1. Pourquoi une fiscalité environnementale ?

Les comportements des agents économiques privés n’intègrent pas spontanément le coût des dommages qu’ils causent à l’environnement. La fiscalité environnementale fait partie de l’ensemble des mécanismes financiers incitant au changement comportemental des acteurs économiques, qu’ils soient producteurs, intermédiaires ou consommateurs, au travers par exemple d’une taxe sur les produits polluants, d’un marché de « droits à polluer », de dispositifs de tarification, de subventions, etc.

Les outils de la fiscalité environnementales se composent à la fois de mesures incitatives positives (exonérations, déductions et réductions d’impôts) ayant pour objet d’encourager les acteurs économiques à s’engager dans une démarche vertueuse ; mais également de mesures d’internalisation des externalités négatives, consistant à faire peser sur le producteur et le consommateur des coûts actuellement payés par l’ensemble de la collectivité : maladies environnementales, dépollution des sols et des eaux, etc. Il s’agit donc d’un outil de compensation des coûts environnementaux et sociaux qui doit permettre de répondre aux enjeux liés à la fois à la raréfaction des ressources, au changement climatique et aux pollutions de diverses natures.

Du point de vue de la transition écologique, cet outil fiscal apparaît comme moins coercitif que la norme, et néanmoins efficace lorsqu’il permet d’avantager économiquement les comportements durables par rapport aux comportements nuisibles à l’environnement. Il permet également une progressivité dans le temps de la pression fiscale, sur la base de négociations avec les parties prenantes, qui peuvent alors anticiper cette pression fiscale et réaliser les investissements technologiques pour en limiter le coût. Enfin, partant d’une situation existante, la fiscalité permet de mettre en place certaines solutions en attendant à terme l’interdiction des produits les plus dommageables à l’environnement (via les normes). Le Conseil supérieur des Finances « considère que les instruments économiques offrent un certain nombre d’avantages par rapport aux instruments réglementaires : ils sont généralement plus efficaces tant sur le plan statique que sur le plan dynamique. [cependant] La pertinence des instruments économiques repose sur la connaissance des coûts externes. Celle-ci reste entourée de zones d’incertitude mais on dispose de suffisamment d’évaluations fiables qui indiquent une direction et des ordres de grandeur. Ce principe général de préférence pour les instruments économiques est à moduler en fonction des circonstances particulières ». [1]

1.1. Les principes guides

Principe 1 : internaliser les coûts environnementaux actuels

Par exemple : pollution de l’air

 Réparation et/ou compensation des impacts sur l’environnement

+ Sensibilisation pour réduire son impact actuel. Il n’y a pas que le CO2 ou les autres gaz à effet de serre mais aussi les particules fines, les oxydes d’azote, etc.

Principe 2 : Internaliser les coûts environnementaux futurs

Par exemple : réchauffement climatique suite à l’accumulation des émissions de gaz à effet de serre

 Orientation des investissements et de la consommation + Sensibilisation pour réduire son impact futur

Sauf en l’absence ou en cas de faible niveau de taxation environnementale, les subsides environnementaux ne devraient pas exister car l’existence de la taxation permet de favoriser les comportements les plus respectueux de l’environnement.

1.2. Des correctifs sociaux

Appliquée telle quelle, l’internalisation des coûts environnementaux aura le même effet social que la TVA. Nous pensons qu’il est plus judicieux d’opérer des correctifs sociaux non pas via des exonérations mais via des compensations par la réduction de prélèvements fiscaux ou sociaux qui ne sont pas liés aux ‘pollutions’. Le choix de ceux-ci devrait être fait pour maximiser le bien-être collectif. Il convient par exemple de moduler l’internalisation soit par une tarification progressive, soit par la création de tranches d’accès à l’énergie et à la mobilité énergivore.

1.3. Taxer au stade de la production ou de la consommation ? [2]

Des arguments existent en faveur de l’une et l’autre options. L’un d’entre eux provient de la conciliation à faire entre l’objectif environnemental et la compétitivité. A l’appui de la taxation au stade de la production, on peut mentionner le fait que les entreprises peuvent avoir le choix entre différentes techniques de production dont certaines peuvent être plus respectueuses de l’environnement. En intégrant les coûts externes dans leurs arbitrages, la fiscalité peut donc orienter les comportements dans un sens favorable à l’environnement : la taxation des processus de production polluants est un incitant à investir dans des processus de production moins polluants.

Les entreprises peuvent par ailleurs avoir une influence significative sur le comportement des consommateurs et le comportement des entreprises est sans doute plus rationnel que celui du consommateur individuel. Les entreprises subissent aussi la pression des consommateurs qui les incitent à réduire les dommages environnementaux. Par contre, taxer au niveau de la production fait que le public n’est pas conscient du problème qui a motivé la taxation.

D’un point de vue strictement environnemental, il est préférable de taxer là où les nuisances sont générées : si c’est la production qui est responsable des nuisances, il est préférable de taxer directement le producteur, sur base d’une mesure physique du coût externe généré, plutôt que d’escompter un signal envoyé par les consommateurs qui auraient à payer un prix plus élevé. L’argument a d’autant plus de poids quand les entreprises ont le choix entre différents processus de production ayant des effets environnementaux différenciés. Par contre, si les nuisances proviennent de la consommation – par exemple dans le cas de l’utilisation d’un moyen de transport polluant – c’est à ce stade qu’il convient d’établir l’imposition.

Le choix peut également être influencé par les coûts de mise en œuvre de l’impôt, tant pour l’administration que pour les contribuables. Plus on remonte en amont dans le processus de production, moins il y a de contribuables à soumettre à l’impôt et plus faible sera le coût de mise en œuvre de la réforme.

D’un point de vue économique, ce qui est pertinent est de savoir qui supporte la taxe en fin de compte. Ainsi, si l’entreprise est le débiteur de la taxe, elle peut, dans certaines conditions de concurrence et autres, en transférer la charge au consommateur. Ainsi, dans un marché concurrentiel, si la demande est inélastique, c’est le consommateur qui supportera la charge de l’application par l’impôt du principe « pollueur-payeur » : dès lors qu’il ne peut modifier son comportement, il subira l’effet des taxes qu’elles soient prélevées au cours du processus de production ou à l’occasion de la consommation des produits. Les ventes ne diminuant pas, le producteur ne sera pas touché. Inversement, si la demande est fortement élastique, c’est le producteur qui sera touché par le recul de ses ventes, et ce où que la taxe soit prélevée.

1.4. Introduire la fiscalité environnementale

Il est essentiel de la rendre visible, acceptable et compréhensible auprès des ménages et des entreprises, ce qui suppose plusieurs actions :

  • Informer à l’avance de l’introduction, avec une justification et un objectif annoncé dès le départ ;
  • Assurer une progressivité dans le temps à court, moyen et long termes (par exemple 2020, 2030, 2050) ;
  • Accompagner la mesure, notamment en mettant en œuvre des alternatives ;
  • Encourager la capacité d’adaptation des acteurs, notamment au niveau des investissements ;
  • Informer des alternatives tant au niveau des modes de consommation et de production, que des transports ou du chauffage.

2. État des lieux de la ‘pression’ fiscale environnementale en Belgique

En Belgique, toutefois, on peut déduire des statistiques une utilisation relativement faible de l’outil fiscal. Ainsi, l’OCDE rappelle que la Belgique a une économie à forte intensité énergétique, en raison notamment de la relative prépondérance d’activités grosses consommatrices d’énergie, mais aussi parce que l’utilisation d’énergie dans les transports et le chauffage des immeubles d’habitation et autres est plus élevée que dans beaucoup d’autres pays de l’OCDE. Cette situation tient au fait que la Belgique a moins recours que les autres pays à des taxes environnementales.

Selon Eurostat (données 2015) en Belgique :

  • Les taxes environnementales représentent 2,1% du PIB, en baisse depuis 1995 (le plus bas est à 1,7 (Slovaquie), le plus haut à 3,9 (Danemark) ;
  • Les taxes environnementales représentent 4,7% du total de taxation, en baisse depuis 1995, soit le plus bas taux européen, le plus haut à 10,9 (Croatie) ;
  • Le taux d’imposition implicite de l’énergie en Belgique s’élève à 138, 233 pour l’Union européenne (à 28) et s’étale de 44 (Islande) à 409 (Danemark).

3. Une fiscalité environnementale ‘pure’

 Application du principe du pollueur-payeur via le coût-vérité.

Par ailleurs, l’imposition de normes de plus en plus sévères a un effet favorable en matière de pollution de l’air, de l’eau et des sols depuis deux décennies même si la situation est encore loin d’être parfaite.

3.1. Air

  • Agir sur la pollution issue du transport, des industries, du résidentiel (Voir les sanctions ad hoc) et de l’agriculture (voir ci-dessous 3.3) mais aussi la section ad hoc. .

3.2. Eau

Sont en cours d’implémentation (au moins partielle)

  • Augmenter la taxe sur le rejet des eaux usées industrielles dont le taux est inchangé depuis 1990 alors que les ménages ont vu leur facture d’eau augmenter de 35% en 5 ans. Gain estimé : 11,5 millions d’euros [3].
  • Taxer le pompage d’eau pour le refroidissement des installations industrielles productrices d’électricité, une mesure légitime pour une ressource en raréfaction lors des étés secs et que les changements climatiques rendront moins disponible encore. Gain potentiel : fonction du taux d’imposition (2,2 milliards de m3 d’eau concernés/an) [4].

3.3. Sols

L’utilisation de pesticides influencent défavorablement l’état des sols et par la suite celui des nappes phréatiques.

  • Redevance sur l’utilisation des pesticides par les particuliers. Cette taxe viserait une pratique non encadrée (au contraire de celle des agriculteurs) aux conséquences néfastes pour la santé (des utilisateurs et de leur famille) et pour l’environnement. Gain estimé : 30 millions d’euros [5].

3.4. Déchets

    • La fiscalité est de compétence régionale et communale
  • Pour les entreprises application du principe du pollueur-payeur via le coût-vérité
  • Pour les ménages, passage à la redevance au poids (diminution de la partie forfaitaire)
  • Sanction des communes qui dépassent des seuils supérieurs de déchets de façon à passer à la collecte sélective des organiques et poubelle à puce (redevance au poids)

3.5. Conception des produits

La fiscalité actuelle prévoit , la cotisation d’emballage due pour certains types de boissons, les anciennes écotaxes sur les appareils photo jetables, les piles et les récipients contenant certains produits industriels, la cotisation environnementale perçue lors de la mise à la consommation de produits tels que les sacs en plastique, les ustensiles de cuisine jetables.

IEW a proposé une ‘TVA environnementale’ permettant d’aligner le prix et la qualité environnementale des produits. Cette taxation s’appliquerait à tous les produits pour lesquels il existe une alternative éco-responsable. La différence de prix pourrait être fixée pour démarrer à 10 % en faveur de l’écoproduit, puis augmentée forfaitairement de 5 % par an pour donner un signal fort, tant aux consommateurs qu’aux fabricants desdits produits [6].

On pourrait également utiliser l’outil fiscal pour lutter contre l’obsolescence programmée. En effet, notre système fiscal, notamment via l’amortissement, tend à faire adopter par les entrepreneurs un comportement de renouvellement parfois prématuré de biens encore fonctionnels [7].

4. Quelle fiscalité de l’énergie (et du climat) ?

Dans un avis publié en septembre 2009, le CSF [8] a plaidé pour l’instauration d’une fiscalité environnementale basée sur la taxation de l’énergie. Cette fiscalité se complète dans le cas du secteur résidentiel et dans le secteur du transport. Le CSF considère que les accises sont l’instrument approprié, sauf pour le cas des carburants et donc du transport routier. Cette exception est principalement motivée par deux arguments : le transport routier génère d’autres coûts externes, non environnementaux, et la taxation au kilomètre peut être un instrument plus performant.

Notons que la proposition de révision de la directive européenne sur la taxation de l’énergie (Energy Tax Directive (ETD) 2003/96/EC), procède à une augmentation des accises sur l’énergie, en exemptant les entreprises soumises à l’ETS de la part CO2 des accises nouvelles.

Comme pour le gaz, cette mesure ne doit pas entrer en vigueur du jour au lendemain, la hausse des prix doit être progressive et faire l’objet d’une politique d’accompagnement ciblant plus particulièrement les ménages les plus sensibles à une telle hausse (isolation du logement, placement d’une chaudière efficace/changement de combustible via l’économie budgétaire ainsi réalisée). Cette politique de soutien à l’efficacité énergétique doit être principalement concentrée sur les ménages précaires et ne doit pas être une simple réduction d’impôts ne permettant pas de toucher les ménages avec des revenus plus faibles.

4.1. L’électricité

  • Rente nucléaire La production d’électricité en Belgique étant encore majoritairement issue du nucléaire, un signal-prix sur le carbone l’impacte relativement peu. Même si l’unité marginale est une unité fossile, le couplage des marchés rend possible l’importation d’électricité fossile d’origine étrangère. Néanmoins, un marché ETS efficace rendra l’électricité d’origine fossile plus chère.

Cependant, il convient donc d’internaliser les coûts du nucléaire (démantèlement, déchets, assurance) et de récupérer les avantages indus (rente nucléaire). Ces derniers peuvent servir au développement des sources d’énergie renouvelable.

5. La fiscalité du Transport  : une première approche

5.1. Accises sur les carburants

Le 1er janvier 2016, les véhicules de plus de 3,5 T devraient être soumis au prélèvement kilométrique. Cet outil permet d’intégrer de nombreux coûts externes, y compris des coûts de pollution qui, en son absence, devraient être intégrés dans les accises [9].

Nous pensons qu’il est – avant la généralisation du système – préférable de maintenir un système d’intégration des coûts issus de l’énergie dans les accises et les autres coûts dans le prélèvement kilométrique. En effet, les véhicules légers ne sont pas (encore) concernés par le prélèvement kilométrique et il ne sera pas aisé d’équiper facilement les véhicules étrangers de la technologie ad hoc avant quelques évolutions. Cependant, ce système est le plus efficace et permet aussi des modulations plus fines en matière d’accessibilité [10].

5.1.1. Cas particulier des agrocarburants

Les aides publiques (défiscalisation et autres) dont bénéficient les agrocarburants devraient être réorientées vers les économies d’énergie, ou vers d’autres filières renouvelables qui présentent des bénéfices environnementaux et sociaux indiscutables, dans le but d’atteindre l’objectif européen global de 20% d’énergie renouvelable à l’horizon 2020. Ceci représente un montant annuel d’environ 164 millions €.

5.2. L’orientation de l’achat du véhicule (droit de possession)

5.2.1. La taxe de circulation annuelle (TC) :

Globalement, les modalités de la TC tiennent peu compte de critères environnementaux. Pour les voitures, voitures mixtes et minibus, le taux varie in fine en fonction de la cylindrée, mais les émissions polluantes, notamment de CO2 ne sont évidemment pas proportionnelles à la cylindrée. Ni les émissions ni les kilomètres parcourus ne sont pris directement en compte. Les émissions ne sont même pas prises en compte de manière indirecte par le biais de l’ancienneté du véhicule.

La piste retenue pour la réforme est l’utilisation des émissions individuelles du véhicule. L’avantage de cette méthodologie est de se focaliser sur les émissions directes qui sont les principales responsables des pollutions à l’échelle locale, ce qui est particulièrement intéressant dans les zones urbaines. Les émissions directes figurent par ailleurs sur le certificat de conformité du véhicule, et font donc partie des informations reprises dans les papiers de bord.

5.2.2. La taxe de mise en circulation (TMC) :

Dans l’ensemble, les modalités de la TMC ne vont pas dans le sens d’une politique environnementale. Les taux varient non pas selon le caractère plus ou moins polluant du véhicule, mais en fonction de la puissance du moteur. Ils ne dépendent pas de l’utilisation du véhicule. En outre, le fait que la taxe diminue avec l’ancienneté du véhicule incite à la mise en circulation de véhicules anciens et donc plus polluants.

La TMC est un signal envoyé au (futur) propriétaire d’une voiture. Vu l’impérieuse nécessité de diminuer la demande de mobilité individuelle, il convient d’opérer le maximum de transfert modal : il faut donc décourager chaque fois que possible l’achat de véhicules automobiles. Une TMC bien calibrée peut y contribuer. La TMC doit aussi avertir le consommateur des conséquences externes de l’usage d’un véhicule automobile. Le caractère unique de ce signal doit donc être suffisamment fort que pour impacter le comportement du consommateur et l’orienter [11].

5.3. Le droit d’usage pour les véhicules légers

La vignette est un droit d’usage, donc un forfait à la durée sur tout le réseau. Elle ne peut donc être prévue que de façon complémentaire aux dispositifs TC-TMC (elle a le mérite de faire également contribuer les non-résidents) et de façon transitoire, dans l’attente de son remplacement par un prélèvement kilométrique. La vignette n’est pas un outil adéquat pour intégrer les coûts externes.

5.5. Les voitures de société

Le CSF considère qu’il faut aller progressivement vers la suppression de ce régime fiscal des voitures de sociétés et aligner la taxation de l’avantage de toute nature sur celle des salaires, tant dans le chef de l’employeur que dans le chef du salarié. Le même principe s’applique aux cartes-carburant.

Indépendamment des problèmes environnementaux que génère l’utilisation des voitures de sociétés, un régime de faveur pour un avantage de toute nature particulier est déjà en soi une pratique inefficace et inéquitable.

Il est clair que nous devons évoluer vers un système fiscal au sein duquel les voitures de société sont beaucoup moins rémunérées, avec éventuellement une différenciation en fonction des prestations environnementales des véhicules.

5.6. La taxe sur les billets d’avion

La croissance des émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’aviation est rapide depuis 1990. Selon le Bureau fédéral du Plan les émissions de l’aviation augmenteraient de 50% entre 2005 et 2020, pour passer de 3,2 à 4,4% du total des émissions de CO2 belges. Actuellement, l’option la plus évidente serait d’introduire des droits d’accises sur le Kérosène mais d’anciens accords internationaux l’empêchent.

Il est par contre possible d’instaurer une taxe sur les billets d’avions. Le montant de cette taxe serait forfaitaire et suffisamment élevée pour avoir un impact dissuasif, fixé au minimum à 25 euros quelle que soit la longueur du vol. De cette manière, les vols les plus courts, qui sont également les plus polluants et ceux pour lesquels les alternatives sont les plus attrayantes, seraient proportionnellement plus impactés.

Le nombre de passagers aériens en Belgique avoisine les 30 millions (départs, arrivées, transit et transfert). Le nombre de départs peut être estimé à 15 millions. À titre indicatif, une taxe moyenne de 25 euros générerait donc 375 millions d’euros.

6. La fiscalité du résidentiel

Au niveau de l’ensemble de la Belgique, 34% des logements existants en 2001 ont été construits avant 1945 et un tiers des logements seulement a été construit après 1971. La majorité du parc immobilier existant a donc été construit à une époque où l’isolation thermique et l’efficacité énergétique n’avaient pas l’importance qu’elles ont acquise depuis lors.

Il apparaît clairement que les parcs de logement wallon et bruxellois sont beaucoup plus anciens que le parc de logement flamand. C’est surtout la part des logements construite avant 1919 qui fait la différence : elle est de 28% en Wallonie, contre 16% à Bruxelles et 10% en Flandre. A l’inverse, la part des logements construite après 1970 est de 41% en Flandre contre 27% en Wallonie et 18% à Bruxelles.

Globalement, la fiscalité immobilière ne prend pas en compte les facteurs environnementaux. Ceci est en soi normal pour des impôts qui ont leur logique propre. Il n’est pas logique d’effectuer un lien entre les dépenses fiscales relatives à l’immobilier et la tarification de l’énergie.

Pour ce qui concerne l’imposition des revenus immobiliers, le CSF considère qu’il faut garder le principe de la capacité contributive et qu’il n’est donc pas opportun de moduler les revenus ou les charges en fonction de l’efficacité énergétique des bâtiments.

6.1. Incitations à améliorer l’efficacité énergétique du logement et contraintes de financement

L’outil fiscal (réductions ou déductions, crédits d’impôts) n’est pas le plus efficace. Effet d’aubaine, favorable aux plus nantis, peu modulable, c’est un outil à abandonner.

Des instruments tels les facilités de financement ou le tiers investisseur sont plus appropriés.

Pour les ménages à bas revenus, il faut également tenir compte des contraintes de financement. Ceux-ci peuvent en effet faire face à des difficultés à financer des investissements qui sont rentables par les économies d’énergie qu’ils génèrent. Il existe dans ce cas une justification pour des aides publiques.

6.2. L’orientation de l’achat

Il n’apparaît pas opportun de moduler le coût du logement ou quelque outil fiscal lors de l’achat en fonction de la qualité énergétique du bien. Par contre, l’information sur l’efficacité énergétique doit être renforcée et devenir un critère d’achat, donc un élément constitutif du prix de vente.

La détermination du revenu cadastral – lorsqu’elle sera revue- devrait prendre en compte l’accessibilité aux services publics et aux infrastructures de transport durable, en défavorisant les logements peu accessibles. Une amélioration de l’efficacité énergétique d’un bâtiment devrait pouvoir faire l’objet d’une baisse temporaire du précompte immobilier. Cela permettrait d’améliorer la rentabilité des investissements sans influencer sur le prix d’achat.

7. La fiscalité des entreprises

Comme signalé plus avant, d’un point de vue strictement environnemental, il est préférable de taxer là où les nuisances sont générées : si c’est la production qui est responsable des nuisances, il est préférable de taxer directement le producteur, sur base d’une mesure physique du coût externe généré, plutôt que d’escompter un signal envoyé par les consommateurs qui auraient à payer un prix plus élevé. L’argument a d’autant plus de poids quand les entreprises ont le choix entre différents processus de production ayant des effets environnementaux différenciés. Par contre, si les nuisances proviennent de la consommation – par exemple dans le cas de l’utilisation d’un moyen de transport polluant – c’est à ce stade qu’il convient d’établir l’imposition.

7.1. Au niveau industriel

  • L’ETS (Emission Trading System – Système communautaire d’échange de quotas d’émission) Description

Une nouvelle directive européenne concernant le système d’échange de droits d’émission a été approuvée en décembre 2008. L’objectif est de réduire de 21% les émissions des secteurs industriels, par rapport au niveau d’émission de 2005.

Elle prévoit une mise aux enchères progressive des quotas d’émission pour « l’industrie à haute intensité énergétique » (sidérurgie, chimie, ciment, verre, chaux, aluminium).

En cas d’accord international, 80% des quotas seraient gratuits en 2013, 20% payants. En 2020, 30% des quotas seraient gratuits et 70% payants. En 2027, tous les quotas seront mis aux enchères.

Les secteurs exposés à la concurrence internationale et au risque de « fuite du carbone » pourront recevoir 100% de quotas gratuits jusqu’à la conclusion d’un accord international. La gratuité serait cependant octroyée sur base des meilleures technologies disponibles. La directive prévoit que 50% des recettes de la mise aux enchères des quotas soient utilisés pour mener des actions d’adaptation ou d’atténuation des changements climatiques, au développement de technologies propres, à la lutte contre la déforestation et à l’aide à l’adaptation dans les pays en développement.

  • Les Accords de branches En Wallonie, 162 entreprises participent, via leurs fédérations, à un des 15 accords de branche. Ces accords couvrent 4,1 millions de Tep, ce qui correspond approximativement à 80% de la consommation industrielle totale d’énergie de la région, soit 21% de la consommation nationale. En Flandre, 182 entreprises ayant une consommation annuelle d’énergie primaire d’au moins 0,5 pétajoule (PJ) participent au benchmarking convenant, et 229 autres entreprises ayant une consommation annuelle comprise entre 0,1 et 0,5 PJ participe à l’audit convenant. Ces deux systèmes couvrent respectivement 12,6 et 0,9 millions de Tep, ce qui correspond à environ 80% et 9% de la consommation industrielle totale d’énergie de la région, soit respectivement 65% et 5% de l’ensemble de la consommation d’énergie du pays. La Région de Bruxelles-Capitale a opté pour un système volontaire de management énergétique appelé « Entreprise éco-dynamique », qui couvre aussi le secteur des services.

Globalement, ces accords sont sensés permettre une amélioration de l’efficacité énergétique de 8,8% entre 2002 et 2012 : 11,1% pour la Wallonie, 7,4% pour les grandes entreprises flamandes et 10% (entre 2005 et 2012) pour les entreprises flamandes de taille moyenne.

 L’essentiel des entreprises intensives en énergie sont donc couvertes par un système visant à intégrer en tout ou partie l’impact polluant de leurs activités.

7.1.1. Réforme de l’ETS

Le système de quotas d’émissions de CO2 par secteur doit être étendu à tous les pays et élargi à de nouveaux secteurs industriels, à certaines activités des petites et moyennes entreprises et aux activités militaires. Le transport maritime doit y être soumis et recevoir des quotas d’émissions dégressifs d’année en année.

Pour faire des marchés des quotas de CO2 des outils performants, il est possible d’en renforcer la régulation. Un tel renforcement implique une harmonisation et une centralisation plus poussées des fonctions classiques de surveillance d’un marché (sécurité des infrastructures, transparence de l’information, traque des positions dominantes, …), difficiles à mettre en œuvre dans le contexte institutionnel européen. Mais pour envoyer un signal permettant d’orienter l’économie sur la cible d’une réduction par cinq (au minimum) des émissions européennes à l’horizon 2050, il faudrait aller plus loin. Une solution serait de créer un organisme indépendant sur le modèle d’une banque centrale avec une capacité d’intervention et une crédibilité suffisantes pour modifier les anticipations des industriels afin qu’ils réalisent aujourd’hui les investissements nécessaires pour mettre l’économie européenne sur la voie 100% renouvelable.

7.2. Au niveau des PME

Les PME les plus énergivores sont normalement parties prenantes d’accords de branche. Dans le cas inverse, le relèvement des prix de l’énergie est une motivation à l’intégrer. En parallèle, un fonds destiné à améliorer l’efficacité énergétique (sur base de benchmarks) doit être mis en place et accompagné par des spécialistes de l’énergie.

7.3. Au niveau des indépendants

Ceux-ci ne sont pas couverts par les systèmes actuels et sont susceptibles de souffrir (commerçants par exemple) de l’augmentation des coûts de l’énergie. Un fonds destiné à améliorer l’efficacité énergétique (sur base de benchmarks) doit être mis en place et accompagné par des spécialistes de l’énergie.

8. Conclusions

La réforme de la fiscalité environnementale par exemple via un signal-prix carbone ne peut se faire et réussir qu’aux conditions suivantes :

  • adopter des mesures compensatoires  : il s’agit de réduire, en parallèle, d’autres impôts (par exemple l’IPP) ou agir par le biais du système de sécurité sociale. Les mesures compensatoires peuvent également se matérialiser par des remboursements de taxe. Ainsi, les taxes sur l’énergie pourraient être remboursées sous forme de subventions aux investissements ou dépenses permettant d’économiser l’énergie (avec une attention particulière sur les ménages modestes) et les taxes automobiles via une offre de transports publics accrue ;
  • instaurer des politiques d’accompagnement, axées de manière privilégiée sur les ménages à revenus faibles ou modestes, pour réduire structurellement les consommations énergétiques (logements et transports), par exemple en octroyant des prêts à taux réduit ou à taux zéro pour des investissements économiseurs d’énergie (à destination des bas revenus), en améliorant quantitativement et qualitativement l’offre de transports en commun ou encore en adoptant une tarification progressive solidaire (tarification en vertu de laquelle la première tranche est accessible à un coût socialement acceptable et ensuite augmente progressivement, au prorata des quantités consommées) pour les biens environnementaux (eau, électricité…) considérés comme besoins humains fondamentaux ;
  • compléter les mesures fiscales par d’autres instruments, par exemple réglementaires (pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments si d’aventure une taxe énergétique était instaurée).

Une réforme fiscale environnementale aura enfin un effet sur les prix et les salaires via l’indexation : il conviendra de la réformer en parallèle pour éviter des effets pervers.

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[1Conseil Supérieur des Finances (2009) La politique fiscale et l’environnement.. https://www.conseilsuperieurdesfinances.be/fr/publication/la-politique-fiscale-et-lenvironnement

[2Traversa E & Pirlot A. (2013) L’écofiscalité, fiscalité du futur ?, citoyensengages.be

[3IEW (2011-12) Cahier de revendications en matière de fiscalité environnementale.

[4Idem.

[5Ibid.

[8Op cit.

[9Le CSF considère que la tarification au kilomètre est un instrument beaucoup plus performant que les accises : elle est perçue là où les nuisances sont générées, ce qui n’est pas nécessairement le cas lors de la taxation des carburants, ceux-ci pouvant être achetés à l’étranger. Cet argument est particulièrement pertinent pour le transport de marchandises puisque le transit, dont l’importance est en forte augmentation, échapperait très vraisemblablement à l’intégration des coûts externes si celle-ci se faisait dans le prix des carburants. De plus, la tarification au kilomètre traite sur le même pied les transporteurs nationaux et étrangers et évite donc le problème de compétitivité.

[10La possibilité de moduler la taxation au kilomètre parcouru en fonction des caractéristiques pertinentes du véhicule et de faire la distinction entre heures creuses et heures de pointe. Dès lors que cette taxation intègrerait les émissions de CO2, il n’est plus nécessaire de limiter la déductibilité des frais de déplacements sur base de ce paramètre.

[11Le CSF estime qu’il est sans doute plus efficace d’intervenir au moment de l’achat du véhicule.

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