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 “Les Communs – Idéal de la gouvernance vers la durabilité ?” 

 

 

Introduction

Nous nous trouvons à un tournant de l’histoire de l’humanité. La multiplicité des crises profondes que notre monde moderne traverse met à mal les conditions de la vie humaine sur la planète. L’anthropocène, cette nouvelle ère géologique où les activités humaines industrielles bouleversent durablement les écosystèmes terrestres, nous entraîne dans une époque plus que jamais incertaine et expérimentale. La complexité du monde actuel, de ses interactions et interdépendances en lien avec la mondialisation, de l’inertie des systèmes institutionnels que nos sociétés ont créés, rend d’autant plus difficile la recherche et l’application de solutions. .

Le souhait de travailler sur les communs provient du constat de plusieurs dysfonctionnements transversaux :

une perception de l’homme au centre de la nature. Le dualisme homme/nature en cours depuis plusieurs siècles est devenu le socle culturel de notre civilisation occidentale qui justifie l’exploitation des ressources naturelles pour satisfaire les « besoins » humains. Cette perception doit à tout prix changer aujourd’hui tant l’humain dépend de cette nature, tant les équilibres écosystémiques permettent notre existence humaine en lui rendant des services essentiels.

un modèle économique mortifère. Le modèle économique capitaliste issu des révolutions industrielles du XIXe siècle a construit le culte de l’individu et mis à mal les forces collectives. Il se fonde sur une appropriation de la nature à des fins privées et ne se pose pas de limites. Il vise à produire toujours plus et a accouché de la société consumériste actuelle où l’individu pense trouver son épanouissement dans l’acte de consommer. Cette privatisation de la nature à des fins productives doit être surpassée si nous souhaitons recréer les conditions d’un monde durable.

un système démocratique malade. Notre système politique fondé sur la démocratie représentative montre des signes de faiblesse. Les crises que notre société traverse fragilisent la confiance des citoyen·ne·s envers les partis politiques traditionnels qui ne trouvent pas les réponses suffisantes pour les surpasser. Le sentiment d’insécurité (économique, physique, etc.) ressenti par un nombre croissant de citoyen·ne·s les incitent à voter pour des partis populistes porteurs des propositions les plus extrêmes. Le vote est insuffisant à faire vivre la démocratie. D’autres formes structurelles de partage du pouvoir doivent émerger.

Les communs semblent apporter une réponse à ces trois dysfonctionnements. Ils apparaissent comme un horizon futur vers lequel progresser. Ils constituent un champ d’études vaste et dynamique. Les communs, nous le verrons, émergent dans tous les secteurs (habitat, santé, éducation, mobilité, connaissance, etc.) et leur étude relève de plusieurs disciplines : économie politique, sociologie, droit, éthique, écologie, etc. Ils présentent donc différents niveaux de lecture. Cette étude adoptera une approche généraliste visant à donner une première compréhension du sujet des communs en ouvrant plusieurs fenêtres de réflexion en lien avec d’autres domaines. Nous chercherons aussi à évaluer le potentiel de transformation sociétale des communs.

1) Les communs, éléments de définition

Il est important de débuter par des éléments de définition. Elinor Ostrom a théorisé la première la notion de communs dans son ouvrage « Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles » qui lui a valu le prix Nobel d’économie (le premier pour une femme) en 20091. Sa théorie est une réponse à la Tragédie des biens communs publiée par Garrett Hardin dans la revue Science en 1968. Cet auteur affirmait que lorsqu’une ressource est gérée en commun (un pâturage, une forêt, une rivière, etc.), elle a tendance à se tarir car tous les individus pouvant en profiter vont le faire au maximum et surexploiter la ressources jusqu’à l’épuiser. « Le seul moyen d’éviter cette « tragédie » serait de privatiser (la ressource), pour que son propriétaire en prenne soin, ou de la nationaliser pour que l’État fixe des règles2 ». Elinor Ostrom développe une autre vision : la gestion collective d’une ressource partagée selon des règles pré-établies permet d’en assurer la pérennité. Elle fonde sa thèse sur des recherches empiriques et des observations de terrain (500 études de cas environ) à différents endroits du monde : Japon, Népal, Espagne, etc. Elle collecte ainsi des centaines de cas de gouvernance commune d’une ressource qui lui permettent de fonder sa théorie et de proposer une autre vision que celle de la compétitivité et de l’individualisme de Hardin.

Détaillons un exemple pour illustrer un cas de gouvernance d’un bien commun étudié par Ostrom3 : le cas des aquifères de Los Angeles. Dans cette région aride, les aquifères sont des ressources précieuses dans lesquelles les communautés et entreprises prélèvent directement de l’eau. Ce système se révèle moins coûteux que la construction de châteaux d’eau. Dans la 1ère moitié du XXe siècle, les droits des propriétaires étant mal définis, chacun y puisait le plus possible pour maximiser sa part. Les nappes phréatiques diminuaient et la ressource était en danger. Ce système de gestion se rapproche de la logique de Garrett Hardin. Mais la mise en place d’arènes publiques dès les années 60 va modifier durablement la gestion de l’eau. Alertés du risque sur la ressource, les acteurs eux-mêmes négocièrent de nouvelles règles de gestion. Ils finirent par s’accorder sur une réduction de leur consommation en l’échange d’un engagement similaire de la part de leurs pairs. Ce processus, bien que conflictuel, permit finalement de mettre en place un système de gouvernance pérenne et peu coûteux.

Trois éléments permettent de définir les communs , selon Elinor Ostrom :

1) La ressource doit être en accès partagé.

2) Elle doit être gérée par une communauté.

3) La communauté édicte des principes et des règles pour assurer la bonne gestion de la ressource. Les commoners répondent à des droits et des obligations. Un système de gouvernance est établi.

Le processus de mise en commun est tout aussi important que la ressource. « There is no common without commoning » explique Elinor Ostrom. C’est une des forces du travail d’Elinor Ostrom que de montrer la place des interactions, de la discussion et de la construction progressive des règles de gestion d’une ressource. Ces étapes en conditionnent la réussite.

Sur base des multiples cas étudiés, la chercheuse établit également 9 critères ou règles pour que ce mode de gestion puisse fonctionner, tout en admettant la diversité des situations et leur caractère propre. Il n’y a pas de modèle universel selon elle. Parmi les critères décrits, l’on peut citer l’importance de bien délimiter la ressource, l’adaptation des règles de gouvernance aux conditions locales, la participation des membres à la définition de règles communes, la surveillance du respect des règles par les appropriateurs eux-mêmes, l’existence de sanctions graduelles en cas de non-respect des règles, l’accès facile et local à des mécanismes de résolution de conflit, le droit des appropriateurs d’établir leurs propres institutions sans remise en question par un gouvernement externe et, pour les communs de grande taille, l’organisation des activités de gouvernance sur plusieurs niveaux imbriqués.

1.a) Biens communs, publics, privés, quelle différence ?

Commun, communs, bien commun, biens communs, les différents termes peuvent prêter à confusion. Benjamin Coriat, auteur français de différents livres sur les communs, fait la différence entre « communs » et « biens communs ». Les communs, dans la lignée d’Elinor Ostrom, sont des ressources matérielles ou immatérielles gérées par une communauté restreinte de personnes ayant des droits et des obligations pour la préserver. Le terme renvoie aux objets de nature très diverse pris en charge par l’activité collective des individus. Les biens communs par contre, n’ont pas de système de gouvernance établi, concerne un très grand nombre de personnes, et sont porteurs d’externalités positives et négatives. Ils ont des fonctionnalités utiles à l’exercice des droits fondamentaux et au libre développement de la personne. Il y a des biens communs naturels comme l’océan, la calotte glaciaire, l’atmosphère, etc. et des biens communs sociaux comme la santé ou l’éducation. Par exemple, le climat concerne l’humanité entière. Selon que ces biens soient bien entretenus ou pas, ils vont avoir un certain nombre d’effets sur les gens. Le défi, pour Benjamin Coriat, est de « transformer les biens communs en communs »4.

Le commun, au singulier, est le principe effectif qui incarne une opposition à l’ordre capitaliste et à l’État entrepreneurial. Il précède les communs, il en est en quelque sorte le fondement implicite. Selon Dardot et Laval, « loin d’être une pure invention conceptuelle, il est la formule des mouvements et des courants de pensée qui entendent s’opposer à la tendance majeure de notre époque : l’extension de l’appropriation privée à toutes les sphères de la société, de la culture et du vivant 5». Le terme commun regroupe un ensemble de pratiques, luttes et recherches visant un horizon de dépassement du capitalisme.

L’expression bien commun, quant à elle, vient de la tradition chrétienne, mais elle dépasse largement cet ancrage aujourd’hui. « Le bien commun a une signification plus large que les biens communs ou les biens publics : il « désigne le bien-être ou le bonheur collectif d’une communauté ou en général de ses membres et l’ensemble des choses qui sont supposées y contribuer : biens matériels, respect d’autrui, justice sociale6 ». Et on peut inclure dans le bien commun les grandes visées solidaires : la réduction des inégalités, la participation de toutes et tous, mais aussi le bien des générations futures, et donc la préservation de l’environnement et la maîtrise de la dérive climatique en cours7 ». Aujourd’hui, le bien commun est invoqué comme un horizon sociétal souhaitable à atteindre. Il offre une clé de lecture qui permet de discerner le caractère moral ou non de l’organisation d’une société.

Un détour par la typologie économique de Samuelson (1954) peut également apporter un éclairage. Ce dernier dresse un classement des différents types de biens selon deux critères : leur rivalité dans l’usage et l’exclusion dans l’accès. Gaël Giraud, économiste français, établit cette distinction8 sur base des travaux d’Ostrom.

– les biens privés sont des biens dont la consommation est rivale (c’est-à-dire excluante – « si je possède cette ressource, tu ne peux pas l’avoir ») et dont l’accès est régulé par le prix (selon mes moyens, je peux ou pas me procurer cette ressource). Un bien privé est un bien matériel (objet, bien immobilier, forêt, etc.) qui est la propriété d’individus ou de personnes morales non étatiques (sociétés commerciales, asbl, etc.). Le seul propriétaire de ce bien peut décider de son usage.

– les biens publics sont des biens administrés par l’état dont l’accès est libre et non rival. Cela peut par exemple être les soins de santé, un parc, ou encore l’éducation aujourd’hui (bien qu’il existe des écoles privées). Leur usage est non rival, c’est-à-dire qu’un individu peut en profiter sans que cela n’en diminue la consommation de tous les autres. Et leur accès est universel, destiné à tous ; on pne peut empêcher personne de consommer ce bien. La loi est la règle universelle qui s’impose pour traiter cette ressource.

– Gaël Giraud reprend aussi les biens clubs dont parle Elinor Ostrom. Il les appelle biens tribaux. Il s’agit de biens dont la consommation est non rivale mais dont l’accès est régulé. Il prend l’exemple d’un club d’échecs pour lequel il faut payer une cotisation. Les biens tribaux reposent sur le principe ami/ennemi, sur base de critères comme la tradition par exemple.

– Les biens communs, selon la typologie économique, présentent une non-exclusion d’usage mais sont rivaux dans leur consommation. Il est difficile d’en exclure un agent, ils sont non appropriés ou accessibles à tous. Mais leur consommation peut les rendre indisponibles ou faire diminuer la part d’autres. Par exemple, une forêt, des pâturages, des ressources halieutiques, etc. Les biens communs présupposent une forme de propriété collective dont les modalités d’organisation et de gestion vont varier. A travers ses recherches, Ostrom révèle que les biens communs peuvent être gérés comme des communs. Les règles de gestion de ces biens sont soumises à délibération, à interprétation et remises en cause par la communauté. Il s’agit alors de n’importe quelle ressource gérée démocratiquement par une communauté9. Par exemple, un habitat en commun, un potager en commun, un système de véhicules partagés ou encore des logiciels informatiques libres. Le caractère rival ne s’appliquera par contre pas dans ce dernier cas. Les communs informationnels, tels que les logiciels libres ou la connaissance, répondent aux principes de partage, de transmission et d’enrichissement progressif. Ils diffèrent ainsi des communs fonciers (eau, forêt, pâturages, ressources minérales, etc.).

Pour Gaël Giraud, « il faut se départir d’une vision naturaliste du commun qui tenterait d’identifier certaines caractéristiques permettant de décider si tel bien est par essence un bien privé, public ou encore un commun. L’essence d’un commun ne préexiste pas à son existence 10». Ils dépendent de décisions politiques, de ce que nous en faisons.

1.b) Les communs comme tierce voie

« Les communs sont nés consubstantiellement avec la question de l’écologie » affirme Benjamin Coriat11. Du XIIe au XIXe siècle en Angleterre (et ailleurs), environ 1/3 des Terres n’étaient pas privatisées mais ouvertes à une gestion commune. Les habitants avaient des droits de prélèvement multiples codifiés selon des règles précises. Ces terres étaient appelées « lands of commons ». Cette tradition ancestrale a pris fin avec le mouvement des enclosures12 (action d’enclore un champ) qui a vu ces terres privatisées et les ruraux qui en profitaient devenir, bien souvent contre leur volonté, les salariés des industries qui démarraient à cette époque. Cet épisode marque la transition des droits d’usage vers les droits de propriété, ainsi que l’expansion de la logique des relations marchandes, prédominantes dans notre économie capitaliste mondialisée.

« Les biens communs ont donc un rapport direct avec la question écologique. Ils impliquent la responsabilité politique (collective) et éthique (individuelle) d’en prendre soin parce qu’ils sont à la fois vitaux et fragiles » nous dit Gaël Giraud13. Selon lui, il est impératif de redonner de la place au commun pour limiter le privé et le public. Selon Gaël Giraud, « le débat actuel sur la transition écologique est prisonnier d’un cadre trop étroit qui ne distingue que deux grandes catégories de biens14 » : les biens privés et les biens publics. Selon lui, les communs pourraient constituer une voie qui pourrait très bien ouvrir sur un nouveau rapport avec à la nature hors de la privatisation.

La privatisation des biens signifie que c’est le propriétaire seul qui décide de la gestion de la ressource et en exclut l’accès à tous les autres. On a pu observer ces dernières décennies une privatisation accélérée de la nature par les entreprises à des fins d’exploitation et de profit. Dans ces cas de figure, pensons à une exploitation minière ou pétrolière, c’est avant tout l’appât du gain qui va motiver les entreprises à lancer une exploitation. Jusqu’à aujourd’hui, les externalités négatives que l’activité peut engendrer comme la dégradation du paysage, de la faune ou encore la pollution de l’eau, n’entrent pas dans la comptabilité des entreprises. La production, et donc le PIB, augmente mais les dégradations environnementales dont le coût pourrait être chiffré également n’apparaissent pas dans le calcul, ce qui est illogique. Alors que les ressources extractives sont finies, le système comptable n’en rend pas compte et permet ainsi d’exploiter sans limites. « Le monde peut s’effondrer, cela ne se voit pas dans la comptabilité » dit Michel Bauwens, spécialiste des communs15.

Les communs invitent à questionner l’hégémonie de la propriété privée. Les travaux d’Elinor Ostrom ont permis de remettre en évidence la propriété commune (longtemps occultée) à travers le concept de « faisceau de droits »16. La socioéconomie des communs est un domaine de recherche qui se propose de « redéfinir le droit de propriété pour permettre la coexistence d’autres formes juridiques à côté de celles spécifique de la propriété privée exclusive et de la propriété étatique, la sociopolitique du commun postule un droit du commun qui s’oppose au droit de propriété et le relativise. Le droit du commun est un droit d’usage de l’inappropriable qui est institué par l’agir commun, c’est-à-dire par l’exercice démocratique 17». C’est le postulat défendu par Pierre Dardot et Christian Laval dans leur livre « Communs. Essai sur la révolution du XXIe siècle ». Pour eux, l’agir commun, en tant que praxis instituante, a le potentiel de renverser la logique néolibérale du calcul économique et de s’étendre à l’ensemble de la vie sociale. Nous y reviendrons.

Pour ce qui est des biens publics, les règles pour traiter la ressource sont a priori universelles mais ne sont pas le fruit d’une décision délibérée entre toutes les personnes concernées par cette ressources. C’est l’État qui se saisit de la ressource, la destine à la collectivité et en assure la production et l’entretien. La représentation des collectivités destinataires de ces biens ne sont pas réellement pensées. L’ État, d’une certaine manière, est le garant de l’exercice des droits et libertés individuelles.

Derrière le mot commun, on pourrait facilement entendre le mot communisme. Il est important de préciser que les communs n’ont rien avoir avec le modèle communiste où l’État concentre le pouvoir décisionnaire. « Les communs sont aux antipodes d’une pure gestion bureaucratique et publique des ressources » dit Gaël Giraud. Même si des formes de coopération entre État et communs sont une voie possible de développement des communs, nous y reviendrons. Les communs ne se fondent pas non plus sur une lecture de classe. Bien qu’il serait intéressant d’approfondir une analyse sociologique et culturelle des profils à l’origine de la création de communs. On pourrait cependant pointer certains traits communs entre communs et l’idéal communiste tels que l’égalité, l’entraide, la solidarité, la communauté et la lutte contre la propriété privée18. Outre leurs similitudes et leurs différences, il reste sans doute préférable d’user du mot communs tant le mot communisme charrie un imaginaire lourd de ses écueils passés.

Le commun apparaît donc comme une voie pour surpasser les limites des biens privés et publics. Aujourd’hui, de nombreux biens communs ne disposent pas des modes de gouvernance adaptés pour en prendre soin. Par exemple, les abeilles dont les populations diminuent à cause des produits chimiques agricoles. « Le seul cadre de l’État n’est pas adéquat pour traiter ce problème, même s’il est indispensable » dit Gaël Giraud. Pour lui sur des questions telles que l’eau, la biodiversité ou le climat, des institutions pourraient être fondées afin de faire respecter les règles collectivement définies pour en prendre soin. Les communs adviennent comme une alternative à la privatisation des biens matériels et immatériels qui est source d’inégalités. A l’inverse, les communs se fondent sur des principes de coopération et de réciprocité qui semblent être bien plus prometteurs pour construire un monde juste et durable.

2) Les communs sont partout

Les exemples de communs foisonnent aujourd’hui à travers le monde. Dans un monde où la marchandisation de la nature est poussée à l’extrême, la nécessité de s’organiser collectivement pour la préserver se présente comme une voie souhaitable pour lutter contre les intérêts privés prédateurs. Les communs viennent renforcer l’autonomie et la résilience des communautés. Pensons à des jardins et potagers partagés dans les villes, aux logiciels libres, aux réseaux de semences, aux systèmes d’échanges locaux, à la mutualisation d’objets ou d’énergie, aux voitures partagées, etc. Le site web « lescommuns.org19 » rassemble un grand nombre de ressources, d’outils, d’exemples permettant de se familiariser avec les communs. Nous pensons utile de se pencher plus spécifiquement sur trois exemples de communs et leur origine.

2.a) La ZAD de Notre Dame des Landes en France

L’émergence des communs peut varier d’un cas à l’autre. Dans le cas des aquifères de Los Angeles, c’est l’amenuisement de la ressource qui a motivé une autre forme d’organisation de sa gestion. Dans d’autres cas, c’est lorsqu’une menace d’appropriation de la ressource apparaît que se mettent en place des dynamiques créatrices de communs. Le cas de la ZAD (zone à défendre) de Notre Dame des Landes appartient à cette catégorie. Cette lutte, vieille de 50 ans, a démarré en opposition à la volonté de l’ État français de construire l’aéroport du Grand Ouest en Loire-Atlantique. Pour ancrer leur opposition au projet, près de 400 personnes se sont installées sur le site où ils pratiquent depuis différentes activités telles que le maraîchage, l’élevage, la tannerie, etc. Ils perpétuent ainsi un usage collectif de la Terre qui constituait la norme pendant des siècles dans cette région20. Le mouvement zadiste dispose de 800ha de terres dont ils désirent décider de l’allocation ensemble, à travers l’assemblée citoyenne « Sème ta zad ». D’autres infrastructures collectives font vivre les communs à NDDL comme une radio, une boulangerie, un journal, etc. La ZAD est un véritable laboratoire d’expériences proposant un autre modèle, une autre manière de vivre plus juste et durable.

Le cas de Notre Dame des Landes nous incite à faire un lien avec l’opposition citoyenne actuelle aux projets de méga bassines en France. Dans le but de préserver une ressource commune de son accaparement par des agriculteurs (par ailleurs démunis face au manque d’eau), l’eau, des centaines de citoyen·ne·s, dont certains apparentés au mouvement des Soulèvements de la Terre, se sont fait réprimés violemment par les forces de police. Ce durcissement de la répression me semble très inquiétant pour le futur car le dérèglement climatique provoqué par les activités humaines va participer de la raréfaction de ces ressources. Les conflits entre citoyen·ne·s et autorités qui favoriseraient les intérêts privés sont appelés à se multiplier. Et la voie répressive choisie par le Président Macron fait craindre des escalades de violence témoignant de deux modèles de développement différents.

2.b) La vallée de Ioánnina en Grèce

Un autre exemple de commun a été présenté dans un article du magazine Socialter (n°56, 2023) : « En Grèce, la low-tech contre-attaque ». Il s’agit à nouveau d’une dynamique qui s’est mise en œuvre en résistance à un projet d’exploitation d’hydrocarbures. Ce cas est intéressant car il relève à nouveau de deux visions qui s’affrontent, de la promotion de deux modèles de développement. D’une part, un modèle qui perpétue sa dépendance à l’énergie, fossile entre autres, et vise les retombées financières et d’autre part, un modèle ancré dans les territoires, souhaitant en préserver la beauté et y développer des activités permettant de vivre sobrement.

Une première lutte a commencé en 2014 lorsque les premières prospections pétrolières ont été annoncées. Les habitant·e·s sont parvenu·e·s à faire partir les opérateurs, aidés par une baisse des prix des énergies renouvelables rendant le pétrole moins intéressant. Malheureusement, le gouvernement a annoncé en 2022 que les explorations allaient reprendre. Parallèlement, un groupe de chercheurs s’active depuis plusieurs années pour faire de Ioánnina la vallée des low tech. Ils ont créé « l’OpenTechPark ». Une de leur proposition principale est de mettre en place dans les villes des makerspaces, des ateliers où l’on peut fabriquer les outils dont la population a besoin, notamment pour les agriculteurs. Pour refaire communauté, les membres de ce collectif valorisent le mode de vie local traditionnel et tentent de faire revivre les modes de prises de décision et d’organisation communs passés. Au niveau énergétique, ils se partagent l’énergie produite par leurs panneaux solaires en fonction des besoins de chacun, plutôt que d’adapter tout le dispositif au pic maximal de consommation.

2.c) La ville de Gand en Belgique

La ville de Gand a commandé en 2017 une étude pour documenter l’émergence et la croissance des communs au sein de la ville. L’un des deux auteurs du rapport était Michel Bauwens, spécialiste du sujet. Ils ont ainsi pu établir une cartographie d’environ 500 projets21 promouvant l’usage de ressources et pratiques communes22. La raison de cette croissance s’explique par une prise de conscience croissante des citoyen·ne·s de l’urgence d’une transition économique et sociale que l’état et le marché ne parviennent pas à résoudre. Michel Bauwens l’affirme : « lorsqu’une civilisation est en crise, il y a un retour des communs 23». Ces communs peuvent être très divers : la gestion citoyenne d’un lieu culturel, d’un potager de quartier, d’un véhicule partagé, etc.

L’étude pointe que ces nouveaux communs ne peuvent exister de façon complètement autonomes des structures économiques et sociales tout comme ils représentent aussi un défi pour les institutions. Pour la ville car les communs revendiquent souvent des ressources publiques ou privées, régies par la Ville. Pour les acteurs privés car les communs viennent parfois concurrencer leur offre. Pour les organisations de la société civile qui, par leur caractère parfois fermé (affiliations, cotisations) diffèrent de la logique des communs.

D’où la mise en exergue dans cette étude que les communs requièrent le soutien d’une « ville partenaire », l’ouverture de certains types de marché et la collaboration avec des acteurs de la société civile, s’ils souhaitent s’inscrire dans la durée.

A Gand, les projets autour des communs bénéficient du soutien actif de la Ville. Néanmoins, l’étude note plusieurs faiblesses des communs : les projets sont assez dispersés, les liens avec l’Université de la ville sont ténus, les militants des communs ont des situations de vie parfois précaires, les communs coexistent à côté du modèle d’appropriation privé sans pour autant l’affaiblir.

Pour surpasser ces difficultés, l’étude propose de consolider « des processus et protocoles publics-sociaux ou partenariats publics pour rationaliser la coopération entre la Ville et les commoners dans tous les domaines nécessitant une intervention humaine24. Certaines villes comme Barcelone, Bologne, Naples ou Gand mènent déjà une politique active favorable aux communs. « Lier les communs aux soutiens de la ville n’est pourtant pas sans risques, cela peut créer un lien de dépendance. Ce qu’il faut, ce sont des structures public-commun : des structures qui rassemblent les citoyens et stimulent leur pouvoir d’auto-organisation » explique-t-il.

3) Les communs pour dépasser le capitalisme ?

Michel Bauwens, l’auteur de l’étude « Commons transitie Plan voor de stad Gent » est une personne incontournable lorsque l’on aborde le sujet des communs. Théoricien du peer-to-peer25, il est un grand défenseur des communs, convaincu qu’ils sont le socle d’une ère post-capitaliste où le marché finira par se soumettre aux communs. Pour lui, le peer-to-peer, c’est-à-dire l’échange d’égal à égal, constitue une nouvelle logique productive où chaque individu participe à un projet commun. Il perçoit la production peer-to-peer comme une « troisième révolution de la production humaine 26». La démocratisation d’Internet permet selon lui « le développement de capacités humaines et techniques généralisant la possibilité de la forme relationnelle pair à pair27 ». De nombreuses informations sont à présent disponibles en open source fournissant les plans pour produire quantités d’objets et de machines. « La seconde tendance c’est la transposition de cette organisation horizontale du champ de la connaissance vers l’ensemble du système économique. Ainsi, les capacités de production de biens physiques (grâce aux imprimantes 3D entre autres) vont être de plus en plus distribuées28 » expliquait-il en 2013. Dix ans plus tard, on peut cependant constater que le capitalisme est toujours bien en place et que des communautés de production autonomes, de type fablab, restent relativement marginales.

Il attire l’attention sur les faux communs. Pour lui, certains projets de mutualisation, apparentés à l’économie du partage, correspondent à des modèles extractifs capitalistes. Ces projets ne donnent pas une place aux usagers dans les processus de décision. Michel Bauwens les qualifie de « capitalisme captaliste », « un capitalisme prédateur qui exploite la coopération humaine »29. Il donne l’exemple de Facebook ou Google qui, sous l’apparence de la mise en commun et du partage, utilisent nos données à des fins marchandes. Ou encore AirBNB ou Uber qui mutualisent des biens personnels (voiture, logement) mais prélèvent des commissions, sans parler des conditions de travail précaires des travailleur·euse·s d’Uber. Bauwens met cependant en évidence l’ambivalence de ces outils qui, bien que répondant à des objectifs financiers, permettent à des milliards de personnes de faire du P2P. « Les Facebook, Google et compagnie, bien qu’ils agissent dans leur propre intérêt, sont en train de créer les conditions sociales et technologiques permettant de dépasser le système actuel30 ». Selon lui, on est en train de sortir de la contradiction capital/travail pour aller vers la contradiction capital/commun. Il s’agit de voir quel contrat social réinventer pour opérer ce changement dans les meilleures conditions.

Les communs peuvent-ils se développer au sein du capitalisme ? Peuvent-ils co-exister ou aspirent-ils à un changement plus profond du modèle économique ? Pour Pierre Sauvêtre, professeur de sociologie à l’université Paris Nanterre, les communs sont destinés à fonctionner suivant des rapports d’interdépendance les uns avec les autres dans un territoire, au sein d’un « écosystème » de communs. Ils pourront de cette façon éviter cette tendance à la déformation des communs en entreprises collaboratives qu’ont suivie les coopératives31 ». C’est de la sorte qu’ils pourront constituer un système alternatif au capitalisme, dépassement souhaitable où les communs détiennent un rôle central. Il pointe une limite de la théorie des communs d’Elinor Ostrom où le commun ne bénéficie qu’à ses propriétaires. Une propriété, collective, sera insuffisante à modifier structurellement les rapports économiques. Elle reste une forme de propriété. Un début de réponse est apporté par les auteurs Pierre Dardot et Christian Laval32 , nous dit Sauvêtre, qui plaident pour un droit d’usage inappropriable s’opposant à la propriété privée, publique ou collective. Ce qui est commun ne pourrait dès lors être détenu. Ces propos ouvrent un champ de réflexion énorme sur la transformation du rapport à la propriété individuelle. Comment déterminer, demain, ce qui relèverait du commun ou de la propriété individuelle, pilier de nos sociétés modernes. Nous ne traiterons pas la question ici. Nous insisterons cependant sur le fait que les droits de propriété émanent d’un contexte historique et de décisions politiques. Si aujourd’hui, les activités humaines sont dominées par la logique néolibérale de l’appropriation privée, demain, le commun comme raison politique pourrait ouvrir à une réorganisation générale de la société et de ses institutions.

Pour Sauvêtre, l’horizon d’une économie commune est une économie de la complémentarité. C’est-à-dire que « chaque commun se définit par l’accomplissement d’une fonction sociale complémentaire des autres communs33 ». Le produit d’un commun doit pouvoir faire l’objet d’un droit d’usage direct par l’ensemble des membres de la société d’inscription du commun. La dénomination « communs sociaux » permet d’ancrer cette idée de communs qui bénéficient à une société élargie et non à une communauté restreinte. Une démocratie des communs sociaux et solidaires, qu’il appelle communalisme, est indispensable pour organiser les communs.

Dardot et Laval vont plus loin que la vision de communs comme la gouvernance collective de biens communs. Ils pensent davantage le commun « comme co-activité, et non comme co-appartenance, co-propriété ou co-possession34 ». Ils revendiquent l’idée d’une politique du commun qui se concrétise en une forme d’activité pratique (praxis instituante) des hommes, par la délibération et la détermination collectives, pour définir les choses communes. Le commun, pour eux, « est le principe politique à partir duquel nous devons construire des communs et nous rapporter à eux pour les préserver, les étendre et les faire vivre35 ». Ils insistent sur le commun comme un « agir » visant à institutionnaliser un droit d’usage ou droit du commun rompant avec la propriété . La production des règles de ce droit découle d’une auto-institution de la société qui se réfléchit elle-même comme sujet collectif. Les auteurs dépassent ainsi la dimension micro des travaux d’Elinor Ostrom, focalisés sur de petites communautés et donne une portée politique au concept.

Parmi leurs propositions, Dardot et Laval soutiennent la création d’une fédération non étatique des communs à l’échelle mondiale, ne croyant pas à une connexion des communs par le bas. Michel Bauwens, dans une perspective moins révolutionnaire, plaide aussi pour la mise en place de trois institutions, au niveau de la Ville qu’il estime être le bon niveau de déploiement des communs. Tout d’abord, une Agence pour la Protection et le Déploiement des Biens communs. « Elle aurait notamment pour rôle de favoriser la création collective de biens communs de la connaissance dans une multitude de domaines. En devenant ainsi une métropole des savoirs libres, une ville attirera des expertises, des investissements et sera au cœur de réseaux de partages enrichis36 ». « Ensuite, cette ville aurait besoin d’un Incubateur des Entrepreneurs du Bien Commun. Cette institution soutiendrait l’émergence d’acteurs qui créent de la valeur ajoutée sur un marché, à partir des biens communs. Il s’agirait en quelques sortes d’un incubateur spécialisé dans les startups ! Enfin, la troisième institution dont la ville a besoin est d’un Fond de Soutien pour l’Innovation en Bien Commun. Il s’agit tout simplement de reconnaître la valeur des contributions que des individus font en enrichissant le commun37 ». Pour lui, le système du P2P et des communs est à l’image de la dualité de l’être humain : égoïste et altruiste à la fois. « Dans ce nouveau système, le manque de transparence n’est plus la règle, mais l’exception, l’on produit en harmonie avec la nature mais l’on ne privatise pas ce qui est abondant (la connaissance, la culture,…). Il s’agit d’un vrai changement culturel, à tous les niveaux. Le marché va survivre, mais il sera au service de la société civile; l’État va survivre, mais il sera protecteur du Commun, et non plus serviteur du marché contre la société38 ».

Benjamin Coriat est un autre auteur qui promeut un modèle économique basé sur les communs, à savoir un modèle d’économie polycentrée. Cet économiste français est le co-fondateur des Économistes Atterés. En 2021, il publie le livre « Le bien commun, le climat et le marché » en réponse à l’économiste Jean Tirole, prix Nobel d’économie en 2014, pour qui, chaque acteur est guidé par un intérêt égoïste et qu’un optimum collectif ne peut être atteint que par la régulation des marchés (le marché du carbone par exemple). Benjamin Coriat conteste cette théorie et propose de revenir aux travaux d’Elinor Ostrom. Selon lui, la gouvernance par le marché de fonctionne pas. Il plaide pour une gouvernance polycentrique reposant sur des organisations à plus petite échelle de la gestion des communs. Il s’agit de trouver un « rééquilibrage territorial39 » entre les différents niveaux de gouvernance mondiale, nationale, les villes, les communautés de base, etc. afin « de mobiliser toute la société dans la transition écologique ». Cette transformation doit être soutenue par la multiplication des échanges entre citoyens. Benjamin Coriat cite la Convention citoyenne sur le Climat en exemple d’échanges et délibérations entre citoyens au profil diversifié qui ont mené à des objectifs ambitieux. Pour lui, ces conventions devraient être intégrées à la loi.

Comme on peut le constater, différents auteurs ont contribué depuis des années à enrichir la réflexion sur les communs, tous convaincus de leur potentiel de transformation sociétale. Tous valorisent les valeurs à la source des communs que sont la coopération, la délibération et l’égalité. Tous perçoivent cette aspiration au commun au cœur de nombreuses, initiatives, luttes et mouvements sociaux. « Les luttes sociales hétérogènes, dans le contexte politique, économique, écologique qui est le nôtre, ont pour revendication le commun40 » écrivent Lisianne Lomazzi et Marc Ménard. Néanmoins, on peut noter des différences entre les approches de Michel Bauwens et Benjamin Coriat et celles de Dardot et Laval, d’après Pierre Sauvêtre41. D’après lui, Bauwens convoque une vision de l’État partenaire discutable car vierge de toute influence néolibérale et complaisance vis-à-vis du marché. Sa grille de lecture des rapports de forces productives de tendance marxiste comporte des limites et subordonne son analyse au seul angle économique des communs. La multiplication des ces communs économiques ne représente pas une véritable politique du commun. Pour Coriat et Bauwens, les communs viennent compléter la démocratie représentative là où Dardot et Laval plaident pour un renversement méthodologique à même de questionner les institutions dans leurs pratiques. Pour eux, le commun comme pratique refonde les institutions. « Les pratiques renouvelées de l’usage du commun réalisent l’institution continuée du commun 42» écrivent-ils. Une critique formulée à l’égard de leur théorie est d’extraire la production du commun de tout ancrage culturel et historique antérieur car selon Dardot et Laval, c’est la pratique du commun qui produit son sujet. Stéphane Vibert insiste sur l’importance de la prise en compte des identités collectives et des univers socio-culturels dans la constitution du commun43. Sa critique se poursuit en pointant le manque d’illustrations concrètes de « l’agir commun » de Dardot et Laval. Comment imaginer la co-activité de personnes vivant sur un même territoire ? Qui va décider de l’institution de cette pratique si ce n’est une communauté politique ? Ces critiques laissent à penser que le sujet du commun est loin d’être épuisé et pourrait encore évoluer dans un dialogue entre recherches et expérimentations concrètes.

4) Les communs pour une autre vision de l’humain

Pour Gaël Giraud, les communs permettent d’institutionnaliser un nouveau fondement anthropologique que celui de l’homme tout puissant. Il appelle de ses vœux un paradigme fondé sur le relationnel. « L’humanité n’existe que parce qu’elle est en relation avec le monde qui l’entoure44 ». Cette affirmation mérite d’être approfondie et nous semble en lien direct avec la crise écologique dans laquelle l’humanité se trouve.

L’approche de l’anthropologue français Philippe Descola peut éclairer notre réflexion. Son travail porte sur les relations entre Homme et nature. Ses observations des sociétés amérindiennes lui permettent de constater « l’absence de distinction entre la nature et la société, les non-humains y sont vus comme des personnes ». Il met en évidence le contraste avec nos propres sociétés où depuis près de quatre siècles, l’Homme s’est mis en retrait de la nature, la perçoit comme extérieure à lui. C’est ce qu’il appelle le naturalisme. Cette posture a permis à l’Homme de voir la Nature comme un champ d’expériences, contrôlable et exploitable à l’envi, car hors de nous. Cette supériorité humaine est un peu « schizophrénique » : l’homme fait partie de la nature, il s’en extrait, l’exploite démesurément jusqu’à la mettre en péril et risquer de s’auto-détruire. Une forme de contradiction, de paradoxe réside dans cette posture sur laquelle se sont construites nos sociétés modernes.

Cette posture de domination des humains sur les non-humains a fait émerger une « division du monde entre sujets et objets qui ne permet pas d’apporter une réponse politique et juridique suffisante face à la crise climatique actuelle. Cette démarche, qui cantonne le non-humain au statut de ressource à exploiter, réduit les possibilités de sa protection, tout en inhibant nombre de ressorts juridiques permettant de reconnaître la responsabilité de l’humain dans les crises environnementales45 » écrivent Damien Deville et Pierre Spielewoy. Selon eux, l’écologie relationnelle apporte une réponse pour repenser notre relation aux autres. Ils la décrivent en « trois moments fondateurs : reconsidérer la biodiversité, assumer la vulnérabilité et penser des espaces de lien renouvelés46 ». Ces moments participent tous d’un décentrement humain et d’une ouverture renouvelée aux autres qu’humains.

Reconsidérer la biodiversité signifie observer et reconnaître l’existence de systèmes complexes autres qu’humains. Des travaux récents montrent que toute espèce est capable de faire société à sa manière. Différentes espèces ont leur processus de deuil, de solidarité, de protection, etc.

Assumer la vulnérabilité renvoie à la nécessaire prise de conscience de nos interdépendances avec d’autres humains et non-humains. Nous sommes reliés aux autres à travers tous nos actes du quotidien : se nourrir, se vêtir, se soigner, etc. Ainsi qu’à notre environnement qui va façonner notre manière d’être au monde et nous forcer à nous adapter. Les phénomènes météorologiques extrêmes du dérèglement climatique nous le rappelle durement.

Enfin, penser des espaces de lien renouvelés « revient à se donner l’opportunité de penser les espaces du lien entre humain et non-humain » expliquent les auteurs de l’article. Ils pointent trois espaces intéressants :

– le premier concerne la rencontre : la rencontre entre humains et non-humains permet de faire émerger quelque chose de supérieur.

– le deuxième s’enracine dans des démarches d’aménagement du territoire : considérer chaque ville et territoire comme spécifique et redonner de la place aux émotions et à la subjectivité dans l’action territoriale.

– la fabrication du droit s’impose comme le 3e espace de lien : repenser le droit de façon moins anthropocentrée, enrichi des diversités humaines et non-humaines plus en phase avec les réalités écologiques.

On peut rapprocher ce 3ème espace des réflexions des droits à la nature permettant à des fleuves, montagnes ou forêts d’accéder à des personnalités juridiques. Jusque-là cantonnées à des pays hébergeant des populations autochtones, un pays européen, l’Espagne, a pour la première fois pris une initiative en ce sens en accordant des droits à la Mar Menor, près de Murcie, dans le Sud-Est du pays.

La pensée de l’écologie relationnelle nous semble tout à fait en harmonie avec les communs. Par la gouvernance partagée d’une ressource, les communs, dans leur acception première, induisent une interaction spécifique et respectueuse de la communauté à la ressource dont elle dépend, et des membres de la communauté entre eux. Le conflit n’est pas exclu de cette dynamique et doit certainement être intégré et appréhendé. La gouvernance des communs remet le collectif au centre, à l’inverse de la tendance individualiste dominante ces dernières décennies. La résistance aux crises amenées à se renforcer ces prochaines années resserra les liens de solidarité et d’entraide. Le collectif est plus résilient que l’individu seul.

Le professeur de philosophie à l’UC Louvain Mark Hunyadi développe dans son dernier ouvrage des réflexions intéressantes à ce sujet47. Il dénonce l’individualisme qui empêche de faire face aux défis globaux. Il faut selon lui trouver « un commun des convictions » qui nous amènerait à respecter enfin nos limites. Il reconnaît que les droits individuels ont permis des avancées incroyables d’un point de vue éthique, politique et existentiel mais qu’ils se retournent aujourd’hui contre l’individu. Il pointe un paradoxe : « la défense de l’individu se mue en emprise du système sur les individus ». « Nous ne sommes pas équipés éthiquement et politiquement pour faire face aux crises systémiques ». Et il poursuit : « une fois que l’homme aura compris que l’important n’est pas sa volonté souveraine mais la relation qu’il entretient avec le monde, un pas énorme aura été fait ». On retrouve dans ses propos l’importance de ce décentrement, de ce changement de substrat culturel proche des travaux de Philippe Descola. Hunyadi plaide pour un individu en relation avec le monde, les autres, conscient de sa dépendance à ces relations et au contexte qui nous entoure et donc beaucoup plus tolérant aux limites. Donner davantage de place aux communs pourrait être un élément favorisant cette posture relationnelle et cette compréhension des limites.

5) Généraliser les communs ?

On l’a vu, de multiples initiatives localisées émergent. Des groupes, communautés, décident de partager une ressource et s’accordent sur les règles pour l’entretenir. Mais comment dépasser cette échelle micro pour opérer un véritable changement de logiciel ? Les communs peuvent-ils constituer une amorce d’un changement de logique plus global ?

Pour Michel Bauwens, l’expansion limitée des communs dépend de ce à quoi nos gouvernements accordent de la valeur. Et aujourd’hui, le paradigme dominant est que « la valeur provient du marché ». Alors que dans le projet des communs, « ce sont les citoyens qui créent de la valeur et contribuent aux communs ». Pour changer d’échelle, Michel Bauwens explique qu’on ne convaincra pas tout le monde en même temps, mais que « si on réussit à mobiliser 10 % de la population, le reste suivra. À ce niveau-là, la puissance publique peut jouer un rôle d’exemple et d’entraînement considérable ». La théorie du changement du Berkana Institute48, dite théorie two loops (deux boucles), cherche à rendre compte des changements de paradigme. Ils avancent que la première vague de changement est endossée par 16 % des gens appelés les innovateurs et les « adopteurs » précoces du changement. La difficulté est de passer à l’étape d’après et de conquérir une majorité précoce (34%). Pour cela, des récits mobilisateurs sont indispensables et peinent sans doute à émerger aujourd’hui. Sur base du modèle du Berkana Institute, on constate que le système émergent, à travers les communs notamment, est déjà présent mais manque de visibilité. Lorsqu’il sera plus visible – différents acteurs peuvent jouer un rôle à ce niveau – les individus attachés à l’ancien système, pourront passer le cap de se rattacher au nouveau. Pour donner de la visibilité au nouveau système en devenir, les médias pourraient en faire davantage en accordant plus de place aux initiatives du monde d’après. Les responsables politiques pourraient en faire de même.

Pour reconstruire la confiance entre citoyen·ne·s et responsables politiques, l’ouverture, la reconnaissance et le soutien aux communs de la part du monde politique me paraît en effet souhaitable. Valoriser les initiatives citoyennes tout en leur laissant leur autonomie. Depuis quelques années, la participation citoyenne est un axe de plus en plus présent dans les discours politiques aux différents niveaux de pouvoir. Elle peut prendre des formes variables et le soutien aux communs en est certainement une à ne pas négliger.

En Belgique francophone, on peut remarquer le travail effectué par les députées bruxelloises Ecolo-Groen Magali Plovie et Lotte Stoops qui ont proposé récemment le déploiement d’un partenariat public-commun pour soutenir les communs présents à Bruxelles. Inspirées par les villes de Bologne, Naples ou Gand, elles souhaitent enclencher des dynamiques similaires à Bruxelles.

Il est intéressant de noter qu’elles ont reçu une réaction très négative de trois membres du MR à travers une carte blanche publiée dans le Magazine Le Vif du 18/04/2023. Voyons les arguments avancés en défaveur des communs. Selon eux, la note des 2 députées écolo cache « un dangereux plaidoyer en faveur d’un nouveau diktat, celui des collectifs ou groupements citoyens sans légitimité démocratique à proprement parler ». Les principaux problèmes des communs seraient des problèmes de représentativité, de coût et de résultats. Ils craignent une dérive idéologique à travers ces collectifs citoyens. Ils les perçoivent comme une nouvelle manifestation d’un secteur associatif déjà trop financé et ne garantissant aucun résultat. Ils sont en faveur de la consultation citoyenne mais pas d’une nouvelle forme de partage du pouvoir. Outre une méconnaissance de ce que sont les communs, on perçoit à travers leur carte blanche une réticence au changement et la crainte de confier des compétences décisionnelles à des citoyen·ne·s dont les positions seraient contraires à leurs opinions. Il est étonnant de voir que le MR valorise le rôle de l’État alors même que la droite conservatrice a plutôt tendance à diminuer son intervention au profit des libertés individuelles et privées. Ce texte donne l’impression que le MR ferme la discussion sans s’être vraiment intéressé au sujet mais l’évacuant sur des arguments purement idéologiques qu’eux-mêmes dénoncent, à tort. Néanmoins, ce lien entre État et communs est important à approfondir.

Revenons-en aux propositions d’ancrage des communs de Michel Bauwens : « Un moyen serait de capitaliser sur les forces vives de la société en soutenant toutes les initiatives en faveur des communs. Cela pourrait se traduire par des conseils de transition pour chaque grand secteur de l’approvisionnement : un conseil de l’alimentation, un conseil de la mobilité, un conseil du logement… Dans ces conseils, on donnerait une voix et un pouvoir aux pionniers de la transition : ceux qui travaillent dans les marges et montrent qu’une autre voie est possible. Je crois sincèrement dans ce modèle de démocratie – ni participative ni délibérative mais contributive. Tu as une voix parce que tu as démontré que tu fais ». Dans une étude récente sur les Communs bruxellois49, plusieurs recommandations ont été formulées à l’égard des autorités politiques. Parmi celles-ci, faciliter l’accès des Communs aux primes et aux marchés publics, leur octroyer des subsides pour les externalités négatives (environnementales notamment) qu’ils contribuent à diminuer ou encore sécuriser les lieux, souvent des occupations temporaires, dans lesquels ils se constituent. Dans cette étude, les Communs sont appréhendés dans un sens « ostromien » élargi (projets à finalité sociale portés par une communauté à la gouvernance participative), valorisés comme un socle solide et résilient dans les périodes de crise actuelles et à venir.

Cette réflexion de Michel Bauwens pousse à nous interroger sur le lien entre les communs et l’ État. Les centres de décision de demain seront-ils les mêmes qu’aujourd’hui ? De nouvelles institutions devraient-elles être créées ? Quel niveau de pouvoir pour quelles décisions ? Doit-on innover radicalement, tout remettre à plat, ou transformer les structures existantes ?

Ce travail ne sera pas le lieu de pousser jusqu’au bout ces réflexions mais nous pouvons les esquisser. Cette projection n’est pas évidente et se heurte à l’inertie de nos institutions existantes. Nos sociétés sont fondées sur des structures et des textes juridiques complexes. Les changer nécessite une réelle volonté politique à l’heure où nos responsables semblent dépassés par cette complexité et manquer d’un réel sens de l’innovation sociale, écologique, démocratique. Certains semblent aussi se complaire dans le statu quo. Certains auteurs réfléchissent à une nouvelle forme d’organisation davantage basée sur les territoires. On l’a entrevu avec Benjamin Coriat. Mais Alessandro Pignocchi, le complice intellectuel de Philippe Descola, ne dit pas autre chose. Pour lui, il nous faut réaliser le tournant subsistantialiste, nous refamiliariser avec les activités de susbsistance comme le travail de la Terre. Il plaide pour la construction de territoires autonomes de l’État, du type Notre Dame des Landes, qui transformeraient l’État lui-même. Leur existence s’impose comme une alternative, une autre forme d’organisation à un pouvoir centralisé et par-là même, le questionne. Par territoire autonome, il entend « toutes les expériences qui aspirent à retrouver des petits fragments d’autonomie politique et matérielle, y compris en ville 50».

Le concept de biorégion va dans le même sens. Face au gigantisme urbain, des auteurs comme Thierry Paquot51 ou Yves Cochet52 décrivent la biorégion comme un territoire qui ne serait pas défini par des frontières administratives ou politiques mais par ses caractéristiques environnementales, ses écosystèmes. Ces biorégions auraient leur propre constitution et seraient gouvernées par différents types d’assemblées. Ces entités supposent un mode de vie en accord avec le territoire et ses ressources, sobre et durable. Yves Cochet ancre sa réflexion dans un contexte d’effondrement de nos sociétés.

Pour Edouard Jourdain, les communs correspondent bien à cette échelle territoriale : « Plus qu’avec l’État, c’est sans doute surtout avec les collectivités territoriales que les communs sont amenés à collaborer et inspirer de nouvelles modalités d’organisation politique y compris au sein des institutions publiques. Il serait alors possible et nécessaire de penser la création et le déploiement de communs inter-territoriaux, y compris entre collectivités. La constitution de communs visant à créditer des efforts de mutualisation et d’action commune donnerait une orientation toute nouvelle à la décentralisation. Ces communs participeraient ainsi d’une montée en puissance nationale et non pas seulement locale des territoires53 ».

L’idée de décentralisation et d’autonomie qui sous-tend ces projections est certainement souhaitable, tout en veillant à conserver des interactions et des échanges. Les régions, les territoires, les zones rurales doivent être ré-investis par leurs habitant·e·s qui doivent pouvoir co-décider de leur mode de gestion. Demain, l’agriculture doit regagner en importance et une plus grande partie de la population devra s’y consacrer. Il s’agira de réfléchir à l’articulation entre ces territoires gérés en commun et les structures étatiques plus centralisées. Il serait nécessaire d’anticiper ces évolutions plutôt que de les précipiter dans des contextes de crise amenés à se multiplier. L’expérimentation démocratique est un chantier auquel œuvrer activement dès aujourd’hui.

6) Les communs comme méthodologie transversale

Les modes de gestion publique et privée présentent des limites, nous l’avons évoqué. La privatisation et la marchandisation de la nature mènent à sa destruction plus qu’à sa préservation, particulièrement sur les dernières décennies, et le manque de garde-fous a permis à des entreprises la possibilité de se transformer en multinationales au pouvoir démesuré. La gestion publique, de son côté, s’accapare un pouvoir de décision qui ne suppose pas l’implication et la délibération des citoyen·ne·s dans son mode de fonctionnement. Les citoyen·ne·s sont donc tenu·e·s à l’écart et cela participe sans doute à la distance croissante entre monde politique et citoyen·ne·s. L’État se situe souvent loin des réalités de terrain et court le risque de s’enliser dans une bureaucratie excessive. De plus, l’État, pouvant être dépassé dans sa gestion de la chose publique, va avoir tendance à déléguer des missions à des modes de gestion privée, réputés plus efficaces. Cette tendance est croissante aujourd’hui, à travers les partenariats public-privé notamment, et entraîne l’État à raisonner selon la logique du marché.

Plutôt que de confier les biens et ressources collectifs à des organismes privés, ne serait-il pas préférable de changer de logique et de valoriser autant que possible la coopération avec les collectivités territoriales et les mouvement citoyens dans une dynamique de commun ?

Les communs renvoient à une logique alternative et inspirante, celle du commun, transposable dans différents contextes.

Pour le modèle de l’entreprise par exemple, différents auteurs (Timothée Parrique, Thomas Coutrot entre autres) plaident pour une socialisation de l’entreprise qui ouvrirait la sphère décisionnelle à toutes les parties prenantes de l’entreprise : actionnaires et travailleurs mais aussi riverains, ONG environnementale, etc. L’entreprise prendrait alors la forme d’un commun gérée de façon plus ouverte et démocratique. Elle pourrait être ré-orientée davantage au service de la société. Les entreprises transformées en coopératives se verraient prêter de l’argent par des communs bancaires qui privilégieraient les projets les plus durables écologiquement et socialement parlant aux projets les plus rentables, comme c’est le cas aujourd’hui, propose Timothée Parrique54. Le surplus économique que l’entreprise pourrait réaliser serait mutualisé à travers un réseau décentralisé de commissions d’investissement. Dans son livre, la mise en commun est un principe décisif de la mise en place d’une économie stationnaire prospère en harmonie avec la nature. Cette option, bien que difficile à mettre en œuvre car bousculant les rapports de pouvoir existant, apparaît souhaitable.

Conclusion

Ce travail a permis de mettre en évidence les nombreuses vertus des communs et l’importance de poursuivre les recherches et expérimentations autour d’eux. Les communs permettent d’ouvrir une tierce voie, autre que la gestion publique ou privée qui montrent des lacunes flagrantes voire des impasses. Ils mettent au centre le collectif, la coopération, la délibération dans un but de partage et de préservation des ressources. En tant que mode de gouvernance, les communs offrent une représentation complexe et nuancée du réel car ils rassemblent des individus aux profils variés au sein de la communauté gestionnaire. Les communs permettent de :

– repolitiser et responsabiliser l’individu car il participe à la gestion d’une ressource. Il en a la co-responsabilité et sera davantage amené à la préserver.

– revaloriser le collectif, le dialogue, l’écoute et la coopération car cette gestion de la ressource s’opère à plusieurs et doit concilier les différents intérêts et faire primer l’intérêt commun.

– se reconnecter au monde vivant car les communs signifie une rupture avec la notion de propriétaire tout-puissant d’une ressource mais supposent de rentrer en relation avec elle.

Mais plus qu’un mode de gouvernance collective, les communs renvoient à une logique du commun, un « nouveau » principe transversal à travers lequel aborder les crises actuelles et faire advenir la perspective d’un monde nouveau. Sur base d’une critique profonde de la rationalité libérale, le commun dessine une alternative souhaitable et constructive. Il se substitue au principe de la compétition. Dès lors, pour les auteurs Pierre Dardot et Christian Laval, il s’agit de construire une politique du commun, déjà en opposant au sacro-saint principe de la propriété un droit d’usage55. En s’ouvrant aux collectifs, aux communautés, les institutions sont appelées à se transformer de façon dynamique.

Cette nouvelle vision du pouvoir partagé, cette prise d’autonomie citoyenne risque de se heurter aux détenteurs de pouvoir. Quels communs reste-t-il encore à préserver ? Comment imaginer déprivatiser certains biens pour les rendre communs alors que certains privés ont accumulé tant de richesses et de pouvoir ? Comment éviter surtout que la privatisation marchande ne s’étende encore davantage à l’air, l’eau, la Terre, aux liens humains, etc. ? Les conflits sociaux et violents existent déjà à travers le monde pour la préservation des communs. Des tribus amazoniennes en Amérique latine aux Soulèvements de la Terre en France, les luttes éclatent et devraient s’accentuer dans un contexte de dégradation écologique profonde. L’attitude de l’État en France et les méthodes répressives utilisées montrent bien la résistance de l’ancien modèle et font craindre pour la préservation de nos droits les plus fondamentaux.

Toutefois, en parallèle, en période de crise, les communs prennent de l’ampleur, nous l’avons vu. A ce titre, nos autorités politiques ne peuvent fermer les yeux sur ces initiatives multiples. Il est à penser que le mouvement est en marche et le soutien offert par plusieurs villes européennes est une perspective réjouissante. La voie du dialogue, de la relation, du lien, de la coopération est la plus prometteuse et robuste pour construire des sociétés résilientes et durables. Face aux mutations profondes de notre monde, il nous faut oser ouvrir de nouveaux chemins.

Bibliographie

Ouvrages :

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Vidéos :

– Chaire communs, introduction par Gaël Giraud, UNamur, https://esphin.unamur.be/cundp/videos

– Greenletter Club, « les communs : alternatives à la marchandisation du monde », interview de Benjamin Coriat, https://www.youtube.com/watch?v=OXIfSvpV9fU

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1 Ostrom Elinor, « Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles », De Boeck, 2010

2 FAY S., « Elinor Ostrom et les biens communs », dans L’Obs, 29 juin 2022, https://www.nouvelobs.com/idees/20220629.OBS60320/elinor-ostrom-et-le-bien-des-communs.html

3 Cet exemple provient de l’article de Olivia, « L’autogouvernance des biens communs », dans Association/autogestion : https://autogestion.asso.fr/lautogouvernance-des-biens-communs%C2%A0-lapproche-delinor-ostrom-2/

5 DARDOT et LAVAL, « Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle », La Découverte, 2014, p. 16.

6 GIFFARD Alain, « Distinguer Bien commun et bien(s) commun(s) », dans Boson2x, le 12 octobre 2005.

7 Commission Justice et Paix, « Trajectoires vers le bien commun. Boussole éthique pour toute décision politique », économique et citoyenne. 2018.

8 Cette classification établie par Gaël Giraud provient de son allocution pour l’inauguration de la Chaire Communs et Biens communs de l’UNamur en octobre 2022, https://esphin.unamur.be/cundp/videos . Initialement, elle fut établie par l’économiste Samuelson en 1954.

9 Dans la théorie d’Ostrom, le caractère non exclusif de la ressource n’est pas garanti dans tous les cas. La communauté ayant accès à la ressource peut être limitée, comme dans le cas d’un four à pain dans un village par exemple.

10 Interview de Gaël Giraud dans ID4D, le 25 octobre 2016, https://ideas4development.org/communs-developpement/

11 Green letter club, « les communs, alternatives à la marchandisation du monde ? », interview de Benjamin Coriat, https://www.youtube.com/watch?v=OXIfSvpV9fU

12 Le mouvement des enclosures désigne la réforme agraire qui a transformé en Angleterre, au XVIe siècle, une agriculture traditionnelle fondée sur la coopération et l’administration communautaire des terres en système de propriété privée des terres.

13 « Pour les biens communs », entrevue avec Gaël Giraud, dans Relations, mars-avril 2015, https://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/pour-les-biens-communs-entrevue-avec-gael-giraud/

14 Ibid

15 Théoricien du pair-à-pair, Michel Bauwens est le fondateur de la P2P foundation, un think tank s’intéressant aux alternatives en pair-à-pair et en particulier à leur mode de production, de gouvernance et de propriété.

16 On doit le concept de faisceau de droits à John Commons et son ouvrage The distribution of Wealth (1893). Il s’inscrit dans la ligne du réalisme juridique en opposition au courant du « laissez-faire », qui vise une intervention plus grande de l’état dans la régulation économique. Pour les réalistes, la propriété doit être conçue non pas comme un droit antérieur à la loi conférant un droit absolu d’une personne sur une chose, mais comme un ensemble complexe de relations juridiques entre des personnes. Ils contestent la propriété en tant que droit naturel. Pour eux, la propriété est davantage une création de l’état qui, par le biais de règles, détermine la production et la distribution de richesses. Voir ORSI Fabienne, Elinor Ostrom et les faisceaux de droits : l’ouverture d’un nouvel espace pour penser la propriété commune, Revue de la régulation : capitalisme, institutions, pouvoirs, Open Edition journal, n°14, 2013

17  Lisiane LOMAZZI et Marc MENARD, « Où en est la théorie du/des commun(s) ? Vers une économie politique culturelle », tic&société, Vol. 12, N° 1 | 1er semestre 2018, mis en ligne le 31 mai 2018, consulté le 10 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ticetsociete/2381

18 Des éclairages peuvent être apportés à travers la lecture du n°122 du magazine Politique, « L’avenir du communisme. Actualité d’une utopie », mai 2023

20 RIMPERT I., « Notre-Dame-des-Landes : le laboratoire vivant d’une société des communs », dans Reporterre, 2015, https://reporterre.net/Notre-Dame-des-Landes-le-laboratoire-vivant-d-une-societe-des-communs

21 « Depuis 2008, ils ont été multipliés par 10. C’est ce que j’ai constaté à Gand : il y avait 50 projets de communs urbains en 2006, en 2016, il y en avait 500 » explique Michel Bauwens.

22 Cette partie se base sur l’article Wikipédia dédié au sujet rédigé par la p2p foundation : https://wiki.p2pfoundation.net/Plan_de_transition_vers_les_communs_de_la_ville_de_Gand

23 « Chaque fois qu’une civilisation est en crise, il y a un retour des communs », entretien avec Michel Bauwens, dans Ouishare, en septembre 2019, https://www.ouishare.net/article/entretien-avec-michel-bauwens-chaque-fois-quune-civilisation-est-en-crise-il-y-a-un-retour-des-communs

24 Ibid.

25 Le peer-to-peer provient à l’origine de l’informatique. Il désigne l’échange de contenus de personne à personne, d’égal à égal, sans passer par un serveur central.

26 BAUWENS M., « sauver le monde : vers une économie post capitaliste avec le peer-to-peer », les liens qui libèrent, 2015

27 Ibid

28 Interview de Michel Bauwens, dans ouishare, « le modèle P2P et le capitalisme sont encore interdépendants », février 2013, https://www.ouishare.net/article/michel-bauwens-le-modele-p2p-et-le-capitalisme-sont-encore-interdependants

29 « Chaque fois qu’une civilisation est en crise, il y a un retour des communs », entretien avec Michel Bauwens, dans Ouishare, en septembre 2019, https://www.ouishare.net/article/entretien-avec-michel-bauwens-chaque-fois-quune-civilisation-est-en-crise-il-y-a-un-retour-des-communs

30 Interview de Michel Bauwens, dans l’OBS, « Quand survient le chaos, il faut déjà avoir les solutions », 21 novembre 2016, https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20150406.RUE8551/michel-bauwens-quand-survient-le-chaos-il-faut-deja-avoir-les-solutions.html

31 SAUVETRE P., « le travail commun au-delà de la coopération. Vers une économie des communs sociaux et solidaires », analyse 21/2021, dans Smart, https://smartbe.be/wp-content/uploads/2021/11/10-21_Travail_commun.pdf

32 DARDOT P. et LAVAL Ch., « Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle », Paris, La Découverte, 2014, résumé: https://journals.openedition.org/lectures/14410

33 SAUVETRE P., « le travail commun au-delà de la coopération. Vers une économie des communs sociaux et solidaires », analyse 21/2021, dans Smart, https://smartbe.be/wp-content/uploads/2021/11/10-21_Travail_commun.pdf

34 DARDOT P. et LAVAL Ch., « Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle », Paris, La Découverte, 2014, p. 48.

35 Citation de la page 49 de leur livre citée dans le résumé consultable sur ce site : https://journals.openedition.org/developpementdurable/10838

36 Interview de Michel Bauwens, dans ouishare, « le modèle P2P et le capitalisme sont encore interdépendants », février 2013, https://www.ouishare.net/article/michel-bauwens-le-modele-p2p-et-le-capitalisme-sont-encore-interdependants

37 Ibid

38 Ibid

39 Interview de Benjamin Coriat dans le magazine en ligne Reporterre, 30 octobre 2021

40 Lisiane LOMAZZI et Marc MENARD, « Où en est la théorie du/des commun(s) ? Vers une économie politique culturelle », tic&société [En ligne], Vol. 12, N° 1 | 1er semestre 2018, mis en ligne le 31 mai 2018, consulté le 10 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ticetsociete/2381

41 Pierre Sauvêtre, “Quelle politique du commun ? ”, SociologieS [Online], Files, Online since 19 October 2016, connection on 12 September 2023. URL: http://journals.openedition.org/sociologies/5674; DOI: https://doi.org/10.4000/sociologies.5674

42 DARDOT P. et LAVAL Ch., « Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle », Paris, La Découverte, 2014, p. 274.

43 VIBERT S.,L’institution de la communauté”, SociologieS [Online], Files, Online since 19 October 2016, connection on 12 September 2023. URL: http://journals.openedition.org/sociologies/5683 ; DOI: https://doi.org/10.4000/sociologies.5683

44 Ibid

45 DEVILLE D. et SPIELEWOY P., « L’écologie relationnelle pour repenser les rapports entre l’homme et son environnement », dans The conversation, janvier 2021

46 Ibid

47 Interview de Mark Hunyadi par Pascal Martin dans le journal Le Soir du 4/04/2023 à propos de son livre « Le second âge de l’individu. Pour une nouvelle émancipation » sorti en mars 2023

49 Ecores, Communa, CLTB et Equal Partners, étude participative sur les communs bruxellois, 2023, https://environnement.brussels/citoyen/nos-actions/projets-et-resultats/etude-participative-sur-les-communs-bruxellois

50 Interview de Alessandro Pignocchi , « Nous devons multiplier les formes d’autonomie », dans Socialter, n°57, avril-mai 2023

51 PAQUOT Th., « Vers des biorégions urbaines », Dans Constructif 2021/3 (N° 60), pages 79 à 83, https://www.cairn.info/revue-constructif-2021-3-page-79.htm

52 Avec Agnès Sinaï et Benoît Thévard, Yves Cochet publie le rapport « Biorégion 2050, l’île de France après l’effondrement » en 2019

54 PARRIQUE Timothée, « Ralentir ou périr. L’économie de la décroissance », Seuil, 2022, p. 232.

55 Le champ des communs, Bruxelles en mouvement 279, novembre/décembre 2015, IEB, https://www.ieb.be/IMG/pdf/bem279_11-12-15.pdf

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