Le respect de la différence en politique

Uccle est une commune traditionnellement « libérale ».

Mais s’y expriment fermement, au fil des législatures,

les voix minoritaires des tendances sociale-chrétienne, socialiste et Ecolo

(que ce soit dans la participation à des majorités de coalition ou dans l’opposition).


Dans nos démocraties pluralistes la diversité des opinions politiques peut s’exprimer de multiples façons (à l’occasion des campagnes électorales, par le vote et via les consultations citoyennes, par l’appartenance à un parti politique, au sein des enceintes législatives et des majorités au pouvoir, à travers la presse engagée…).

C’est une bonne chose. Pour autant, cependant, que soient respectés dans les faits les droits de chacune des tendances à développer son point de vue. Y compris la libre expression des idées d’extrême droite ? Je ne le pense pas. Car il me paraît paradoxal d’accorder, au nom de la démocratie, des droits à ceux dont l’objectif est précisément la destruction de la démocratie !

Le droit à la différence

« Refuser le racisme, c’est accepter que l’autre soit différent ».

(slogan du « mouvement du 22 mars » contre le racisme)

Il est vrai que les régimes totalitaires fondent leurs « racismes » (au sens large du terme) sur une volonté politique d’uniformisation de la pensée et des comportements des êtres humains.

Il est vrai aussi que les difficultés d’intégration sociale des personnes handicapées sont fondamentalement causées par notre difficulté d’accepter que « l’autre » soit différent.

La déclaration des droits de l’homme s’oppose fondamentalement à cet idéal d’homogénéité de l’humanité par la reconnaissance de principe d’une égalité qui n’est pas fondée sur l’identité.

Car ce que les êtres humains ont en commun c’est justement, par delà la ressemblance qui fonde leur égalité en dignité, d’être différents les uns des autres ; chacun est unique.

Dans ce contexte, les discriminations positives, c’est-à-dire des différences de droits, consacrent le droit à la différence quand elles s’efforcent de compenser des inégalités de fait.

« Traiter égalitairement des personnes en position inégalitaire
est une forme particulièrement perverse du refus de l’égalité »

(Henri Goldman)

La richesse de la différence

« La diversité est une façon de parer au possible.

Elle fonctionne comme une sorte d’assurance sur l’avenir ».

(François Jacob)

La différence est plus qu’un droit qu’il faut tenter de faire respecter à tous les niveaux de la vie en société. Efforçons-nous, bien qu’elle fasse souvent peur, de ne pas l’appréhender, a priori, comme une source de problèmes. Les différences sont une richesse. On a tendance à l’oublier. Pourtant cela se vérifie tant sur le plan naturel que culturel.

  • La richesse de la biodiversité

    Les mécanismes génétiques de la reproduction sexuée conduisent à la diversité des individus. Cette extraordinaire diversité des êtres vivants – différences entre espèces et différences à l’intérieur d’une espèce – explique l’évolution biologique et la grande faculté d’adaptation de la vie animale et végétale aux modifications de l’environnement. Lorsque les conditions deviennent sévères, la biodiversité s’avère une assurance de résilience. La différence est donc une nécessité pour la perpétuation de la vie.
  • La richesse de la diversité culturelle

    Dans le cas de l’homme, la diversité naturelle est renforcée par une diversité culturelle.

    Au sens anthropologique du terme, rappelons qu’une culture constitue un système cohérent, qui appréhende le monde à sa manière et façonne les modes de penser et de faire des individus. Mais ce système n’est pas figé : les cultures sont vivantes, capables d’évoluer au fil du temps, le plus souvent au contact des autres cultures. On parle alors d’acculturation.

    Les apports de chaque culture sont une contribution à la créativité de l’humanité. Vouloir les hiérarchiser est une démarche illusoire. Elles sont différentes, pas de valeur inégale.

La diversité des cultures est un patrimoine de l’humanité à respecter et à préserver. Mais, comme celui de la biodiversité, ce patrimoine culturel est aujourd’hui menacé par le fait de la dominance technologique et politique de la civilisation occidentale (au point que pour qualifier des cas extrêmes on a dû inventer un mot, celui d’ « ethnocide »).

Dans le débat idéologique qui oppose les défenseurs du relativisme culturel aux militants de l’universalisme des droits de l’homme, il me parait indispensable d’éviter les prises de position trop tranchées, génératrices d’incompréhension et d’exclusion.

La question du port du foulard dans les écoles est un exemple d’actualité très révélateur de cette exigence. Remarquons qu’elle ne se pose pas dans une commune comme Uccle, où par la présence d’une minorité islamique est vécue sans problème.

Celle des mutilations génitales féminines me semble autrement grave. Je pense que le combat pour faire évoluer les traditions des sociétés d’Afrique noire et du monde arabe à cet égard est légitime et nécessaire… mais il n’aboutira que par une évolution endogène, non par une injonction de la pensée occidentale.


Dans la réalité quotidienne d’une vie urbaine de plus en plus multiculturelle comme celle de Bruxelles, il faut toutefois reconnaître que la cohabitation est souvent source de malentendus et de xénophobie. Le choix des politiques à mener pour contrer les replis identitaires et compenser les inégalités sociales de fait en matière d’éducation, de travail et de logement est loin d’être facile.

C’est au niveau local que peuvent le plus aisément se créer des occasions de rencontres, de dialogue et de « faire ensemble » favorables à une meilleure compréhension mutuelle. Le travail de l’échevine Ecolo Tamimount Essaïdi à Schaerbeek me parait un modèle à cet égard.

Le devoir de différence ?
Dans la foulée d’un hymne à la différence, prenons cependant garde au piège du glissement pervers d’un droit à la différence à un devoir de différence imposé par l’ordre social au nom d’une différence de nature.

Je pense ici plus particulièrement à la différentiation des rôles masculins et féminins au sein de l’espèce humaine. La différence biologique des sexes ne doit pas prédestiner l’enfermement des hommes et des femmes dans des rôles sociaux différents bien définis.

Le chapitre sexisme développe cette problématique qui, quoique en pensent certains, est bien toujours d’actualité.

« Chacun a droit au destin dont il se sent porteur

et pas uniquement à celui dont son sexe le crédite ou que son sexe lui impose »

Benoîte Groulte

Share This