Médias et politiques attachent une grande importance aux sondages.

Les premiers parce que les sondages font vendre.

Les seconds parce qu’ils s’y raccrochent obstinément.


Un sondage politique est un instantané photographique des intentions de vote exprimées à un moment donné et dans une situation donnée. Il ne faut jamais oublier qu’ils n’expriment qu’une situation virtuelle bien différente de la réalité de celle du citoyen dans l’isoloir !

Une double question se pose fondamentalement
à propos de cette pratique de plus en plus fréquente :

Celle de la fiabilité des sondages

  • La fiabilité dépend d’abord de la qualité de l’échantillon.

    On cherche à interroger un nombre réduit de personnes représentatives de l’ensemble de la société et l’on construit cet échantillon par la « méthode dite des quotas ».

    Les enquêteurs reçoivent l’instruction de trouver des individus répondant à un profil caractérisé (du point de vue du sexe, de l’âge, de la profession, du lieu de domicile…) de manière à ce que l’importance relative de ces divers critères soit la même dans l’échantillon que dans la société sondée. Face aux nombreux refus de réponse leur tâche est loin d’être facile. Certaines catégories d’électeurs sont inévitablement sous représentées (plus particulièrement les populations culturellement défavorisées).

    La marge d’erreur est calculable en fonction du degré de qualité de ce modèle réduit de la population qu’est l’échantillon : les résultats s’inscrivent donc dans une « fourchette » qui peut être assez large (jusqu’à dépasser +/- 5%). Contrairement à ce que l’on croit souvent ce n’est pas la taille de l’échantillon qui est déterminante mais bien sa composition.
  • La fiabilité dépend également de la façon de poser les questions.

    Il a été démontré que la formulation des questions, et leur ordre, pouvait avoir une grande influence sur les résultats. Joue aussi la manière de les poser (en face à face ou par téléphone). Et bien sûr le sérieux des enquêteurs et du contrôle auquel ils sont soumis !
  • N’oublions pas non plus que ce sont parfois les données brutes des sondages qui sont publiées.

    Celles-ci ne tiennent pas compte du pourcentage d’indécis, souvent fort important. De nombreux instituts de sondage corrigent leurs chiffres en tentant d’extrapoler ce que sera le comportement futur de ceux qui se sont déclarés « sans opinion ».

Lorsque le sondage est réalisé par un institut universitaire indépendant on peut toutefois espérer que la méthodologie a été correctement respectée. Il s’avère cependant qu’il faut rester prudent, car les sondages ne sont valablement prédictifs qu’en fin de campagne électorale.

Avec encore des surprises possibles : les sondages avaient largement sous-estimé, par exemple en juin 2007, l’ampleur du déclin du SPA et celle de la poussée d’Ecolo. En 2009, par contre, le déclin du PS a été surestimé.

Celle de l’impact potentiel de la publication des résultats des sondages électoraux sur le vote

C’est un impact probablement surestimé : les recherches scientifiques concluent aujourd’hui que les effets directs sur les électeurs sont moins importants qu’on ne le pensait jadis. C’est surtout sur ceux qui hésitent que leur influence peut être grande. Ce qui justifie l’interdiction légale de publier des résultats de sondages à la veille des élections.

Ce qui est en tout cas certain c’est que les politiques, par contre, y sont très réactifs ! Et comme le dit Vincent de Coorebyter, « l’effet des sondages est, d’abord, l’effet des stratégies des partis à la lumière des sondages ».

Le problème de la communication médiatique des résultats des sondages

  • Les représentations graphiques (dont la presse écrite fait aujourd’hui un usage systématique) manque souvent de rigueur.

    Sur un graphique avec les dates en abscisse, la pente de la courbe donne une perception immédiate de l’évolution dans le temps des résultats ; ce qui est beaucoup plus intéressant que le score d’un moment.

    Or, dans la plupart des cas, cette perception est biaisée par le fait que l’échelle du temps n’est pas respectée : les résultats des élections et des sondages successifs sont régulièrement espacés sur l’axe du temps, quel que soit l’écart entre leurs dates ! L’importance d’une variation entre deux sondages espacés de quelques semaines apparaît démesurément grossie par rapport à celle entre des résultats distants de plusieurs années. Il ne s’agit pas ici de manipulation délibérée mais d’un fâcheux manque de rigueur scientifique.
  • Par ailleurs, la présentation des résultats se limite généralement à quelques données chiffrées globales par région, sans préciser les corrélations intéressantes qui pourraient être dégagées avec le statut socio-économique et l’âge des personnes interviewées.
  • La formulation exacte des questions est trop rarement précisée. Or le libellé des questions a beaucoup d’importance !
  • Enfin, je suis toujours amusée de lire des considérations savantes sur le gain ou la perte de quelques dixièmes de pourcent lorsque la marge d’erreur annoncée est de plusieurs pourcents !

Les sondages commandités par les partis politiques eux-mêmes

Il s’agit d’une tendance récente qui relève beaucoup plus du marketing stratégique que de la science politique. Elle contribue à construire la réalité sociale en prétendant la cerner statistiquement !

Besoin de se rassurer ?

Conviction qu’un précédent sondage défavorable va décourager les électeurs ?

Foi en la « scientificité » des données chiffrées ?

Quelles qu’en soient les raisons, il me semble que ce sont des dépenses

qui seraient plus utiles à d’autres fins.

« Trop de sondages tue le sondage »

« L’image publique de la science est atteinte par cette parodie qui consiste à croire

que les hommes font ce qu’ils disent et disent ce qu’ils font »

Alain Garrigou (politologue français)

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