C’est un accord important qui vient d’être décroché, à Lausanne, après 8 jours de négociations marathon, 18 mois de pourparlers internationaux et 13 ans d’une crise profonde. L’accord obtenu sur la limitation du programme nucléaire iranien et son encadrement est un de ces rares moments où la diplomatie multilatérale montre tous ses bienfaits. Même si l’expression « accord historique » relève plus d’un effet de style, c’est bel et bien face à un nouveau cycle dans les relations avec le turbulent voisin iranien que la communauté internationale se trouve.
Au-delà des victoires politiques des présidents Obama et Rohani, il s’agit aussi d’une victoire de la diplomatie et de la lutte contre la prolifération nucléaire.
Victoire de la diplomatie, tout d’abord. Alors que l’ensemble du Moyen-Orient est aujourd’hui ravagé par des conflits meurtriers, la possibilité de parvenir à résoudre une crise durable et profonde par la diplomatie apparaît comme un événement encourageant et rassurant. Les négociations multilatérales retrouvent leurs lettres de noblesse. Plus de dix ans après le déclenchement de la guerre contre l’Irak par l’administration Bush, cet événement est à souligner. Et face à des tensions et crises internationales ne parvenant pas à se résoudre de manière pacifique, comme celles vécues aujourd’hui en Ukraine et au Yémen, cet accord est à mettre en avant.
Victoire du régime de lutte contre la prolifération nucléaire, ensuite. Le Traité de non prolifération nucléaire (TNP), chargé d’organiser et encadrer l’acquisition et le développement de l’énergie nucléaire était, depuis plus de 10 ans, particulièrement malmené. L’acquisition par la Corée du Nord de l’arme nucléaire, les révélations autour du programme iranien et les rumeurs entourant de possibles programmes saoudiens voire turcs en réaction mettaient en péril la survie d’un Traité qui risquait de ne plus devenir qu’un chiffon de papier. La conclusion d’un accord intermédiaire avec l’Iran, sur un dossier aussi complexe, remet en selle la pertinence d’un tel Traité. La réunion de la conférence des parties du TNP, ce mois d’avril, sera d’ailleurs un moment particulier en ce sens.
Il convient, toutefois, de garder la tête froide. Nombreuses sont les étapes jalonnant la signature d’un accord final, pour le 30 juin au plus tard. Les contraintes techniques restent importantes et complexes. Et les opposants à un accord sur le nucléaire iranien disposent encore d’éléments pouvant faire capoter la conclusion d’un accord final. Ainsi, le Congrès américain, contrôlé par les Républicains, ne manquera pas de manifester son opposition à ce qui est assimilé comme une prise de risque inconsidérée par le président Obama. De plus, il y a fort à parier qu’Israéliens et Saoudiens tenteront de maintenir une forte pression pour faire échouer le processus.
La signature d’un accord complet ne marquera pas non plus la fin des sanctions totales à l’égard de l’Iran. Seules celles adoptées dès 2006, et concernant le dossier nucléaire, seront progressivement levées. Á l’inverse, les sanctions adoptées contre les manquements de Téhéran à l’égard des droits de l’Homme et de son soutien au terrorisme, resteront d’application. Enfin, cette victoire diplomatique ne fait pas non plus de l’Iran un nouvel allié de l’Occident. La logique du régime reste celle de son opposition aux États-Unis. Ainsi que de sa volonté de jouer un rôle de plus en plus important dans le devenir géopolitique du Moyen-Orient.
Au-delà de ce recul critique, l’accord de ce 2 avril est une bonne nouvelle. Il crée un précédent avec un pays longtemps montré du doigt comme incapable de négocier des compromis. L’Iran quitte ainsi un statut d’ennemi pour celui de rival avec qui il est désormais possible de négocier. Cette réalité est importante. Car le dossier nucléaire n’est pas le seul avec qui les tensions doivent être résolues. Celui des droits de l’Homme en est un autre particulièrement important. Le respect du droit international passera, aussi, par ces prochains engagements à défendre.