En mars dernier, le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement publiait un rapport[[Le rapport intitulé «Decoupling Natural Resource Use and Environmental Impacts from Economic Growth» est disponible à l’adresse: http://www.unep.org/resourcepanel/decoupling/files/pdf/Decoupling_Report_English.pdf
]] réalisé à sa demande par le Panel International sur les Ressources et dont l’importance est inversement proportionnelle à la couverture médiatique – quasi-nulle – dont il a bénéficié. Ce rapport d’une importance fondamentale est à l’exploitation des ressources ce que les rapports du GIEC sont à la lutte contre le changement climatique. Il se concentre sur 4 grandes catégories de ressources: les métaux industriels, les matériaux de construction, les énergies fossiles et la biomasse. Il nous rappelle qu’entre le début et la fin du siècle dernier, la population mondiale a multiplié par 8 sa consommation de matériaux. Les ressources extraites sont ainsi passées de 7 milliards de tonnes en 1900 à 55 milliards en 2000. En se basant sur les hypothèses les plus étayées en termes d’évolution démographique, le rapport tente d’élaborer plusieurs scénarios pour 2050.
Le scénario le plus radical prévoit une réduction d’un facteur 3 à 5 de la consommation de ressources par habitant des pays industrialisés, tandis que les pays en développement réduiraient la leur de 10 à 20%. A supposer que ces efforts colossaux soient réalisés par les uns et par les autres, la consommation de ressources par habitant ne s’élèverait plus qu’à 6 tonnes par personne, et l’extraction totale de ressources serait maintenue au niveau actuel. Les émissions de CO2 évolueraient de manière à maintenir le réchauffement climatique juste sous les 2°C d’ici à la fin du siècle. Mais, il n’en reste pas moins que la population mondiale surexploiterait toujours la surface de terre et le volume d’eau puisqu’on utiliserait toujours l’équivalent d’ 1,5 planète en 2050! Et nous n’en avons qu’une.
Tim Jackson nous rappelle qu’on ne peut parier sur un découplage absolu entre croissance du PIB et exploitation des ressources naturelles. Dès lors, on mesure l’urgence qu’il y a à engager, au plus vite, la transformation de notre modèle de développement économique. Si la technologie peut et doit nous aider dans cette transformation, elle ne constitue pas un substitut à une mutation plus fondamentale, qui doit toucher l’organisation de nos sociétés et nos comportements.
Nous touchons là aux fondamentaux du modèle de l’économie (dite) sociale de marché, laquelle a fait l’objet d’un consensus implicite depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il n’est donc guère étonnant que le simple fait de poser ces vérités dérangeantes suscite le scepticisme, voire l’hostilité. D’où l’importance de poursuivre et d’élargir le débat public, ce que nous faisons dans ce nouveau numéro d’Etopia et plus encore, avec le lancement des Rencontres de l’Ecologie Politique. Celles-ci doivent nous permettre non seulement d’accélérer l’indispensable transformation, mais d’en catalyser la réalisation concrète.