Plusieurs des mots retenus comme « entrées » dans cet abécédaire sont des valeurs :
citoyen(neté), confiance, convivialité, démocratie, développement durable, droits,
estime, intégrité, intérêt général, liberté, solidarité…
Faut-il y voir l’expression implicite d’un engagement politique ?
Certainement, ce choix n’est pas anodin, y compris les absents qui transparaissent en filigrane (autonomie, justice sociale, respect, tolérance…).
Un mot particulièrement polysémique !
Qui a-t-il de commun entre la valeur d’une devise, celle de ma maison, celle d’un travail, une personne de valeur et la remise en question de valeurs traditionnelles telles que l’obéissance ou l’honneur ?
Une origine latine commune (« valor ») d’où dérivent des idées aussi diversifiées que la valeur d’une grandeur variable, la valeur d’échange d’un bien sur un marché, la valeur d’usage de ce bien, la valeur d’une vie humaine, les valeurs morales …
La valeur des économistes
« La valeur est au prix ce que la chaleur est à la température »
(Maurice Allais, prix Nobel d’économie)
En assimilant le prix à la valeur, le champ de la réflexion économique appauvrit
considérablement la richesse du concept. Prenons y garde !
Les économistes ne s’intéressent qu’à la valeur marchande des biens et des services.
Je me souviens que faire comprendre à mes élèves la notion de « valeur ajoutée » d’une entreprise et le mode de calcul du PIB d’un pays n’était pas chose aisée. Pourtant, c’est dès le niveau de l’enseignement secondaire que la maîtrise des notions de base de la science économique et l’exercice de l’esprit critique à l’égard de ce qui nous est si souvent présenté comme des affirmations indiscutables (le PIB bon critère de « développement », les « lois du marché » auxquelles on ne peut se soustraire…) devraient être des priorités éducatives quelles que soient les orientations choisies.
Et dans le contexte d’un capitalisme productiviste et consumériste qui prône la croissance, on a privilégié la valeur d’échange plutôt que la valeur d’usage.
Un retour à la production de biens qui résistent à l’usure est une des conditions d’un développement durable, de même que la sauvegarde d’authentiques services publics non-marchands.
Référence aux valeurs morales en politique
Un certain nombre de valeurs font aujourd’hui consensus dans la civilisation occidentale : démocratie, liberté, travail, respect des droits de l’homme apparaissent comme des thèmes récurrents dans les discours. La valeur est alors prescriptive : c’est un principe pour lequel on se bat.
Encore faut-il se mettre d’accord sur le sens et la portée de ces mots car les différences d’interprétation sont fréquentes. Un travail de clarification conceptuelle est nécessaire si l’on veut se comprendre. « Nous mettons des choses différentes derrière les mots » (disait récemment Laurette Onkelinx à propos du débat sur le travail). Et, le moins que l’on puisse dire est que les membres du collège arc-en-ciel ucclois n’avaient pas tous la même conception de la démocratie !
Les différences idéologiques entre partis s’affirment plus clairement encore dans l’analyse de la hiérarchie des valeurs auxquelles ils se réfèrent (explicitement mais aussi implicitement) par les choix de leur action ou leur inaction !
Même au niveau des débats d’une politique locale, se manifeste le fait que liberté et droit de propriété demeurent au sommet de la hiérarchie de valeurs dans l’esprit des libéraux ; que la solidarité est mise en avant par les socialistes et les écologistes (avec une dimension élargie aux générations futures pour ces derniers). Quant à la protection de la nature, cheval de bataille des Verts, cette préoccupation apparaît comme secondaire dans la réflexion des trois grandes familles traditionnelles.
Conflits de valeurs
Nous avons tous vécu des situations où sont confrontées nos valeurs individuelles à des valeurs collectives auxquelles nous adhérons.
« Mon épanouissement personnel », « ma réussite professionnelle », « ma qualité de vie », « mon autonomie »… sont des aspirations bien légitimes, qui peuvent nous conduire à adopter des comportements en discordance avec les valeurs de partage, de solidarité et de développement durable que nous défendons par ailleurs !
La difficulté est alors de trouver la juste mesure à la place que nous accordons à notre « moi » par rapport au « nous ».
Dans leur action politique, les élus sont souvent confrontés eux aussi à des dilemmes.
L’atteinte à la liberté individuelle, par exemple, se justifie très souvent face à d’autres valeurs qui apparaissent comme prioritaires au nom de l’intérêt général (exigences de sécurité, de protection de l’Environnement, de solidarité…). Mais jusqu’à quel point ? Les opinions divergent …
Autre exemple : les projets de logements à finalité sociale se heurtent fréquemment à des préoccupations environnementales en matière d’aménagement du territoire. Avec quelles possibilités de concilier les deux objectifs ?
Il faut alors en débattre et essayer de tendre vers le meilleur compromis possible.
Un compromis qui sera toujours difficile à comprendre.
Personne ne le considérera comme pleinement satisfaisant.
Mais il permettra de poursuivre le « vivre ensemble ».
Une action conforme aux valeurs proclamées
La meilleure façon de défendre une valeur n’est-elle pas d’en témoigner par sa façon d’agir ? Il faut cependant reconnaître qu’il est parfois difficile d’adopter un comportement politique en adéquation avec les valeurs que l’on défend. Tendre vers cet idéal est particulièrement important en matière de bonne gouvernance ; quels que soient les sacrifices et les effets électoraux que cela implique.
La véritable adhésion à des valeurs morales que l’on s’est choisies
se reconnaît au fait de s’y tenir quelles que soient les conséquences à assumer.
Il est vrai que cela demande du courage politique.
Mais je pense profondément que la fin ne justifie pas les moyens.