Article traduit du néérlandais par Pierre Van Laethem.
L’intérêt pour les archives des organisations écologiques est un phénomène récent. Aux Pays-Bas, une première enquête en vue d’établir l’état des archives concernant la protection de l’environnement fut menée par un groupe de travail “Archives Protection de la Nature” au début des années nonante suite aux inquiétudes inspirées par l’état déplorable de ces archives. Il fallut dix années de plus pour voir naître un tel intérêt en Région Flamande. C’est l’institut AMMOS[[AMMOS : Archives et Musée du Mouvement Ouvrier Socialiste.
]]-HIS[[Institut AMMOS d’Histoire Sociale (HS), dans le texte : IHS.
]] qui a pris l’initiative et joué un rôle prépondérant dans cette démarche. Résultat, une dizaine d’années plus tard il est indéniable que l’IHS est devenu l’institution principale en matière d’archives du mouvement écologique en Flandre.
Le prélude: de AMMOS à AMMOS-IHS
AMMOS fut constituée en ASBL en 1980. A l’origine, en vue de rechercher, conserver et ouvrir les archives des organismes socialistes de la région gantoise. Cette restriction fut rapidement dépassée et les archives venant de toute la Flandre trouvèrent refuge chez AMMOS. Tout d’abord celles-ci ne concernaient que l’Action Commune: coopératives, mutuelles, syndicats ; bientôt suivies de documents émanant de petits organismes gauchisants. Le vocable “mouvement socialiste” prit une interprétation plus large. Inconsciemment, les premiers fondements d’une tendance écologiste trouvèrent leur place parmi les collections. Maints papiers de la “Ligue Touristique Ouvrière” (ATB en néerlandais) et les “Amis de la Nature”, organisation d’obédience socialiste engagée dans la protection de la nature, trouvèrent le chemin de AMMOS.
Le domaine d’intérêt continua de s’élargir au début des années nonante. Au fur et à mesure, des documents émanant de personnes ou d’organismes non reliés au socialisme furent également acceptés. Il s’agissait souvent de documents issus des “Nouveaux Mouvements Sociaux” tel les groupes homosexuels, féministes, pacifistes.
Bien qu’assez exceptionnellement, des archives “protection de l’environnement” furent également acquises dans les années nonante, le legs le plus important étant celui de Greenpeace en 1996. Ce qui mérite également l’attention est l’acquisition de documents du mouvement opposé à l’énergie nucléaire, qui entrèrent à leur tour à AMMOS. Les plus importants sont certainement ceux du VAKS, “Union des Groupes Anti-atome”, organe de coordination de l’action des opposants à l’énergie nucléaire locaux en Région Flamande.
Ce changement graduel d’orientation a fait apparaître une nouvelle dénomination: “AMSAB-Instituut voor Sociale Geschiedenis”, c’est à dire, AMMOS-Institut d’Histoire Sociale. L’allusion aux mouvements socialistes a été maintenue en référence à l’origine de l’institution. Cet institut peut considérer l’entrée dans le XXIe siècle comme un moment crucial : malgré l’acceptation d’archives non-conformes à l’identification socialiste presque par hasard, son terrain de référence s’est officiellement énormément accru.
Le Bond Beter Leefmilieu (BBL)
moteur de recherche d’archives en rapport
avec la “Protection de l’Environnement”
Au début, au niveau du mouvement écologique, le virage de AMMOS-IHS ne livra que quelques documents de comités d’action gantois. Mais dès 2002, les archives des organismes verts devinrent le fer de lance de la politique d’acquisition de l’institution grâce à un accord de collaboration conclu entre BBL, clef de voûte de l’activisme écologique, et AMMOS-IHS. Le protocole de l’accord stipulait que l’institut s’engageait à donner la priorité aux problèmes liés à l’environnement, aussi bien au développement de la collection qu’à la promotion de la recherche autour de ces problèmes. La première conséquence de l’accord concerna la célébration des 30 ans d’existence de BBL-VL. On s’aperçut d’emblée que l’état des archives était problématique. Il fut décidé de transférer le fonds d’archives BBL vers AMMOS-HIS afin de le sécuriser avec une attention toute particulière pour les archives numériques.
L’article 4 du protocole était très important. BBL-VL et AMMOS-HIS devront travailler de concert pour organiser et exploiter des initiatives pour rechercher et acquérir les archives des associations environnementales membres de l’organisme de coordination BBL. Danny JACOBS, coordinateur général de BBL, conscient de l’importance, qui avait été négligée, des archives comme mémoire du mouvement environnementaliste donna même sur ce sujet en 2010 une conférence « Dossiers d’aujourd’hui, archives pour demain” lors d’une journée d’étude pour promouvoir l’héritage social.
L’engagement de Danny JACOBS et de Lieve VANDENEEDE, bibliothécaire chez BBL, sont d’une valeur inestimable pour la recherche et l’acquisition en question. Car jusque-là AMMOS-HIS était resté ignoré de l’écologie active. BBL a attiré l’attention de ses membres sur l’importance des archives et leur conservation. Il les a incités à s’adresser à AMMOS-HIS qui a ainsi acquis une reconnaissance certaine dans les milieux de l’écologie et fait naître une prise de conscience de l’importance de l’archivage des documents.
Certaines archives ont parfois fait l’objet d’une prospection active et orientée, par exemple vers les anciens présidents du BBL qui pouvaient détenir des documents utiles à combler les vides des débuts. Deux anciens présidents, Guido VAN STEENBERGEN et Guido STEENKISTE, répondirent à l’appel.
Extension de la collection par AGALEV
Mais AMMOS-HIS n’est pas resté que le centre d’archivage des seules associations de protection de l’environnement. En 2004 il conclut un accord avec Groen!, héritier d’AGALEV (Anders Gaan Leven-Vivre Autrement) qui disparut de la scène politique après le désastreux résultat des élections de mai 2003. Coup dur pour ses finances ! Réduction du personnel et sauvegarde des archives. Elles furent confiées à AMMOS-HIS qui devint de la sorte le dépositaire des archives de l’écologie politique flamande.
Nouvelle croissance de la collection
Les années suivantes, le fonds s’enrichit des archives d’associations locales et régionales de protection de la nature, de l’écologie politique et de militants. Cinq ans après l’accord entre BBL et AMMOS-HIS, les fonds d’archives de quelque 25 associations dites “vertes” trouvèrent refuge chez AMMOS-HIS. Les accords signés avec la “Jeunesse pour la Nature et l’Environnement” en 2003 et avec “Natuurpunt” l’année suivante enrichirent l’institut des archives de leurs précurseurs. Vinrent ensuite les documents de l’”Association pour l’Agriculture et le Jardinage écologique” et du « Fietsersbond ».
En ce qui concerne AGALEV, les archives des secrétariats provinciaux d’Anvers et de Flandre Occidentale, et aussi celles de certaines “locales” prirent le chemin de HIS.
Début 2011 la collection toute entière fut inventoriée pour la première fois. Le mouvement vert compte 35 organisations, outre les dépôts de 17 militants verts, soit seulement 3% de la collection totale 3% du fonds. Cela peut paraître dérisoire, mais exprimé en chiffres le résultat est quand même impressionnant: 2309 boîtes, 266 mètres courants, partagés en matériel exploitable et inventorié plus un reste de documents épars entreposés dans l’attente d’un classement.
La collection ne cesse de croître grâce aux nouveaux arrivages d’archives. Ces derniers temps des consultants en matière d’environnement et de développement durable ont commencé à confier leurs archives à AMMOS-HIS. C’est le cas de l’”Institut Flamand pour l’Habitat et la Construction Bio-écologique”, “Ecolife”, “Entreprendre Humainement et Ecologiquement” et “Association Flamande Espace et Planning”.
L’AMMOS-HIS, bien plus qu’un simple centre d’archivage : enquête
Les accords entre BBL et Groen! prévoient de réaliser des publications, des expositions et des colloques. C’est bien de conserver les archives, encore faut-il les exploiter pour mettre en valeur ce qu’elles révèlent. AMMOS-HIS dispose heureusement des compétences nécessaires pour l’obtention de résultats satisfaisants. Sous le titre de “Comment tout a commencé” des pionniers des années 60 et 70 se sont rencontrés pour évoquer les débuts de l’écologie en Flandre, ce qui déboucha sur la publication d’une brochure. D’autres évènements eurent encore lieu. Par exemple la “journée du patrimoine” en 2007. Notre héritage “vert” fut placé sous les feux de la rampe avec pour titre “le monde en a encore pour une éternité”. HIS publie un journal, “Du pain et des roses” où l’on trouve systématiquement des articles sur les archives des mouvements écologiques. L’importance d’une collection d’archives environnementales est encore soulignée par un numéro à thème sur l’Histoire de l’écologie en Flandre. Les étudiants dont le travail de fin d’études concerne l’une ou l’autre facette du slogan “sauvons la planète” peuvent compter sur l’aide de l’institut.
Ainsi donc, l’Institut d’Histoire Sociale de Gand a permis de pérenniser et d’exposer aux regards les archives du mouvement écologique en Flandres. Son efficacité fut relativement prompte. Cependant il reste beaucoup à faire. Bien des documents d’associations ou de militants sont encore enfouis. Le danger de les perdre définitivement augmente avec le temps. Mais la prise de conscience de la nécessité de l’archivage progresse, ainsi que le soutien des centres dépositaires. L’institut n’est pas au bout de ses peines car nature, environnement et écologie demeurent des thèmes très actuels ; il doit poursuivre ses efforts ! C’est le prix à payer pour conserver son statut de gardien des archives écologiques en Flandres et rester le catalyseur des visions novatrices.