Introduction

Le baromètre politique de l’édition du 6 décembre 2011 du quotidien Le Soir montrait que 60% des citoyens adhèrent à la sortie du nucléaire. Cependant, si les prix n’augmentent pas, la part des citoyens favorables à la sortie du nucléaire grimpe à 81%.

La question du nucléaire apparait donc très liée avec celle du prix de l’électricité. Or, le prix de cette dernière n’a cessé d’augmenter ces dernières années, alors qu’aucune unité nucléaire n’a fermé en Belgique. Dans une étude parue en novembre 2011[[CRIOC (2011). L’évolution des prix de l’énergie versus l’évolution du budget des ménages. Novembre 2011.

]], le CRIOC montrait le décalage entre l’évolution des dépenses en électricité et en gaz et les salaires moyens nets, en défaveur de ces derniers.

Figure 1 : Evolution des dépenses en électricité et en gaz et du revenu disponible des ménages. Source : CRIOC, 2011

Les amalgames entre électricité et énergie sont nombreux. La question des prix doit être appréhendée dans sa globalité et non pas uniquement du point de vue de l’électricité. Par ailleurs, l’énergie prend une part de plus en plus importante dans le budget des ménages, une part qui augmente d’autant plus fortement pour les ménages à faibles et moyens revenus.

Dans sa première section, la présente note fait le point sur la précarité énergétique en Belgique. La section 2 détaille le processus de formation du prix de l’électricité en Belgique pour ensuite le comparer aux prix en cours dans les pays voisins. Par ailleurs, des pistes de maîtrise du prix de l’électricité sont évoquées. La section 3 est dédiée à la question du prix du gaz naturel et la section 4 à la problématique du prix du mazout de chauffage. Finalement, la section 5 dresse une série de propositions pour permettre aux citoyens d’affronter et de résister à l’augmentation inéluctable des prix de l’énergie.

La précarité énergétique en Belgique

L’accès à l’énergie est un droit fondamental garanti par l’article 23 de la Constitution belge : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ». Or, en réalité, les personnes précarisées peinent à faire respecter ce droit pour des raisons multiples tenant de la faiblesse de leur revenu, de l’insalubrité de leur logement (qui empêche les économies d’énergie) et de la difficulté de traiter avec des fournisseurs qui, dans un marché libéralisé, font primer l’intérêt économique sur l’exigence d’un service public accessible à tous.

Les statistiques (illustrés dans les figures 2 à 4) montrent que la consommation énergétique augmente avec la richesse des ménages, la corrélation est élevée avec l’électricité mais moindre pour dans le cas du chauffage[[Si les ménages aisés occupent des logements plus grands, les chauffent à une température plus élevée, leurs logements sont aussi en moyenne mieux isolés.

]]. Par contre, bien que les ménages les plus pauvres consomment moins, la part de leurs revenus consacrée à leur facture énergétique est plus importante et en augmentation.

Par ailleurs, l’augmentation de la part du budget des ménages consacrée à l’énergie saute aux yeux. Si on considère qu’un ménage est en situation de précarité énergétique lorsqu’il y consacre plus de 10% de ses revenus[[C’est légalement le cas au Royaume-Uni.

]], force est de constater qu’entre 1999 et 2009, le deuxième décile a basculé dans la précarité.

Notons que la précarité énergétique menace davantage les ménages wallons que les ménages bruxellois ou flamands et que l’évolution entre 1999 (figure 3) et 2009 (figure 4) renforce cette tendance. Cette réalité s’explique moins par les disparités sociales que par la structure du bâti davantage composé d’appartements en Région bruxelloise, dont la consommation est moindre par habitant, ou encore par le développement du réseau de gaz, moins présent en Wallonie ce qui induit des consommations supérieures d’électricité et de mazout dont les prix sont plus élevés.

Enfin, plus spécifiquement en Région bruxelloise, il est interpellant de voir une relation très forte entre statut de l’occupant et qualité énergétique du logement : les locataires occupent des logements mal isolés, localisés dans le centre-ville et dans la première couronne de Bruxelles.

Par rapport au reste de l’Europe, en matière de précarité énergétique, la Belgique est en queue de classement des pays au niveau de vie comparable (figure 5).

Le tableau 1 donne quelques informations sur le type de familles confrontées à la précarité énergétique. Sans surprise, les isolés et les familles monoparentales sont les ménages qui souffrent le plus de l’augmentation du prix de l’énergie.

Figure 2. Dépenses consacrées à l’énergie (pour le logement) en % des revenus moyens par décile de revenus en 1999 et 2009 en Belgique. Source : F. Huybrechs, S. Meyer & J. Vranken (2011) La Précarité Energétique en Belgique, CEESE – OASES.

Figure 3. Part des dépenses moyennes des ménages en énergie dans le revenu moyen par décile et par région, 1999. Source : F. Huybrechs, S. Meyer & J. Vranken (2011).

Figure 4. Part des dépenses moyennes d’énergie dans les revenus moyens par décile et par région, 2009. Source : F. Huybrechs, S. Meyer & J. Vranken (2011).

Figure 5. Part des ménages qui ne peuvent pas se permettre de chauffer suffisamment leur logement Source : Braubach, M. & Fairburn, J. (2010), ‘Social inequities in environmental risks associ-ated with housing and residential location: a review of evidence’, European Journal of Public Health, 20 (1): 36-42.

Type de ménage Problèmes pour chauffer le logement (%) Problèmes pour payer les factures énergétiques (%)
Isolés 8,73 5,49
2 adultes < 65 ans, pas d’enfants 3,07 3,47
2 adultes, au moins 1 > 65 ans, pas d’enfants 3,14 0,37
Autres ménages sans enfants à charge 4,91 2,53
Familles monoparentales 14,74 22,38
2 adultes, 1 enfant 4,35 5,82
2 adultes, 2 enfants 2,55 5,28
2 adultes, 3 enfants ou plus 4,98 9,27

Tableau 1. Familles qui rencontrent des difficultés financières pour payer leurs factures énergétiques, en fonction du type de ménage (Belgique, 2009). Source : F. Huybrechs, S. Meyer & J. Vranken (2011).

Le tableau ci-dessous reprend schématiquement Les causes et conséquences de la précarité énergétique.

Figure 6. Causes et conséquences de la précarité énergétique: un cercle vicieux. Source : F. Huybrechs, S. Meyer & J. Vranken (2011).

Les pouvoirs publics ne sont pas restés les bras croisés face à cette précarité énergétique grandissante. Toutefois, force est de constater que l’essentiel des dispositions existantes agissent essentiellement de manière curative soit pour enrayer l’endettement et soit pour protéger les usagers des coupures d’alimentation. Cette « politique publique » s’apparente, au vu de l’évolution du contexte énergétique, au remplissage d’un panier percé [F. Huybrechs, S. Meyer & J. Vranken (2011)].

L’assiette de contribution aux politique sociales se réduit, en outre, progressivement suite au recours, d’une part, à la production décentralisée d’énergie par les ménages et à l’utilisation accrue du bois et des pellets comme vecteurs énergétiques et, d’autre part, à la réduction des besoins énergétiques grâce aux investissements économiseurs d’énergie dans les bâtiments.

Rappel : la libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité en Belgique[[Cette sous-section s’inspire de l’article de Ph. Devuyst (2011), L’organisation du secteur du gaz et de l’électricité et la place de la concertation sociale : parcours historique et perspectives. Points de repères, Equipes populaires.

]] :

Avant la libéralisation

Avant la libéralisation (2007 en Wallonie et à Bruxelles, 2003 en Flandre), les prix étaient calculés en fonction des coûts de recouvrement pour chaque type de consommateurs. Cependant, quelques entorses à ce principe étaient cependant acceptées par le Comité de contrôle de l’électricité et du gaz (CCEG)[[Le Comité de contrôle était le fruit d’un accord entre les organisations sociales interprofessionnelles, la Fédération des entreprises de Belgique ainsi que les entreprises et organismes du secteur. Des représentants des gouvernements fédéral et régionaux étaient habilités à assister à ses réunions. Le Comité de contrôle élaborait des recommandations : pour être valables, elles devaient recevoir l’approbation de toutes les parties signataires. Il comportait dès lors une certaine forme d’autorégulation. Parmi les recommandations importantes, citons celles relatives aux délais d’amortissement. (Il s’agit des recommandations CC(e) 719 du 19/01/1969 ; CC(e) 1410 du 11/04/1984 ; CC(e) 89/20 du 31/05/1989 ; CC(e) 93/10 du 7/04/1993 ; CC(e) 93/11 du 7/04/1993 ; CC 97/17 du 29/01/1997 et CC(e) 2002/27 du 6/11/2002.) Les règles comptables en vigueur au sein de la CCEG prévoyaient notamment un délai d’amortissement de 20 ans pour les centrales nucléaires et les centrales à charbon. Source : CREG (2009). Etude relative à « l’échec de la formation des prix sur le marché belge libéralisé de l’électricité et les éléments à son origine », Etude 811, 26 janvier 2009.

]] dans le but de développer le secteur (chauffage électrique, prix avantageux pour les azotiers…). A ce coût de recouvrement était ajoutée la part garantissant le « bénéfice des producteurs et distributeurs ». Cela s’appelait le système « cost + ». Autrement dit, le secteur de l’électricité et du gaz listait ses coûts de production qui définissaient le prix du kWh après avoir octroyé une marge bénéficiaire. Afin d’accroitre ses marges bénéficiaires, le secteur augmentait les dépenses sur lesquelles il ne lésinait pas[[Ce qui explique l’existence de réseaux de qualité et de bonnes conditions salariales dans le secteur.

]]. Par ailleurs, le secteur jouait dans le temps avec des comptes provisoires qui sous-estimaient leur marge. Rappelons qu’autour de la table du Comité de contrôle, l’arbitrage des syndicats entre intérêt des consommateurs et des travailleurs se faisaient généralement au bénéfice des seconds.

La dernière fois que la répartition des frais entre intercommunales (c’est-à-dire les gestionnaires de réseaux de distribution-GRD) et producteurs a été réalisée date de 1991. Depuis cette date, jusqu’en 2003, seules des indexations ou réductions tarifaires basées sur des comparaisons internationales ont été faites. Dès lors, les tarifs ne reflétaient certainement plus les coûts. Cet état de fait permettait, à partir de la décennie 2000, d’occulter l’existence de la rente nucléaire, à savoir le fait que les centrales nucléaires étaient complètement payées. En réalité, les tarifs belges auraient dû être inférieurs aux tarifs des pays avoisinants et non pas uniquement leur être comparables. La décision de supprimer le comité de contrôle alors que les marchés bruxellois et wallons n’étaient pas libéralisés a accentué ces marges. A l’époque, les tarifs étaient péréquatés, c’est-à-dire uniques pour tous les consommateurs belges, indépendamment de leur lieu de résidence alors même que les frais de distribution variaient fortement en fonction de la densité de population, les tarifs étant plus élevés dans les zones à faible densité de population (ex. : la province du Luxembourg). Cette péréquation pouvait se justifier pour offrir aux agriculteurs un prix de l’électricité égal à celui des citadins mais ne se justifie beaucoup moins pour du pavillonnaire de classes moyennes. Le débat à ce sujet n’a pas eu lieu dans ces périodes de tarif régulé ; sociologiquement, les participants à la définition des prix appartenant pour partie à ces classes moyennes exilées des villes.

Après la libéralisation

La dérégulation induite par la libéralisation va modifier les modes de calcul de prix (voir figure 7) : le prix est depuis lors l’addition de trois composants : le prix de l’énergie et des frais du fournisseur (marketing, facturation…), le prix de la distribution et du transport (et ses coûts annexes) et le prix des taxes et redevances. Le prix de l’énergie est libre alors que celui du transport et de la distribution est fixé par des règles (arrêtés et règlement de la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz – CREG) et celui des taxes et redevances déterminés par les gouvernements régionaux et fédéral.

Avec la dérégulation du marché de l’énergie, les communes via leurs intercommunales vont perdre des revenus financiers importants. De plus, le régulateur fédéral usant de la méthode de benchmarking (comparaison des coûts internationaux) va refuser d’intégrer des dépenses que le secteur n’avait pas à justifier par le passé – avant la libéralisation – et fera baisser temporairement les tarifs de distribution.

Figure 7. Schéma des marchés de l’énergie (électricité/gaz) en Belgique. Source : Intermixt

Le prix de l’électricité

La formation du prix de l’électricité

en Belgique avant la libéralisation

De 1955 jusqu’à la libéralisation de l’électricité et du gaz (juillet 2003 en Flandre, janvier 2007 pour le reste du pays) les prix de l’électricité et du gaz étaient contrôlés par le Comité de Contrôle de l’Électricité et du Gaz (CCEG). Dans les faits, dès 2003, le CCEG est sans pouvoir. Cet organe était notamment chargé de veiller à ce que les tarifications et les conditions de fournitures de tous les clients en électricité et en gaz (en ce compris les redevances) soient établies en fonction de l’intérêt général. Depuis la libéralisation de la fourniture c’est-à-dire de la vente et de la production c’est la CREG et ses pendants régionaux (CWAPE[[CWAPE : Commission Wallonne pour l’Energie, BRUGEL : Bruxelles Gaz Electricité, VREG : Vlaams Regulator van Electriciteits en Gasmarkt.

]], BRUGEL et VREG) qui sont chargés de la surveillance du marché.

Structure de fixation des prix avant la libéralisation (2003-2007)

A l’époque, le fournisseur historique (Electrabel) occupait pratiquement la position d’un monopole naturel[[Un monopole naturel est un monopole dont l’existence découle d’une production dont les rendements sont croissants. Plus l’entreprise accroit sa production, moins le coût par unité est élevé. Le cout de production d’une unité supplémentaire (coût marginal) étant décroissant (plus on produit moins cela coûte), l’accroissement des ventes permet de répartir les coûts fixes sur des volumes plus importants, si bien que le coût moyen baisse quand la production augmente. Cette baisse est si importante qu’une seule entreprise peut fournir l’ensemble du marché tout en restant plus compétitive que tout autre concurrent. Dans ce type de production, la concurrence tend à diminuer au fur et à mesure qu’une entreprise se développe et tire parti d’un coût moyen de production de plus en plus inférieur à celui de ses concurrentes.

]]. Les coûts fixes en électricité sont très élevés et nettement plus élevés que les coûts variables. En effet, la mise en place de toute l’infrastructure de production, de transport et de distribution coûte cher alors que l’utilisation des outils mis en place (les coûts variables) est relativement peu onéreux. Dans ce contexte, il est donc indispensable de vendre de l’énergie à un grand nombre de personnes, car l’accroissement des ventes permet de répartir les coûts fixes sur des volumes plus importants. Dans une telle situation, une entreprise est à même de produire de plus grandes quantités pour moins cher que ne le pourraient deux entreprises. En Belgique, le marché était pratiquement monopolistique – ou donc oligopolistique – puisque Electrabel possédait 90 % de la production et que SPE (société détenue à l’époque par des capiteux publics) contrôlait les 10 % restant.

Pour les consommateurs, un monopole conduit à une situation où le prix est plus élevé et les quantités disponibles sont moins importantes que s’il y avait concurrence parfaite sur le marché. Résultat : l’entreprise en situation de monopole dispose d’une rente.

Avant la libéralisation du marché, la structuration du secteur visait à capturer cette rente, pour le bien public. Comme aujourd’hui, la distribution était assurée par des intercommunales dont certaines percevaient des dividendes. En 2000, quelques 24 milliards de francs belges (+/-600 millions d’€) ont été perçus en dividendes par les intercommunales. Cet argent était en grande partie redistribué aux communes et affecté notamment pour financer les CPAS[[Ph. Devuyst (2011), L’organisation du secteur du gaz et de l’électricité et la place de la concertation sociale, op cit.

]].

Le fournisseur historique fixait les prix. Et ces prix étaient contrôlés, a posteriori, dans l’intérêt général, par le CCEG qui avait le pouvoir d’élaborer des plans tarifaires s’il jugeait que les bénéfices constatés n’étaient pas équitables. Le secteur accordait alors un droit de regard dans sa structure de coûts aux représentants des employeurs et des travailleurs qui composaient le Comité de contrôle. Les formules tarifaires reposaient sur des paramètres développés par le secteur afin de quantifier l’évolution des coûts de production. Les principaux paramètres sont les paramètres Ne et Nc (cfr. Encadré ci-dessous).

Le paramètre Nc vise à refléter l’évolution du prix de revient des combustibles qui étaient utilisés pour la production d’électricité, dont le prix du pétrole et du gaz. Le paramètre Ne a été conçu afin de refléter l’évolution des autres facteurs de production, dont les salaires du secteur. Suite à la libéralisation des composantes « production » et « fourniture », les prix sont devenus libres (la partie ‘énergie’) tandis que les autres postes de la facture restaient quant à eux déterminés par la CREG et par l’État (les tarifs de distribution et de transport).

Selon la CREG (Etude 811, 2009) : « La conclusion de cette méthode de régulation par le Comité de contrôle était une régulation du bénéfice ex post : si l’évolution du bénéfice constaté n’était plus jugée équitable, le Comité de contrôle élaborait des programmes tarifaires en ce sens. Ces programmes permettaient d’introduire des ristournes spécifiques dans les tarifs futurs et de les appliquer aux groupes de clients concernés. Ainsi, il était notamment prévu de restituer progressivement aux utilisateurs, au moyen de réductions tarifaires inscrites dans ces programmes, les coûts initialement plus élevés pour les consommateurs qui étaient la conséquence de l’amortissement rapide des centrales nucléaires. Des sommes importantes étaient systématiquement concernées : essentiellement sous la pression du gouvernement de l’époque, des baisses tarifaires à hauteur de 25 milliards BEF avaient été approuvées dans le contexte de la libéralisation pendant la période 1999-2003. »

Cette baisse tarifaire correspond d’une certaine façon à une prise en compte de la rente nucléaire, à l’époque (1999-2003) uniquement perçue sur les trois plus anciens réacteurs nucléaires (Doel 1 & 2, Tihange 1 construits en 1975) car les réacteurs les plus récents n’auront été amortis qu’à partir de 2002 (Doel 3), 2003 (Tihange 2) et 2005 (Doel 4 et Tihange 3). Dès lors, on peut considérer ces baisses tarifaires comme un premier prélèvement de la rente nucléaire effectué par le Gouvernement fédéral de l’époque[[Gouvernement Arc-en-ciel (Socialistes-Libéraux-Ecologistes), avec Olivier Deleuze comme secrétaire d’Etat à l’énergie.

]]. Un exemple de ces ristournes est la diminution du terme fixe de la facture d’électricité.

Evolution des prix avant la libéralisation

Les augmentations du prix de l’électricité avant la libéralisation s’explique principalement par l’augmentation des prix pétroliers entre 1998 et 2000. Ces prix pétroliers interviennent dans le paramètre Nc qui est utilisé dans la fixation des prix énergétiques. L’effet d’augmentation du prix des produits pétroliers se fait toujours avec retard c’est pourquoi on observe une augmentation des prix énergétiques de 1999 jusqu’à 2002 (figure 1).

L’effet cumulé de l’augmentation de la demande de produits énergétique et des prix pétroliers ont donc, durant la période allant de 1999 à 2002, induit une forte croissance du coût de l’énergie (21 %) alors que les salaires n’augmentaient que de 3 % sur cette même période.

Face à cette forte hausse des produits énergétiques, le gouvernement a demandé au Comité de contrôle (CCEG) d’effectuer une comparaison des prix de l’électricité et du gaz en Belgique avec ceux de nos voisins. De cette étude, il ressort que les consommateurs des pays voisins à la Belgique pouvaient, à l’époque, obtenir de l’énergie à un prix nettement inférieur aux résidents belges. Le 5 avril 2000, le gouvernement fixe des objectifs d’ajustement ambitieux : supprimer le handicap tarifaire avec l’étranger pour mi-2002 et réduire la facture des clients résidentiels.

Durant la période 2001-2003, constatant que le prix énergétique était plus élevé chez nous que chez nos voisins, et sous la pression du gouvernement Arc-en-Ciel et des instances syndicales, le CCEG a jugé que l’évolution du bénéfice n’était plus équitable et a donc, en réponse, élaboré des programmes tarifaires en ce sens. Ces programmes ont permis d’introduire des ristournes spécifiques au travers de la tarification en vigueur, au bénéfice de certains groupes de clients. Ainsi, il était notamment prévu de restituer les coûts initialement plus élevés que les consommateurs ont payés suite à l’amortissement rapide des centrales nucléaires. Les mesures tarifaires adoptées par le CCEG, entre 2001 et 2003 ont diminué les tarifs de l’électricité de 620 millions d’euros, soit quelque 25 milliards BEF.[[Ph. De Vuyst (2011), op cit.

]] Il est à noter que plus de la moitié de ces baisses se sont faites en faveur des professionnels. Les baisses tarifaires décidées par le CCEG n’ont réellement commencé à porter leurs fruits qu’entre 2002 et 2003. Ces baisses ont permis une forte diminution des dépenses des ménages en énergie (-13%) alors que les salaires augmentaient faiblement.

La suppression du Comité de contrôle a également mis un terme aux programmes tarifaires.

L’évolution du prix des produits pétroliers n’explique pas toutes les fluctuations du prix de l’énergie. L’évolution suit les paramètres Nc et Ne. Comme ces indicateurs augmentent, malgré la baisse des prix pétroliers entre 2001-2003, les prix augmentent. Cette hausse s’explique par la volonté du secteur d’engranger des liquidités en prévision de la libéralisation totale du pays.

Les paramètres NC et Ne. Source : CREG, 4 septembre 2008[[Le détail des paramètres est disponible sur le site de la CREG : http://www.creg.be/pdf/Tarifs/E/EP-MC-PARAMDEF-FR.pdf

]]

•Le paramètre NC répercute, dans les termes «combustibles» des tarifs, l’évolution du coût des combustibles consommés pour la production d’énergie électrique livrée au réseau belge.

Le paramètre Nc, introduit en mars 2004, est calculé selon la formule :

NC = 0,214 + 0,260 Ifnu + 0,375 Icoal + 0,240 Ioil + 1,195 (1 – Ifnu) Ispotgas

Les indices I utilisés ci-dessus sont des moyennes trimestrielles précédant de 1 mois le mois (m) de fourniture de l’énergie. Ces indices sont arrondis à 4 décimales.

•Le paramètre NE répercute, dans les termes «hors combustibles» des tarifs, l’évolution des charges d’amortissement et d’exploitation.

Le paramètre NE, introduit en mars 1989, est calculé selon la formule :

La formation du prix de l’électricité aujourd’hui

Les composantes

Comme dit plus haut, la facture d’électricité se compose de trois parties (figure 8):

•La partie énergie qui est la seule à être libéralisée. Celle-ci est déterminée par le fournisseur. Elle est aussi nommée ‘commodité’.

•La partie coût de distribution et de transport déterminée par la CREG qui en établit le niveau acceptable.

•La partie cotisation qui comprend les différentes taxes, redevances, cotisations et surcharges. L’État fédéral(via la CREG) et les Régions (CWAPE, BRUGEL et VREG) fixent les cotisations.

Figure 8. Deux exemples de distribution de la facture d’électricité. Source : CREG, Etude 1096, septembre 2011[[CREG (2011). Etude relative aux composantes des prix de l’électricité et du gaz, Etude 1096, 22 septembre 2011.

]].

En matière de fixation de prix, la seconde partie qui concerne les coûts de transport et d’utilisation des réseaux de distribution, varie, depuis la libéralisation, en fonction des zones territoriales. Il s’agit de tenir compte des coûts de distribution spécifique à la zone au regard des spécificités topographique et de la densité de population. Comme nous le soulignions plus haut, avant la libéralisation, ces coûts étaient uniformément répartis à travers la péréquation tarifaire des coûts de distribution c’est-à-dire un tarif identique sur le réseau de distribution partout en Belgique.

L’évolution de la composante énergie ou ‘commodité’

Le coût de production dépend à la fois du mix énergétique primaire mais aussi et surtout de la rencontre entre l’offre et la demande. Le prix correspond alors au prix de production de la dernière unité mise en fonction pour répondre à la demande. Ainsi, le fournisseur, désireux de maximiser sa marge bénéficiaire, recourt aux différentes unités de production dans un ordre croissant de coût.

Cet ordre dans lequel un fournisseur est prêt à recourir aux différentes centrales est ce que l’on appelle le « merit-order ». Il veille logiquement à ce que le producteur capable de produire de l’électricité au coût le plus faible puisse écouler le volume le plus élevé sur le marché. Ainsi, les centrales présentant le coût marginal le plus faible produiront le plus, les centrales plus coûteuses ne seront utilisées que si la demande est importante et si le prix peut augmenter. La courbe d’offre se compose alors de l’empilement de centrales par ordre croissant de leur coût marginal. Dans l’exemple hypothétique illustré à la figure 9 ci-dessous, la production à partir de sources d’énergie renouvelables présente le coût marginal le plus faible, suivie du nucléaire, du charbon et du gaz. La figure 10 montre le prix de l’électricité en fonction de la demande de capacité en production.

Figure 9. Merit order des centrales de production d’électricité. Source : CREG, Etude 811 (2009).

Figure 10. Courbe de l’offre d’électricité en Belgique. Source : CREG, Etude 1100 (2011)[[CREG (2011). Etude sur « l’impact de la fermeture des centrales nucléaires en Allemagne à l’horizon 2022 sur les prix de l’électricité pratiqués en Belgique». Etude 1100, 8 septembre 2011.

]].

« Il ressort de ce qui précède qu’un producteur qui dispose d’un vaste parc de production diversifié pourra retirer de ce système de fixation des prix sensiblement plus d’avantages de ses unités inframarginales qu’un plus petit producteur possédant des centrales qui sont souvent du même type que la centrale « marginale ». Il est important de se rendre compte que l’apparition sur le marché belge d’une unité de production supplémentaire d’un nouveau fournisseur n’aura en soi aucun effet sur les prix. En effet, il y a fort à parier que l’unité de production construite sera basée sur la même technologie que les unités marginales qui déterminent le prix. Le prix sur le marché n’évoluera donc pas et l’investissement alors que dans le même temps la nouvelle centrale ne sera pas non plus rentable ».

« Ce qui précède montre aussi clairement qu’une restriction en ce qui concerne l’offre de production de centrales présentant un faible coût marginal entraîne automatiquement une augmentation du prix d’équilibre, et ce pour toutes les centrales actionnées. Un producteur dominant pourrait ainsi, par une baisse inattendue de son offre, être en mesure d’augmenter son chiffre d’affaires et son bénéfice et ce en produisant moins. De plus, es autres producteurs n’ayant pas abusé de leur pouvoir de marché profitant également du prix de marché plus élevé pour les centrales en marche, il existe également un risque réel de collusion, c’est-à-dire une forme d’accord tacite entre les différents producteurs concernant leurs niveaux de production. Ce cas de figure n’est pas du tout à l’avantage du consommateur. Ce système met à nu les conséquences néfastes d’investissements insuffisants dans le parc de production : en cas d’offre insuffisante d’unités de production, les unités présentant un coût marginal élevé seront de plus en plus déterminantes pour la formation du prix au coût marginal, ce qui est néfaste pour les consommateurs ». (CREG, Etude 811)

Les conclusions de la CREG sont limpides :

•Le producteur dominant dispose d’une rente nucléaire (CREG, Etude 968[[CREG (2010). Etude sur « la structure de coûts de la production d’électricité par les centrales nucléaires en Belgique ». Etude 968, 5 mai 2010.

]]), c’est-à-dire qu’au lieu de répercuter l’amortissement en 20 ans de ces unités, il revend l’électricité de ces unités au prix du marché, soit avec un bénéfice supplémentaire d’environ 40% sur chaque MWh ;

•Le producteur dominant peut limiter les investissements concurrents ;

•Le producteur dominant joue un rôle important dans la formation du prix.

Des impacts particuliers : L’éolien offshore et les certificats verts

Le développement des sources d’énergie renouvelable en Belgique prend son envol essentiellement après la libéralisation. Les coûts de développement ne peuvent donc plus être amortis de la même façon qu’à l’époque du CCEG. De nouveaux outils sont développés pour ce faire : les certificats verts, aides à la production. Ces aides ont un coût qui se répercute dans la facture (figure 11), non pas dans la partie ‘commodité’ mais dans la partie ‘cotisations et taxes’. Or, les autorités publiques auraient pu (et dû) compenser ces coûts via la rente dégagée par les unités nucléaires (ce qui a lieu dans d’autres pays). En effet, les surcoûts à venir pour le développement des énergies renouvelables pourront donc être évités. A terme, ces énergies seront compétitives et nous assurerons une indépendance et une variabilité de prix moindres.

Notons enfin que déjà aujourd’hui, lors de périodes de production massive des sources d’énergie renouvelables, les prix dans les bourses d’électricité baissent.

Figure 11. Evolution des coûts liés à la contribution énergie verte pour la clientèle Dc1 (3500 kWh). Source : CWAPE.

Les taxes

Les observateurs ne manquent pas de rappeler que les taxes sur l’électricité ont-elles aussi augmentées ces dernières années. La figure 12 montre l’évolution et la ventilation des ces dernières.

Figure 12. Evolution de la contribution fédérale à l’électricité. Source : CREG.

En effet, entre 2003 et 2011, cette contribution a été multipliée par cinq, avec une part importante destinée au fonds de dénucléarisation (installations dites ‘historiques’, du centre d’études nucléaires) et au fonds Kyoto (destiné au financement de la lutte contre le réchauffement climatique). Les clients ayant opté pour l’électricité verte[[Rappelons qu’est considéré électricité verte au sens fédéral tout kWh fournit avec un label de garantie d’origine (LGO) prouvant que cette électricité est verte. Cependant les LGO sont extrêmement nombreux et bons marchés. Les fournisseurs peuvent donc avantageusement proposés une électricité verte moins chère, sans nécessairement investir en Belgique, les LGO étant valables dans toute l’Union européenne.

]] n’étaient pas soumis à ces derniers postes[[Ils étaient exonérés d’alimenter la fonds dénucléarisation et Kyoto jusqu’au 31 mars 2012.

]], et donc, le coût était réparti sur un nombre plus restreint de consommateurs que ceux soumis aux autres postes de la contribution (le montant à prélever pour ces fonds, excepté pour le tarif social, restant fixe). Les autres postes concernent le fonctionnement de la CREG, l’alimentation du Fonds Social pour l’énergie, le financement du tarif social fédéral (clients protégés) et au chèque énergie (prime chauffage). Notons l’évolution à la hausse pour le fonds destinés aux clients protégés.

Le prix de l’électricité en Belgique par rapport au reste de l’Europe

Selon une étude du bureau d’étude Frontier Economics[[FRONTIER ECONOMICS (2011). International comparison of electricity and gas prices for households. Octobre 2011

]], présentée à la CREG le 26 octobre 2011, les familles et les entreprises en Belgique payent leur électricité beaucoup plus chère que dans les pays voisins.

Famille Industrie moyenne
Prix en €cents par kWh
Flandre 20,90 8,60
Wallonie 22,38 8,94
Bruxelles 21,32 8,67
France 9,09 4,48
Allemagne 22,63 8,51
Pays-Bas 16,57 7,27
Royaume-Uni 11,47 8,66

Tableau 2. Prix de l’électricité en Belgique et chez nos voisins. Source : Frontier Economics, 2011

La figure 13 illustre l’évolution des prix dans ces mêmes pays depuis la libéralisation. On remarque qu’au début des années 2000, les différentiels de prix avec les pays voisins étaient bien moindres qu’aujourd’hui. Par ailleurs, sauf en Grande-Bretagne, la libéralisation n’a pas apporté de réelles baisses des prix.

Figure 13. Evolution du prix de l’électricité pour les ménages. Source : Frontier Economics, 2011.

En tenant compte des kilowattheures (kWh) gratuits en Flandre[[En Flandre, le législateur a introduit un mécanisme de kWh gratuits à l’usage des ménages. La quantité octroyée est variable selon plusieurs paramètres. Le mécanisme est jugé complexe et peu redistributif. En Wallonie et à Bruxelles, les déclarations gouvernementales prévoient l’introduction d’une tarification progressive sur l’électricité.

]], la famille moyenne de cette région paie 20,90 cents par kWh d’électricité. Comme il n’y a pas d’électricité gratuite dans les autres régions, une famille moyenne en Wallonie payera 22,38 cents/kWh et une famille bruxelloise 21,32 €cents/kWh d’électricité. Le tableau 2 montre également que chez nos voisins il n’y a que l’Allemagne ou les prix sont plus élevés que chez nous. En France, au Royaume-Uni[[Au Royaume-Uni, le taux de TVA n’est que de 5%.

]] et aux Pays-Bas le prix final de l’électricité est moins cher. Cependant, les prix TTC recouvrent des réalités différentes illustrées par les figures 14 et 15 :

Figure 14. Décomposition des prix de l’électricité pour les clients particuliers (c€/kWh). Source : Frontier Economics (2011).

Figure 15. Décomposition des prix de l’électricité pour les petites et moyennes entreprises (c€/kWh). Source : Frontier Economics (2011)

On remarque qu’excepté en France, les prix belges de la commodité (énergie) sont compétitifs et semblables à ceux de nos voisins, voire moins cher. La différence est donc à chercher dans les cotisations et les coûts du réseau (transport et distribution).

Une étude de l’IFRI[[M. CRUCIANI (2011). Evolution des prix de l’électricité aux clients domestiques en Europe occidentale. Note de l’IFRI – Gouvernance européenne et géopolitique de l’énergie, novembre 2011.

]] le confirme : « le principal paramètre pesant sur le coût de production paraît tout naturellement devoir être l’origine de l’électricité en fonction du mix énergétique primaire. Cette intuition est confirmée par deux exemples : l’Allemagne et l’Espagne d’une part, l’Italie et les Pays-Bas d’autre part, dont la structure de production était très voisine. Mais un autre cas montre qu’il n’existe pas de relation automatique entre la composition du parc et le prix de la part «production» : la Finlande et la France. Dans ces deux États, l’électricité provient de parcs de production très différents, mais les deux pays enregistrent un prix pratiquement identique pour la composante fourniture.

Dans le détail, les parcs de centrales des 15 pays de l’Union européenne présentent des caractéristiques différenciées, qui rendent aléatoire la recherche d’un lien étroit entre la composition du mix énergétique et le prix de la fourniture aux clients domestiques. Pour une même énergie primaire, de nombreux facteurs peuvent altérer le coût de production. Certains combustibles fossiles sont en partie produits sur le sol national dans plusieurs pays (Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni…) ; ils sont totalement importés ailleurs. Les sources d’importation varient du Nord au Sud et d’Est en Ouest ; l’absence de façade littorale handicape les livraisons par voie maritime ; la situation géographique, dans l’axe ou en marge des courants d’échanges, influe sur le coût du transport des énergies fossiles. Enfin l’âge des centrales et leur conception pèsent aussi sur le coût d’exploitation.

Le niveau d’interconnexion, entre régions à l’intérieur d’un pays et entre pays, agit également sur le prix de la fourniture. En effet, un réseau de forte capacité permet aux fournisseurs d’accéder constamment aux centrales les plus performantes. Des congestions contraignent à l’inverse à faire tourner des unités dont le coût d’exploitation est plus élevé. »

Par ailleurs, l’IFRI souligne que : « En France, la différence a été supportée jusqu’à ce jour par les entreprises publiques, en premier lieu le producteur historique (EDF) avec des recettes amoindries, en second lieu le distributeur (ERDF) avec un affaiblissement de ses capacités d’investissement ». En d’autres termes, l’exception française a vécu et des augmentations des tarifs sont à attendre.

2010

semestre 2
Charges moyennes en ct.€/kWh Part des charges dans le pix TTC (%) Taux de TVA (%) Part des prélévements (%)
Danemark 9,67 35,7 25 60,7
Allemagne 6,79 27,9 19 46,8
Suède 2,8 14,3 25,5 39,8
Portugal 5,07 30,4 6,3 36,7
Autriche 2,12 11,0 20,0 31,0
Moyenne UE 27 2,32 13,6 16,1 29,7
Belgique 1,71 8,7 21,0 29,7
Finlande 0,88 6,4 23,0 29,4
Pays-Bas 1,66 9,8 19,0 28,8
Italie 3,64 19,0 9,6 28,6
France 1,32 10,2 16,9 27,1
Espagne 0,76 4,1 18,0 22,2
Grèce 1,32 10,9 11,0 21,9
Luxembourg 2 11,4 5,9 17,4
Irlande 0,23 1,2 13,5 14,7
Royaume-Uni 0 0 5,0 5,0

Tableau 3. Charges et taxes : une photographie de la situation dans les différents pays européens en 2010. Source : IFRI, 2011

Le tableau 3 achève de montrer que le niveau de taxation belge se situe dans la moyenne européenne. Reste à se poser la question de l’exception anglaise. Au Royaume-Uni, la libéralisation a débutée dans les années 1990 et s’est accompagnée d’une refonte totale du secteur qui avait été nationalisé après la seconde guerre mondiale. Les prix de l’électricité reflètent une conception : le secteur ne produit pas de revenus à destination des autorités publiques via par exemple les dividendes aux communes.

Les dividendes aux communes

A titre d’exemple, en Région wallonne et pour les Gestionnaires de Réseaux de Distribution GRD regroupés au sein d’ORES[[ORES (Opérateur de réseaux) est une structure coopérative regroupant les GRD mixtes et qui effectue pour leurs comptes les opérations quotidiennes de maintenance et de gestion des réseaux.

]], la rémunération équitable des capitaux investis représente aujourd’hui[[Arrêté royal de 2008

]] 16,45% des tarifs de distribution basse tension (résidentiels) soit 4,935% du coût final de la facture, soit 65,8 millions d’euros en 2010.

Chaque commune utilise librement ces revenus – octroyés aux communes au prorata des capitaux qu’elles ont immobilisés dans les GRD.

Evolution du prix de l’électricité à l’avenir

En septembre 2010, la CREG (Etude 987)[[CREG (2010). Etude relative à l’impact de l’arrêt de centrales nucléaires sur le prix de vente de l’électricité au client final domestique. Etude 987, 2 septembre 2010.

]] a étudié l’impact de l’arrêt des centrales nucléaires sur le prix de vente de l’électricité au client final domestique (les particuliers). La CREG a pris les hypothèses suivantes : « les paramètres d’indexation et les tarifs sont inchangés. Cela suppose que les centrales nucléaires arrêtées sont remplacées par des centrales TGV modernes alimentées par des achats de Gaz sur le Hub de Zeebrugge. Le paramètre Ne reprenant les coûts autres que les combustibles est maintenu inchangé ».

Le résultat est une augmentation de 4 % sur le prix final en 2015, soit environ 23€/an[[Sur base du tarif Electrabel lui-même fondé sur les paramètres Nc et Ne (paramètres que le CREG ne juge plus pertinent et qui ne sont par ailleurs utilisé tels quels que par Electrabel).

]]. En 2025, selon les mêmes hypothèses, l’augmentation serait de 19% ou de 103€/an. Cependant la CREG précise : « L’impact de l’arrêt de centrales nucléaires sur le prix de vente de l’électricité au client final dépend du tarif dont ce client dispose, du niveau qu’atteindront les prix de combustibles classiques et de la production réelle que fourniront les centrales nucléaires encore en service. » Autrement dit, même si les centrales nucléaires ne sont pas arrêtées, les prix risquent très fort de grimper à l’avenir.

Suite à la catastrophe de Fukushima (11 mars 2011), le gouvernement allemand, de centre-droit a décidé de fermer 7 réacteurs nucléaires et de renoncer définitivement à la remise en marche du réacteur qui était déjà à l’arrêt. En outre, le gouvernement allemand a décidé de fermer l’ensemble des autres réacteurs d’ici 2022, renouant ainsi avec le projet de la coalition SPD-Grünen, qui avait décidé de sortir du nucléaire à l’horizon 2020. La CREG a alors mené une étude relative à « l’impact de la fermeture des centrales nucléaires en Allemagne à l’horizon 2022. » (Etude 1100) Dans sa conclusion, la CREG estime l’impact de cette décision à une augmentation de 5% du prix sur le marché de gros en Belgique, qui engendrera une augmentation de 2% du prix de l’électricité sur la facture totale pour le client résidentiel (le prix total de la facture d’électricité pour le client résidentiel en Belgique dépend pour environ 40% des prix de marché de gros). Pour une consommation « moyenne » et une facture annuelle de 700 euros TVAC, l’augmentation serait donc d’environ 14 euros TVAC par ménage à l’horizon 2020.

Notons que ces augmentations sont largement inférieures aux différences constatées entre les tarifs des fournisseurs les plus chers (prix basés sur les paramètres NC et Ne) et les moins chers (100 €/an sur 2011).

Des investissements nécessaires dans les prochaines décennies

Dans une étude sur les perspectives énergétiques de la Belgique à l’horizon 2030[[Bureau Fédéral du Plan (2011). Perspectives énergétique pour la Belgique à l’horizon 2030, Novembre 2011

]], le Bureau fédéral du Plan estimait les investissements nécessaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique à environ 20 milliards € quel que soit les choix technologiques, c’est-à-dire en prolongeant ou pas le nucléaire. Toutefois, les éventuels surcoûts des mesures de sûreté à financer suite aux résultats des stress tests ne sont pas inclus dans cette estimation.

Ces investissements dans les réseaux électriques et dans les capacités de production, quel que soit le scénario retenu, sont difficiles à évaluer mais sont déterminants pour l’avenir. En effet, il s’agira de diminuer notre dépendance envers les énergies fossiles en rarefaction, dont le prix va augmenter inexorablement, mais aussi et surtout car il faudra en limiter l’usage pour nous préserver des effets ravageurs du changement climatique.

Le rôle des décideurs politiques

Le prix de l’électricité est à la fois une variable importante du budget des ménages et de la compétitivité des entreprises. Cependant, il ne faut pas généraliser et déduire que bas prix de l’électricité vont naturellement de paire avec industrie et économie dynamique. A ce titre, le rôle des autorités publiques est déterminant. A titre d’illustration, le Royaume-Uni a beau avoir les prix d’électricité le plus bas, le pays continue pourtant à se désindustrialiser. A contrario, l’Allemagne qui pratique des prix élevés dispose d’un secteur industriel très compétitif. La politique intelligente allemande de prix élevés a deux corollaires : une efficacité énergétique stimulée et une redistribution des revenus issus des taxes sur l’énergie vers une diminution des charges sociales. En France, par contre, les prix plus bas de l’électricité ne profitent pas totalement au secteur industriel et représentent même un chantage de l’industrie à la délocalisation[[Toutes éventuelles augmentations du prix de l’électricité en France est source de menace de délocalisation de l’industrie. En effet, sans incitant particulier, les processus industriels ne sont pas les plus efficients et les charges sociales sont élevées. Le prix de l’électricité est parfois le seul intérêt pour les entreprises à être localisés en France.

]].

Le rôle des décideurs politiques est important. Un rapport politique intelligent à question énergétique conditionne souvent la productivité et la compétitivité d’une économie. Le pire étant de considérer l’énergie comme une source de revenus mais de ne pas utiliser ces derniers au service de la transition économique, entre autres via les économies d’énergie.

Le rôle surévalué du nucléaire

Le nucléaire ne joue donc pas un rôle majeur, même en France. Si les prix sont bas, c’est parce que l’Etat se prive de rentrées financières. Le niveau actuel du tarif réglementé ne permet pas de financer le renouvellement du parc, quels que soient les choix à venir entre nucléaire, centrales thermiques et énergies renouvelables. L’évolution récente des coûts de production électrique est, à ce titre, éclairante. Dès les années 1980, le programme nucléaire français a vu son coût augmenter, évolution qui ne fait que se prolonger avec le réacteur surpuissant EPR. Cette dérive s’observe en particulier sur les coûts d’investissement, un poste très important. Comme le montre un article publié dans la revue scientifique Energy Policy[[Arnulf GRUBLER (2010). The costs of the French nuclear scale-up: A case of negative learning by doing. Energy Policy Volume 38, Issue 9, September 2010, Pages 5174-5188

]], le coût d’investissement dans les centrales nucléaires françaises a été multiplié par 3,4 en vingt-cinq ans, même en déduisant la hausse du niveau général des prix. L’EPR ne fait que poursuivre cette trajectoire et augmentera fortement les coûts au kWh en France. Par ailleurs, ces coûts n’intègrent pas les coûts du démantèlement des centrales en fin de vie, ceux de la gestion des déchets, du risque d’accident et les divers coûts de fonctionnement. En se développant, la plupart des nouvelles techniques voient leur coût diminuer par effet d’apprentissage. C’est le cas pour les énergies renouvelables. Avec le nucléaire la dynamique est inversée : plus on le développe, plus il coûte cher.

Conclusions sur le prix de l’électricité

Qu’est-ce qui est le plus susceptible d’influencer le prix de l’électricité à la hausse : une sortie programmée et anticipée (comme en Allemagne ou comme prévu par la loi de 2003 en Belgique) ou bien une sortie ‘brutale’ suite à des problèmes techniques ou un accident ?  La CREG conclut son étude relative à l’impact de la sortie du nucléaire en Allemagne en écrivant : « Terminons cette étude en mentionnant que les investisseurs ont considérablement plus de temps pour préparer la fermeture des 12.008 MW de capacité nucléaire à l’horizon 2022 qu’ils n’en ont eu lors de la fermeture des 5.065 MW le 15 mars 2011. Dès lors, les marchés ne devraient pas connaître de soubresaut majeur lors de la fermeture effective des dernières centrales nucléaires allemandes. » Aujourd’hui, diverses études[[Entre autres : Scénario énergétique des Verts européen, Union française d’Electricité (2012), Electricité 2030 : quels choix pour la France ?, Commissions Européenne, Roadmap 2050.

]] montrent qu’à l’horizon 2030, l’éolien aura un coût de développement moindre que le nucléaire.

Quelles mesures prendre pour maîtriser le prix de l’électricité ?

opter pour le fournisseur le moins cher. Ce qui n’est possible que s’il y a transparence totale de l’information et qu’il est facile et sans coûts de changer de fournisseur mais aussi sans contrainte. Les amendes infligées aujourd’hui par des fournisseurs en cas de départ anticipé ne sont pas de nature à inciter au changement. Elles doivent définitivement être supprimées. C’est déjà le cas en Région bruxelloise : le fournisseur est obligé de proposer un contrat de 3 ans mais un changement est possible sans indemnités à tout moment pour le consommateur moyennant un préavis de 2 mois. Notons que certains fournisseurs commencent à proposer des contrats sans indemnités de rupture.

Les figures 16 et 17 illustrent la différence de tarifs entre le fournisseur le moins cher et le fournisseur désigné[[A l’exception de la Régie de Wavre qui a désigné Essent, ce choix du fournisseur par défaut n’est pas le résultat d’un appel d’offre du fournisseur proposant les meilleurs prix aux clients qui n’ont pas fait de choix explicite, mais le résultat d’arrangements entre acteurs historiquement associés, portant notamment sur le prix auquel les intercommunales sont amenées à racheter les parts sociales qu’y détiennent les producteurs et dont la part doit diminuer pour garantir l’indépendance des GRD.

]], c’est-à-dire le fournisseur du client n’ayant rien fait depuis la libéralisation. Les offres des fournisseurs choisis peuvent parfois être plus chères que le fournisseur désigné.

Figure 16. Différence de facture annuelle entre le fournisseur désigné et le fournisseur le moins cher en Région bruxellois pour un client médian consommant 2036 kWh. Source : BRUGEL, 2012.

Figure 17. Différence de facture annuelle entre le fournisseur désigné et le fournisseur le moins cher en Région wallonne. Moyenne pondérée des GRD, client consommant 3500 kWh. Source : CWAPE.

•A terme, c’est avant tout l’augmentation du coût des combustibles fossiles (suite à leur raréfaction) qui va être déterminante pour le prix de l’électricité. La sortie du nucléaire allemande ira de pair avec une augmentation de l’efficacité énergétique et un développement massif des énergies renouvelables, qui offrent la seule réponse structurelle pour prévenir une envolée des prix de l’électricité. En d’autres termes, les différents chiffres avancés concernant le surcoût engendré par la sortie du nucléaire allemande doivent être comparés non pas avec la situation actuelle, mais bien ce qu’il adviendrait d’ici 2022 en cas de non-sortie du nucléaire. En Belgique, la récupération de la rente nucléaire sera donc nécessaire pour investir dans l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables ;

•renforcer les interconnexions pour ouvrir le marché belge et instaurer une concurrence transfrontalière. Une capacité de transport transfrontalier trop limité est néfaste pour les utilisateurs qui voudraient importer, mais elle place aussi un nouveau venu sur un marché dans l’impossibilité d’exporter ses éventuels excédents de production. Cette situation crée donc une barrière d’accès physique pour les nouveaux venus ;

•renforcer les pouvoirs des régulateurs (vérification et validation des coûts de transport, de distribution mais aussi optimaliser du mécanisme des certificats verts) ;

•mettre en place une tarification progressive : un coût arrêté en fonction de la consommation, sans forfait ; une première tranche à un coût bon marché, avec une partie de la fourniture gratuite pour les personnes bénéficiant du tarif social ; une seconde tranche telle que le coût total pour un consommateur moyen n’augmente pas par rapport à la situation actuelle ; une troisième tranche plus chère, au-delà du seuil identifiant généralement ceux qui utilisent des équipements à mauvais rendement énergétique, avec une attention portée aux ménages qui se chauffent à l’électricité et à partir de pompes à chaleur et une correction de consommation pour les ménages qui produisent leur propre électricité à partir de panneaux solaires photovoltaïques ;

•mettre en place un régulateur européen pour gérer les problèmes de pics de consommation et le manque d’investissements pour y répondre spécifiquement dans les différents pays européens ;

•Equilibrer les moyens de production ;

•Réguler le prix de la ‘commodity’.

Le prix du gaz naturel

La formation des prix du gaz

Les composantes

La facture se compose de trois parties (figure 18):

•La partie énergie qui est la seule à être libéralisée. Celle-ci est déterminée par le fournisseur. Elle est aussi nommée ‘commodité’.

•La partie coût de distribution et de transport déterminée par la CREG qui en établit le niveau acceptable.

•La partie cotisation qui comprend les différentes taxes, redevances, cotisations et surcharges. L’État fédéral (via la CREG) et les Régions (CWAPE, BRUGEL et VREG) fixent les cotisations.

Figure 18. Composantes du prix du gaz : exemple dans le Hainaut pour les clients résidentiels se chauffant au gaz (23 260 kWh/an) et à Bruxelles. Source : CREG.

Les formules de détermination du prix du gaz naturel

Figure 19. Différentiel de prix entre formules de détermination du prix du gaz naturel sur le marché belge. Source : CREG.

Le différentiel de prix entre les offres indexées sur le gaz spot et les offres indexées sur le pétrole devrait demeurer d’environ 350 €/an TVAC pour une consommation standard de 23.260 kWh/an.

La question des formules d’indexation est donc extrêmement importante, elle correspond grosso modo à la différence entre le fournisseur par défaut et le fournisseur le moins cher ou encore à un peu plus de 15% du total de la facture annuelle (cfr. Point 8.)

Evolution des prix et comparaison avec les pays voisins

La figure 20 illustre l’évolution des prix en Belgique et dans les pays voisins. On observe une augmentation généralisée malgré la libéralisation du secteur. On observe également une augmentation des différentiels de prix, relativement limités au début des années 2000. Enfin, notons que la volatilité des prix est de plus en plus importante.

Figure 20. Evolution du prix du gaz pour les clients résidentiels. Source : Frontier Economics (2011).

Les figures 21 et 22 illustrent l’importance des différentes composantes du prix du gaz pour les clients résidentiels et pour les petites et moyennes entreprises.

Les clients résidentiels belges paient les tarifs les plus élevés à l’exception des Néerlandais. Cependant, lorsqu’on analyse chaque composante, les postes taxes et distribution ont des coûts similaires aux pays voisins. C’est le prix de la molécule qui est beaucoup plus cher en Belgique, notamment à cause d’une concurrence insuffisante et de l’application d’une formule défavorable dans la détermination des prix.

Aux Pays-Bas, le tarif est plus important essentiellement à cause de la taxation, en particulier la taxe energiebelasting. Cette taxe a pour but de stimuler l’efficacité énergétique et est – à l’instar du modèle allemand pour l’électricité – redistribuée sous forme de réduction de taxation sur les revenus.

Pour les PME, la différence de prix est à chercher dans le prix de la molécule. En effet, le niveau des taxes et les frais de distribution est plus bas que dans les pays voisins. Ainsi, une vraie concurrence entre les fournisseurs pourrait en partie résoudre cette différence.

Figure 21. Décomposition des prix du gaz naturel pour les clients particuliers (c€/kWh). Source : Frontier Economics (2011).

Figure 22. Décomposition des prix du gaz naturel pour les petites et moyennes entreprises (c€/kWh). Source : Frontier Economics (2011).

Figure 23. Evolution de contribution fédérale et de contribution pour le tarif social du gaz naturel. Source : CREG.

La figure 23 illustre enfin l’évolution des taxes fédérales : cotisation fédérale et surcharge clients protégés. La brusque évolution de la courbe « clients protégés » à partir de 2008 illustre encore l’augmentation du nombre de clients en situation de précarité énergétique.

Les dividendes aux communes

A titre d’exemple, en Région wallonne et pour les GRD regroupés au sein d’ORES, la rémunération équitable des capitaux investis représente aujourd’hui[[Arrêté royal de 2008.

]] 19,72% des tarifs de distribution résidentielle soit 5,12% du coût final de la facture, soit en 2010 19,7 millions d’euros.

Chaque commune utilise librement ces revenus – octroyés aux communes au prorata des capitaux qu’elles ont immobilisés dans les GRD.

Quelles mesures prendre pour maîtriser le prix du gaz ?

opter pour le fournisseur le moins cher. Ce qui n’est possible que s’il y a transparence totale de l’information et qu’il est facile et sans coûts de changer de fournisseur mais aussi sans contrainte. Les amendes infligées aujourd’hui par des fournisseurs en cas de départ anticipé ne sont pas de nature à inciter au changement. Elles doivent être définitivement supprimées. C’est déjà le cas en Région bruxelloise : le fournisseur est obligé de proposer un contrat de 3 ans mais un changement est possible sans indemnités à tout moment pour le consommateur moyennant un préavis de 2 mois. Notons que certains fournisseurs commencent à proposer des contrats sans indemnités de rupture.

Les figures 24 et 25 montrent les gains potentiels suite au (bon) choix du fournisseur. Annuellement, ce sont plus de 100 € qui peuvent être économisés ou environ 10% de la facture finale.

Figure 24.Evolution de la facture annuelle (€/an) pour un client médian bruxellois (12.728 kWh) toujours alimenté par le fournisseur par défaut et de celle de l’offre la moins chère du marché Source : BRUGEL, 2012.

Figure 25. Facture de gaz sur base annuelle pour la moyenne pondérée des GRD wallons pour un client résidentiel se chauffant au gaz (23 260 kWh/an). Source : CWAPE.

•renforcer les pouvoirs des régulateurs (vérification et validation des coûts de transport, de distribution) ;

•réguler le prix de la ‘commodity’ ;

•mettre en place une tarification d’accès à l’énergie : un coût fonction de la consommation, sans forfait ; une première tranche à un coût bon marché, avec une partie de la fourniture gratuite pour les personnes bénéficiant du tarif social ; une seconde tranche telle que le coût total pour un consommateur moyen n’augmente pas par rapport à la situation actuelle ; en accompagnant cette mise en œuvre d’une forte campagne d’isolation des logements.

•mettre en place un régulateur européen pour gérer les problèmes de pics de consommation et le manque d’investissements pour y répondre spécifiquement dans les différents pays européens ;

•diversifier les sources d’approvisionnement (développement du biogaz).

Le prix du mazout de chauffage

Dans cette section, nous abordons la problématique des prix du mazout de chauffage et la comparaison avec le gaz naturel. On constate que l’écart entre le prix du mazout et le prix du gaz naturel est aujourd’hui d’environ 180 € par an pour le client type T2 (mazout : 2.115 litres/an et gaz : 23.260 kWh/an). Sur les quatre dernières années, le prix du mazout il y a six mois (M-6) montre une meilleure corrélation avec le prix du gaz naturel que le prix du mazout pratiqué à la même période.

Figure 26. Evolution du prix du gaz naturel, du mazout de chauffage et du mazout de chauffage 6 mois auparavant. Source : CREG, Evolution des prix du gaz naturel sur le marché résidentiel – février 2012.

Figure 27. Composantes du prix du mazout de chauffage au 3 mars 2012 (Prix maximum : 0.9079 €/l). Source : Fédération pétrolière belge.

Comme l’illustre la figure 27, le niveau de taxation est bien inférieur pour le mazout de chauffage que par pour le gaz ou à l’électricité.

Enfin, le Fonds social chauffage indique que 125.000 ménages ont bénéficié de son soutien en 2011. Ce chiffre, en augmentation[[En 2004, année de sa création, le Fonds avait aidé 40 000 ménages.

]], s’accompagne d’un surcoût de plus en plus important pour l’Etat : en 2010 la cotisation a rapporté 8 M € tandis que le Fédéral faisait l’appoint à hauteur de 16 M € ; en 2011 la cotisation n’a livré que 7 M € et l’Etat prendra à sa charge 18 M €.

Quelles pistes de solution pour favoriser l’accès durable à l’énergie et la transition énergétique de la Belgique ?

Partant du constat que :

1) les prix de l’énergie augmentent plus rapidement et fortement en Belgique que dans les pays voisins[[Voir le rapport annuel 2010 de la BNB. Cette dernière plaide pour augmenter le niveau des accises ou taxes comparables dans la formation des prix de l’énergie (« Un relèvement des accises aurait, en outre, comme effet désirable que le lien entre les prix à la consommation et ceux des matières premières énergétiques se distendrait automatiquement. » (p 79))

]],

2) s’il y a une baisse des prix dans les pays voisins, cela se répercute moins vite et moins fortement en Belgique,

3) à court terme rien n’indique une baisse des prix de l’énergie,

4) à long terme toutes les analyses indiquent une hausse des prix de l’énergie.

Il apparaît donc comme primordial que la Belgique s’inscrive dans une transition énergétique. En effet, l’économie belge, même si sa performance en matière d’efficacité énergétique s’améliore, reste forte consommatrice d’énergie et produit moins de valeur ajoutée par unité d’énergie que ses voisins. En 2009, le consultant McKinsey[[McKINSEY & Compagny (2009). Vers une efficacité énergétique de niveau mondial en Belgique. http://www.mckinsey.com/App_Media/Reports/Belux/Energy_efficiency_in_Belgium_full_report.pdf

]] estimait que la Belgique pouvait économiser près de 30% sur sa consommation d’énergie primaire d’ici 2030 sans beaucoup de contraintes.

La transition énergétique doit être l’occasion d’améliorer l’accès durable à l’énergie. Différents types de mesure doivent être envisagées :

Les mesures réglementaires pour favoriser l’accès à l’énergie des plus précaires

•Cibler la politique de rénovation sur les ménages à bas revenus ;

En matière d’électricité :

•Introduire une tarification progressive de l’électricité (une première trancher à très bas coûts, une seconde au prix du marché, une troisième à des prix supérieurs). La tarification progressive a en sus un intérêt environnemental, car elle induit via les prix une diminution de la consommation. Il convient toutefois d’être vigilant sur les ménages qui se chauffent à l’électricité et via l’usage de pompes à chaleur. Par ailleurs, dans ce cadre, les ménages bénéficiant de panneaux solaires photovoltaïques devront participer davantage aux coûts de gestion du réseau de distribution ;

•Redéfinir le statut de client protégé au sens fédéral/régional (par exemple sur base du seuil de pauvreté) en l’harmonisant avec les ayants droits à l’allocation mazout ;

•Eviter les compteurs à budget pour les ménages dont les revenus sont insuffisants pour courir les besoins élémentaires ;

•Financer les compteurs à budget à charge des fournisseurs ;

•Offrir un encadrement complet (guidance énergétique) aux clients protégés ;

En matière de gaz :

•Introduire une tarification d’accès, avec une première tranche de consommation bon marché ;

•Redéfinir le statut de client protégé au sens fédéral/régional (par exemple sur base du seuil de pauvreté) en l’harmonisant avec les ayants droits à l’allocation mazout ;

•Eviter les compteurs à budget pour les ménages dont les revenus sont insuffisants pour courir les besoins élémentaires ;

•Financer les compteurs à budget à charge des fournisseurs ;

•Offrir un encadrement complet (guidance énergétique) aux clients protégés ;

En matière de mazout :

•La création d’un Fonds de garantie pour proposer un étalement de la facture ;

•L’octroi d’une allocation mazout calculée sur base des revenus (l’allocation serait inversement proportionnel) et de la performance du bien. Le financement pourrait se faire via le fonds Mazout mais aussi via l’introduction d’accises sur le mazout. Ce système remplacerait les chèques mazout actuels ;

•Offrir un encadrement complet (guidance énergétique) aux clients bénéficiaires des tranches d’allocations les plus importantes ;

De manière plus générale :

•Elargir le principe de cotisation/surcharge pour clients fragilisés aux vecteurs énergétiques solides ;

•Inciter les propriétaires-bailleurs à rénover et améliorer l’efficience énergétique des logements sans léser les locataires ;

•Editer des conventions-type faisant respecter les droits de chacun dans le cas où le locataire entame des démarches de rénovation / amélioration de son logement ;

•Développer des points de contact autres que les CPAS en matière de précarité énergétique.

Les mesures pour faire diminuer la consommation d’énergie (en ciblant prioritairement les ménages à bas revenus)

•Utilisation de la récupération de la rente nucléaire pour investir dans l’efficacité énergétique des entreprises, l’isolation des bâtiments, dans un plan de sortie du chauffage électrique, dans le développement des renouvelables (financement de l’éolien offshore et de l’adaptation des réseaux de transport local et distribution pour augmenter l’accès aux sources d’énergie renouvelable), dans la recherche et développement, dans le financement du Fonds de réduction du coût global de l’énergie (tiers investisseur pour particuliers)

•Ces mécanismes visent à isoler et à remplacer les équipements énergivores doivent être renforcés (ou rationnalisés) car aujourd’hui les bâtiments belges consomment en moyenne 70% d’énergie de plus que la moyenne européenne !

•Dans tous les cas : guidance énergétique (éventuellement avec un audit) ainsi qu’une proposition d’intervention via les écopacks de l’alliance emploi-environnement, les « primes énergie » ou le FRCE pour améliorer l’efficacité énergétique des logements en renforçant l’isolation, en priorité vers les ménages précarisés.

•Pour les entreprises : développer les prestataires de services énergétiques via un cadre fiscal, des normes, des obligations.

Les mesures de contrôle des prix

•Faciliter le changement de fournisseur d’électricité et de gaz en supprimant l’indemnité de rupture de contrat ;

•Proposer à chaque client une comparaison des fournisseurs actifs sur sa commune de résidence au minimum une fois l’an ;

•Donner les moyens aux CPAS et aux acteurs de la guidance énergétique pour aider les particuliers à choisir au mieux leur fournisseur ;

•Réguler les hausses de prix variables introduites via les formules d’indexation et faire valider les formules d’indexation par la CREG, ou introduire un prix plafond par énergie (comme sur le mazout) ;

•Utiliser la rente nucléaire pour financer le développement des éoliennes offshore.

Notons enfin qu’une amélioration de l’efficacité énergétique des ménages et entreprises en Belgique aura des effets importants sur l’indexation des salaires et par là sur la compétitivité des entreprises belges. Aujourd’hui, la faible efficacité énergétique de nos infrastructures et d’une partie de nos processus industriels se répercute deux fois dans la formation des salaires. Une première fois via l’augmentation faciale du prix de l’énergie pour les ménages et une seconde fois via l’augmentation générale des prix suite à l’augmentation de l’énergie dans les coûts de revient des biens et services produits. Une solution qui viserait à simplement bloquer les prix de l’énergie ne ferait que reporter à plus tard une nécessaire transition énergétique. A ce titre, il est intéressant d’observer qu’un indice santé excluant les combustibles aurait comme impact un saut d’index. L’efficacité énergétique de l’économie belge n’étant pas très bonne, les prix de l’énergie se répercute dans les coûts de production qui se répercutent ensuite dans l’index des prix à la consommation.

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