« Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge »

(Serment prêté par tout mandataire public)

L’application de la loi de la même manière pour tous

est un des premiers garants de la démocratie.


Le respect de la loi

En début de mandat, tout élu s’engage publiquement à respecter les « lois du peuple belge ». Tout mandataire public se doit de connaître la loi, de la respecter lui-même et de la faire appliquer en considérant que tous les citoyens sont égaux devant la loi. Pour un élu, l’infraction à la loi est donc un acte particulièrement grave.

Mis à l’épreuve de leur application aux réalités concrètes, il peut cependant s’avérer que les textes législatifs soient sujets à interprétation parce qu’ils présentent des lacunes ou des ambiguïtés de forme. Dans ma fonction d’échevine de l’Urbanisme, j’ai rencontré des cas où le doute était possible quant à la manière dont il fallait interpréter certains textes légaux. Parfois aussi, l’application formaliste d’une règle légale aboutissait à en trahir l’esprit !

Un exemple récent : l’impossibilité d’accorder une dérogation motivée aux demandes de permis localisées sur le territoire d’un PPAS parce qu’il est antérieur à 1962 (une interdiction qui résulte d’une lacune dans le texte nouveau du Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire). Je ne sais si la demande de rectification que la Commune d’Uccle a introduite auprès du Gouvernement régional a été aujourd’hui enfin prise en compte.

La question se pose de savoir ce qu’il faut faire en cas de désaccord avec la règle que l’on est chargé de faire appliquer.

Enfreindre la loi ? Non. Même si la « désobéissance civile » est un acte courageux que j’approuve dans le chef d’un simple citoyen, c’est hors de question pour un mandataire public. Espérer qu’elle soit modifiée ? Oui mais cela prend toujours du temps. On peut toutefois le réclamer au représentant du pouvoir concerné. L’appliquer tout en exprimant son désaccord ? Il me semble que c’est la seule solution acceptable du point de vue de l’éthique. Mais sans négliger la prise en compte dûment motivée de cas particuliers légitimant une dérogation.

Le pouvoir judiciaire n’est pas le seul concerné par le contrôle du respect de la loi. Il appartient en effet au pouvoir exécutif de verbaliser les infractions (via des policiers ou des fonctionnaires assermentés).

Dans le cas d’un pouvoir communal, fermer les yeux sur certaines infractions connues est difficilement admissible ; et ne verbaliser que s’il y a plainte n’est pas suffisant. Les administrations publiques ont un devoir de contrôle … qu’elles assument de manière inégale ; notamment par manque de personnel, mais parfois aussi en raison du laxisme de certains fonctionnaires !

Le respect de la loi en matière d’Environnement pose un problème particulièrement crucial en raison de l’importance des enjeux pour l’avenir. Il est loin d’être assuré.

Ainsi, par exemple, l’arrêté royal en vigueur depuis 1992 qui impose l’indication en grands caractères du dégagement de CO2 dans les publicités pour les véhicules neufs n’est pas respecté… sans que le secteur automobile ne soit inquiété par le pouvoir judiciaire !

La connaissance de la loi

Peu de gens connaissent le contenu de la loi communale (qui a été récemment amendée en région bruxelloise dans un objectif d’amélioration de la démocratie). Elle régit pourtant tout le fonctionnement de l’exercice du pouvoir local, depuis les modes de scrutin et de gouvernance communaux jusqu’aux relations avec le pouvoir régional de tutelle, en passant par tout ce qui concerne le personnel de l’administration et les exigences de gestion patrimoniale et financière.

Son respect n’a pas posé de problème pendant la législature que j’ai vécue en tant qu’échevine. Tout le mérite en revient à la compétence de notre secrétaire communale, à laquelle je souhaite rendre ici hommage pour la manière efficace et discrète dont elle assume les lourdes responsabilités qui lui sont dévolues par la loi communale : c’est elle qui prépare les ordres du jour des Collèges et des Conseils communaux ; il lui appartient aussi de diriger et coordonner les service de l’administration.

Les domaines de l’Urbanisme et de l’Environnement sont régis par un cadre juridique mal connu lui aussi, parce que particulièrement complexe et difficile à vulgariser. Dans ces domaines il est vain d’espérer que le simple citoyen connaisse l’ensemble des règles à respecter. Bon nombre d’infractions sont commises dans l’ignorance faute d’une démarche d’information auprès du service public concerné.

Dans le domaine de l’urbanisme certains travaux de minime importance ou changements d’utilisation d’un bien sont dispensés de l’exigence d’une demande de permis. Encore faut-il savoir lesquels ! C’est pourquoi le premier message à diffuser est : « Informez-vous toujours auprès du service de l’Urbanisme avant d’envisager des actes et travaux relatifs à un bien immobilier ».

Il n’en va pas de même pour les architectes et les entrepreneurs. Ces professionnels sont censés, eux, connaître la loi ; et leurs clients leur font confiance à cet égard !

Trop souvent à tort. Combien de vérandas n’ont pas été construites, combien de nouveaux châssis n’ont pas été placés par des entrepreneurs peu scrupuleux ayant affirmé à leur client qu’un permis n’était pas nécessaire pour ce type de travaux… Ce qui n’est pas toujours vrai, loin s’en faut.

Chacun sait que, dans la réalité, tous les citoyens ne sont pas égaux dans l’exploitation de la loi pour la défense de leurs intérêts !

J’ai constaté que les riverains qui participent aux enquêtes publiques dans une commune comme Uccle, se montrent de plus en plus compétents en matière juridique. Soit parce qu’ils ont acquis une formation suffisante, soit parce qu’ils ont les moyens de s’offrir les services d’un avocat spécialisé. La connaissance du droit est certes une bonne chose, mais le juridisme peut en être un effet pervers !

L’impact culturel de la loi

Certains soulignent que l’idée d’une réforme des mentalités par la loi est une illusion. Il faut reconnaître que c’est souvent à juste titre :

 L’interdiction du port du voile dans nos écoles contribue-t-elle à une amélioration du statut de la femme en milieu musulman ? Le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas certain… le conflit de valeurs est ici particulièrement délicat pour ceux qui ont la responsabilité d’en décider.

 Il faut malheureusement reconnaître l’impuissance de la loi belge anti-racisme à changer les comportements discriminatoires en matière d’emploi et de logement comme à juguler la montée de l’extrême droite alimentée par des préjugés xénophobes.

Je pense cependant que le grand intérêt de l’officialisation légale d’un droit est que l’on peut dénoncer les manquements à ce droit. Légiférer est un premier pas ; on peut espérer qu’il enclenche un effet d’entraînement conduisant à terme à l’évolution culturelle recherchée. Quelques exemples :

 L’ouverture des sens unique aux cyclistes à Uccle, dès 2004, a contribué à une meilleure reconnaissance de la place du vélo dans l’espace public et à l’apaisement progressif de l’inquiétude qui justifiait l’opposition a priori de nombreux élus et habitants à la mise en place d’une telle mesure de circulation.

 L’imposition d’un tri sélectif des déchets en Région bruxelloise a été déterminante dans la prise de conscience, aujourd’hui généralisée, d’une responsabilité citoyenne en matière de pollution et de recyclage.

 L’existence d’une Convention internationale des handicapés fait référence pour la concrétisation d’un meilleur respect de leurs droits dans les collectivités locales.

 L’octroi d’un congé parental rémunéré à l’un des deux parents au choix est une mesure qui peut inciter les pères à s’impliquer davantage dans l’éducation de leurs enfants ; un jour notre société sera peut-être mûre pour passer à l’obligation légale d’un congé parental obligatoirement partagé tel qu’il se pratique en Suède !

Il y a une relation dialectique entre le travail législatif et l’évolution des mentalités : le vote d’une nouvelle loi favorise des prises de conscience collectives qui débouchent, à plus long terme, sur un besoin de légiférer à nouveau dans un sens plus progressiste. Car si l’existence de règles est une nécessité, il est tout autant nécessaire que leur contenu puisse évoluer au fil du temps.

La loi est ce qui nous humanise et permet la défense des plus faibles.

Elle est le fondement du contrat social qui permet la vie collective.

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