Lors de l’Assemblée Fédérale du 23 juin 2013, Ecolo a adopté un nouveau « manifeste politique ». Il n’est pas inutile de se pencher un peu sur le passé pour comprendre la démarche.
On peut considérer que l’écologie politique en Belgique francophone est née en 1976, avec deux événements significatifs : la présence de listes s’en réclamant dans 3 communes (il faut un début à tout !) et la création des Amis de la Terre-Belgique.
Nous sommes à l’époque dans la foulée de la France qui a déjà connu au début des années ‘70 la fondation des Amis de la Terre, la création de la revue « La Gueule Ouverte » (sous-titrée « Le journal qui annonce la fin du monde » glups !) et la candidature d’un écologiste, René Dumont, aux élections présidentielles de 1974.
Les membres qui vont très rapidement, par centaines, rejoindre les Amis de la Terre (qui se revendiquent dès le départ de l’écologie politique) sont souvent issus de ce qu’on appelle les Nouveaux Mouvements Sociaux (NMS). Mais, au delà de la préoccupation spécifique de chacun de ces NMS (environnement, pacifisme, tiers-mondisme, féminisme, Droits de l’Homme etc), ces membres sont demandeurs d’un mouvement qui globalise leurs aspirations.
Très vite, en Belgique, nous ressentons le besoin de définir les fondements de ce nouveau mouvement d’autant plus que les A.T. vont impulser la présentation de listes dans certains arrondissements lors des élections législatives de 1977 et ’78 et lors des élections européennes de 1979.
Le Manifeste des A.T., adopté en février 1977, est donc de fait le premier texte exprimant les fondements de l’écologie politique. On peut dire que l’inspiration de ce texte est multiple : le rapport Meadows « The limits to growth », le fédéralisme amené par les anciens du Rassemblement Wallon (via le groupe Démocratie Nouvelle ) et une dimension de gauche autogestionnaire et libertaire.
Inutile de rappeler ici que ces prémices aboutiront à la création d’Ecolo en 1980. Mais dans ses premières années, Ecolo va attirer pas mal de membres d’horizons différents, de culture politique différente avec des difficultés, des tensions inhérentes à toute organisation en croissance.
D’où le souhait de disposer de notre propre « manifeste » plus adapté au travail d’un parti (différent, certes, mais un parti quand même). Ce processus aboutira à la « Déclaration de Péruwelz – Louvain-La-Neuve exprimant les principes fondamentaux du Mouvement Ecolo », adoptée début 1985. J’en épinglerai trois mots d’ordre : « Gonfler la sphère autonome, promouvoir l’autogestion, diffuser la convivialité ». On y sent encore une méfiance vis à vis des institutions et la volonté d’être différent : « Ecolo est un parti politique… Ecolo se veut surtout un mouvement… »
Rappelons quelques formules fortes de cette déclaration : « disséminer le pouvoir », « déjouer la crise », « une autre manière de faire de la politique ».
Plus d’un quart de siècle a passé depuis l’adoption de ce texte. Le monde a changé. Est-il nécessaire de l’illustrer ? Effondrement du système soviétique, développement des nouvelles techniques de communication, montée des nationalismes et des intégrismes, émergence de nouvelles puissances, etc. Le monde a changé et il nous a changés. Nous nous assumons de façon décomplexée comme une force politique, nous avons fait l’expérience du pouvoir, des responsabilités, nous avons développé nos compétences, étoffé, précisé nos programmes électoraux.
Bien sûr, nos valeurs, nos fondamentaux sont toujours bien présents. Nous sommes restés fidèles à nous-mêmes, quoi que certains en pensent.
Mais les valeurs, les fondamentaux doivent être retraduits, reformulés par rapport à ce monde qui a tellement changé.
Si nous savons que « ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre »[[Cette citation (et ses variantes) a été attribuée à Winston Churchill, à Gandhi, voire à Goethe, mais appartient plus probablement au philosophe américain George Santayana…peu importe finalement !]], ce nouveau manifeste est un outil d’aujourd’hui pour demain, pour nous amener, selon la belle formule de Pierre Radanne, à « aimer ce siècle ».