Après 7 ans à la tête d’une organisation environnementale internationale, j’avais pris l’habitude, à cette même période de l’année, de recevoir la question de connaissances  ou d’amis : tu n’es pas à Cancun ? à Durban? À Dubai ?A chaque fois, ma réponse était la même : « non, je ne vois pas quelle valeur ajoutée je pourrais avoir dans ce grand show qui justifierait que j’envoie autant de CO2 dans l’atmosphère. » Et j’entretenais un peu de scepticisme à l’encontre des gens qui se ruaient à chaque COP, année après année…

Quand, à peine signé mon contrat à Etopia, mes nouveaux collègues m’ont dit : « Etopia a droit à un badge à Paris, tu dois y aller ! »  Je dois dire que mon scepticisme ne s’est pas tout à fait évanoui, mais la proximité avec Bruxelles et la possibilité de me loger chez des proches, mais aussi, je dois bien l’avouer, la possibilité de participer à ce qui devrait être LA COP, celle qui décide l’avenir de l’humanité (mais vraiment, cette fois  comme les politiques français se sont plu à le rappeler depuis des mois) ont eu raison de mes réticences précédentes.

COP, me voilà ! Enfin, COP, nous voilà. Nous sommes entre 20000 et 30000 à y être, ministres, délégations officielles, ONGs, Think tanks, villes, États, boîtes privées, centres de recherche et noem maar op comme on dit de par chez nous. Et les participants sont de tout genre, de tout pays, tous au dressing code occupé, smartphone au bout des des doigts. Ou alors complètement paumés au milieu de ces hangars immenses qui, d’habitude, accueillent les avions que Dassault veut refiler au monde entier.

Avec, comme mission, d’écrire – voire de filmer, mais je suis plus sceptique sur mes capacités en la matière assez improvisée – sur cette COP quotidiennement. Vu la quantité de médias et d’organisations qui se sont ruées sur la COP comme la vérole sur la bas-clergé pour l’aborder sous tous les angles, c’est presque devenu mission impossible.

Mais je vais donc essayer de m’y coller, bien aimé lecteur qui attend ma prose avec impatience ! Et j’essayerai d’aborder cette COP sous l’angle de ses à-côtés, off the record,   « ce que normalement, on ne voit pas à la TV ». Bref, sous l’angle de la prise de distance.

En ce jour de découverte, c’est avant tout le gigantisme du lieu et l’incroyable organisation française qui impressionnent : reconstruire presque une ville à même d’accueillir 20 à 30000 personnes pendant 15 jours pour qu’elles y travaillent efficacement, en assurer les conditions de sécurité, chauffer ces immenses hangars et tentes (même si la température d’un 7 décembre a été rarement aussi élevée…), se tenir autant que possible à une certaine cohérence (tri des déchets, matériel des stands recyclé, gourde à remplir d’eau donnée à chacun des participants dans un sac recyclé lui aussi), à assurer un WIFI surpuissant, à nourrir autant de personnes (seul bémol : les Français n’ont pas pensé qu’ils pouvaient avoir des végétariens parmi les participants, comme si certains pays n’avaient pas développé cette culture ou comme si les militants du climat n’avaient pas remarqué que manger de la viande générait des GES…)

C’est aussi le sentiment de découvrir le multilatéralisme en live : le soir, Laurent Fabius, l’inoxydable Fabius, qui joue ici le 2ème plus grand rôle de sa vie (ou peut-être le premier) après avoir été le plus jeune Premier Ministre de France en 84, préside le débriefing de la journée. Celle-ci a été marquée par la méthode -jugée de tous les spécialistes assez innovante – qu’il a proposée de groupes de débroussaillage des quatre grandes questions critiques à l’obtention d’un accord : ambition (les fameux 1,5° ou 2°), la différenciation ( quels efforts faire suivant que l’on soit riche et pollueur ou pauvre et inondé), les moyens (les riches vont-ils aider les pauvres à se développer de manière vertueuse et à faire face aux conséquences du changement climatique) et l’accélération (ne perdons pas trop de temps avant l’avènement de l’accord de Paris, censé débuter en 2020). Et de voir Fabius appeler chacun de ses collègues facilitateurs (par couple de deux, un ministre du Nord, un du Sud, une grande première) par son prénom et l’ inviter à faire rapport, avec un peu de langue de bois de diplomate, mais aussi un souci presque scolaire de bien faire et d’y aller d’un compliment sur son co-facilitateur. Et ensuite, d’entendre en l’espagnol de Cuba ou du Vénézuela, de l’anglais américain de Géorgie (sic), le fait que cette méthode est très bien et que l’ambiance n’a jamais été aussi bonne, mais qu’il faut avancer sur les textes, car le temps presse. Et Fabius, dans sa grande suavité, de dire qu’il va examiner tout ça avec son équipe : spectacle fascinant d’un monde qui essaie de construire des lendemains meilleurs ?

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