1. Vision
La stabilisation du climat est la première question à solidarité obligatoire qui englobe toute la population humaine. Ce n’est donc plus l’Etat national mais bien une collaboration, une coordination, une solidarité qui permettront de stabiliser le climat. Et à travers cet objectif commun se trouve la question du partage plus équitable du pouvoir et des richesses dans l’ensemble de la communauté internationale. Les négociations sur les moyens de lutter contre les bouleversements climatiques sont en fait des négociations de mise en place d’une nouvelle gouvernance mondiale. Une gouvernance qui devrait faire la part belle à des mécanismes de solidarité et d’équité. Le monde régi par cette gouvernance sera différent de l’actuel. Notre société devra se montrer plus efficace, partageuse (la question des biens communs sera cruciale) et respectueuse du bien-être des générations futures. Pour les écologistes, l’objectif doit être un partage égalitaire des ressources à long terme à l’échelle planétaire.
Plusieurs recherches en matière de prospective explore cette dimension de la transition, à savoir esquisser les modes de vie d’un futur compatible avec un climat stabilisé. A titre d’exemple, l’étude menée par l’IWEPS sur la transition énergétique en Wallonie publiée début 2015 montre que les scénarios qui permettent de stabiliser le climat sont aussi ceux qui limitent les inégalités nationales et internationales, permettent le plus librement les choix de vie, favorisent la qualité de vie, favorisent l’éducation relative à l’environnement, les circuits courts et sont les plus résilientes. Ce sont aussi les scénarios les moins aléatoires en terme de progrès technologique.
D’un point de vue économique, le choix d’une transition vers une société sobre en carbone est le choix le plus rentable. L’énergie et les matières premières ont un coût, l’amélioration de la productivité de ces dernières représentent donc un grande potentiel économique. L’investissement dans les sources d’énergies renouvelables nous permet d’être moins dépendant des prix très volatiles des combustibles fossiles et cela améliore notre balance commerciale et notre souveraineté. Dans un scénario où nous choisissons une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80% et 95% en 2050, l’économies des coûts de carburant et de combustible est supérieure à l’investissement nécessaire. Cela sans prendre en compte les économies dans le secteur des soins de santé. Une étude montre qu’investir dans une politique climatique ambitieuse (-30% à l’horizon 2020) permet une économie d’un milliard € sur le budget des soins de santé.
Une politique climatique ambitieuse est donc pour la Belgique le choix le plus judicieux économiquement, considérant nos coûts salariaux élevés et la quasi absence de ressources naturelles sur notre territoire. L’amélioration dans la productivité des matières premières et l’efficacité énergétique seront des maillons essentiels pour assurer notre position concurrentielle.
La réduction des émissions et la lutte contre les effets du changement climatique sont incontestablement des objectifs qui devraient être poursuivis par tous les pays. A ce titre, l’Europe doit jouer son rôle de leader en encourageant et en menant la bataille mondiale pour réduire les émissions à la fois par des efforts internes et en travaillant à adopter un nouvel accord mondial sur la limitation des émissions. La solution pour concilier objectifs climatiques, sécurité énergétique et compétitivité est la gestion et l’utilisation efficiente des ressources. Cela permettrait à l’UE d’être davantage compétitive, d’alléger la pression des prix énergétiques, de réduire notre dépendance sur les importations et de réduire les émissions de GES dans le même temps. Voilà pourquoi l’UE a besoin d’objectifs climatiques et énergétiques ambitieux et contraignants, déclinés en réduction des émissions, efficacité énergétique, production d’énergie renouvelable et développement de l’économie circulaire.
La décarbonation apparaît ainsi comme une nécessité pour réduire les émissions de GES et ainsi limiter les bouleversements climatiques. La décarbonation ne devrait pas être considérée comme une menace pour l’économie européenne. Bien au contraire, elle crée des opportunités significatives – à la fois pour les industries existantes pour devenir plus efficaces, innovantes et obtenir des avantages concurrentiels, et pour les nouvelles entreprises à créer des emplois dans une ’nouvelle’ économie climato-compatible.
Adopter une trajectoire climato-compatible à l’horizon 2030 (soit un réchauffement maximum de +2°C, impossible à respecter avec les objectifs européens actuels pour 2030) permettrait en plus de :
- économiser annuellement 140 milliards € en importations fossiles (à comparer avec un coût total estimé, en ce inclus les gains espérés par les objectifs prévus, de 500 milliards € en 2030),
- repousser le décès de 40 000 personnes suite à la pollution de l’air,
- créer 350 000 emplois temps plein dans le seul secteur des énergies renouvelables. Une opportunité doublée d’avantages économiques
Le système énergétique européen est aujourd’hui vieillissant et basé sur les importations de combustibles. Son remplacement est inéluctable à moyen et long terme : c’est une opportunité à saisir que de le transformer en un système plus résilient, basé sur les énergies renouvelables, pour diminuer notre exposition aux fluctuations des énergies fossiles et aux difficultés géopolitiques et diplomatiques qu’elles génèrent.
L’Union européenne est à elle seule un exemple frappant : un plan climatique plus ambitieux, limitant le réchauffement en-dessous de 2°C, pourrait y entraîner la création de 420.000 nouveaux emplois d’ici 2030 (contre 70.000 dans le plan actuel), sauver 46.000 vies par an (contre 6.000) et permettre des économies de plus de 156 milliards d’euros par an grâce à une réduction des coûts d’importation des combustibles fossiles (contre 27,5 milliards d’euros).
Sources : NEW CLIMATE INSTITUTE (2015)
Les politiques climatocompatibles créent plus d’emplois !
Source : KAMMEN & ENGEL (2009)
Les impacts macro-économiques ont été évalués au niveau belge et une transition vers une Belgique bas carbone est nettement profitable. Le niveau de la croissance économique est semblable mais son contenu différent.
Source : CLIMACT, OXFORD ECONOMICS & PLAN (2016)
Enfin, les différents scénarios développés pour la Wallonie montrent que l’action coûte moins que l’inaction.
Source : CLIMACT (2012)
Des perspectives pour l’emploi
Le potentiel de création d’emplois liés à la production d’énergie à partir de sources renouvelables, l’efficacité énergétique, la gestion des déchets et de l’eau, l’amélioration de la qualité de l’air, la restauration et la préservation de la biodiversité et le développement de l’infrastructure verte est important. Les évaluations de l’impact de la décarbonisation sur l’emploi dans le secteur de l’énergie confirment que les emplois qui disparaissent dans les sources d’énergie classiques sont remplacés par davantage d’emplois dans les secteurs climatocompatibles.
Sur base, entre autres, des travaux de Jean Gadrey, des études de la Commission Européenne, des estimations d’AGORIA, on pourrait envisager le potentiel suivant en matière d’emplois en Belgique :
- Energie (SER, rénovation, transports) : de 100 000 à 150 000 emplois
- Economie circulaire : 30 000 à 65 000 emplois ajoutés
- Agriculture (réorientation écologique) 20 000 à 25 000 TOTAL : de 150 000 à 240 000 emplois nets ajoutés, soit entre un tiers et la moitié du nombre de chômeurs en Belgique.
Une Belgique 100 % renouvelable en 2050 ? Chiche ! En Belgique, un système énergétique basé à 100% sur les SER en 2050 est possible, tout en garantissant croissance économique (de 1.7 à 2.2%/an) et confort et en gardant le paradigme socio-économique actuel inchangé. Il suffit d’identifier et d’activer une série d’options clés et de mettre en œuvre des politiques et mesures efficaces. Pour ce faire, les gouvernements doivent intervenir dès à présent pour créer des conditions favorables au développement des énergies renouvelables, pour développer les compétences « vertes » des travailleurs dans tous les secteurs, nottament via les alliances emploi-environnement, pour encourager et intensifier l’efficacité énergétique. Le surcoût lié à l’évolution du système énergétique est est plus que compensé par l’évitement des dommages climatiques, la création d’emplois, l’amélioration de la santé, d’indépendance énergétique. |
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2. Des outils :
Les mesures envisagées pour mettre en place la transition prévoient la création nette de nombreux emplois (voir ci-dessus). Une série de mesures créent directement les emplois mais d’autres sont indirectes. Les normes (par exemple limitation des émissions des véhicules) n’ont pas intrinsèquement d’influence sur le nombre d’emplois même si elles peuvent dans une série de cas être positives.
Bien qu’elle ne pourrait à elle seule suffire, la politique de tarification du carbone permet de générer des recettes publiques importantes. Elle constitue dès lors un instrument de choix en vue de répondre adéquatement aux enjeux distributifs soulevés par la transition. Trois mécanismes de « recyclage » des montants de la taxe carbone sont envisagées :
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- redistribution ciblée aux ménages et entreprises (chèques énergie progressifs, tarifs sociaux),
- tax shift (coût du travail),
- mesures de soutiens à la transition. L’introduction de la taxe carbone augmente la profitabilité des investissements pour améliorer les performances énergétiques, du moins si une stratégie ad hoc est adoptée (et une révision du revenu cadastral & précompte immobilier).
Sur les carburants, Les revenus perçus peuvent être utilisés comme mentionnés ci-avant avec également la possibilité de les redistribuer pour promouvoir des alternatives de transport, comme l’électromobilité ou les transports en commun mais aussi les infrastructures multimodales.
L’analyse des pratiques dans les pays voisins et des prix des combustibles et carburants en Belgique montrent que les possibilités d’introduction d’une tarification carbone en Belgique sont assez limitées et simples. Les analyses montrent que l’impact de l’introduction d’une tarification carbone peut tout à fait être appréhender. Les scénarios économiques montrent que si les revenus de la taxe sont recyclés en Belgique pour diminuer les coûts du travail, les effets sont positifs en matière d’emplois et de revenus nets des ménages et entreprises. Enfin, on remarque qu’un scénario bas carbone – avec une tarification carbone – est plus efficace pour diminuer les émissions et plus profitable économiquement.
Les politiques et mesures de réduction des émissions de GES auront également un impact sur toute une série d’autres indicateurs voire même, indirectement, sur la croissance elle-même. Outre leur contribution à la réduction des dommages liés aux changements du climat, elles permettront d’éviter l’émission de polluants de l’air dont le coût économique est généralement évalué à environ 4% du PIB belge. La congestion routière et le nombre d’accidents de la route devraient également largement bénéficier des politiques d’atténuation dans le secteur des transports. L’augmentation du confort intérieur de l’habitat et le moindre recours aux protéines animales sont aussi une source de bénéfices importants pour la santé, sans compter l’amélioration significative de la sécurité énergétique et la plus grande résilience de l’économie aux risques systémiques.
3. Prévisions des impacts des bouleversements climatiques en Belgique
Inondations | Augmentation du risque d’inondations en Hiver, sécheresse / pénuries en été |
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Régions côtières | Inondations lors des tempêtes, érosion de la côte et perte ou recul vers l’intérieur des terres des zones naturelles humides, élévation du niveau des nappes aquifères et la salinisation des sols et des nappes. Une hausse du niveau de la mer d’1 mètre noierait 63000 hectares. |
Biodiversité | Déclin de biodiversité, écosystèmes menacés. |
Terres agricoles | Baisse des rendements pour certaines cultures, augmentation pour d’autres (blé) |
Santé | Morts et blessés liés aux catastrophes, maladies cardio-vasculaires à cause de la chaleur, allergies, qualité de l’air en baisse. Les vagues de chaleur ont tués 900 personnes âgées en 1994, 1300 personnes âgées en 2003. Le trafic routier provoque environ 1100 décès prématurés chaque année. |
Pollution de l’air | 189 à 609 millions d’€ par an, d’ici 2020 (=0.2% à 0.6% du PIB belge). |
Tourisme | Vagues de chaleur qui pourraient nuire à l ’attractivité |
Coût global | 1 à 2% du PNB pour une augmentation moyenne de la température de 2,5 °C, mais les incertitudes sont grandes. |
Source : ICEDD (2014)
Source : ICEDD (2014)
4. Références
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- 3E (2014) Crucial Energy Choices – An investigation of the options. Our Energy Future. Etude réalisée pour Greenpeace, BBL &WWF
- CAMPAIGN AGAINST CLIMAT CHANGE (2014) One Million Climate Jobs Tackling the Environmental and Economic Crises
- CLIMACT (2012) Vers une Wallonie bas carbone en 2050, étude réalisée pour le compte du SPW-AWAC
- CLIMACT, CORE, PLAN, ICEDD, IDD & LENTIC (2015) Etude prospective « Transition énergétique ». IWEPS
- CLIMACT, Bréchet, OXFORD ECONOMICS & PLAN (2016) Les impacts macroéconomiques de la transition bas carboneen Belgique. Service Fédéral Changements climatiques.
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- PNUE & OIT (2012) Vers le développement durable : Travail décent et intégration sociale dans une économie verte
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