Je pourrais esquiver le commentaire de cette expression en disant au lecteur

qu’il suffit de lire les autres textes pour comprendre, à partir du concret, la philosophie

de ce courant de pensée dans lequel se sont inscrites ma réflexion et mon action politiques.

La formulation de quelques éléments de synthèse m’a cependant paru utile.


De l’écologie à l’écologie politique

Marées noires bretonnes du Torrey Canyon (1967) et de l’Amoco-Cadiz (1978)

Nuage de dioxine sur Seveso dans la banlieue de Milan (1976)

Contamination radioactive par la centrale nucléaire de Three Mile Island aux USA (1979)

Premier rapport du Club de Rome « Halte à la croissance » (1972)

C’est dans les années 70 que les préoccupations écologiques nées d’une prise de conscience de la dégradation de l’environnement naturel par les activités humaines donnèrent naissance en Europe à un courant politique structuré. Un courant qui, des « mouvements » contestataires dont il était constitué au départ, acceptera non sans hésitation de devenir « parti politique » (donc d’assumer la responsabilité de l’exercice du pouvoir).

Les partis Ecolo et Agalev (futur Groen) ont leurs premiers élus au parlement fédéral belge en1981. Une grande première à l’échelle européenne ; et une arrivée très remarquée à vélo !

D’emblée, l’écologie politique va se présenter comme une alternative résolument moderne aux trois familles traditionnelles qui dominent le champ politique belge depuis plus d’un siècle : le libéralisme, le socialisme et la démocratie chrétienne.

L’écologie politique en tant qu’idéologie
L’écologie politique défend un usage responsable des sciences et des technologies, qui respecte les équilibres naturels et soit conscient des limites à ne pas franchir.

Parce qu’elle est un cadre de pensée cohérent, justificatif d’une action collective mobilisatrice, on peut dire que l’écologie politique est une idéologie. Dans la mesure où elle se fonde sur une pensée scientifique pluridisciplinaire (l’écologie), elle évite cependant les dérives d’une idéologie trompeuse et manipulatrice parce que non en prise avec la réalité.

L’idéologie n’est d’ailleurs pas toujours où l’on croit.
Rappelons-nous « l’Appel d’Heidelberg ». La conférence de Rio vient de se clôturer. Un très grand nombre de personnalités célèbres « membres de la communauté scientifique et intellectuelle » s’inquiètent publiquement « d’assister, à l’aube du 21ème siècle, à l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social ».

A cet appel ont heureusement répondu d’autres personnalités, tout aussi membres de la communauté scientifique que les premières, qui, souscrivant à l’idée que « les plus grands maux qui menacent notre planète sont l’ignorance et l’oppression » ont tenu à ajouter ceci : « S’y ajoutent une science mal connue, une technologie mal maîtrisée et une industrie orientée principalement vers des résultats à court terme et non soucieuse de l’équilibre naturel et culturel des populations ». Et ils terminent par cette déclaration : « Nous regrettons que l’on fasse très rarement appel aux spécialistes des sciences de la nature lorsqu’il s’agit de prendre des décisions capitales sur l’avenir de l’Environnement et de l’Humanité, et qu’une minorité de scientifiques, toujours les mêmes, croyant détenir tout le savoir, s’arrogent tout le pouvoir ».

On était en 1992. Le mythe du Progrès technique était encore l’idéologie dominante au cœur des cultures occidentales. Le monde industriel ne s’était pas encore remis en question en matière de protection de l’Environnement. Les choses ont bien changé en 15 ans…

Pourtant certains « scientifiques » persistent aujourd’hui à nier, par exemple, l’origine humaine du réchauffement climatique actuel ou le danger à long terme de l’impact des ondes de GSM sur l’organisme humain ; à la solde de quels intérêts ?

« Les questions que soulève l’impératif écologique sont complexes, multiformes et interdépendantes. Les réponses nécessiteront des transitions peut-être difficiles.

Elles impliquent un choix prioritaire qui mobilise à la fois l’action de l’Etat, celle du monde économique et la responsabilité de chacun. »

(Nicolas Hulot)

L’écologie politique en tant que projet de société
L’écologie politique se fonde sur une image mentale de ce qui « devrait être »

élaboré à la lumière « d’une représentation lucide de ce qui est ».

La spécificité qu’elle va progressivement affirmer n’est pas seulement la défense de la nature dans un monde fini dont les ressources sont limitées et qu’il nous faut transmettre aux générations futures dans le meilleur état possible.

C’est aussi la préoccupation sociale d’un partage des ressources et l’expérience d’une démocratie plus participative avec l’exigence éthique de faire de la politique autrement. C’est enfin la promotion de toutes les activités qui conduisent l’individu à l’autonomie en dehors de la logique économique du marché privé et des contraintes étatiques.

« Autonomie, solidarité et responsabilité sont les trois valeurs qui fondent notre engagement écologiste »

(Alain Lipietz)

« Aux évolutions imposées par les intérêts particuliers, elle veut substituer le progrès choisi collectivement. »

(Benoit Lechat)

L’écologie politique n’est donc pas le simple ajout d’une préoccupation environnementaliste au libéralisme ou au socialisme, mais bien une remise en question radicale du paradigme qui a fondé le développement de la société industrielle moderne ; sans pour autant rejeter l’économie de marché, ni la nécessité d’un Etat pour la réguler.

C’est une pensée systémique complexe, un nouveau regard d’une modernité critique, qui conjugue l’économique et l’environnemental en articulation avec le social (et s’inscrit donc dans la voie d’un développement durable bien compris).

« Il ne s’agit pas d’une écologie de droite qui limiterait

l’accès à une vie de qualité aux plus riches et aux plus forts,

mais d’une écologie de gauche, qui combat les inégalités,

leur reproduction comme leur renforcement »

(Benoît Lechat)

Une pensée difficile à vulgariser. Qui conduit à une action collective, profondément novatrice et remet en question les habitudes de consommation et les privilèges des plus favorisés. Il n’est donc pas étonnant qu’elle soit, encore aujourd’hui, rarement perçue pour ce qu’elle est !

Réussir la « transition écologique » prônée en 2006 par Jean-Michel Javeau

ne sera pas chose aisée. Mais c’est possible et urgent.

Plus on attendra plus cela coûtera de remédier aux problèmes

et plus le fossé se creusera entre les privilégiés et les plus pauvres

(avec les tensions que cela implique à l’échelle locale et mondiale).

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