Voilà un mot curieusement polysémique dans la langue française
(pourquoi ne distinguons-nous pas clairement « time » et « weather », « tijd » et « weer » ?).
Six ans : le temps d’une législature
Lorsqu’on accède pour la première fois à un mandat exécutif,
on croit qu’une législature de 6 ans, c’est long
par rapport au terme de 4 ans d’une législature fédérale.
On se dit qu’on a le temps d’être d’abord à l’écoute,
d’approfondir sa réflexion avant d’initier des actions nouvelles.
Et l’on risque, 6 ans plus tard, d’être pris de court…
Le temps me semblait toujours manquer pour ce tout qu’il y avait à faire.
Il y avait bien sûr le couperet répété des échéances à respecter dans le cadre de l’instruction des demandes de permis d’urbanisme.
Mais aussi ma prise de conscience progressive de l’ampleur des délais nécessaires pour mener à bien des politiques d’aménagement du territoire et du logement : nécessité de mûrir d’abord la réflexion en concertation avec l’administration ; exigences de procédure incontournables ; longueur du processus de prise de décision (par le Collège, puis le Conseil, et enfin le pouvoir de tutelle)…sans parler de recours possibles !
C’est pourquoi il est fréquent que des projets publics initiés et conçus par une coalition au pouvoir ne soient réalisés que sous la législature suivante, par une nouvelle majorité … qui en récoltera les fruits.
Ce sera le cas, par exemple, de la construction de logements moyens à prix régulés par la Régie foncière communale rue de la Pêcherie. Un projet écologique que j’ai initié et dont l’actuelle échevine PS du Logement peut célébrer aujourd’hui la concrétisation !
J’ai beaucoup d’estime pour la rapidité avec laquelle l’échevin Marc Cools a réussi à mener à bien en 2006 l’élaboration du Plan communal de mobilité et le réaménagement de la place Danco. Il avait peut-être moins de contraintes que moi, mais aussi plus d’expérience !
Etonnement aussi de réaliser le temps que les élus sont dans l’obligation de consacrer à des cérémonies où ils font souvent un simple rôle de figuration ! Et celui qui doit être passé à essayer de résoudre des problèmes de relations interpersonnelles…
« Le temps, c’est de l’argent » dit un adage bien connu en Occident.
En politique, le temps ne se compte pas en argent :
mais en exigences citoyennes et en échéances électorales !
« Il y a urgence » avais-je souvent coutume de dire aux fonctionnaires.
Jusqu’au jour où l’un d’eux m’a répondu, non sans humour,
que si tout est « urgent » plus rien ne sera considéré comme tel !
Prendre son temps
Il faudrait pourtant pouvoir « prendre le temps » (comme le chante Axelle Red).
Prendre le temps d’investiguer, de dialoguer, de concerter.
Prendre le temps de ne pas trancher trop vite.
Accepter d’attendre sans s’impatienter.
Le plus difficile est peut-être de faire comprendre aux citoyens que ce n’est pas parce que le changement n’est pas encore apparent qu’il ne se passe rien !
Au cœur de cette vie trépidante, la halte des vacances d’été était plus que bienvenue : elle m’était nécessaire pour déconnecter et reprendre force. Chaque année, depuis 20 ans, je remonte vers le même paysage valaisan à hauteur des alpages. Un paysage imprégné de la musique des vaches à la robe marron du val d’Hérens et du chant sans fin des torrents ; où fleurit le bleu des gentianes et sent bon le mélèze.
Sentiment que le temps s’est arrêté, face à cet horizon disséqué
qui semble immuable dans son harmonie de roc et de glace.
Emotion au contact retrouvé d’un temps cyclique d’une nature
que l’homme a apprivoisée, avec la sagesse d’en respecter les équilibres.
Impression d’un profond ressourcement dans une contemplation paisible
qui redécouvre la saveur de l’instant présent.
Moments privilégiés où l’on voudrait que le temps se suspende.
Liberté du temps retrouvé.
Pour rêver, pour écouter, pour créer, pour découvrir et pour aimer.
Perceptions culturelles du temps
« Les Européens ont la montre mais les Africains ont le temps »
nous chante un artiste du Burkina Faso.
Chacun a eu la possibilité d’éprouver, dans son vécu personnel, la subjectivité de la perception du temps. Moins connues sont les différences culturelles en matière de relation au temps. Or elles sont importantes ; et, au même titre que celle des perceptions de l’espace, elles peuvent être source de malentendus.
Notre culture est marquée par la « monochronie ». Nous avons des agendas avec un horaire précis à respecter et où il n’est prévu qu’une seule chose à la fois. Nous faisons des plans, programmons nos activités et avons le souci de l’exactitude. Nos vies professionnelle et privée sont bien distinctes.
De nombreuses autres cultures sont « polychrones », par exemple celles des peuples arabes. Chacun est rendu capable de plusieurs activités simultanées et n’a pas besoin d’être seul pour se concentrer. Les relations interpersonnelles priment sur le programme, avec de fréquentes interruptions. Les rendez-vous ne sont pas contraignants.
Le problème n’est pas tellement dans l’existence de la différence culturelle. Mais bien dans le fait que des individus de cultures différentes n’ont pas conscience qu’ils n’ont pas la même perception du temps, croyant celle-ci universelle parce que « naturelle ». Il en va de même pour les perceptions culturelles de l’espace.
Dans la diversité culturelle croissante de notre société urbaine,
il est bon de s’en souvenir !
Diverses échelles de temps
Comment conjuguer les importances toutes relatives de nos préoccupations personnelles et politiques quotidiennes avec l’insondable réalité évolutive dans laquelle elles s’inscrivent ?
Il y a le temps cyclique du retour des saisons.
Il y a le temps d’une vie, infiniment précieux, mais combien relativement éphémère.
Il y a le temps de l’Histoire, scandé par une succession de siècles avec ses « événements rupture ».
Il y a le temps de la Terre, marqué par les étapes géologiques de l’évolution
des continents et des mers et des formes de vie d’une complexité croissante.
Il y a le temps de l’Univers, dont se dévoilent peu à peu les mystères,
avec ses astres innombrables entraînés dans un gigantesque mouvement d’horlogerie.
Tenter d’intégrer ces temps différents donne le vertige.
Une impression du même ordre que celle qui peut nous étreindre
dans la contemplation d’un ciel étoilé par une belle nuit d’été.
Nous ne pouvons qu’essayer, humblement, d’assumer nos responsabilités à la place et au moment où nous nous trouvons, au cœur d’un référentiel spatio-temporel qui nous dépasse.
Passé, présent, avenir
L’étude du passé est riche d’enseignements. L’histoire permet de comprendre « comment on en est arrivé là » ; et l’entretien de la mémoire collective aide à ne pas recommencer les mêmes erreurs.
Mais le plus important n’est-il pas le présent, qui nous permet de décider de l’avenir ?
En économie comme en politique seul l’avenir à court terme est habituellement pris en compte ; pour des raisons de « rentabilité », financière ou électorale !
Construire l’avenir de l’humanité impose
l’intégration du long terme dans la décision politique.
« Le temps est le semeur fécondant le réel d’aujourd’hui
pour lui faire produire le réel imprévisible de demain »
(Albert Jacquard)