Bhopal, 1984. Un drame exemplaire. Qui s’en souvient ?

L’usine indienne de la multinationale américaine Union Carbide fabrique des pesticides. Une nuit, un gaz hautement toxique (le MIC) s’échappe d’un réservoir. Les systèmes de sécurité sont défaillants ou en réparation : les frais de fonctionnement et de personnel ont été réduits depuis 1982. Le nombre de victimes se chiffre par centaines de milliers. De nombreux décès et beaucoup de malades, certains s’avèrent incurables. Un accord entre Union Carbide et le gouvernement indien pour un dédommagement des victimes en échange de non poursuites pénales (pour ne pas effrayer les futurs autres investisseurs !). Une indemnité dérisoire (une vie dans le Tiers Monde ne vaut pas le centième d’une vie en pays industrialisé !). Aucun suivi des malades. Une usine rouillée sur un site non décontaminé.

Bhopal, 2004. Une seconde génération de victimes !
Les enfants des victimes de la catastrophe. Mais aussi, les victimes de l’eau contaminée par les métaux lourds qui ont empoisonné le sol pendant les années de l’activité quotidienne de l’usine. Le lancement d’une campagne internationale pour la justice à Bhopal. Enfin…

Bhopal 2009. Un triste vingt cinquième anniversaire !

Une estimation officielle du nombre de victimes par le Gouvernement indien très inférieure à celle dénoncée par Amnesty International. Une proportion faible de demandes d’indemnisation (25% seulement)… et un site toujours pas dépollué.

Un exemple parmi d’autres. Qui allie quatre aspects du problème de la pollution. Le plus spectaculaire : l’événement catastrophique (dont l’image classique du goéland aux ailes engluées de pétrole est devenue le symbole) ; le plus insidieux : les processus polluants invisibles au quotidien ; le plus injuste : l’impuissance des victimes les plus défavorisées ; et le moins contesté : l’usage de produits toxiques à des fins agricoles.

Un thème dont l’évocation rend pessimiste

Dépôts de déchets clandestins, eaux usées non épurées, sols pollués, pollutions des rivières, océans poubelles, atmosphère polluée, toxicité de nombreux produits chimiques qui se retrouvent dans notre sang, pollution de l’habitat, pollutions sonores, rayonnements radioactifs, pollutions électromagnétiques, inquiétudes face à l’usage croissant des « nanoparticules » …

La diversité des pollutions est sans fin. On peut les classer en pollutions chimiques biologiques, physiques, ou visuelles. Il en est des visibles mais la plupart ne se voient pas, ce qui les rend plus pernicieuses encore.

Il s’agit toujours de nuisances provoquées par des activités humaines (productions agricoles et industrielles, productions et consommations d’énergie, accumulation et incinération de déchets …) dont l’impact sur l’homme est direct ou induit par des dégradations de l’environnement naturel (sols, eaux, atmosphère, biosphère).

La prise de conscience est aujourd’hui faite que les conséquences de ces nuisances sont graves : elles affectent la santé des hommes, dégradent la biodiversité et compromettent pour demain les équilibres écologiques planétaires. Prise de conscience également que la pollution ne connaît pas de frontières !

Les moyens de protection mis en œuvre sont-ils suffisamment efficaces ?

Non, dans bien des cas. Des mesures d’urgence sont prises en période de crise comme celles de la vache folle, de la dioxine ou des échouages de pétroliers. On cherche à réparer les dégâts plutôt qu’à les prévenir. On pollue et puis on essaye de dépolluer ; et le coût de la dépollution et des soins de santé est comptabilisé positivement dans le PIB comme facteur de croissance !

Par ailleurs, les coûts collectifs des nuisances cachées (externes au processus de production) ne sont pas suffisamment pris en compte dans la fixation des prix et des impositions fiscales.

Les meilleurs exemples : la mobilité sur route et dans les airs, l’électricité nucléaire.

Il est manifeste que les Etats se montrent impuissants à enrayer les comportements irresponsables de certains grands groupes industriels, le plus souvent motivés par des impératifs financiers à court terme.

L’exemple récent des produits phytosanitaires est révélateur à cet égard.

La volonté européenne d’une « agriculture propre » (dont plusieurs expériences démontrent la possibilité) s’est heurtée à la pression des milieux industriels concernés qui, ne pouvant plus continuer à nier les risques sanitaires (cancers, perturbations hormonales, perte de fertilité, altération du développement des foetus…), soutiennent que les pesticides demeurent un « mal nécessaire » et s’insurgent contre des mesures restrictives trop drastiques. _ Le vote du parlement européen qui en est résulté est un compromis réglementant la mise sur le marché de ces produits chimiques agricoles et les conditions de leur usage… sans pour autant obliger les producteurs à opérer la reconversion qui s’imposerait.

Particulièrement concernée par la question en tant que pays grand consommateur de pesticides et herbicides (fruits et légumes belges sont parmi les plus contaminés d’Europe !), la Belgique visait une réduction de 50% pour l’an 2010 ; un objectif qui a le mérite d’être chiffré mais dont il est permis de douter qu’il sera atteint. Particuliers et pouvoirs communaux doivent participer à l’effort car ils font un usage inconsidéré d’herbicides !


C’est un problème que je n’ai envisagé de soulever au Collège que trop tardivement pour que des mesures soient prises sous la précédente législature. Le parlement bruxellois a pourtant adopté en 2004 une ordonnance proposée par Ecolo interdisant l’usage des « pesticides » dans les lieux publics (le terme devant être compris dans son double sens de « produits destinés à protéger les végétaux contre les organismes nuisibles et de produits visant à détruire les végétaux indésirables »).

D’une manière plus générale, il y a un manque flagrant d’information sur le caractère toxique de ces produits et l’habitude est fréquente d’une utilisation de doses excessives. La publicité et les conditions de vente devraient être réglementées.

Pollution chimique et maladies : quelques exemples marquants

Une préoccupation commune à beaucoup de citoyens.

Un problème à dimension environnementale et sociale

(les personnes socialement défavorisées sont les plus touchées

parce que moins à même de se protéger et de se soigner).

  • L’industrie chimique a multiplié les substances de synthèse nouvelles entrant dans la composition d’objets d’usage quotidien (vêtements, jouets, équipements électroniques, produits de beauté, peintures, détergents …) dont certaines se sont avérées toxiques et bioaccumulatives dans les organismes vivants.

    La directive européenne Reach vise à imposer à l’industrie chimique l’obligation de démontrer au préalable la non toxicité des substances commercialisées ; il faudrait aller plus loin : contraindre les industries à remplacer systématiquement les substances reconnues comme dangereuses par des alternatives plus sûres, quand elles existent ce qui est souvent le cas (notamment pour les pesticides !).
  • L’exploitation de certaines ressources minières (par exemple celle du minerai d’aluminium et de l’or) entraîne de graves pollutions des eaux de surface et souterraines.

    L’exploitation des mines d’or de Roumanie a provoqué une pollution majeure du Danube par du cyanure (fréquemment utilisé dés qu’il s’agit d’extraire de la roche des parcelles d’or minuscules). Une autre technologie courante pour séparer l’or du minerai utilise le mercure. Celui-ci s’accumule dans l’environnement et se concentre à mesure qu’il remonte la chaîne alimentaire ; or on sait (depuis la contamination japonaise de la baie de Minamata par les usines d’engrais) qu’il provoque à terme des atteintes cérébrales et des modifications génétiques.
  • En matière de pollution de l’air, les problèmes sont multiples : affections respiratoires dues aux fines poussières et à l’accumulation de dioxyde d’azote et d’ozone en basse altitude ; réchauffement climatique induit par une augmentation des gaz à effet de serre; contrôle nécessaire du trou dans la couche d’ozone stratosphérique qui protège la vie des rayons solaires ultra-violets.

    Les concentrations d’ozone, d’oxydes d’azote et de soufre et de fines particules sont mesurées en permanence en région bruxelloise. Une des 10 stations de mesure se trouve sur le site de l’Observatoire d’Uccle. Les valeurs enregistrées contribuent au calcul d’un indice de la qualité de l’air disponible chaque jour sur le site internet de l’IBGE (Institut Bruxellois de Gestion de l’Environnement). En cas de pics de pollution (liés à des conditions météorologiques qui entravent la dispersion des polluants), des mesures sont prises visant à réduire densité et vitesse du trafic automobile.

    Les rues étroites bordées d’immeubles élevés connaissent, à trafic automobile égal, des niveaux de pollution plus élevés qu’une large avenue plantée d’arbres avec des ouvertures non bâties.
  • Des études récentes en région bruxelloise ont mis en évidence un taux de pollution intérieure des habitations très supérieur à celui de l’air extérieur !

    Or aucune norme n’existe actuellement en ce qui concerne la qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments. Une des causes est un effet pervers de l’isolation des logements : une bonne ventilation est indispensable !

Allergies, affections pulmonaires, cancers, maladies cardio-vasculaires, stérilité masculine… les spécialistes admettent aujourd’hui qu’une part importante de ces maladies est d’origine chimique et que les remèdes sont plus difficiles à trouver que pour les maladies naturelles. Une meilleure gestion de l’Environnement pourrait donc contribuer à une réduction substantielle du coût des soins de santé.

Des raisons d’espérer : quelques faits significatifs

  • Un grand nombre de dangers sont à présent identifiés de manière indiscutable. C’est notamment le cas de l’amiante utilisée comme isolant dans les constructions anciennes sous diverses formes.

    La Commune a fait faire un constat pour tous les bâtiments communaux par un bureau d’étude spécialisé. Des travaux systématiques de désamiantage sont en cours depuis plusieurs années là où cela s’avère nécessaire ; ils seront terminés vers 2010. Ils font chaque fois l’objet de la délivrance d’un permis d’environnement imposant des conditions de sécurité très exigeantes.
  • Un inventaire des sols pollués est entrepris en région bruxelloise ; et d’ores et déjà, les sols des jardins potagers ont été analysés et la décontamination des sites d’anciennes stations d’essence imposée.

    7.000 sites sont actuellement identifiés comme potentiellement pollués ; Uccle ne fait heureusement pas partie des communes les plus touchées.
  • Le nouveau concept du « principe de précaution » fait l’objet d’une réflexion approfondie à l’échelle de l’Europe.

    Il est désormais reconnu que son application devrait s’imposer dans toute situation d’incertitude quant aux effets de l’exposition à une forme de pollution. C’est aujourd’hui le cas, par exemple, pour les pollutions électromagnétiques (GSM, téléphones DECT, WIFI, lignes à hautes tension…). Reste la délicate question des modalités d’une transformation de ce principe en normes de droit.
  • Le jugement rendu en France à l’encontre de la compagnie pétrolière Total (suite à la pollution côtière due au naufrage de l’Erica) est historique. Pour la première fois, a été reconnu par une autorité judiciaire le concept de « préjudice écologique » ; un arrêt qui fera jurisprudence.

Mais ne l’oublions pas :

les plus insidieuses des pollutions sont celles qui ne se voient pas !

Share This