« Chaque Belge consomme en moyenne trois Terres » (Le Soir du 9 janvier 2006)
En réalité, ce que veut dire un tel titre, c’est que si tous les êtres humains vivaient comme le citoyen belge moyen, la surface de trois planètes Terre serait nécessaire pour répondre à leurs besoins.
Contrairement à l’expression « développement durable » dont le sens est souvent mal perçu, celle d’ «empreinte écologique » qui y est étroitement liée a été abondamment vulgarisée par les médias.
Nombreux sont ceux qui ont calculé leur empreinte écologique via les données chiffrées proposées par Le Soir et le WWF (plus de 100.000); un calcul mis à la portée de tout un chacun, comme d’un groupe scolaire ou d’une entité communale.
De quoi s’agit-il exactement ?
L’empreinte écologique d’un homme est la surface globale nécessaire (dans le cadre des technologies actuelles) pour répondre à ses besoins, c’est-à-dire produire les matières premières et l’énergie qu’il consomme et absorber les déchets qu’il rejette… sans pour autant entamer le capital des ressources terrestres pour l’avenir.
Comme la densité de population, il s’agit d’un rapport entre nombre d’habitants et surface. Mais ici le rapport est inversé : on ne se demande pas quelle densification maxima (P/S) un territoire est capable de supporter, mais qu’elle est la superficie nécessaire pour assurer la consommation d’un individu d’une collectivité donnée (S/hab).
Cet indicateur de l’impact des activités humaines sur l’environnement a été introduit en 1994 par deux chercheurs canadiens William Rees et Mathis Wackernagel.
Les calculs basés sur les statistiques officielles par Etat donnent les ordres de grandeur suivants :
7 ha pour un Belge moyen ;
10 à 12 ha pour le citoyen des USA ;
et moins d’1ha pour un Africain ou un Indien !
La notion de « dette environnementale »
En multipliant l’empreinte écologique moyenne par le nombre d’habitants sur terre, on obtient donc la surface totale nécessaire pour satisfaire les besoins de l’humanité.
Or, il s’avère que nous avons d’ores et déjà dépassé la capacité planétaire de régénérer les ressources exploitées : la différence entre la consommation et la production de ressources naturelles s’est accrue d’années en années depuis la fin des années 80. Il faut désormais plus d’un an pour produire et régénérer ce qui est consommé en une année.
Les hommes demandent donc à la terre plus qu’elle ne peut offrir. L’humanité ne vit plus seulement des intérêts, elle a entamé son capital ; elle s’est endettée ! Et l’on voit mal comment il sera possible de rembourser compte tenu des stocks menacés d’épuisement définitif comme les énergies fossiles ou certains aspects de la biodiversité.
Les responsables de cette dette sont tous les Etats dont les populations vivent au dessus de leurs moyens parce qu’elles ont besoin d’une surface beaucoup plus importante que la part relative de l’importance de leur population dans le monde.
Le rapport surface/habitant de leur empreinte écologique est supérieur à 1. La Belgique en fait évidemment partie, avec une dette écologique qui ne cesse d’augmenter.
Manifestement, la charge que représente la civilisation occidentale sur l’écosystème planétaire est beaucoup trop forte. Il est par conséquent exclu d’envisager un « développement » des pays les plus pauvres calqué sur le modèle de celui qu’ont connu les pays devenus riches. Et une réduction de l’empreinte écologique des nantis est le corollaire nécessaire d’une augmentation du niveau de vie des moins favorisés. Un tel discours n’est évidemment pas populaire. Il ne faut pas s’étonner si bien peu de responsables politiques osent le tenir clairement !
Plusieurs manières de réduire son empreinte écologique sont pourtant possibles, sans nuire à notre bien-être ; à commencer par les économies d’énergie et la fin des gaspillages de biens matériels inhérent à notre « société de consommation ».
Les citoyens belges s’engagent volontiers à faire des efforts en ce sens. Les enquêtes révèlent que l’usage de l’automobile demeure cependant la pierre d’achoppement principale !
L’empreinte écologique comme indicateur de développement durable
Il ne s’agit que d’un indicateur parmi d’autres possibles ; mais c’est probablement le plus parlant pour les citoyens. Parce qu’il a l’avantage d’être très concret, il incite à des prises de conscience et des changements de comportement individuel.
Le bureau du « Plan fédéral de développement durable » en conteste cependant la valeur. En raison des critères qui ont été retenus et de ceux non encore pris en compte ; et aussi d’un mode de calcul encore imparfait (notamment dans le domaine de l’énergie).
Il est vrai que cet indicateur ne reflète qu’un des trois aspects du développement durable : l’environnemental. Mais, dans ce domaine, c’est un indicateur synthétique qui, faute de mieux, sera d’autant plus intéressant qu’il fera l’objet de mesures régulières permettant de suivre son évolution au cours du temps.
A quand l’évaluation des politiques de chaque département
ministériel (ou échevinal) à l’aune de son empreinte écologique ?