On va le voir, le mot famille lui-même se prête à des distinctions, dans la mesure où il ne suffit pas, en tant que tel, à constituer un horizon désirable unique. Dans un ouvrage fondateur14, Lakoff fait apparaître que, dans le cas de la culture américaine ou, plus largement encore occidentale, on peut mettre en évidence deux modèles prototypiques, conçus comme des idéaux-types. On les présentera ici schématiquement et sommairement15, de manière développer sans tarder les implications politiques auxquelles ils conduisent.
Deux modèles idéaux
Lakoff explicite deux modèles idéalisés de ce que doit être une famille, chaque modèle présentant une forte cohérence interne et s’opposant l’un à l’autre. A chacun d’eux est arrimé un système moral distinct, un ensemble hiérarchisé de priorités, elles aussi structurées sur une base métaphorique, servant de repères quant à ce qui est désirable et quant aux conduites à tenir. Présentons-les tout d’abord l’un après l’autre, de manière quelque peu schématique, avant de procéder à quelques commentaires et d’en discuter la pertinence, en tant que mode de compréhension du politique.
- Le modèle du père strict
Selon ce modèle, en tant qu’idéal prototypique, le rôle du père est d’incarner l’autorité. Il n’y a rien au-dessus de l’autorité du père. C’est lui qui définit la politique générale de la famille.
Le monde autour de la famille est dangereux. Le rôle du père est de protéger sa famille.
Le rôle de la mère et d’aider le père dans cette mission, en prenant en charge la vie quotidienne de la famille.
Il existe une nette différence entre le bien et le mal. Or, les enfants sont spontanément guidés par la recherche de ce qui leur fait plaisir. Le père, qui connaît cette différence, doit l’inculquer aux enfants, y compris par des châtiments corporels, proportionnés à la faute. Si l’on peut montrer de la reconnaissance aux enfants lorsqu’ils respectent les règles, il ne faut toutefois pas les dorloter, de peur qu’ils ne deviennent gâtés. Un enfant gâté serait dépendant toute sa vie. La punition et la récompense jouent un rôle déterminant dans ce modèle.
C’est en étant discipliné de la sorte durant son enfance qu’un adulte sera armé pour gagner sa place dans une société compétitive, en poursuivant son intérêt personnel et en faisant ainsi la preuve de son autonomie et de son autodiscipline. Gagner, cela se mérite et cette réussite est le signe d’une éducation disciplinée réussie. La prospérité découle de cette discipline acquise.
Eux-mêmes devront à leur tour protéger leur propre famille ; ils savent ce qui est bon pour eux, mieux que leurs parents, des parents dont ils ont fini par s’éloigner. Les bons parents ne s’immiscent pas dans leur vie, toute ingérence parentale est très mal perçue.
- Le modèle parental nurturant16
Selon ce modèle, en tant qu’idéal prototypique, les adultes (ou l’adulte) qui ont en charge la responsabilité des enfants sont empathiques, bienveillants, protecteurs.
L’expérience fondatrice qui est vécue et celle d’être pris en charge et soigné, de voir ses désirs satisfaits au sein d’interactions affectives, d’être encouragé·e à vivre aussi heureux que possible et de trouver du sens dans des interactions mutuelles et une attention bienveillante.
Les enfants deviennent responsables, auto-disciplinés et autonomes lorsqu’on s’occupe d’eux, lorsqu’on les respecte et qu’eux-mêmes prennent soin des autres. Chacun·e est invité·e à s’épanouir, dans le respect de la liberté et des besoins des autres et à veiller à la justice entre eux.
Être des parents nurturants requiert force et courage. L’obéissance des enfants découle de l’amour et du respect qu’ils portent à leurs parents et non de la crainte d’une punition. Les adultes ont à expliquer les décisions qu’ils prennent, les enfants se sentent ainsi pris au sérieux.
Chacun·e est invité·e à être attentif aux besoins des autres, à créer et alimenter un climat de confiance et de bienveillance. Une vie épanouie est une vie engagée dans la responsabilité familiale et communautaire ; l’épanouissement personnel et la protection à l’égard des autres sont considérés comme inséparables. Ce que les enfants ont le plus besoin d’apprendre, c’est l’empathie à l’égard des autres, leur capacité à prendre soin d’eux, la coopération et le maintien des liens sociaux.
Autour de la famille, le monde extérieur présente certes des dangers donc il faut protéger les enfants. Ce monde extérieur est perfectible. Chacun·est invité·e à faire de son mieux, d’abord au sein de la famille, ensuite à l’extérieur : chacun·e est invité e à prendre part peu à peu à la vie de la communauté.
Lorsque les enfants sont élevés dans le respect et que l’on communique avec eux dès leur naissance, ils entrent progressivement avec leurs parents dans une relation de respect mutuel, de communication et d’attention, qui durera toute leur vie.
Compléments et précisions.
Rappelons-nous le parcours. La métaphore est un des procédés les plus fondamentaux de l’entendement humain. Le procédé métaphorique, ainsi que nous l’avons vu plus haut, décrit un des fondements majeurs de toute compréhension, un procédé de projection, « automatique », qui se déroule massivement en dehors du champ de notre conscience.
Il existe une métaphore conceptuelle qui se formule ainsi : la-nation-est-une-famille ». Deux modèles prototypiques de ce qu’est une famille idéale peuvent être dégagés : le « modèle du père strict » et le « modèle parental nurturant ».
Si l’on trouve des propagandistes de ces deux modèles17, dans leur « pureté » respective, il s’agit surtout de percevoir qu’ils correspondent à des réalités physiques, inscrites dans l’organisation des réseaux neuronaux dont sont tissés nos cerveaux. Ils sont présents dans nos cerveaux, non seulement en raison des contextes biographiques, familiaux qui ont été les nôtres, mais aussi parce que nous sommes baigné·es dans une culture où ces deux modèles coexistent. Ce sont ces modèles qui fondent par exemple nombre de productions culturelles (scénarios de films, de séries télévisées, de contes, de dessins animés…), de pratiques sociales (référentiels pour les professionnel·les, éducatifs et psycho-médico-sociaux…) sans parler de toutes ces conversations quotidiennes auxquelles on peut participer, dans une multitude de contextes, quant à ce qu’il y a lieu de faire dans les soins et l’éducation des enfants.
Ces deux modèles représentent donc bien des idéaux : dans une situation concrète, nous faisons ce que nous pouvons : mais cela ne nous empêche pas d’avoir, comme repère, cet horizon général de ce qui est désirable et de ce que nous aimerions faire. Cela représente des repères idéaux, par rapport auxquels nous évaluons nos conduites, autant que celles des autres et que nous mobilisons lorsqu’il s’agit de savoir quelle décision prendre.
Soulignons encore un point déterminant, qui découle de l’abord cognitif de cet ensemble. Ces deux figures idéales-typiques ont pourtant bien une réalité… dans l’organisation physique de nos circuits cérébraux ! Ils correspondent à des structures qui associent des populations de neurones en réseaux stabilisés, acquis biographiquement, socialement et culturellement, et dont la pertinence se renforce au fil des usages répétés. Il s’agit aussi de bien percevoir qu’ils sont antagonistes. Pour aborder un thème déterminé, on aura recours, soit à l’un soit à l’autre modèle, mais non aux deux simultanément. Techniquement parlant, ces deux modèles sont donc inhibiteurs l’un de l’autre. Conséquence : plus on activera l’un, plus l’autre perdra de sa pertinence.
Dernier complément à ce stade : à chacun de ces deux modèles formalisés par Lakoff correspondent également deux systèmes moraux, présentant chacun une cohérence et une consistance interne. On en cite ici quelques-uns, à titre illustratif.18
Ainsi, pour le modèle du père strict :
-
Être moral, c’est être fort ; être immoral, c’est être faible ;
-
Le contact avec des personnes immorales est contagieux, dangereux, incontrôlable ;
-
Il est moral d’aider les gens. Mais cet aide ne peut interférer avec le culte de l’autodiscipline et de la responsabilité.
Pour le modèle de la famille nurturante :
-
Il est moral d’aider les personnes qui ont besoin d’aide ;
-
Le développement du potentiel de l’enfant étant un objectif majeur, encourager le développement du potentiel humain est moral ;
-
La répartition équitable entre les enfants est une exigence morale. Egalité et équité sont des composantes du système moral.
“Aux sources des fondements moraux de la politique
Nous pensons avec nos cerveaux et c’est ainsi que nous pensons. Ces travaux en linguistique cognitive ont donc toute leur pertinence pour rendre compte de ce qui se joue dans le champ politique ou, plus précisément, pour rendre compte de la manière dont nos cerveaux comprennent la politique. Lakoff avance ici la notion cruciale de « bi-conceptuel », dont il importe de bien percevoir la signification, avant d’en mesurer la portée et les implications. Entre 20 et 30 % de la population, dit-il, ont exclusivement recours à l’un ou l’autre de ces deux modèles. Pour les autres, soit donc entre 60 et 40 %, ils et elles ont recours à l’un ou l’autre de ces modèles, selon les thèmes qu’il s’agit de comprendre et à propos desquels il s’agit de se positionner.
Ce que l’on appelle généralement « centre » n’a pas d’existence : il n’y a que des « bi-conceptuel·les »
Mesurons bien alors toutes les implications d’une telle notion, tant elle vient contredire la façon dont on raisonne généralement la distribution des idéologies, des appareils de parti et des électorats, entre la gauche et à droite de l’hémicycle. En effet, concevoir cette distinction gauche/droite comme une progression graduée implique l’existence d’un centre, si souvent qualifié de modéré, pour lequel les stratèges de la communication politique rivalisent de solutions à même de le capter. Or, pour Lakoff, il n’y a pas de centre. Pourquoi cela ? Parce que, pour en rendre compte de la cohérence d’un tel prétendu centre, il n’existe pas de métaphore cohérente, ayant la même force d’homogénéisation que celle du « père strict » et de « la famille nurturante ». Ce que l’on appelle généralement « centre » n’a pas d’existence : il n’y a que des « bi-conceptuel·les », dans le sens qui vient d’être donné à ce terme. C’est donc une erreur épistémologique autant que politique que de chercher à rejoindre un centre qui, selon cette approche, n’existe tout simplement pas. On va le voir, cherchant à rejoindre ce prétendu centre, les stratèges de gauche ne font en réalité que faire exister davantage le modèle du père strict, en activant les repères qui le caractérisent.
Job de base – basisbaan : la fausse bonne idée
A ce stade, refaisons le point. L’approche cognitive du langage entend apporter des éléments de réponse déterminants à cette question : nous pensons avec nos cerveaux, comment s’y prennent-ils pour élaborer de la signification, non seulement en général mais aussi donc dans le champ politique ? Le procédé métaphorique et « La-nation-est-une-famille », ainsi que l’activation d’un des deux modèles idéaux-typiques de famille sont les éléments de réponses que nous avons engrangés. C’est alors le moment de reprendre la proposition de Conner Rousseau, à la lumière des éléments qui précèdent et considérons-la à présent sous un tout autre éclairage.
Celui qui était encore le président de « Vooruit » préconise ici une mesure, assez typiquement de droite, à savoir un accompagnement plus « actif » des chômeurs, (une rapide formation obligatoire, de fréquentes propositions d’emploi…) Selon lui, si la situation des personnes n’a pas changé dans les deux ans, elles se verront imposer un « job de base », sous peine de ne plus percevoir d’allocations de chômage.
On peut sans doute reconstruire le raisonnement politique qui a présidé à une telle sortie. D’élection en élection, l’électorat flamand vote de plus en plus à droite, ce qui pose des problèmes existentiels à la gauche. 19 Reprenons donc à notre compte, dans les mesures de droite, celles que nous pourrions incorporer sans trop de dommages à nos propres propositions, de manière à aller rechercher un électorat qui s’est déplacé vers le centre droit et s’est donc éloigné de nous.
Si l’on reste dans le champ de la science politique classique, un premier commentaire proposera d’y voir une manifestation du tournant « blairiste » du parti socialiste flamand. L’approche préconisée par Lakoff permet de formuler une analyse d’un tout autre ordre. Cette proposition est aussi intéressante qu’interpellante car, si elle vient bousculer des croyances, elle débouche surtout sur des recommandations bien différentes de celles dont nous avons l’habitude. Examinons cela.
Une balle dans le pied (de la) gauche
En cherchant à ramener des voix vers un parti de gauche, Vooruit contribue au contraire à diffuser davantage encore la pertinence d’une vision du monde dont les grands principes donnent sa cohérence à la droite autoritaire. Telle est donc l’erreur capitale.
Quel système moral fonde cette mesure préconisée par Conner Rousseau ? A quelles valeurs fait-il appel, dans le chef des personnes à qui il destine son message ? Quel modèle de famille rend désirable la mesure proposée ? Sur base de la métaphore « La-nation-est-une-famille », à quel modèle se réfère-t-on ici, pour considérer que ces propositions sont ce qu’il convient de faire ?
Les fondations morales de cette proposition sont les suivantes. On considère ici que le paiement inconditionnel des allocations de chômage revient à « dorloter » des gens qui sont incapables de se débrouiller par eux-mêmes et de gravir, par leurs propres efforts, les échelons de l’échelle sociale. Au contraire, ce qu’il s’agit d’encourager, dans le chef des chômeurs et chômeuses, c’est la recherche active d’emploi et la volonté de mettre ces compétences à niveau. On le voit, il s’agit de mériter ses allocations. Inversement, Les personnes qui ne se comportent pas ainsi n’ont qu’à s’en prendre à elles-mêmes. La logique punition/récompense, typique du modèle du père strict, fonde bien l’esprit de cette proposition. Elle est parfaitement cohérente avec la morale du « père strict », selon laquelle l’être humain est motivé par les récompenses (en cas d’autodiscipline) et dissuadé par les punitions (en cas de paresse).
Certes, on peut identifier l’intention tactique de Vooruit. Le parti cherche à se rendre fréquentable pour participer au gouvernement flamand, au lendemain des élections de 2024. Mais ce n’est pas là notre objet. Restons centrés sur l’analyse des moyens choisis pour y arriver, à savoir :
-
Aller chercher des voix dans ce que l’on considère généralement comme le centre et dont on a vu, selon c modèle, qu’il n’existe pas ;
-
Incorporer dans ses propres propositions des mesures qui relèvent du programme des partenaires de la coalition espérée ;
-
Ce qui revient à reprendre ainsi implicitement à son compte les repères moraux qui fondent la cohérence du projet politique des conservateurs, à savoir le modèle du père strict.
Observons bien ceci. Depuis le modèle de la famille nurturante, cette même situation sera conçue de manière toute différente ! Les autorités publiques ont ici la responsabilité de ne laisser personne dans le besoin. Les personnes en difficultés doivent être soutenues et c’est la responsabilité des pouvoirs publics d’y veiller. Les programmes sociaux sont des investissements dont toutes et tous profiteront, puisque chacun·e sera ainsi accompagné·e pour prendre sa place et contribuer au bien commun, dans la mesure de ses possibilités.
C’est alors le moment de reprendre la notion de « bi-conceptuel », comme alternative à la notion habituelle de centre, tout en se rappelant bien que ces deux modèles familiaux sont inhibiteurs l’un de l’autre. Cela fournit alors un éclairage nouveau et déterminant. En effet, visant l’électorat d’un centre inexistant et cherchant à s’associer sa considération et ses voix, les stratèges de la gauche utilisent ainsi des arguments qui relèvent, en fait, du modèle du père strict. Ce faisant, ils contribuent ainsi à étendre la surface d’influence de ce modèle, conduisant du même coup à la réduction de l’influence de l’autre. Ils participent à la diffusion croissante du système moral strict, fondement de la cohérence politique conservatrice voire rigoriste, et corrélativement amoindrissent la pertinence du modèle nurturant.
Si l’on est cohérent avec les développements qui précèdent, cette stratégie conduit en fait à rendre davantage présent le « modèle du père strict » comme cadre de lecture des rapports entre autorités publiques et population, un cadre qui dessine l’horizon de ce qui est désirable en politique, un modèle de « nation-famille » au sein de laquelle les valeurs centrales sont la discipline, l’autorité, le mérite, la responsabilité individuelle… Pour le dire plus brutalement encore, cherchant à ramener des voix vers un parti de gauche, Vooruit contribue au contraire à diffuser davantage encore la pertinence d’une vision du monde dont les grands principes donnent sa cohérence à la droite autoritaire. Telle est donc l’erreur capitale.
Du point de vue des stratèges de la gauche, chercher à rejoindre ainsi ce soi-disant centre équivaut donc à se tirer une balle dans le pied…
On dit souvent que l’électeur préfère l’original à la copie. En néerlandais, signale David Van Reybrouck, on dispose d’une expression imagée pour souligner la même chose : personne ne chante mieux Bob Dylan que Bob Dylan ! L’analyse, dans les termes proposés par Lakoff, permet d’aller plus loin. Puisqu’il n’y ait pas de centre, la stratégie de Vooruit qui consiste à chercher malgré tout à le rejoindre, en mobilisant des arguments moraux fondés sur le modèle du père strict, revient à donner davantage de prégnance à ce modèle, au détriment, dès lors, du modèle parental nurturant. En conséquence, cette démarche ne va pas chercher ainsi un électorat « modéré » : elle participe au contraire à la diffusion du modèle adverse, renforçant son usage, non seulement pour un thème particulier, mais plus largement comme « lunettes cognitives spontanées » pour regarder tout enjeu et guider la formulation d’une préférence politique. Du point de vue des stratèges de la gauche, chercher à rejoindre ainsi ce soi-disant centre équivaut donc à se tirer une balle dans le pied…
En Flandre…et ailleurs aussi, en Europe…
Paraphrasons Clausewitz : « La guerre culturelle est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Et si les démocrates ne comprennent pas, en ce termes, ce qui est occupé à se passer, ils et elles sont perdu·es.
Paraphrasons Clausewitz : « La guerre culturelle est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Et si les démocrates ne comprennent pas, en ce termes, ce qui est occupé à se passer, ils et elles sont perdu·es.
Percevons-le bien : ce cas n’est qu’un exemple, situé en Flandre et à gauche. Cependant, partout, en Europe, les démocrates semblent désorientés par les évolutions des opinions. Des partis que nous pourrions qualifier de droites « traditionnelles » (les conservateurs) se sentent menacés par la montée, à leur droite, de partis qui soutiennent des thèses radicales.
Leur stratégie, tragiquement ignorante des leçons de l’histoire, semble guidée par cette croyance : nous pourrons récupérer dans nos rangs les électeurs attirés par les sirènes de l’extrême-droite, en incorporant dans nos programmes quelques-unes de leurs thèses les moins nauséabondes.
On a évoqué, en chapeau, la stratégie macronnienne, permettant à Marine Le Pen de revendiquer une « victoire idéologique ». On peut aussi évoquer la stratégie menée au Pays-Bas par Mark Rutte, qui a abouti à la victoire de Geert Wilders. Ce qui, à très court terme, peut apparaître, aux yeux de cette droite démocratique, comme une concession nécessaire pour retrouver un équilibre politique, peut au contraire s’avérer être, pour les partis d’extrême-droite, une victoire supplémentaire : celle de la pertinence croissante de leur vision du monde, ce qui étend ainsi son territoire d’influence sur les esprits.
Les apports de Lakoff sont de notoriété publique aux États-Unis et singulièrement la notion de « framing ». Ces notions sont connues, utilisées et assumées, tant par les républicains que les démocrates, avec des fortunes diverses. Elles ont traversé l’Atlantique et ont été utilisées par les partisans du Brexit, par exemple. Des conseillers en stratégie et communication politiques américains se sont rendus dans différents pays européens.
Leur stratégie, tragiquement ignorante des leçons de l’histoire, semble guidée par cette croyance : nous pourrons récupérer dans nos rangs les électeurs attirés par les sirènes de l’extrême-droite, en incorporant dans nos programmes quelques-unes de leurs thèses les moins nauséabondes.
Tout cela n’est généralement pas perçu par les observateurs de la scène politique, dans la mesure où cela semble ne ressortir que du monde du marketing, un monde hors champ, pour la plupart des commentateurs politiques. C’est pourtant bien de politique qu’il s’agit, avec une intention assez explicite : la victoire politique, pensée comme hégémonie culturelle. Cette expression gramscienne n’est pas choisie au hasard. Ce concept, pourtant élaboré par le philosophe politique marxiste italien dans les années 1930, a été repris comme référence par l’extrême-droite française dès 1977 et les très influents chrétiens conservateurs américains pour identifier ce qui sera leur champ de bataille… Paraphrasons Clausewitz : « La guerre culturelle est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Et si les démocrates ne comprennent pas, en ce termes, ce qui est occupé à se passer, ils et elles sont perdu·es.
On a fustigé ici cette stratégie perdante et oublieuse des leçons de l’histoire de la part des droites traditionnelles. Une stratégie perdante, mais surtout une stratégie dangereuse pour tout le monde ! Pour l’affronter, les partisans des divers camps politiques démocratiques sont à rassembler. C’était très exactement l’appel lancé par Kristof Calvo, sur les ondes de Matin-Première, au lendemain des élections aux Pays-Bas. « Quand la démocratie et l’état de droit sont en danger, ce n’est pas que la responsabilité de la gauche ou de la droite. Je pense que c’est un défi pour toute la classe politique et pour tous les démocrates », affirme-t-il. Et il poursuit : « On doit revenir à un état de confiance. J’ai parfois l’impression que les francophones pensent que l’extrême-droite est uniquement un problème de la Flandre alors que ça concerne tout le pays. Et pour y remédier, on a aussi besoin des partis francophones. »
So what ?
Que faire ? Face à une évolution du paysage politique qui nous déconcerte, les analyses de propositions de Lakoff fournissent des pistes stimulantes. Si nous voulons empêcher la droite de gagner davantage encore de parts de cerveaux, il s’agit, non de contester ses cadres (les contester contribuerait à en augmenter la diffusion) et pas davantage de les utiliser nous-mêmes, dans le vain espoir que « les gens » reviennent vers nous… Non, il s’agit au contraire de nous adresser à l’électorat bi-conceptuel que nous voulons rejoindre, en nous adressant à lui comme nous nous adresserions à nos propres bases, c’est-à-dire en faisant explicitement référence à nos valeurs fondatrices dans lesquels ces électorats pourront eux aussi se reconnaître, puisqu’ils en sont partiellement les dépositaires.
Dans « Don’t think of an elephant »20, Lakoff donne des conseils aux progressistes. Retenons-en ici quelques-uns, particulièrement pertinents en regard de ce qui précède.
- Tout d’abord, Il s’agit de nous exprimer nous-mêmes en permanence, conformément à nos propres valeurs morales, c’est-à-dire celles qui relèvent du modèle familial nurturant.
- Il s’agit tout autant de bien identifier d’où viennent les conservateurs et la référence au modèle patriarcal autoritaire qui en assure la cohérence, derrière la diversité de ses manifestations.
- Il est aussi recommandé d’adopter une pensée stratégique et transversale c’est-à-dire de cesser de raisonner par silos, par thématiques et programmes isolés, pour davantage réfléchir en des termes d’objectifs moraux de grande ampleur, traversant les thématiques.
- Lakoff recommande également aux progressistes, quelles que soient leur tendance, de s’unir et de coopérer.
- Il recommande encore de cesser de vouloir répondre, dans une posture réactive et au coup par coup, mais d’être davantage proactifs, en définissant ainsi eux-mêmes les thèmes du débat.
- Dernière recommandation (On notera que c’est très exactement la démonstration que les pages qui précèdent ont entreprise), il s’agit de nous adresser à la base progressiste de manière à activer le modèle nurturant auprès des électeurs bi-conceptuels.
Et Lakoff d’affirmer :
« Il est doublement néfaste d’opter pour la « droitisation ». Cela nous aliène la base progressiste et cela aide les conservateurs, en activant leur modèle auprès des électeurs bi-conceptuels. »21
Envoi
Mesurons combien cette approche anthropo-cognitivo-linguiste de la politique peut être déroutante, tant elle remet en question nos habitudes de pensée, non seulement sur ces questions mais de manière plus générale encore. Formaté·es que nous sommes à l’abord cartésien des problèmes, nous avons beaucoup de mal à accepter que nos cerveaux procèdent de la sorte. Souhaitons que l’examen de cet exemple et du cadrage théorique qui le fonde contribuera renforcer la plausibilité de l’approche. Soyons plus ambitieux encore. Souhaitons qu’il contribue à convaincre de l’intérêt qu’il peut y avoir, au côté de la politique programmatique, à se doter d’une politique cognitive et de nouer des alliances.
Encadrés
BARBE, Luc, (2019), « La N-VA expliqué au francophones », Etopia, Namur. On se réfèrera particulièrement au chapitre 16, intitulé : « Framing et dispositif narratif ». Pages 258-280)
BETZ Hans-Georg, (2008), « États-Unis : une nation divisée. Guerre culturelle et idéologique. » Trad de l’anglais. Ed. Autrement, Paris.
LAKOFF, George, JOHNSON, Mark, (1985), « Les métaphores dans la vie quotidienne », Ed de Minuit, Paris.
LAKOFF George, (2011), “Framing: The Role of the Brain in Politics”, dans Emotions in Politics and Campaigning, Ed: Christoph Hofinger Gerlinde Manz-Christ, Prestige Books International, New Delhi – Sydney, 2011, pp.25-37); “European Association of Political Consultants”, EAPC. Voir : eapc.eu
LAKOFF, George, (1996-2002), “Moral Politics. How Liberals and Conservatives Think“, University of Chicago Press.
LAKOFF George (2015), « La Guerre des Mots », ou comment contrer le discours des conservateurs. CELSA, Les Petits matins, Paris.
PIROTTON Gérard, (2022), « Notre cerveau politique : mieux le comprendre pour mieux parler des enjeux environnementaux ». « Green Talk », (7min30…). https://www.youtube.com/watch?v=nGVfN58rIy4
PIROTTON Gérard, (2023)
« Nos cerveaux et les discours politiques ». In: Démocratie (mai)
« Comment nos cerveaux comprennent la politique ». In: Revue Nouvelle (juin)
Les deux modèles que l’on va présenter schématiquement ici sont des idéaux-types, c’est-à-dire des outils intellectuels, des guides aux vertus heuristiques, utiles pour élaborer des hypothèses et analyser les nuances de la réalité. L’apport spécifique des sciences cognitives et de montrer que ces modèles correspondent à la réalité physique de l’organisation de nos réseaux neuronaux. C’est ainsi qu’ils sont pertinents et mobilisés pour déterminer ce qui est désirable. Il concerne la politique sur base de la métaphore : « La-nation-est-une-famille », la métaphore étant entendue ici commun procéder cognitif fondamental permettant de rendre compte de la manière dont les êtres humains élaborent de la signification il se coordonnent entre eux à ce propos. Rappelons enfin que ces 2 modèles idéaux coexistent dans nos cerveaux. Ils sont inhibiteurs l’un de l’autre ils sont renforcés par l’usage qui en effet l’activation d’un modèle inhibant l’activation de l’autre.
Les encadrés qui suivent sont une traduction non validée de passages extraits de :
« Moral Politics. How Liberals and Conservatives Think » 22
Le modèle du père strict s’édifie autour d’un principe : la vie est difficile et le monde est fondamentalement dangereux. La survie est une préoccupation majeure, des dangers et le mal se cachent partout, en particulier dans l’âme humaine. Le modèle peut se décrire ainsi. Dans une famille nucléaire traditionnelle, c’est le père qui a la responsabilité principale de soutenir et de protéger la famille, c’est lui qui a l’autorité pour définir la politique générale de la famille. Il doit apprendre aux enfants à distinguer le bien du mal, en établissant pour leurs comportements des règles strictes et en les faisant respecter par des punitions. La punition est généralement légère ou modérée, mais elle doit être suffisamment douloureuse. Il s’agit souvent d’un châtiment corporel, par exemple à l’aide d’une ceinture ou d’un bâton. Dans ce modèle, c’est en leur montrant de l’amour et de la reconnaissance lorsqu’ils respectent les règles que le père obtient leur coopération. Mais les enfants ne doivent jamais être dorlotés, de peur qu’ils ne deviennent gâtés : un enfant gâté sera dépendant toute sa vie et n’apprendra pas la morale.
La mère est responsable au quotidien de l’entretien de la maison, de l’éducation des enfants et du maintien de l’autorité du père. Les enfants doivent respecter leurs parents et leur obéir, d’une part pour leur propre sécurité et d’autre part parce qu’ils se forgent ainsi leur caractère, c’est-à-dire leur autodiscipline et leur autonomie. Si l’amour et la sollicitude sont des éléments essentiels de la vie familiale, ils ne doivent jamais prendre le dessus sur l’autorité parentale, qui est elle-même l’expression de l’amour et de la sollicitude. (« Tough Love »). L’autodiscipline, l’autonomie et le respect de l’autorité légitime sont les éléments essentiels que l’enfant doit apprendre. Un adulte mature devient autonome en appliquant l’autodiscipline, dans la poursuite de son intérêt personnel. Ce n’est que si l’enfant apprend l’autodiscipline qu’il pourra devenir autonome plus tard. La survie est une question de compétition, et ce n’est que par l’autodiscipline qu’un enfant peut apprendre à rivaliser avec succès. C’est par eux-mêmes que les enfants matures doivent, soit couler soit nager. Ils sont livrés à eux-mêmes et doivent prouver qu’ils sont responsables et autonomes. Ils doivent prendre leurs propres décisions et sont compétents pour le faire. Ils doivent se protéger et protéger leur famille. Ils savent ce qui est bon pour eux, mieux que leurs parents, qui se sont éloignés d’eux. Les bons parents ne s’immiscent pas dans leur vie. Toute ingérence parentale est très mal perçue.
Quant à la structure du système moral de ce modèle (pages 99-101)
* Force morale : être moral, c’est être fort ; être immoral, c’est être faible ;
* Autorité morale : elle est conférée ou non à toute figure de l’autorité, sur base du modèle de l’autorité parentale ;
* Ordre moral : Il légitime l’autorité du père strict dans ce modèle familial. Par extension, les riches paraissent moralement ou naturellement supérieurs aux pauvres ;
* Limites morales : Cela permet d’appliquer un raisonnement spatial aux structures morales. Une personne conforme est dans la norme. Sinon, elle est déviante ;
* Essence morale : Ce que l’on entend par « caractère » dans le modèle familial explique les actions passées et futures d’une personne.
* Intégrité morale : l’unité, la stabilité et l’homogénéité de la moralité sont une vertu… et inversement !
* Pureté morale : la morale doit être unifiée et uniforme. L’inverse suscite dégoût face à la corruption ;
* Santé morale : le contact avec des personnes immorales est dangereux et peut être contagieux et incontrôlable, comme une épidémie.
* L’intérêt moral : en cohérence avec l’autodiscipline et l’autonomie, la recherche de l’intérêt personnel est une activité morale.
* La moralité en tant que nurturance : il est moral d’aider les gens. Mais cet aide ne peut interférer avec le culte de l’autodiscipline et de la responsabilité.
Selon ce modèle, une famille est de préférence composée de deux parents, mais cela peut n’être qu’un seul. S’ils sont deux, les parents partagent les responsabilités domestiques.
L’expérience primaire qui sous-tend ce modèle est celle d’être pris en charge et soigné, de voir satisfaits ses désirs d’interactions affectives, de vivre aussi heureux que possible et de trouver du sens dans des interactions mutuelles et une attention bienveillante.
Les enfants se développent au mieux, grâce à leurs relations positives avec les autres, à leur contribution à leur communauté et à la façon dont ils réalisent leur potentiel et trouvent de la joie dans la vie. Les enfants deviennent responsables, autodisciplinés et autonomes lorsqu’on s’occupe d’eux, lorsqu’on les respecte et lorsqu’eux-mêmes prennent soin des autres. Le soutien et la protection font partie de ce modèle nourricier et requièrent force et courage de la part des parents. L’obéissance des enfants découle de l’amour et du respect qu’ils portent à leurs parents, et non de la crainte d’une punition.
Une communication ouverte, qui va dans les deux sens, mutuellement respectueuse est cruciale. Pour que l’autorité des parents soit légitime, ils doivent expliquer aux enfants pourquoi leurs décisions sont motivées par la protection et l’éducation. Le questionnement des parents par les enfants est considéré comme positif, car les enfants ont besoin d’apprendre pourquoi leurs parents font ce qu’ils font. En effet, les enfants ont souvent de bonnes idées, qui doivent être prises au sérieux. Tous les membres de la famille doivent participer aux décisions importantes. Les parents responsables doivent bien sûr prendre les décisions finales et cela doit être clair.
La protection est une forme de soin, et la protection contre les dangers extérieurs occupe une part importante de l’attention du parent nurturant. Le monde est rempli de maux qui peuvent nuire à un enfant, et il est du devoir du parent nurturant de les écarter. La criminalité et la drogue sont, bien sûr, importantes, mais il en va de même pour des dangers moins évidents : cigarettes, voitures sans ceinture de sécurité, jouets dangereux, vêtements inflammables, pollution, amiante, peinture au plomb, pesticides dans les aliments, maladies, hommes d’affaires sans scrupules, etc. Protéger des enfants innocents et sans défense contre ces maux constitue une part importante du travail d’un parent nurturant.
Ici, l’objectif principal est de permettre aux enfants de s’épanouir et d’être heureux dans leur vie et de devenir eux-mêmes nurturants. Une vie épanouie, c’est, en grande partie, une vie nurturante, c’est-à-dire une vie engagée dans la responsabilité familiale et communautaire. L’épanouissement personnel et la protection à l’égard des autres sont considérés comme inséparables. Ce que les enfants ont le plus besoin d’apprendre, c’est l’empathie pour les autres, la capacité à prendre soin d’eux, la coopération et le maintien des liens sociaux. Ce qui ne peut se faire sans la force, le respect, l’autodiscipline et l’autonomie qui découlent des soins et de l’attention que l’on porte à l’enfant. Élever un enfant pour qu’il s’épanouisse, c’est aussi l’aider à développer son potentiel de réussite et de plaisir. Pour ce faire, il faut respecter les valeurs propres à l’enfant et lui permettre d’explorer l’éventail d’idées et d’options que le monde lui offre.
Lorsque les enfants sont respectés, élevés et que l’on communique avec eux dès leur naissance, ils entrent progressivement avec leurs parents dans une relation de respect mutuel, de communication et d’attention, qui durera toute leur vie. ———
(*) Ce mot a la même racine que « nursing », lui aussi non traduit en français. Il permet d’insister sur cette double attention, accordée à la fois à soi-même et aux autres. Le terme « altruiste » semble n’insister que sur le seul soin aux autres, au risque de se négliger soi-même.
Quant à la structure du système moral de ce modèle (p.135-138)
* La moralité en tant que nurturance : il est moral d’aider les personnes qui ont besoin d’aide ;
* La moralité comme empathie : l’empathie désigne la capacité à ressentir ce que ressent une autre personne. C’est la condition préalable à la nurturance, elle est donc d’une importance primordiale ;
* La moralité de l’auto-nurturance : qu’il est moral de prendre soin de soi, pour être capable de s’occuper des autres ;
* La moralité en tant que développement personnel : Le développement du potentiel de l’enfant étant un objectif majeur de la nurturance. Encourager le développement du potentiel humain est moral ;
* La moralité comme bonheur : cultiver son propre bonheur permet de cultiver l’empathie. Cette dimension anti-ascétique considère la capacité de vivre des expériences esthétiques comme une vertu. La communion avec le monde naturel étant une expérience esthétique majeure. En conséquence, l’attention portée à la nature une forme de moralité.
* La moralité comme répartition équitable : la nurturance exige une répartition équitable entre les enfants. Egalité et d’équité sont des composantes du système moral ;
* La force morale : dans l’éducation des enfants, la force des adultes est au service de la nurturance. Des forces et des faiblesses en découlent. Exemples de faiblesses : irresponsabilité, égoïsme, étroitesse d’esprit, insensibilité aux sentiments, manque de coopération, égocentrisme … Exemples de forces : responsabilité sociale, générosité, ouverture d’esprit, capacité à communiquer, prévenance, coopération, gentillesse…
* Les limites morales : sont définies par des actions qui produisent des effets non nurturants ;
* L’autorité morale : C’est en raison de la réussite de la nurturance que s’acquiert l’autorité morale. C’est ainsi que la confiance se gagne, et non par l’établissement et l’application des règles.
Téléchargez cet article en PDF
Références
1 VRT : « Vooruit wil “basisbaan” voor langdurig werkzoekenden, wie weigert verliest uitkering” Werkzoekenden die na twee jaar nog niet aan de slag zijn, moeten een “basisbaan” aannemen. Anders verliezen ze hun uitkering. Dat vindt Vooruit-voorzitter Conner Rousseau, die in aanloop naar 1 mei een resem voorstellen lanceert om meer mensen aan het werk te krijgen. – https://www.vrt.be/vrtnws/nl/2023/04/26/basisbaan-vooruit
RTBF : « Le président du parti socialiste flamand propose que les chômeurs de longue durée se voient obligés d’accepter un “job de base” sous peine de dire adieu à leurs allocations. »
2 FUKUYAMA, Francis, (1992), “The End of History and the Last Man”, Free Press, New York
3 HUNTER, James Davison, (1991), “Culture Wars. The Struggle to Define America”, Basic Books.
4 Ce sont très exactement les mots que Joe Biden a utilisés, en annonçant et en motivant sa candidature à la prochaine élection à la présidence des États-Unis.
5 George Lakoff cite une conférence internationale, qui a mis en lumière le fait que des professionnels américains, spécialistes en stratégies et communications politiques, ont été engagés par des partis conservateurs européens. Voir : G. LAKOFF, “Framing: The Role of the Brain in Politics”, dans Emotions in Politics and Campaigning, Ed: Christoph Hofinger Gerlinde Manz-Christ, Prestige Books International, New Delhi – Sydney, 2011, pp.25-37) ; “European Association of Political Consultants”, EAPC. Voir : <eapc.eu>
6 BARBE, Luc, (2019), « La N-VA expliqué au francophones », Etopia, Namur. On se réfèrera particulièrement au chapitre 16, intitulé : « Framing & dispositif narratif ». Pages 258-280)
7 Dans un interview à LLB (30-04-2022), il n’hésite pas à l’afficher très explicitement : « La politique est une guerre culturelle. Nous devons gagner, non pas les suffrages des gens, mais leur cerveau et leur cœur ».
8 Voir : LLB (30-04-2022) « Théo Francken, le nationaliste flamand qui aide le MR à se rapprocher de la N-VA. »
9 ZAHIDI, Karim, VANDERBEEKEN, Robrecht (dir), (2022), « Debatfiches van de vlaamse elite » EPO, Berchem (Antwerpen). On lira aussi un interview de Robrecht Vanderbeeken, récemment publiée dans le périodique : « Hors de Prix », édité par le PAC, Agir par la culture : « L’identité flamande, ‘’sifflet à chien’’ de l’extrême droite et des élites ». #70, Printemps 2023. Pages 4-7.
10 On fait ici référence à des acteurs comme les mutuelles, les organisations syndicales, les fédérations patronales, les associations de tout type… dont on connait le rôle dans un pays consociatif comme la Belgique et comme en rend compte le modèle des clivages et des « piliers » (Standen) qui y correspondent. Pour l’actualité de ce modèle, voir : « Les clivages à l’épreuve de la société », La Revue Nouvelle, Octobre 2009. (Pages 26-77)
11 LAKOFF, George, JOHNSON, Mark, (1980), “Metaphors We Live By”, The University of Chicago Press. [Réédition en 2003]
12 LAKOFF, George, JOHNSON, Mark, (1985), « Les métaphores dans la vie quotidienne », Ed de Minuit, Paris. P. 15.
13 LAKOFF, George, (1987), « Women, Fire, and Dangerous Things: What Categories Reveal About the Mind », University of Chicago Press
14 LAKOFF, George, (1996-2002), « Moral Politics. How Liberals and Conservatives Think », University of Chicago Press.
15 Voir les encadrés ci-contre.
16 Tel quel, ce mot n’est pas traduisible. Il est de la même racine que le mot « nursing », lui non plus non traduit en français dans la mesure où il désigne une réalité présentant deux faces complémentaires : veiller à soi-même pour être en mesure de prendre soin de l’autre. De possibles traductions françaises comme « altruiste » ou « nourricière » ne mettent l’accent que sur le soin à l’autre.
17 Quant au modèle du Père Strict, Lakoff évoque souvent : DOBSON, James, C. (1970-1992), « The Dare to discipline », Wheaton, Living Books/Tyndale House.
18 La liste plus complète est présentée en encadrés en annexe.
19 Johan Vande Lanotte disait volontiers, il y a une vingtaine d’années, en parlant de son parti : « La Flandre est trop riche pour avoir besoin d’un Parti Socialiste ! »
20 LAKOFF George, (2014) « The All New Don’t Think of an Elephant ! Know your Values and frame the Debate », Chelsea Green Publishing Company. Ce livre a fait l’objet de la seule traduction française du Lakoff politique : LAKOFF George (2015), « La Guerre des Mots », ou comment contrer le discours des conservateurs. CELSA, Les Petits matins, Paris. (Les « 11 conseils » se trouvent aux pages 52 à 54).
21 LAKOFF George (2015), « La Guerre des Mots ». Op. Cit. (Page 54)
22 LAKOFF, George, (2002), « Moral Politics. How Liberals and Conservatives Think », Sd Ed. University of Chicago Press.