Je ne sais pas pourquoi l’ancienne capitale du Japon, cette magnifique « ville musée »,

a été choisie comme lieu de la première conférence internationale sur le changement climatique.

C’était en 1997, dans la foulée de la convention signée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992.


Un protocole contraignant

L’engagement pris à Kyoto porte sur une réduction de 5% des émissions de GES pour 2012 par rapport au total des émissions mondiales estimées en 1990. Il a fallu 8 ans pour que ce traité entre en vigueur (et il n’a pas été ratifié par les Etats-Unis).

Il devait être ratifié par 55 pays au moins dont suffisamment de pays « développés » pour que leurs émissions représentent 55% du total qu’ils émettent.

Le respect des engagements de Kyoto passe par les entreprises industrielles et agricoles. Plus précisément par la capacité des entreprises d’innover dans des technologies plus propres. Mais aussi par une réduction générale de la consommation de combustibles fossiles dans les secteurs du bâtiment et des transports (deux secteurs polluants dont le potentiel de réduction est considérable).

L’émission de gaz à effet de serre du transport aérien n’a pas été incluse dans le protocole. Un choix politique regrettable, dans la foulée de celui plus ancien de ne pas taxer le carburant des avions !

De tous les pays européens nous sommes celui qui a la plus grande émission de GES/hab.

La Belgique, pour sa part, s’est engagée à atteindre une diminution de 7,5% en 2012 par rapport à ses émissions de 1990. Elle est malheureusement aujourd’hui très, très loin d’être en mesure d’atteindre cet objectif !

Des droits d’émission qui peuvent s’échanger

Un « droit de polluer » est accordé aux différents acteurs nationaux : chacun a reçu l’autorisation d’émettre dans l’atmosphère une certaine quantité de gaz par an. Le gouvernement répartit gratuitement des permis entre les pollueurs (sur la base d’audits énergétiques) ; chaque permis autorise l’émission d’un quota équivalent à une tonne de CO2.

En 2005, 59 millions de permis ont été alloués au secteur privé, répartis entre plus de 300 entreprises ; 12.000 étaient concernées à l’échelle européenne. Ils ne concernent encore que les secteurs les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (raffineries, énergie, sidérurgie, ciment, verre, papier…).

Le protocole prévoit la possibilité de recourir à des mécanismes compliqués (dits « de flexibilité ») basés sur la notion d’échange de quota d’émission. Les quotas attribués sont en effet transférables et négociables. Il existe deux marchés de CO2 : au niveau international, entre 30 états industrialisés ; et un marché au niveau européen qui permet l’échange des permis d’émission entre entreprises.

Les permis peuvent désormais se vendre et s’acheter à un prix fluctuant en fonction de l’offre et de la demande. Si une entreprise qui a investi dans des technologies propres émet moins de gaz qu’autorisé elle peut revendre l’excédent à une autre entreprise qui, elle, pollue trop.

Il faut savoir que les dépassements sont lourdement pénalisés (40€/ tonne équivalent CO2). Chaque entreprise va donc comparer le prix du permis qu’elle peut acheter avec le coût d’une réduction d’une tonne de ses émissions. Elle sera tentée de renoncer à des investissements si l’achat de permis supplémentaires lui coûte moins cher. Le nombre total de permis alloués par l’autorité publique n’ayant pas changé, la fluctuation du prix du permis n’influence pas le montant total de la pollution. Par contre, cette fluctuation crée un climat d’incertitude préjudiciable aux choix d’investissements des entreprises à qui est demandé un effort de dépollution.

Ainsi, par exemple, la décision prise en automne 2007 par le groupe sidérurgique Arcelor-Mittal de maintenir en activité la ligne à chaud du bassin liégeois confrontait l’entreprise à cette imposition de quota.

En un premier temps, elle a soutenu que l’achat de permis d’émission sur le marché était incompatible avec ses exigences de rentabilité et a demandé l’octroi d’un quota plus élevé par le Gouvernement wallon. Une solution de compromis a finalement été trouvée début 2008 avec les contributions conjointes de la région wallonne, du gouvernement fédéral et du groupe Arcelor-Mittal lui-même.

C’est un exemple type d’un douloureux conflit de valeurs : emploi contre environnement.

Par ailleurs, des investissements faits par un pays visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre en dehors de son territoire lui permettent de bénéficier de crédits d’émission supplémentaires et donc de faire moins d’effort pour réduire ses propres émissions. Un « droit de polluer » supplémentaire, dans un esprit de compensation dont le principe est pour le moins discutable !

Cette possibilité a inspiré à Kroll un dessin d’un humour caustique très pertinent paru récemment dans le journal Le Soir, évoquant la possibilité d’investissements belges au Congo.

Kyoto solution miracle ?

Personne n’a jamais prétendu que le Protocole de Kyoto allait résoudre à lui seul le problème du réchauffement climatique. Il est considéré par les scientifiques comme un premier pas.

Un tout petit premier pas si l’on considère qu’une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre serait nécessaire pour seulement stabiliser leur concentration future dans l’atmosphère !

Mais, d’un point de vue politique, Kyoto a marqué une rupture positive dans la prise de conscience comme dans l’action ; une rupture nécessaire et qui va dans la bonne direction. Pour la première fois, la communauté internationale a reconnu l’urgence de traiter la question.

Il semble réaliste de pouvoir envisager le scénario moyen d’une augmentation de température moyenne prévisible de l’ordre de 2° d’ici 2050. Il est donc d’ores et déjà plus que temps d’envisager les moyens d’une protection contre les conséquences multiples d’une telle élévation de température.

En commençant par celle des populations les plus vulnérables des pays du sud ; notamment les états insulaires menacés d’inondation.

Après Kyoto, Copenhague

Le protocole de Kyoto expire en 2012. Sera-t-il reconduit ?

Les pays « émergents » accepteront-ils d’y adhérer ?

Fin 2007, le sommet de Bali a marqué le lancement officiel des négociations sur les objectifs « post Kyoto ». La Chine, l’Inde et les Etats-Unis ont accepté d’entrer dans l’accord international. Les modalités de fonctionnement d’un « fonds d’adaptation aux changements climatiques » ont été décidées ; le principe d’un instrument pour enrayer la déforestation a été entériné.

Copenhague sera l’étape suivante (fin 2009) avec la lourde responsabilité de trouver un large accord sur les engagements de l’après Kyoto.

Il faudra négocier les objectifs chiffrés imposés à chaque pays, les modalités d’octroi et d’échange des droits d’émission (pour limiter les effets pervers du système), les secteurs couverts par ceux-ci, la possibilité d’une régulation internationale sous l’égide de l’ONU…

Il sera essentiel d’impliquer tous les Etats dans les futurs accords ; à commencer par les européens. Les pays du « Sud » ne manquent pas, en effet, de rappeler aux pays industrialisés la responsabilité historique de leur modèle de développement ! Ils les appellent donc à réduire « en premier » leur pollution sur leur propre territoire (d’autant plus légitimement que cette « réduction à domicile » impulsera de nouveaux modes de production et de consommation) ; mais aussi, au nom de la solidarité internationale, à honorer leur dette environnementale par une aide financière permettant aux pays en développement de réduire leurs émissions et de s’adapter autant que faire se peut aux conséquences du réchauffement climatique.

Le débat devrait aboutir à une augmentation du prix de la tonne de CO2 émise,
un choix politique dissuasif en application du principe du « pollueur payeur ».

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