« La guerre » au virus Covid-19 laisse, de nombreux morts, de vilaines blessures, des entreprises fermées, du chômage massif, des indépendants en déroute, des populations fragilisées. Certaines blessures deviendront séquelles et des secteurs d’activités resteront probablement sinistrés. Les appels à l’aide se multiplient et l’Etat, l’Union européenne ; assureurs en dernier recours avec l’aide des contribuables ; multiplient les mesures de soutien. L’urgence commande et la nécessité fait loi !

Outre les actions d’urgence destinées à limiter la casse, il faut préparer le redémarrage. Un redémarrage rapide pour sauver des entreprises, des jobs, des vies dignes par un coup de « boost » à court terme et puis par des actions de fond, de long terme qui permettront de répondre à nos faiblesses à commencer par renforcer, stabiliser, relocaliser, autonomiser nos approvisionnements, particulièrement sur les produits de première nécessité. Ces priorités rejoignent les chantiers liés aux défis du climat et de la biodiversité. Eux aussi visent à assurer en priorité et les plus localement possible nos besoins en énergie, en alimentation et matériaux durables et à prévenir les risques pour la santé et le bien-être.

Dans le domaine monétaire et financier, les trois mesures suivantes peuvent être proposées:

Premièrement, à court terme, une mesure de « redémarrage » de l’activité par le soutien à la consommation en accordant 500 € à chaque adulte et 250 € à chaque enfant de l’Union européenne sous forme de chèques (chèque-repas, chèque-textile, chèque-travaux, chèque-culture et chèque-tourisme). Ces chèques aideront, à la fois, les citoyens de l’Union et, à la fois, les entreprises particulièrement touchées comme les restaurants, les magasins de bricolage, les indépendants, le textile, les musées, cinémas, théâtres et les opérateurs touristiques. Ces chèques ne pourront servir qu’à des dépenses au sein de l’UE et ne pourront pas être déposés sur des comptes en banque. Leur durée de validité sera strictement limitée. Ils seront financés par un emprunt de l’UE, intégralement souscrit par la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales (BCN) pour les pays hors zone euro, pour une durée perpétuelle à taux zéro. Il s’agit d’une mesure de soutien de ± 185 milliards € qui ne sera donc pas remboursable. Les entreprises, indépendants, prestataires qui recevront ces chèques pour paiement de leurs biens et services pourront se faire rembourser auprès de l’institution émettrice qui elle-même les présentera à l’encaissement auprès de l’Etat lui-même financé par l’UE. Le cas échéant, cette mesure peut être doublée par l’octroi du même montant – sans endettement – aux Etats membres pour aider directement les entreprises ou les citoyens et pourra être prolongée par une mesure de dividende universel par lequel chaque citoyen de l’UE recevra directement ou indirectement de la BCE un montant de 100 à 150 euros par mois.

Dans un deuxième temps, mais rapidement, nous devons répondre à nos faiblesses structurelles, au défi climatique et à la restauration de la biodiversité par des investissements privés et publics dans les économies d’énergie, transports publics, énergies vertes, environnement, etc. Aujourd’hui, ces projets ne voient pas le jour, soit que leur rentabilité financière n’est pas suffisante, soit que les risques sont trop importants. Ils sont pourtant indispensables ! Dès lors, pour financer ces projets, je propose que les Etats membres de l’UE bénéficient d’un droit de tirage équitable, selon la même technique de l’emprunt perpétuel à taux zéro, soit directement auprès de la Banque centrale européenne, soit auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui se refinancera à 100% auprès de la BCE. Ce droit de tirage servira exclusivement au financement d’investissements publics et aux aides aux investissements consacrés à répondre à nos faiblesses structurelles et à la transition écologique, sous le contrôle du bailleur de fonds.

Troisièmement, une action de désendettement immédiate, drastique et équitable des Etats de l’Union doit être menée afin de leur rendre des marges de manœuvre budgétaire. Je propose que l’on convertisse en dette perpétuelle à taux zéro les dettes publiques rachetées par la BCE à la suite des crises financières de 2007-2008 et 2010-2011. Cette conversion en une dette perpétuelle à taux zéro équivaut à l’annulation de 2600 milliards d’euros de dette des différents Etats membres de l’UE. Il s’agit d’environ 30% de la dette publique en circulation. En somme, je propose un jubilé par lequel notre Banque centrale fait cadeaux à nos Etats, et donc à nous-mêmes, de 30% de notre dette. Cette remise de dette ne coûte rien à personne puisque la BCE, notre BCE à tous, la détient déjà. Cette remise de dette n’a aucune conséquence matérielle puisque cette somme est déjà en circulation, elle n’a que des conséquences comptables puisqu’elle restera inscrite dans les livres comptables jusqu’à la fin des temps. Mais cette remise de dette a une implication très concrète puisque, plus jamais, cette dette ne fera l’objet de la moindre négociation ni sur son taux d’intérêt, ni sur son renouvellement. Une partie de l’épée de Damoclès de la dette sera retirée de nos têtes. Ce ne sont pas les grecs qui me contrediront, eux, qui ont été victimes d’un horrible chantage du secteur financier lors du renouvellement de leurs emprunts en 2010.

A l’heure où il est clairement établi que nous devons collectivement trouver des solutions à la pandémie, aux dérèglements climatiques et à la disparition de la biodiversité, il est temps de faire un jubilé d’une partie au moins de nos dettes passées par le mécanisme de la dette perpétuelle à taux zéro. Il est temps également de faire preuve d’une réelle solidarité européenne en adoptant un mécanisme européen de financement sans dette de notre nouveau départ, un financement qui s’appuie sur un financement monétaire européen, éventuellement par le truchement des banques publiques européenne et nationales qui pourraient refinancer 100% de leurs prêts auprès de la BCE sans devoir passer par le secteur privé. Ce mode de financement sans dette est de loin supérieur à un mode de financement tel que l’endettement par coronabonds proposé à l’heure actuelle. Il a fait ses preuves pour la reconstruction européenne après la deuxième guerre mondiale, il a permis à tous les pays asiatiques, y compris la Chine, de se développer à partir de années 70 et 80 et c’est, précisément, l’adoption de règles monétaristes étriquées qui entraîne l’Europe vers sa perte depuis les années 80. Enfin, parallèlement, il nous faut adopter de nouvelles règles de comptabilité publique qui doivent nous permettre de sortir des carcans budgétaires en matière d’investissements tout en imposant la rigueur de gestion du bien public et du bien commun.

Ce nouveau départ, cette renaissance, ne saurait reposer exclusivement sur la traditionnelle dette publique financée à son profit par le secteur financier privé et reposant exclusivement sur les épaules des contribuables. Il est temps que nous nous rendions compte que ce mode de financement est inéquitable, inefficace et immoral. Pour sortir de notre enlisement, pour enfin avancer dans la relocalisation de nos activités et dans la transition écologique, nous avons besoin de nouvelles règles, de nouvelles techniques de financement. Nous devons passer de l’artificielle et idéologique rareté monétaire décrétée par le système bancaire pour aller vers une abondance monétaire démocratique et fléchée vers nos objectifs de bien commun et de biens publics. L’urgence commande, la nécessité fait la loi, les cadres intellectuels surannés doivent être dépassés et les traités européens adaptés.

Ou alors, remettons-nous en à la volonté divine !

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