1. contexte du bilan
Penser la transition et surtout la construire, demande une nouvelle vision de la recherche, de nouveaux moyens, une redéfinition des liens entre le monde de la recherche et les politiques publiques. Une approche assez révolutionnaire quand on connait les inerties du monde de la recherche, sa farouche volonté d’indépendance, le culte du temps long. Les horizons sont lointains et brumeux quand on les voit du haut des tours d’ivoire.
Convaincus que la recherche porte les solutions à long terme en matière de transition écologique de l’économie, d’équité sociale et de gouvernance,
ECOLO a entamé cette législature en 2009 avec l’objectif d’une politique scientifique cohérente,
d’un refinancement du secteur, tant de la recherche fondamentale que de la recherche appliquée, et avec l’ambition d’une réorientation des recherches orientées vers un développement durable.
La mise sur pied de cette politique scientifique francophone s’est traduite par une stratégie sur 5 ans (2011-2015), « Vers une politique intégrée de la recherche ».
En 2014, nous pouvons d’ores et déjà être fiers du chemin parcouru, même si certains objectifs sont à poursuivre.
Tableau 1 : Les huit objectifs de la stratégie recherche 2011-2015[[Stratégie recherche 2011-2015 « Vers une politique intégrée de la recherche », Gouvernements de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, décembre 2011.
]]
Développer la complémentarité entre nos outils de financement et de représentation
Envisager un refinancement structurel de la recherche
Mieux permettre le rayonnement international de notre recherche et de nos chercheurs
Favoriser le partenariat et la valorisation des résultats de la recherche
Travailler à de meilleures conditions de travail des chercheurs et à une valorisation des métiers scientifiques
Mener une recherche tournée vers les défis futurs de la société via cinq thèmes stratégiques
Evaluer les recherches menées tout en gardant une vision prospective
Organiser la possibilité d’un débat de société sur les options scientifiques et technologiques prises
2. renforcer les moyens de la recherche en termes financiers
22.1 En pérennisant le financement2
En période de crise, le financement de la recherche est resté la priorité du gouvernement de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’accent a été mis sur la pérennisation, en dépassant les effets d’annonce pour assurer sur le long terme des ressources régulières et structurelles. A l’exception du FRIA et d’une partie du FNRS, les subventions en matière de recherche fondamentale ne jouissaient auparavant d’aucun fondement décrétal et n’étaient par conséquent ni assurées, ni indexées. Dès lors, la recherche scientifique était l’un des secteurs dans lequel les coupes budgétaires pouvaient être réalisées le plus facilement. Un nouveau cadre légal inscrit à présent le montant minimal des subventions octroyées par la Fédération Wallonie-Bruxelles à la recherche fondamentale via le Fonds de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS et fonds associés : FRSM, FRIA, FRFC, IISN, FRESH, FRFS). Ces subventions sont indexées chaque année.
La recherche appliquée a reçu une attention toute particulière et un soutien continu depuis 2009. Une politique d’incitation à l’investissement privé en matière de recherche, développement et innovation a été mise en place via un axe spécifique du plan Marshall2.vert, le soutien aux pôles de compétitivité avec une forte composante recherche & innovation et la création plus récente du 6e pôle de compétitivité entièrement dédié aux technologies environnementales. Ainsi les partenariats public-privé ont été renforcés et plusieurs appels ont été lancés afin de financer des projets de ce type. Les mesures wallonnes et européennes de soutien à la recherche industrielle et au développement expérimental RETECH, les aides au dépôt de brevet et l’octroi de chèques technologiques ont été des incitants appréciés, notamment par les PME.
22.2 En améliorant la carrière du chercheur2
Repenser la recherche, c’est aussi donner aux chercheurs les moyens de penser sur le long terme. Vu la précarité et les difficultés inhérentes à la carrière du chercheur, il était urgent de mettre ce point à l’agenda politique. Un plan francophone a ainsi été approuvé le 26 mai 2011 par les Gouvernements de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le contexte de la Charte européenne du chercheur et du Partenariat de la Commission européenne pour les chercheurs, auxquels ont souscrit les acteurs publics de la recherche en Wallonie et à Bruxelles, ainsi que les universités et le F.R.S.-FNRS.
La carrière du chercheur suit très majoritairement une séquence classique du doctorat à la nomination définitive comme professeur, chercheur qualifié ou l’intégration dans une entreprise, un bureau d’études ou une administration, en passant par un ou plusieurs postdoctorats de plus en plus souvent réalisés à l’étranger. Pour chacune de ces étapes, des mesures nouvelles sont mises en place.
Tableau 2 : Sources d’informations sur la carrière du chercheur
Répertoire des liens utiles : [ww.recherchescientifique.cfwb.be/index.php?id=775
->http://ww.recherchescientifique.cfwb.be/index.php%3Fid%3D775%0D]Charte européenne du chercheur : [www.recherchescientifique.cfwb.be/index.php?id=626
->http://www.recherchescientifique.cfwb.be/index.php%3Fid%3D626%0D]Faire carrière dans la recherche scientifique publique : www.recherchescientifique.cfwb.be/index.php?id=621
Informations pour les doctorants et docteurs sur le marché de l’emploi :Femmes et science et mise en place prochaine du réseau des personnes de contact « genre » au sein des universités de la FWB : [www.recherchescientifique.cfwb.be/index.php?id=620
->http://www.recherchescientifique.cfwb.be/index.php%3Fid%3D620%0D]Au terme du doctorat, une meilleure valorisation du titre de docteur est maintenant soutenue dans la fonction publique régionale et communautaire (reconnaissance et valorisation des années de doctorat). Valoriser cet acquis, c’est la mission confiée, via le portail doctorat.be et la plateforme de promotion de l’emploi des Docteurs, à l’asbl Objectif Recherche. Une circulaire ministérielle invite également les universités et le FNRS à mieux prendre en compte le passage entre carrière dans le privé (tant dans les centres de recherche agréés que dans les entreprises) et carrière académique. Et vice-versa.
Pour aider à la réalisation de postdoctorats, des moyens ont été recherchés par la Wallonie au niveau européen pour soutenir la mobilité internationale des chercheurs (octroi de bourses scientifiques de haut niveau, tant pour accueillir des chercheurs étrangers que pour permettre aux chercheurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles de poursuivre leur formation et leurs recherches à l’étranger). Le lancement en 2014 des premiers appels « Beware Fellowships » (pour BElgium WAllonia REsearch), cofinancés à hauteur de 15 millions d’euros par le programme COFUND de l’Union Européenne, en est une belle illustration et va permettre l’octroi de plus de 132 mandats de chercheurs[[Dont 52 mandats de recherche, pour une durée de 2 ans, dans le secteur privé (PME et Centres de recherche) et 80 mandats de recherche au sein des universités francophones, pour une durée de 2 ans également.
]].
Enfin, toujours dans ce souci d’offrir des perspectives de carrière aux chercheurs, un million d’euros a été dégagé de manière structurelle à partir de 2012 pour l’engagement de 10 chercheurs permanents FNRS (‘chercheurs qualifiés’) supplémentaires.
La qualité de la carrière du chercheur dépend aussi des conditions de travail et notamment des équipements disponibles. Les acteurs de la recherche francophone se devaient de pouvoir s’insérer dans les réseaux européens ESFRI (Forum européen sur les infrastructures de recherche) pour disposer des meilleures infrastructures pour mener leur recherche et le faire en collaboration avec les meilleures équipes de l’Union européenne, dans une optique de partage des outils et des compétences. Les moyens étant limités, c’est par une politique croisée entre la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles que les moyens ont été dégagés pour des infrastructures dans les domaines des sciences exactes, médicales et sociales. Le Ministre de la recherche ECOLO a ainsi mis sur pied une stratégie de financement, le mécanisme «ATHENA », de six infrastructures exceptionnelles au sein des universités et des Instituts de recherche afin de pouvoir faire partie des infrastructures européennes (Tableau 3).
Tableau 3 : Infrastructures exceptionnelles soutenues entre 2009 et 2014
PRACE | Partnership for advanced computingin Europe |
BBMRI | Biobanking and Biomolecular ResourcesResearch Infrastructure |
LIFEWATCH | Science and Technology Infrastructure for Research on Biodiversity and Ecosystems |
ICOS | Integrated carbon observation system |
ESS Survey | European social survey |
SHARE | Survey of Health, Ageing and Retirement in Europe |
En amont, une meilleure compréhension des métiers de la recherche et du rôle de la science dans la société a tout son sens. Les actions de sensibilisation aux métiers scientifiques font partie des initiatives que la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles encouragent au titre de sa politique en matière de vulgarisation des sciences, de la recherche et de l’innovation. Ces nombreuses activités axées sur la découverte des sciences et des techniques, organisées en Wallonie ainsi qu’à Bruxelles, ont été largement soutenues.
A tous les niveaux mais particulièrement pour les postes définitifs, des mesures spécifiques relatives à l’égalité Hommes/ Femmes ont été en outre intégrées dans l’esprit du Plan d’action défini par le « Groupe d’Helsinki – Femmes et Sciences ». Le financement de personnes de contact Genre dans chaque université, formant un réseau au sein des universités de la FWB depuis 2014, va enfin permettre la mise en place d’un plan d’action spécifique pour la carrière scientifique des femmes, toujours victimes du « plafond de verre ».
La dynamique n’en est qu’à ses débuts et mériterait d’être renforcée dans les années à venir par la révision du décret de carrière des chercheurs qui date de 1991 afin de mieux intégrer l’évolution belge et européenne en la matière.
3. un monde plus complexe et plus ouvert, des mécanismes nouveaux et de nouvelles synergies
Une stratégie de connaissance et diffusion des savoirs se base sur les acteurs qui la réalisent et les pouvoirs publics n’en sont que le partenaire institutionnel. Les universités, les centres de recherche, les entreprises (grandes entreprises, PME et TPE), les établissements scientifiques et les organismes de recherche à orientation non marchande forment un réseau d’acteurs de premier plan pour la recherche en Wallonie et au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Dans ce contexte, les réseaux et partenariats entre acteurs de la recherche privés et publics s’avèrent primordiaux. Les projets de recherche des pôles de compétitivité du Plan Marshall 2.Vert en sont une belle illustration, notamment via les projets du 6e pôle de compétitivité consacré aux technologies environnementales. Depuis 2009, nous veillons à une prise en compte accrue du développement durable, de manière transversale, dans l’ensemble des projets. Il s’agit non seulement de fournir des outils technologiques pour le développement durable mais aussi de construire socialement et politiquement une réelle transition (Jackson, 2009). Le développement durable est plus qu’un critère de pertinence, c’est un objet de recherche dont la définition et la compréhension des mécanismes qui le motivent ou le ralentissent sont essentielles (Boulanger, 2004; Boulanger and Bréchet, 2005; Vanloqueren and Baret, 2009; Dedeurwaerdere, 2013).
L’action des pouvoirs publics en recherche suit une logique séquentielle : programmation, soutien à la réalisation des projets sélectionnés, évaluation. Ce travail de suivi politique et administratif a un impact à la fois sur la bonne utilisation des moyens et sur la pertinence des recherches réalisées.
23.1 Programmation2
Outre la programmation de la recherche appliquée sur laquelle nous reviendrons plus loin, le FNRS, principal acteur du paysage de la recherche en FWB, a bénéficié d’une réforme en profondeur de ses processus de sélection qui aboutit à une plus grande transparence. La transformation du poste de Secrétaire générale en un poste à mandat et une ouverture de son conseil d’administration aux chercheurs et à de hautes personnalités scientifiques vont également renforcer la confiance des chercheurs et des donateurs.
23.2 Actions de partenariat2
Des actions de partenariat ont vu le jour telles que le rapprochement des 22 centres de recherche agréés en 10 Instituts et le lancement d’un Centre Virtuel de Recherche en Énergie, qui réunit pour la première fois les cinq universités, les six centres de recherche agréés et les cinq hautes écoles actifs dans le domaine. Ils peuvent ainsi conjuguer leurs efforts, partager les expériences et gagner en visibilité sur les scènes européennes et internationales.
En matière de recherche fondamentale, le paysage de la recherche et de l’enseignement supérieur a évolué et des collaborations interuniversitaires et interdisciplinaires ont été impulsées de manière permanente et structurelle. Par exemple, le nouveau Décret du 29 janvier 2014 portant sur les fonds spéciaux de recherche (FSR) et les actions de recherche concertées (ARC), soit 30 millions d’euros par an indexés pour la recherche fondamentale dans les universités, prévoit que 20% des fonds seront consacrés à des projets interuniversitaires.
23.3 Evaluation2
Une société en transition demande une plus grande participation citoyenne à la réflexion stratégique comme à l’évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques de recherche. Dans cet esprit, la mise en place d’un Institut d’évaluation scientifique et technologique a été préparée par la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles, en étroite collaboration avec les parlementaires.
L’objectif est de permettre aux pouvoirs législatif et exécutif d’obtenir une évaluation indépendante en vue de déterminer les différentes options scientifiques ou technologiques qui éclaireront la décision politique. Cet institut devrait aussi permettre de limiter les verrouillages technologiques, de structurer le débat public et les controverses sociales, d’orienter la recherche et de renforcer la compréhension des décisions pour l’ensemble des acteurs de la recherche et de l’innovation, en ce compris les citoyens.
Cet Institut d’évaluation scientifique et technologique reste un enjeu primordial en termes de démocratie participative. Sa mise en œuvre effective sera un des enjeux de l’après 2014.
La concrétisation des ambitions de la Wallonie pour un développement durable passe par sa prise en compte dans l’évaluation des projets de recherche, afin d’encourager et de favoriser l’émergence de projets permettant à la Wallonie de réaliser la transition. C’est un élément important de l’évaluation ex-post. Si la plupart des projets de recherche font depuis longtemps l’objet d’une sélection avant financement wallon, c’est la première fois, en 2011, qu’a été formalisé un processus d’évaluation en fin de projet. Il sera ainsi possible à l’avenir de mesurer l’impact des mesures et programmes et ce en termes tant scientifiques, économiques, que sociaux (création d’emploi mais aussi formation) et environnementaux. Dans cette perspective, un critère d’évaluation prenant en compte l’impact sur le développement durable, est proposé en lieu et place du critère « environnement » actuel. Plus d’une centaine de projets sont évalués chaque année. Une meilleure compréhension de l’impact des moyens investis en recherche est à la fois une garantie d’efficacité dans l’utilisation des ressources et un soutien aux chercheurs pour mesurer leur contribution au développement de notre société.
Cette réflexion a également été menée en complément à une gestion centralisée et à une traçabilité des projets de recherche via la mise en place d’un système centralisé de gestion des projets de recherche, organisé en cohérence avec deux dynamiques déjà en cours en Wallonie, à savoir la simplification administrative et l’amélioration des formulaires et de la traçabilité.
En effet, il n’existait pas à ce jour de possibilité de suivi d’un dossier de A à Z au sein de l’administration wallonne. L’harmonisation et la gestion centralisée, couplée à une évaluation ex-post systématique, représentent une amélioration considérable et une modernisation indispensable dont tous les utilisateurs,
notamment les porteurs de projets tels que les entreprises, universités et centres de recherches, bénéficieront.
4. de nouveaux objectifs pour une recherche en phase avec son temps
Paradoxe déjà soulevé par le grand sociologue R.K. Merton (Merton, 1968), la recherche se dit dynamique, innovante, en avance sur son temps mais elle est ressemble aussi à un grand paquebot qui a du mal à virer de bord une fois une direction prise. La recherche se justifie souvent par sa contribution aux sociétés mais peine parfois à s’adapter aux besoins de ces sociétés car les logiques d’excellence ont tendance à renforcer les trajectoires les plus connues. Il y a donc un équilibre à trouver entre approfondissement des voies traditionnelles et ouverture de nouvelles trajectoires. Dans cet équilibre, les politiques publiques n’ont pas pour objectif de contraindre ou d’instrumentaliser mais bien de définir des priorités basées sur des approches prospectives du devenir de nos sociétés et aux services de l’amélioration du bien-être et de la réduction des inégalités.
Afin d’anticiper les grands changements auxquels nous devons faire face: changement climatique, transition énergétique, allongement de la durée de vie, santé pour tous, changement dans nos modes de production, de consommation et de mobilité, lutte contre la perte de biodiversité, etc., il faut remettre du sens dans l’économie et la réinscrire en phase avec le social et en équilibre avec l’environnement naturel. Face à ces défis et dans une vision politique à moyen et long termes, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Wallonie ont choisi d’investir dans cinq thèmes prioritaires : le développement durable, l’énergie, la recherche dans les domaines technologiques, la santé et l’allongement de la durée de vie. Ces thèmes ont été déclinés sur toute la chaîne de recherche et innovation, ils ont permis de soutenir un potentiel existant ou encore à développer en matière de recherche et, par là, de construire les connaissances pour les défis sociétaux futurs. Ils ont en commun de répondre à des enjeux de société bien identifiés, de correspondre à des domaines économiques émergents, à fort potentiel d’innovation et utilisables pour le tissu socio-économique wallon, et de nécessiter des recherches pluridisciplinaires sur lesquelles la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles peuvent mobiliser un ensemble de chercheurs de premier plan.
Et, pour la première fois, la programmation de la recherche appliquée s’est construite en collaboration avec Bruxelles-Capitale (programmes WB) et sur une logique interdisciplinaire : Greenomat (ingénierie des matériaux au service du développement durable), ERable (efficacité énergétique et énergies renouvelables), Énerginsère (Stockage d’énergie), WB Green (développement durable et environnement), WB Health (santé, amélioration de la qualité de vie et allongement de la durée de vie, dans un contexte de développement durable), WB Move (Mobilité et transport dans un contexte de développement durable) et CWALity (recherche collaborative entre un organisme de recherche et une PME), autant d’exemples de programmes opérant une réorientation des thématiques dans une optique de développement durable. Pour la première fois dans le programme WB Health, l’interdisciplinarité des projets soumis à sélection est garantie, car ceux-ci devront obligatoirement impliquer au moins deux unités de recherche compétentes dans des domaines différents et complémentaires. De plus, en ce qui concerne la santé et en particulier dans le cadre d’une vision holistique de la santé, ce ne sont pas seulement les retombées économiques qui comptent : la dimension sociale est essentielle. Dans l’appel WB Health, le parrainage du projet de recherche a donc été élargi : il est ouvert à toute entreprise ou institution susceptible de valoriser les résultats de cette recherche non seulement d’un point de vue économique mais aussi de manière sociale. C’est dans ce même esprit que la recherche technologique côtoie enfin la recherche non-technologique en Wallonie via différentes expériences pilotes telles que l’appel à projets « Germaine Tillion » consacré à l’innovation sociale.
La question des « TIC et multimédia au service du développement durable » a également pu être soutenue à travers le programme GREENTIC – IT for green (les TIC au service d’un développement plus vert) avec un bonus aux projets qui reposaient sur les technologies issues du mouvement des logiciels libres.
Au niveau de la recherche fondamentale, deux instruments « innovants » ont vu le jour. D’une part, un nouveau Fonds pour la Recherche en Sciences humaines (FRESH) a été créé en 2012, auprès du F.R.S.-FNRS, afin de soutenir cette recherche qui bénéficiaient de peu de moyens malgré l’excellence de ses chercheurs, leur reconnaissance internationale et l’engouement des étudiants et du grand public pour ces domaines de recherche.
D’autre part, une des mesures-phares de cette législature a été la mise en place d’un nouveau fonds de recherche fondamentale stratégique (le FRFS), avec un axe stratégique WISD consacré à la recherche fondamentale en matière de développement durable et doté d’un budget annuel structurel de cinq millions d’euros minimum indexés. Il permettra de fédérer les centres de recherche actifs dans le domaine, d’atteindre une masse critique, d’augmenter leur visibilité et de mieux faire connaître au grand public les résultats des recherches. Le FRFS pérennisera également la recherche fondamentale en Sciences de la vie via l’axe stratégique WELBIO, doté de six millions d’euros annuels.
Ces actions de recherche pour et sur le développement durable sont une ambition nouvelle pour la Wallonie. Leurs résultats renforceront aussi la pertinence et l’action des réseaux et partenariats entre acteurs de la recherche privés et publics au sein des pôles de compétitivité du Plan Marshall 2.Vert.
La question du redéploiement industriel wallon en vue d’une transition écologique est brûlante d’actualité et la parole a donc été donnée en 2013 aux chercheurs par le lancement de programmes d’excellence interuniversitaires. Visant à soutenir la recherche universitaire, c’est la première fois que les programmes d’excellence font l’objet d’un appel ; la transparence du processus décisionnel ainsi que l’égalité entre les chercheurs, notamment pour l’accès à l’information, ont ainsi été assurées.
5. conclusion
Les évolutions du paysage de la recherche sont constantes et le rôle du politique et de l’administration est celui d’un accompagnement de ces processus pour en assurer l’efficacité et la pertinence. La carrière du chercheur, par exemple, n’est pas toujours linéaire et le conduit souvent à participer à des équipes dans différentes institutions et même différents secteurs, privés et publiques. Il est donc nécessaire de constituer des passerelles, de faciliter la mobilité des chercheurs d’un secteur à l’autre, de valoriser les acquis de l’expérience.
La révision de nos objectifs de développement à l’aune des enjeux environnementaux et sociaux, en cohérence avec la Stratégie régionale de développement durable, est un apprentissage dont les premiers pas significatifs ont été une préoccupation quotidienne de la politique de recherche.
L’ambition est de démontrer la valeur ajoutée de la FWB pour des recherches non seulement excellentes mais aussi pertinentes. Cette ambition est à penser avec l’horizon du niveau international et singulièrement européen comme le lieu naturel d’épanouissement de la recherche. Le rôle de l’administration et du gouvernement est d’assurer un effet de levier, de complémentarité avec le niveau européen. Le Décret wallon du 3 juillet 2008 relatif au soutien de la recherche, du développement et de l’innovation en Wallonie a été révisé dans cette perspective.
Cette évolution s’est réalisée à des horizons différents.
Dans une logique d’adaptation des instruments existants , la volonté de permettre aux entreprises et aux universités de s’insérer dans les réseaux internationaux s’est concrétisée dès 2010 par la création d’une ligne de financement spécifique (10 millions d’euros) consacrée aux programmes internationaux tels que les ERA-NET, Eurostars, Eureka et Interreg et une attention accrue à cette ouverture s’est traduit dans les actions du Plan Marshall2.vert.
De façon plus radicale, un rééquilibrage entre disciplines a donné aux sciences humaines une place plus importante tant en recherche fondamentale (FRESH) qu’en recherche appliquée (Germaine Tillon mais aussi l’intégration de critères d’interdisciplinarité forte dans les nouveaux appels).
Sur le long terme et en cohérence avec l’idée d’une évaluation de la recherche, le débat sur l’impact sociétal de la recherche a été lancé. Non pas pour brider l’indépendance du chercheur mais pour l’aider à prendre conscience de l’importance de son travail dans les choix de société. Loin de s’opposer à l’excellence, cette question de la pertinence lui donne plus de sens. C’est le rêve de beaucoup de chercheurs d’être à la fois excellent, original et utile et, en parallèle, si le politique demande une information sur l’impact sociétal potentiel, c’est comme interprète du citoyen qui lui aussi est en droit d’attendre une information sur l’usage de l’argent public. Comme le rappelle le rapport de Tom Dedeurwaerdere (2013), réalisé à la demande du Ministre de la Recherche et du Développement durable, une recherche pertinente pour un monde plus durable suppose une clarification de la posture éthique du chercheur et, la mise en œuvre, dans la mesure du possible, de collaborations avec d’autres disciplines (interdisciplinarité) et avec les acteurs de terrain (transdisciplinarité). Des initiatives d’intermédiation scientifique comme une Boutique de sciences sont des outils d’expérimentation de ces nouvelles façons de concevoir et faire de la recherche.
Avec le passage du siècle, les rêves technologiques du XXème siècle qui nous promettaient un monde maîtrisé, prévisible et tendant vers un unique modèle laissent progressivement la place à une vision plus systémique, diverse et incertaine de notre futur. Les défis environnementaux se sont complexifiés et les inégalités se creusent un peu plus chaque jour. Le business as usual n’est plus une option, il nous faut trouver de nouvelles trajectoires vers un développement durable qui affirme le primat de l’environnement et du social sur l’économique (Jackson, 2009). Ces nouvelles trajectoires de transition ne sont pas là toutes prêtes, clés en main. Elles sont à construire, à imaginer. Un défi pour tous les citoyens et singulièrement les chercheurs et chercheuses, leurs compétences scientifiques et techniques et leur esprit critique.
Remerciements
Au cœur de l’ensemble de ces initiatives, les membres de la cellule Recherche du Cabinet Nollet ont nourri durant ces cinq ans ces réflexions et ces actions. Merci à Carina Basile, Ginette Bastin, Claire Beke, Mathias El Berhoumi, Pol Flamend, Claire Hugon, Jean-Sébastien Jacques, Gian-Marco Rignanese, Amélie Servotte, Thierry Van Cauwenberg et Frédérique Verhulst.
Cet article est dédié à Eric Remacle qui fut non seulement un acteur de ces processus mais aussi une conscience et un guide pour faire de la politique autrement.