En tant échevine de l’Urbanisme ce terme m’évoque d’abord, bien sûr,

la « commission de concertation ».

Je me limiterai ici à commenter cet aspect du mot.


La commission de concertation en urbanisme est un lieu d’audition et de dialogue. Elle permet la rencontre des trois types d’acteurs qui participent à l’évolution et la gestion de la ville : les agents économiques du marché, la société civile et les responsables publics y sont mis en présence. A ce titre, elle peut être considérée comme offrant des occasions privilégiées de participation citoyenne.

Une institution relativement récente

Des commissions de concertation ont été créées, dans chacune des 19 communes bruxelloises, à la fin des années 70. Elles s’inscrivent dans le cadre de la procédure démocratique des enquêtes publiques relatives aux demandes de permis d’urbanisme et d’environnement.

Les membres d’une commission de concertation représentent d’une part le pouvoir communal et, d’autre part, le pouvoir de tutelle via les représentants de 4 administrations régionales :

 l’Administration de l’Aménagement du Territoire et du Logement Urbanisme (AATL-Urbanisme)

 l’Administration de l’Aménagement du Territoire et du Logement (AATL- Monuments et Sites)

 l’Institut Bruxellois de Gestion de l’Environnement (IBGE ou « Bruxelles-Environnement »)

 la Société de Développement Régional Bruxellois (SDRB)
La réunion se déroule en deux temps : une séance publique où chacun peut être entendu puis un débat à huis clos. Après confrontation des différents points de vue, la commission rend un avis qui n’est que consultatif. Cet avis préjuge cependant souvent de la décision finale qui sera prise par le pouvoir exécutif concerné (communal ou régional).

La fréquence et la durée des séances de la commission de concertation varient d’une commune à l’autre. Elles sont fonction du nombre de demandes de permis soumis à enquête publique. Mais également du temps consacré à chacun des dossiers présentés.

Durant les 6 années de mon mandat, j’ai présidé plus de 150 réunions de la commission (au rythme d’au moins une tous les 15 jours, à l’exception de la période des vacances d’été). Avec un nombre de dossiers à traiter variable à chaque séance (qui pouvait aller jusqu’à plus de 20). Je tenais à ce que soit prévu un horaire pas trop serré pour accorder un temps suffisant au débat ; et j’attachais beaucoup d’importance à la disposition des acteurs dans l’espace pour favoriser le dialogue.

La séance publique

A Uccle, la présidence des commissions de concertation est toujours assumée par l’échevin de l’urbanisme. Cela représentait une part importante de mon travail d’échevin. Bien qu’elle ne fût pas facile, j’aimais particulièrement cette tâche.

Quelques exemples de difficultés concrètes rencontrées parmi beaucoup d’autres possibles :

 Pas facile de faire face (dans la salle du Centre culturel réservée pour la circonstance) à la foule venue contester les deux projets de lotissement privés du plateau Engeland !

 Difficile de convaincre la voisine d’un projet d’extension de maison que nous l’avons bien écoutée et qu’il est inutile qu’elle martèle, pour la troisième fois, son discours indigné relatif à un arbre abattu ;
ou le riverain convaincu d’une perte future de son ensoleillement … côté nord.

 Nécessité, parfois, d’intervenir avec fermeté pour faire remarquer que la démocratie ce n’est pas « la loi du plus fort en gueule » ; ou pour enrayer les dérapages dans le ton des interlocuteurs.

 Rectification indispensable lorsque le demandeur (ou son architecte) insinue que le service communal lui aurait « donné son accord » avant même la mise du projet à l’enquête publique !

 Obligation de faire comprendre, avec tact, à l’architecte dont le dossier présente des lacunes et des contradictions qu’il va devoir revoir sa copie.

 Nécessité de débattre de l’interprétation qu’il faut donner à certaines des prescriptions du PRAS qui paraissent entachées d’ambiguïté.

 Difficile d’aider le demandeur d’une régularisation financièrement aux abois après s’être embarqué dans une transformation sans vérifier sa conformité avec les règles en vigueur ; ou d’apaiser l’inquiétude irrationnelle d’une dame âgée qui a mal compris la teneur du projet.

 Pas facile non plus d’instruire successivement une vingtaine de dossiers (et parfois davantage) avec la même rigueur et la même qualité d’écoute au cours d’une journée parfois bien longue.

J’aimais ce travail parce qu’il me permettait, en tant que présidente, d’assurer la concrétisation de valeurs démocratiques qui me sont chères :

  • droit des citoyens à une information claire et transparente ;
  • possibilité pour chacun (demandeur, riverain ou association, membre de la commission) de s’exprimer avec l’assurance de pouvoir être entendu de tous ;
  • mise en pratique du principe d’une délégation à des porte-parole reconnus comme étant représentatifs de leur quartier ;
  • référence à la loi dans le respect des droits légitimes de chacun ;
  • recherche de l’objectivité par la multiplication des points de vue différents.

Les moyens utilisés pour y parvenir : un ordre du jour pas trop chargé (réfléchi en fonction du caractère des dossiers), un bon accueil du public avec un aménagement de l’espace propice au dialogue, un travail de préparation des dossiers difficiles, une écoute attentive, un style de présidence alliant souplesse et fermeté.

Je voudrais évoquer ici, pour leur côté particulièrement exemplaire,

deux souvenirs particuliers de séances publiques :

Dans le quartier du Moensberg :
Une demande régionale de construction de logements sociaux
sur un terrain appartenant au CPAS d’Uccle, attenant à la halte du chemin de fer.

Une acceptation par les riverains du principe d’une implantation de logements sociaux dans leur quartier. Une analyse approfondie du projet par le comité de quartier en référence au PPAS en vigueur. Une démonstration rigoureuse, faite en commission, de la mauvaise adéquation du projet à ce PPAS. La présentation de l’esquisse d’un projet alternatif possible, moins lourd et plus ouvert.

Dans l’avenue Floréal :

Une demande privée d’extension d’une séniorie au détriment d’un site fragile
de grande qualité au cœur d’un quartier résidentiel.

Une très forte mobilisation riveraine spontanée, efficacement encadrée par une personne capable d’une analyse critique objective du projet et d’une orchestration très structurée de l’argumentation présentée en équipe. Un dialogue dans une ambiance permettant aux points de vue contradictoires de s’exprimer, sans agressivité, malgré la grande inquiétude riveraine.

Une telle correction dans la participation citoyenne à la séance publique est toujours le fruit d’un travail collectif mené sous l’égide d’une ou de quelques personnalités compétentes qui ont su gagner la confiance des riverains en payant de leur personne.

Après la séance publique, le débat à huis clos

J’aimais aussi cette deuxième phase qui mettait en valeur la complémentarité des fonctionnaires membres de la commission : fonctionnaires communaux, avec leur solide connaissance du terrain et du passé communal ; quatre fonctionnaires régionaux, aptes à prendre plus de recul, et qui analysent chacun le projet avec les yeux de leur spécificité (les points de vue urbanistique, patrimonial, environnemental et celui du développement économique régional). Elle se déroulait le plus souvent dans un climat de dialogue constructif, avec pour base de réflexion le texte martyr d’un premier avis communal préalablement rédigé par l’administration.

Le débat était parfois difficile. Il n’était pas toujours possible d’aboutir à un consensus. L’avis rendu par la commission était alors diversifié (avec des nuances entre administrations portant le plus souvent sur les conditions à imposer).

A moins que des éléments nouveaux ne soient apparus lors de la séance publique (ce qui était assez fréquent), je tentais de rallier le plus grand nombre des quatre administrations régionales au projet d’avis communal. Tout en restant bien sûr ouverte à la pertinence de leur contre argumentation.

Il en résultait la rédaction de l’avis officiel de la commission. Un avis qui pouvait être est « favorable », « favorable sous conditions » ou « défavorable ». Cette conclusion devant toujours être motivée en référence aux règles urbanistiques et à l’intérêt général (d’où la rédaction souvent fort longue de ce qu’on appelle dans le jargon juridique des « considérants »).

Le projet d’avis préparé par les architectes du service communal en sortait souvent plus ou moins remanié. S’il y avait des modifications de fond, l’avis devait alors repasser ensuite devant le Collège, auquel je devais présenter les raisons des changements. Les avis de la commission de concertation sont en effet des avis consultatifs. Ils ne deviennent décisions qu’après l’aval du ou des pouvoirs exécutifs concernés (Collège communal et/ou tutelle régionale).

Commission de concertation, « participation piège à cons » ?

Je ne voudrais pas clôturer ce chapitre sans une allusion à la perception négative que certains citoyens ont de l’institution de la commission de concertation en urbanisme.

Elle est parfois accusée d’être de la « pseudo démocratie » parce que le point de vue des riverains n’est pas pris en compte à la mesure de leur espérance. Et ce, paradoxalement, d’autant plus que les opposants ont eu le sentiment d’être écoutés lors de la séance publique !

C’est oublier que les critiques et demandes des riverains ne déterminent pas l’avis rendu par la commission ! Ses membres doivent tenir compte également de beaucoup d’autres éléments : respect des nombreuses règles en vigueur, souci d’un bon aménagement des lieux, motivations des demandes de dérogation par le demandeur.

Il peut d’ailleurs arriver que l’avis rendu soit très exigeant, voire défavorable, alors qu’aucun citoyen n’avait contesté le projet !

Un cas très inhabituel mérite ici d’être évoqué :
Une demande de permis pour un immeuble à appartements, chaussée de Waterloo, projeté en lieu et place d’un ancien chancre.

Forte mobilisation des habitants du quartier qui se déplacent nombreux pour soutenir le projet (heureux d’être débarrassés des nuisances du chancre).

Une fois n’est pas coutume !

La commission rend un avis favorable assorti de conditions exigeantes, avalisé par le Collège.

La demande doit être modifiée et l’instruction s’en trouve considérablement retardée.

Grande est la déception des riverains, qui concluent, trop hâtivement, qu’ils ne remettront plus jamais les pieds à une commission de concertation (et me le signifient par écrit).

L’immeuble est aujourd’hui presque terminé.

Je ne peux que supposer que les riverains sont satisfaits ;

car rares sont les habitants contents qui prennent la peine de vous le faire savoir !

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