Les rayonnements électromagnétiques sont devenus aujourd’hui un thème d’actualité

particulièrement sensible en raison de leur impact potentiel sur la santé.

Il ne sera question ici que de la problématique des ondes de téléphonie mobile.


Un rappel historique utile (en référence à mon expérience politique)

Les mobilisations riveraines contre les antennes GSM étaient déjà fréquentes dans les années 90. Elles témoignaient d’une grande inquiétude, généralement fondée sur une information partielle et mal maîtrisée. Une inquiétude réelle mais qui n’était pas une preuve de l’existence objective d’un risque.

J’étais alors conseillère communale dans l’opposition. L’étude de la question m’avait permis de dégager des conclusions, certes nuancées, mais qui me semblaient légitimer la référence au « principe de précaution ».

Dans les séances publiques des commissions de concertation (aux côtés des citoyens) et dans l’enceinte du Conseil communal, j’ai donc milité activement contre la prolifération non contrôlée des antennes de téléphonie mobile sur notre commune. Sans grand succès, Marc Cools, l’échevin en charge de l’Environnement, se contentant de faire référence à la position de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en la matière.

Devenue échevine en 2001, en charge de l’instruction des demandes de permis d’urbanisme pour ces antennes, je n’avais pas changé d’opinion. Mais j’ai rapidement réalisé ma relative impuissance face au cadre législatif suivant :

  • Les communes ne sont pas le niveau de pouvoir qui délivre les permis pour les antennes.

    Cette compétence est régionale et toutes les demandes de permis sont introduites avec l’aval technique de l’IBPT (Institut Belge des Postes et Télécommunications). Ce dernier garantit le respect de la norme adoptée par le gouvernement fédéral en décembre 2000 (très inférieure à celle de l’OMS mais relativement élevée par rapport à celles d’autres pays). Mais il ne s’agit que d’une valeur à l’émission, calculée pour l’antenne dont il est question : aucune étude sur le terrain n’est effectuée qui permette de juger de la puissance reçue dans l’environnement proche compte tenu de la situation des bâtiments par rapport à l’antenne et de la présence d’autres émetteurs voisins !
  • Refuser un permis n’était possible qu’en raison de motivations strictement urbanistiques (relatives à l’affectation de la zone, à l’esthétique ou au danger mécanique des installations prévues).
  • Quant à l’imposition d’un permis « d’environnement », elle n’était pas prévue par la loi.

    Le Collège arc-en-ciel à dominance libérale n’aurait pas souscrit à l’idée d’une imposition de ce type. De toute manière, je ne disposais pas du personnel qualifié pour apprécier le niveau de risque encouru dans l’hypothèse de l’instauration d’une réglementation communale plus exigeante.

    Faute de mieux, j’ai tenté de vérifier si toutes les antennes en place étaient titulaires d’un permis (des infractions sont apparues !) et fait réaliser une carte informatisée (donc actualisable) à la disposition des citoyens intéressés.

    Il n’est pas sans intérêt de souligner que l’acceptation du placement d’une antenne rapporte au propriétaire du bâtiment concerné une redevance annuelle substantielle offerte par l’opérateur de téléphonie mobile !

    En fin de législature une nouvelle vague de demandes de permis est apparue pour une troisième génération d’antennes (les UMTS plus petites mais plus puissantes), nécessaires à la transformation des téléphones mobiles en véritables mini-ordinateurs multimédias.

    Parfois sur de nouveaux sites ; mais le plus souvent sur les sites d’antenne préexistants (dont la puissance émise s’en trouve donc considérablement accrue).

    Par ailleurs, début 2007, aboutissait (enfin !) au niveau régional, l’effort tenace de la parlementaire Ecolo Dominique Braeckman pour une prise en compte du choix des sites d’implantation d’antennes en référence à des exigences de santé publique : la Région bruxelloise adoptait par ordonnance une norme beaucoup plus exigeante que la norme fédérale (3V/m au lieu de 20,6 pour une fréquence référence de 900 MHz).

    La norme de 3V/M était recommandée depuis des années par le « Conseil fédéral de santé et d’hygiène », lequel avait fait, dès 2004, la déclaration suivante :

    « A ce jour, on ne peut exclure avec certitude un risque sanitaire de nature grave et irréversible en rapport avec l’exposition aux micro-ondes liée à l’usage intensif de la téléphonie mobile ».

    Par l’emploi des termes « graves et irréversibles »

    la référence au « principe de précaution » est ici explicite.

Ce seuil de 3V/m reste encore plus élevé que la puissance de la plupart des antennes GSM considérées individuellement. Mais l’ordonnance a sagement prévu qu’il s’agit d’une norme « d’immission » (c’est-à-dire de puissance reçue) limitant la puissance maximale perçue dans l’environnement du site de l’antenne. Ce qui conduira probablement à une plus grande dispersion dans l’espace d’antennes émettrices d’une plus faible intensité.

La mise en application de cette ordonnance bruxelloise a dû être postposée suite aux recours en annulation introduits par les opérateurs GSM auprès de la Cour Constitutionnelle.

En attendant, la Ministre régionale de l’Urbanisme a refusé d’appliquer la norme de 3V/m pour les nouvelles demandes de permis (en prenant le risque d’une multiplication des recours citoyens le jour où l’ordonnance entrera en vigueur). Mais un cadastre des antennes et de leurs émissions est en cours d’élaboration par l’IBPT (qui se déclare débordé !).

Les requérants ayant été éconduits, la norme de 3V/m est désormais en vigueur depuis mars 2009. Reste à prendre les arrêtés d’application.

Il est manifeste que le sujet a pris dans l’actualité des dernières années une importance croissante. Avec un élargissement de l’inquiétude quant à l’impact de l’ensemble des ondes électromagnétiques.

 La presse s’est fait de plus en plus largement écho de nouvelles études scientifiques relatives à l’effet sur la santé de la téléphonie mobile. Avec des conseils de prudence judicieux quant l’usage de l’appareil.

 Par ailleurs, un groupe de réflexion citoyen (le Grappe) a déposé un recours devant le tribunal de première instance de Bruxelles contre l’Etat belge, qui vise à faire annuler la norme fédérale.

 Et le groupe Ecolo du parlement wallon élabore une proposition de décret relatif à l’ensemble des radiations électromagnétiques non ionisantes (téléphonie mobile, wifi, lignes électriques, radar…).

Quelques données scientifiques relatives aux ondes de téléphonie mobile

Dans un climat d’incertitude générateur d’inquiétude,

Efforçons-nous d’aborder le sujet le plus objectivement possible.

Les faits suivants sont aujourd’hui largement admis :

 Il s’agit d’un rayonnement électromagnétique de faible intensité mais de haute fréquence (« micro-ondes ») et qui n’est pas ionisant (au contraire de la radioactivité).

 Son intensité décroît proportionnellement au carré de la distance ; mais le calcul de la puissance par unité de surface et de temps est impossible dans le « champ proche » de l’antenne (quelques dizaines de mètres).

 Des effets thermiques (élévation de température des cellules vivantes à court terme) sont reconnus par tous les scientifiques et aisément mesurables ; les seuls qui ont d’abord été pris en compte pour la fixation des normes !

 Il faut distinguer la puissance émise par l’antenne (avec « norme d’émission ») et la puissance reçue par les individus (avec « norme d’immission »).

D’autres font encore l’objet de débats :

 Des effets biochimiques (difficiles à mettre en évidence et variables selon les individus) se manifestent sous forme de symptômes divers : fatigue, difficultés de concentration, migraines, perturbations du sommeil, irritabilité, réduction des défenses immunitaires … on parle de plus en plus aujourd’hui d’effets cancérigènes et génétiques possibles à long terme.

 La fragilité des enfants et des personnes âgées est plus grande face à ce type d’exposition prolongée.

 Il existe des personnes « hyper électro-sensibles » qui souffrent de manière plus consciente de la proximité d’une antenne (dont le mal est peu reconnu et très difficile à soigner).

Il faut savoir que l’OMS se contente d’une norme de puissance de rayonnement à respecter, fort élevée et qui ne prend en compte que l’impact thermique des ondes électromagnétiques.

Elle a lancé (en 2001) une étude dans 13 pays européens relative à l’utilisation d’un téléphone portable, dont la synthèse n’a toujours pas été publiée. Cette étude est fondée sur une enquête, menée auprès de plusieurs milliers de personnes atteintes d’une tumeur au cerveau,

Il est également important de savoir que la position de l’OMS sur cette question est de plus en plus ouvertement contestée par les milieux scientifiques.

L’ancien responsable du projet international pour l’étude des champs électromagnétiques, lancée en 1996, semble avoir systématiquement évacué ou minimisé les études qui s’écartaient des positions défendues par les milieux industriels concernés.

Des études de synthèse récentes éclairent en effet d’un jour nouveau le débat sur les risques pour la santé : elles aboutissent à la conclusion, convergente, d’une différence manifeste entre les résultats des études indépendantes et ceux des études financées par l’industrie de la téléphonie mobile ; ces dernières sous-estimant largement les effets non thermiques du rayonnement !

Faut-il s’en étonner quand on sait l’importance des enjeux financiers concernés et qu’on se rappelle la façon dont l’industrie du tabac a réussi, pendant très longtemps, à masquer les effets du tabagisme passif.

Un spécialiste de la question (le professeur belge André Vander Vorst) estime qu’il faudra attendre 2015 pour qu’un recul suffisant permette de juger de l’impact global sur la santé de la téléphonie mobile (antennes et appareils compris).

Un avis à méditer.

Une révolution technologique et un puissant lobby économique

La téléphonie portable est une innovation qui a profondément bouleversé nos habitudes de communication. Elle s’est diffusée à l’échelle du monde entier avec un succès sans précédent.

Le nombre d’appareils GSM en Belgique est presque égal à celui des habitants. Ils font partie de la vie des ados au quotidien ; la fascination est telle que certains éprouvent le besoin d’entretenir le contact même s’ils n’ont rien à se dire. Dans la vie professionnelle plus personne n’envisage de se passer de la téléphonie portable. Et les jeunes ménages qui ne disposent plus d’appareils fixes se multiplient (en même temps que la publicité les y incite).

Le fait de refuser l’implantation d’une antenne près de chez eux n’empêche pas les habitants de continuer à se servir abondamment de leur GSM. Je me souviens d’une dame contestatrice particulièrement exaltée en commission de concertation, dont le discours a été interrompu par la sonnerie de son appareil portable… elle était à peine confuse !

C’est la saturation progressive du marché qui a conduit les opérateurs concurrents à multiplier les possibilités nouvelles de la communication mobile. La publicité ne cesse de susciter de nouveaux besoins, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas vitaux !

La dernière innovation combine les fonctions d’un téléphone, d’un appareil de photo, d’un ordinateur avec accès à internet et d’un MP3 (on parle même d’un GPS) ; le tout sous un volume étonnamment réduit. Ces petites merveilles de la technologie sont d’autant plus séduisantes qu’elles sont vendues à un prix relativement abordable.

Cette évolution implique inévitablement un usage plus prolongé de l’appareil et le développement nécessaire d’un réseau d’antennes plus puissant, avec les risques pour la santé qui en découlent (aussi problématique sur le plan individuel que coûteux pour la société) et le problème insoluble d’une répartition équitable de ce risque pour les habitants.

Ne pourrait-on envisager une taxation sous forme d’accises pour réduire, autant que faire ce peut, cette consommation compulsive aux implications néfastes en terme de santé publique ?

Le risque d’une exposition aux antennes est malheureusement un risque subi. Celui lié à l’usage des appareils portables relève davantage de la responsabilité personnelle.

On ne rappellera jamais assez les conseils de prudence à cet égard : conversations courtes, pas de communication en mouvement, utilisation d’une oreillette, éviter le port de l’appareil en éveil près des organes génitaux, l’éloigner de son lit…Et, surtout, limiter autant que possible son utilisation par les enfants (qui sont particulièrement sensibles à l’impact des rayonnements électromagnétiques) !

La responsabilité du politique

Le monde politique ne pourra plus continuer longtemps de pratiquer la « politique de l’autruche » face à un risque collectif à long terme qui fait de plus en plus penser au drame de l’amiante. Une action s’impose au nom du principe de précaution, car il n’est plus acceptable aujourd’hui de défendre l’hypothèse d’une absence de risque soutenue par les opérateurs de téléphonie mobile.

Le magazine « Imagine » de fin 2006 nous apprend d’ailleurs que, depuis 2002, « plus un seul assureur n’accepte de couvrir les opérateurs et les fabricants de portables en responsabilité civile » !

Le maintien d’une législation fort différente entre les régions belges est difficilement acceptable. Il est permis d’espérer un alignement des trois Régions sur le texte bruxellois (y compris l’imposition d’un permis d’environnement pour chaque antenne) et l’évolution à terme vers la norme de 0,6 V/m considérée comme beaucoup plus sûre en terme de santé publique. Le fonctionnement des réseaux GSM demeurerait possible moyennant quelques adaptations techniques.

Un exemple de décision politique facile à prendre pour les zones urbanisées : un règlement d’urbanisme obligeant les opérateurs de téléphonie mobile à placer leurs antennes relais à un niveau plus élevé (20 à 30m au moins au dessus des habitations les plus proches). Cette solution technique permettrait en effet d’émettre à des puissances beaucoup plus faibles et de partager le rayonnement émis de façon plus équitable entre les habitants. Un tel plan d’antennes est par exemple déjà mis en application dans la ville de Salzbourg en Autriche.

Reste que le problème se pose de savoir jusqu’où pourra aller le législateur

dans sa volonté de contrôle, au nom d’un intérêt collectif de santé publique,

d’une industrie florissante productrice d’un bien de consommation

dont plus personne n’envisage de se passer !

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