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La COP 21 qui aura occupé tous les esprits pendant 15 jours, entre novembre et décembre 2015, et beaucoup d’esprits depuis des mois s’inscrit déjà dans les limbes de l’actualité. S’inscrira-t-elle dans l’Histoire, comme le Président français François Hollande l’a répété avec force ?Un observateur de haut vol a exprimé en une phrase, mieux que quiconque, ce qu’il fallait en penser. Georges Monbiot, remarquable chroniqueur environnement du Guardian : « quand on voit ce que ça aurait pu être, c’est un miracle ; quand on voit ce que ça devrait être, c’est un désastre »…. Deux points de vue peuvent être émis : celui du miracle et celui du désastre.

1. Un miracle

Miracle, le fait que, oui, le multi-partisme a fonctionné : avoir un texte à 196 (195 plus la Palestine, qui devient à l’issue de cette Conference Of the Parties, une « Partie » à part entière et dont le délégué a lourdement insisté samedi soir vers minuit sur ce que cette reconnaissance signifiait pour la Palestine (Israël avait quitté la salle)) avec des intérêts aussi divergents que l’Arabie Saoudite ou le Nicaragua, est historique : Kyoto ne réunissait qu’une cinquantaine de pays, dont certains ont quitté le bateau en route. Miracle le fait que le texte évoque clairement les 1,5° à ne pas dépasser (pour les états insulaires), la nécessité de rendre des comptes tous les 5 ans (même chose), le fonds climat qui sera au minimum de 100 milliards (pour les pays les moins développés), la neutralité carbone assurée à la fois par la chute des émissions et la capture de celui-ci naturelle (l’importance des forêts) et artificielle (la porte ouverte au Carbon capture and storage) à partir de 2050 (pour ne pas aller trop vite pour les pays producteurs d’énergie fossile), la mention des « loss and damages » (pour les pays déjà impactés), le principe de différenciation qui transpire de divers articles ou encore les mentions aux droits de l’homme et de la femme.

Miracle donc d’équilibre et comme l’a dit Fabius « texte puissant (dans l’évocation des 1,5° notamment) et délicat » puisqu’il tient compte d’une manière ou d’une autre de presque chacun des 195 membres…

2. Un désastre

Désastre, en revanche, le fait que ce texte vient tard, très tard : c’est 23 ans après la Conférence de la Terre à Rio en 92 qu’un premier texte international est sorti sur le climat … C’est 6 ans après Copenhague qui était déjà « la COP qui devait sauver l’humanité »… Et, si des comparaisons sont réalisés avec le texte qui était laborieusement sorti de Copenhague, il pourrait être dit brutalement qu’en 6 ans, la situation a avancé de 0,5° puisqu’en 2009 seule la barre des 2° à ne pas dépasser était mentionnée. Paris, lui, mentionne « que ce serait bien de ne pas dépasser 1,5° », en confirmant les 100 milliards du Fonds Vert qui avaient déjà été mentionnés dans le texte de la Capitale danoise , sans en savoir plus sur qui va donner l’argent et d’où il viendra.

Surtout, depuis Copenhague, on a fondamentalement changé d’approche même si on l’a trop peu dit : alors qu’avant, on suivait une approche « top-down » qui imposait aux états un objectif de diminution de GES, aujourd’hui, avec les fameux INDC, soit les « contributions intentionnelles déterminées au niveau national », chaque pays est invité fournir son engagement volontaire. L’ONU se félicitait samedi soir que 186 pays sur 196 avaient rentré leurs « contributions », certains comme le Venezuela le samedi après-midi de clôture de Paris !!! Le problème réside dans le fait que la somme des contributions actuelles nous fait complètement dérailler de la trajectoire des 1,5°, car, avec les engagements actuels, on est à 3 ,5°……..On est donc passé d’un « top-down » impossible à un « bottom- up » insuffisant que le caractère contraignant du texte oblige juste à être revu tous les cinq ans avec interdiction de revenir sur des engagements précédents …

3. Des responsabilités multiples face à des acteurs aux différentes postures

L’objectif de cette analyse est de faire le tour – non exhaustif et de manière pédagogique – de ceux qui ont une influence sur la manière dont l’humanité s’empare de cette question du changement climatique.

Margareth Thatcher

Même si elle a retourné sa veste dans ses Mémoires, disant avoir été abusée par des charlatans, Margaret Thatcher a contribué à établir la question du changement climatique. Etait-ce son diplôme de chimiste qui lui a ouvert les yeux, sa volonté de trouver des raisons pour fermer les mines de charbon ou son ambition de s’afficher comme une leader internationale à travers son positionnement sur cette question, toujours est-il qu’il faut relire ses discours à la Royal Society de 1988 ou à l’ONU en 89 pour reconnaître sa contribution à la mise en place du GIEC et de l’UNFCCC, le secrétariat des Nations-Unies qui est dépositaire des accords.

Le GIEC

Cible favorite des climato-sceptiques, décrit comme un groupe complotiste manipulé par les lobbys et gouvernements, le GIEC est une toute petite organisation sans grands moyens, censée produire un triple rapport tous les 6 ans couvrant trois questions : y a-t-il réchauffement climatique et est-il d’origine humaine ? Quels sont les impacts à attendre d’un tel phénomène ? Quelles solutions pour y faire face ? Pour publier ce rapport, le GIEC n’a pas, en interne, d’immenses équipes de scientifiques et ne se livre pas lui-même à des recherches ou mesures. Il a pour mission de faire l’état de la science du réchauffement climatique à partir de contributions volontaires de scientifiques du monde entier synthétisées lors d’assemblées générales où les pays membres de l’ONU sont politiquement représentés et décisionnels. Le rôle du GIEC pendant une COP est très limité, puisque son rôle s’arrête à rassembler de la science sur le climat.

Les climato-sceptiques

Identifiés par Naomi Oreske, historienne des sciences, comme soit des scientifiques au service de multi-nationales (Fred Singer, l’un des climato-sceptiques les plus connus a successivement été payé par des firmes de tabac puis des firmes de production d’amiante pour, dans les deux cas, utiliser son autorité de scientifique pour nier leurs effets sur la santé publique), soit des scientifiques en mal de reconnaissance ou d’existence (Claude Allègre correspond assez bien à cette description). Chez tous, il y a aussi probablement un fond idéologique qui les empêche de voir soit les failles du progrès technologiques, soit les limites du « marché » et d’une économie non régulée. Il y a enfin ceux qui n’ont pas intérêt à ce que l’on décarbone l’économie, à savoir les firmes pétrolières : une enquête vient d’être ouverte sur Exxon-Mobil à la suite de découverte d’archives internes remontant aux années 70-80 qui témoignent du fait qu’à ce moment, les équipes de R&D avaient confirmé le rôle de l’activité humaine sur le réchauffement du climat… EM a plutôt préféré consacrer son énergie et ses moyens à financer des scientifiques censés dénoncer cette originine humaine. Si, en Europe, leur voix s’est fait moins entendre ces derniers temps (ils se sont renommés les climato-réalistes), l’actualité des derniers jours a démontré qu’aux USA, ils étaient toujours bien actifs : une investigation de Greenpeace a montré que des scientifiques étaient prêts à sortir des études en cachant l’origine de ceux qui les finançaient, tandis que de nombreux membres du Congrès US sont climato-sceptiques déclarés et nient la réalité scientifique, comme le leader des candidats républicains, Donald Trump…

Le secteur privé

Les secteurs qui ont un intérêt immédiat à une économie décarbonée (secteurs des énergies renouvelables, transports publics,…) sont de fervents partisans de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais tous ne le sont pas. Il y a une race d’entreprises qui ont la chance d’avoir un patron visionnaire à leur tête qui a pris la mesure des changements : citons Thomas Leysen en Belgique qui a transformé le core business d’Umicore pour que 50 % de l’activité se concentre sur le recyclage. Bien sûr, cela reste une boîte côtée en bourse et Leysen est pro-nucléaire, mais au moins, il a fait bouger sa boîte en s’attaquant à son core business seul et par conviction.

Certaines entreprises se sont engagées sincèrement, mais seulement après avoir été mises sous pression par les ONG et le public : c’est le cas des IT majors comme Google ou Facebook dont les mega serveurs utilisent énormément d’énergie et qui se sont converties peu à peu au renouvelable pour limiter l’empreinte CO2 de leurs activités.

Il y a des entreprises qui, à force d’être dans le collimateur des ONG et des media, voire des politiques, ou en se forçant à suivre l’air du temps par souci d’image, se sont verdies un peu et le font savoir beaucoup : c’est évidemment le propre des majors en énergie, dont quasiment aucune n’a décidé d’arrêter les énergies fossils fuels ou le nucléaire pour passer aux 100 % renouvelables, tout en communiquant abondamment sur les diversifications pourtant timides qu’elles ont engagées dans les renouvelables. Certaines, sans toucher à leur core business, essaient néanmoins d’améliorer leur empreinte écologique et pas uniquement en utilisant du papier recyclé pour leurs photocopieuses: c’est le cas par exemple de Total qui essaie de diminuer le torchage (les flammes que l’on voit au-dessus des cheminées des plate-formes pétrolières), qui investit davantage dans le gaz, mais qui, en même temps, exploitent les très polluants sables bitumeux au Canada…A côté de ces petits ou grands, mais vrais hypocrites dont certains – d’après un consultant cité récemment par le Canard Enchaîné – se la jouent affectés devant les caméras mais cyniques une fois celles-ci éteintes, d’autres n’ont aucune difficulté à s’engager dans le climato-septicisme, à l’image d’Exxon Mobil et des frères Koch aux États-Unis, qui ont financé les climato-sceptiques et qui ne nient même pas leur résistance à tout changement…

Les villes et pouvoirs locaux

Plus de 50 % des émissions de GES proviennent des villes : depuis un certain nombre d’années, plusieurs d’entre elles se sont engagées à mettre de place des mesures pour diminuer leurs émissions : qu’il s’agisse de mobilité, de mesures d’isolation et d’efficacité énergétique. Pouvoirs locaux : la solution si les couches supérieures de pouvoir ne font rien ?

Les technologies

Quand il s’agit de trouver une solution pour le stockage de l’électricité renouvelable et pour augmenter l’efficacité énergétique, oui aux technologies…mais un oui mesuré quand on lit un auteur comme Philippe Bihouix qui nous alerte sur le fait qu’à côté des émissions de CO2, nous sommes menacés par le risque élevé de pénurie de certaines terres rares et certains métaux, faisant même de cette solution des énergies durables une impasse à terme…Entre-temps, ces énergies sont devenues de plus en plus compétitives et de moins en moins demandeuses de subsides : une alliance des pays du Sud incluant l’Inde s’est d’ailleurs mise en place la semaine passée pour jouer sur leurs atouts d’ensoleillement

Ce constat concerne aussi le nucléaire qui, après le coma post-Tchernobyl, s’est retrouvé une virginité, vu son faible niveau d’émissions de CO2 comparé aux énergies fossiles et étant donné l’intermittence du renouvelable. C’était avant Fukushima, avant les échecs de l’EPR français et le prix prohibitif demandé par EDF pour construire un nouveau réacteur au Royaume-Uni. N’empêche, des réacteurs se construisent, en Chine notamment. Et un des papes du changement climatique, James Hansen, scientifique de la NASA qui a été le lanceur d’alerte du réchauffement climatique aux USA a pondu une carte blanche remarquée il y a quelques jours dans le Guardian pour défendre le nucléaire comme meilleure solution énergétique face au changement climatique…Pas très loin des amoureux du nucléaire, il y a les partisans du CCS, ‘le carbon capture & storage », une technologie qui consiste à capter le CO2 à la sortie des centrales à charbon et à l’entreposer dans des poches souterraines, comme par exemple d’anciens puits de pétrole. Pleine de promesses il y a encore 5 ans, même si hyper consommatrice d’eau et ayant un impact sur la productivité des centrales au charbon, le CCS tarde à s’imposer, par manque de rentabilité.

Dans la famille des fans du tout technologique, les plus surprenants sont ces « apprentis-sorciers » du climat comme les appelle le philosophe australien Clive Hamilton qui veulent, pour protéger la terre du réchauffement, par exemple refroidir la planète en envoyant du dioxyde de soufre dans l’atmosphère, répandre un engrais en fer sur les océans pour favoriser l’émergence d’une algue absorbatrice de CO2 ou mettre en place des aspirateurs à CO2….

Les ONG

Indispensables lanceuses d’alerte et scrutatrices vigilantes des positionnements des uns et des autres et du nécessaire niveau d’ambition requis par la science.

Pour autant, si on se permet un regard un peu critique, on peut observer le trajet parcouru par ces ONG. Au début, seules les ONG environnementales se sont intéressées au sujet. Les organisations sœurs dites, par contraste naturalistes, c’est-à-dire centrées sur la conservation de la nature, ont mis du temps à intégrer le fait que le changement climatique aurait un impact sur la biodiversité, les forêts, etc…et qu’il ne suffirait pas de replanter des arbres ou de créer des réserves naturelles…A leur tour, ces organisations ont mis du temps à prendre la mesure de la dimension de justice climatique liée au fait que les pays du Sud souffraient d’une double-peine, celle de sublr déjà et parfois violemment les effets du changement climatique et celle de ne pouvoir se développer comme les pays du Nord « pour ne pas émettre de CO2 comme eux »…Enfin, une troisième dimension est venue s’ajouter, celle qui se marque au sein des pays mêmes, à travers le concept de « transition juste » développé par les organisations syndicales, préoccupées par le déclassement que risquent de subir les travailleurs des industries fort émettrices en CO2…

Une fois que l’ensemble de ces différents aspects de la société civile ont été réunis, une nouvelle césure a vu le jour, à Copenhagen notamment entre les ONG plus institutionnelles (les grandes ONG anglo-saxonnes, pour résumer) et les associations plus radicales et de terrain. A Paris, ce genre de césure a disparu, en partie par une compréhension commune et plus radicale des enjeux, en partie par l’émergence de nouveaux acteurs comme 350.org ou Avaaz, issues du web, ou comme Alternatiba, liant revendications politiques et iniatives bottom-up…

Reste la question de l’impact exact de la société civile, à mal de créer, jusqu’à présent, un vrai rapport de force favorable avec les acteurs de la COP…La manifestation de New York de septembre 2014 avant le sommet dit de « Ban Ki Moon » a marqué un tournant dans la prise en compte des citoyens par les leaders politiques : sera-t-il suffisant ?

Passons maintenant en revue les principaux pays

L’Union européenne

Reste,en dépit de ses insuffisances, un bon élève de la classe, même si, depuis quelques années, elle ne joue plus le rôle d’aiguillon qu’elle a joué par le passé, en partie par ses difficultés internes et la présence en son sein de pays comme la Pologne, coincés dans leur dépendance historique au charbon.

Le USA

Ont été longtemps un frein à tout accord ambitieux : même les USA de Clinton et Gore, son vice-président, n’avaient pas ratifié Kyoto. Obama était attendu avec espoir, mais obnubilé par ses autres réformes sociales (le « healthcare notamment) face à un Congrès qui lui était hostile, ce n’est que récemment qu’il a marqué quelques avancées, dont, avec un Congrès toujours aussi hostile (et, comme on l’a vu supra, en partie climato-sceptique), il faudra encore vérifier la solidité.

La Chine

Avec son statut d’ancien pays en voie de développement devenu le plus grand émetteur du monde, statut qui lui revient car il est directement lié à son rôle d’ usine de la planète (en d’autre mots, le monde occidental externalise ses émissions en délocalisant ses activités productives chez les chinois) , avec le fait que c’est un pays qui perçoit très directement l’impact du réchauffement climatique par la pollution de ses grandes villes, due entre autres aux centrales au charbon, avec sa volonté de se développer à tout prix et sans accepter de contrôle de l’extérieur, la Chine est assurément un cas intéressant ! L’accord conjoint avec les USA de Novembre dernier pour déclarer ensemble leur volonté de limiter leurs émissions, marque un changement, certes insuffisant, mais en soi considérable dans l’approche du gouvernement chinois.

Les États hostiles à l’engagement climatique

Australie, Canada, Russie, Japon…signataires du traité de Kyoto (pas immédiatement dans le cas de la Russie), mais mauvais élèves, affichant leur passion pour les énergies sales (charbon, sables bitumeux, pétrole en Arctique, ..) La lueur d’espoir est venue du Canada où l’ancien Premier Ministre Harper a été remplacé il y a quelques semaines par Justin Trudeau, opérant un virage à 180° avec ce à quoi le Canada avait habitué le monde jusqu’à présent. Quant à l’Australie, un tribunal a mis fin au terrible projet d’exploiter et d’exporter du charbon en détruisant au passage les coraux qui, déjà, souffrent terriblement du réchauffement climatique…

Quel avenir ?

A ainsi faire le tour des acteurs de ces grands enjeux climatiques, quel acteur parmi ceux-ci peut vraiment faire bouger les choses ? La science est sans doute la première qui a éveillé les consciences, amplifiée par des voix comme celles de certains politiques ou des ONG et personnalités de la société civile tel que Nicolas Hulot. N’oublions pas la technologie et notamment la « learning curve » des énergies renouvelables qui les rend plus accessibles. Incluons aussi les catastrophes météorologiques qui matérialisent ce changement climatique tellement difficile à concevoir…

Les prochaines années seront donc cruciales pour réussir la mise en route de l’accord négocié à Paris. Mais une chose est certaine : si une majorité des acteurs cité ci-dessous décident de continuer à bloquer toute initiative positive, il ne restera, entre nos mains, qu’un « chiffon de papier » pour pleurer.

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