Voilà un mot dont l’emploi connaît de nos jours une véritable explosion médiatique !
« Trop longtemps, le changement climatique a été perçu comme un problème du futur et du domaine exclusif de quelques ministères ou institutions. Cela doit changer ! »
(Kofi Annan)
Le tournant de l’année 2006/2007 restera dans les annales de l’Occident comme un seuil en matière de prise de conscience des problèmes d’environnement à l’échelle planétaire.
La dernière campagne fédérale belge a été marquée par une surenchère de tous les partis dans l’affirmation d’une volonté de relever « le défi du réchauffement climatique ». Les candidats français à la présidence ont été obligés, sous la pression de Nicolas Hulot, d’adhérer à un « pacte écologique ». Même Bush s’est senti tenu de nuancer son discours ! Et, dans la foulée, le Collège ucclois s’est engagé dans un « agenda 21 local »…
Une prise de conscience de plus en plus généralisée
Difficile de comprendre les raisons de ce sursaut collectif précisément à ce moment- là de notre histoire. La contagion culturelle a des voies mystérieuses que les sciences humaines expliquent encore mal.
La perception que chacun a pu vivre des phénomènes météorologiques récents tels que canicules et inondations y a certes contribué. La large diffusion du film choc d’Al Gore (« Une vérité qui dérange ») semble avoir eu un impact sans précédent sur les responsables politiques. La large audience faite dans la presse aux dernières conclusions des travaux du GIEG est probablement un autre facteur d’explication.
N’oublions pas cependant que, depuis des dizaines d’années déjà, et sans que cela suscite beaucoup d’échos dans les médias, l’alarme était donnée. Par de nombreux scientifiques ; et aussi par les « partis verts » européens (essuyant les sarcasmes de certains de leurs adversaires politiques). Ils avaient le tort d’avoir raison trop tôt !
Faut-il pour autant se réjouir de cette vague médiatique et citoyenne « verte »? Oui et non.
Oui, bien sûr. Même si nous l’aurions souhaitée plus précoce, cette prise de conscience est salutaire. Au sens propre du mot, car il y a une véritable urgence.
Non, si elle ne débouche pas sur autre chose que des émissions télévisées et des déclarations d’intention qui, parce qu’elles donnent bonne conscience, dispensent d’agir concrètement ; non également si l’attention se focalise sur le seul réchauffement climatique alors que les enjeux environnementaux planétaires sont diversifiés et doivent être appréhendés d’une manière beaucoup plus globale et systémique.
Une mobilisation devenue mondiale à l’aube du 21ème siècle
Le GIEC (« Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat ») a été créé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Il a rassemblé le fruit des travaux de milliers de scientifiques du monde entier, avec l’objectif ambitieux (bien difficile à atteindre dans un contexte de pressions multiples !) d’aboutir à des conclusions consensuelles.
Des premiers rapports ont été publiés en 1990, 1995, et 2001. La publication du 4ème, en 2007, a eu un retentissement sans précédent. Les résultats ont été formulés successivement par trois groupes de travail : Etat des changements climatiques (Paris février 07) – Impacts régionaux (Bruxelles avril 07) – Mesures à prendre (Bangkok mai 2007)
La synthèse rendue publique en 2008 va servir de base de référence pour les décideurs du monde entier pendant les prochaines années. Tout en étant susceptible d’affinements à la lumière des résultats des recherches toujours en cours.
L’impact des conclusions du GIEC a été renforcé par les conclusions d’un autre rapport : le « Rapport Stern ».
Cette étude, présentée au gouvernement britannique, en octobre 2006, par l’ancien chef économiste de la Banque mondiale, s’est efforcée de chiffrer l’ordre de grandeur du coût du réchauffement climatique pour l’économie mondiale, si des mesures impératives ne sont pas prises d’ici 10 ans. Une somme de 5.500 milliards d’euros à l’horizon 2050 ; soit le coût des deux guerres mondiales réunies !
Par contre, limiter le réchauffement climatique et ses conséquences coûterait un pourcentage minime de la croissance mondiale par an (un ordre de grandeur de moins de 0,5%) !
Quant au Conseil de Sécurité des Nations Unies, il a débattu récemment des menaces que le réchauffement climatique fait peser sur la sécurité internationale. Un troisième aspect du problème qui n’est certes pas à négliger.
Une conviction devenue certitude
Aux yeux du monde entier, la réalité d’un réchauffement planétaire et la responsabilité de l’homme dans ce réchauffement (par une augmentation de « l’effet de serre » joué par l’atmosphère terrestre) ne font désormais plus de doute. De même que l’importance des impacts de ce réchauffement sur les équilibres écologiques à l’échelle planétaire.
Une certitude aujourd’hui acquise, malgré la pression exercée par les lobbies industriels et certains gouvernements sur les chercheurs et les responsables politiques, dans le but d’infléchir les conclusions de l’expertise scientifique.
Toutefois, ce qui est nouveau ce n’est pas le fait du changement (notre planète a connu un grand nombre d’oscillations thermiques dans le passé dont témoigne la mémoire des archives glaciologiques) mais sa rapidité. Le réchauffement depuis la révolution industrielle se fait à une vitesse sans commune mesure avec les évolutions cycliques naturelles de l’histoire géologique de la terre. A un rythme qui s’accélère par l’effet conjugué de feed back positifs (c’est-à-dire des rétroactions qui renforcent le processus initial).
Par exemple, la fonte des glaces polaires diminue la capacité de rayonnement réfléchi de la surface terrestre vers l’extérieur (ce que l’on nomme l’albedo) ; elle s’en trouve donc accentuée. De même, le dépôt de particules fines (dégagées notamment par les moteurs diesel) qui noircit la glace augmente sa capacité d’absorption de l’énergie solaire et donc la rapidité de sa fusion. Un phénomène d’emballement similaire est dû au dégagement de gaz méthane (un gaz au pouvoir d’effet de serre bien plus puissant que le CO2) généré par le dégel progressif du permafrost des régions boréales.
Il ne s’agit plus d’une opinion : c’est le constat d’une réalité
qui fait des questions écologiques le défi majeur du 21ème siècle.
Les impacts du réchauffement climatique
Ils se manifestent dans des domaines aujourd’hui bien identifiés même si l’ampleur des phénomènes prévus ne peut être chiffrée qu’avec prudence. On peut les résumer comme suit :
Hausse du niveau des océans (sous l’effet conjugué de la fonte des glaces et de la dilatation de la masse de l’eau)
Perte de réserves d’eau douce par la fonte des glaciers et la salinisation des nappes aquifères
Fréquence plus élevée des événements climatiques extrêmes (tempêtes, inondations, sécheresses, canicules)
Déplacement des zones de précipitations et de végétation
Difficultés d’adaptation entraînant une perte de biodiversité
Extension possible de certaines maladies infectieuses
Migrations de populations humaines (les « réfugiés climatiques »)
Le changement dépasse donc largement le seul fait d’une augmentation de température. Il risque de perturber très gravement les conditions de vie sur terre.
Grâce à l’outil de la modélisation du « système planétaire », le GIEG a pu préciser l’ordre de grandeur du réchauffement prévisible : une hausse de la température moyenne mondiale de 2 à 4,5° d’ici 2100, entraînant une montée du niveau des océans de l’ordre de 20 à 60 cm.
Un danger particulièrement grave pour les îles à côtes basses et les régions deltaïques, très nombreuses dans les pays du Sud. Mais les Pays Bas figurent évidemment aussi parmi les pays menacés. Le gouvernement néerlandais est conscient que d’énormes investissements seront nécessaires à court terme en matière de gestion de l’eau et d’infrastructures routières et agricoles.
Faute de moyens pour s’adapter rapidement, ce sont les populations des pays les plus pauvres qui seront les plus touchées. Les premières victimes seront donc paradoxalement les populations qui ont le moins contribué au réchauffement de la planète, ce qui aggravera les inégalités de développement !
On parle souvent au futur d’importants flux de réfugiés climatiques. En réalité, le problème est déjà présent : pensons aux réfugiés du Bengladesh pour cause d’inondation et à ceux de l’Afrique sahélienne en voie de désertification. Et si, comme le prévoit le rapport du GIEC le réchauffement se poursuit, il faut s’attendre à des déplacements beaucoup plus massifs de population.
Par ailleurs, les Etats-Unis, le Canada et la Russie sont dès à présent vivement intéressés par la perspective de l’ouverture de voies maritimes polaires à travers l’Arctique (en plus des perspectives nouvelles d’exploitation des hydrocarbures : la course à l’or noir a déjà commencé !).
Face à ce constat, le parti Ecolo invite la Belgique à prendre l’initiative d’une négociation d’urgence d’un traité international en vue de protéger l’Arctique et ses populations indigènes et d’en faire une zone de paix et de coopération à l’image de celle de l’Antarctique.
Les solutions envisagées
La lutte contre la déforestation est souvent citée comme remède efficace. Il est vrai que les arbres captent et stockent le CO2 mais seulement pendant leur période de croissance, ne l’oublions pas !
Des recherches sont utilement menées visant à trouver divers moyens de stocker le CO2 produit par les activités humaines. Il s’agirait de le capter puis de l’injecter sous forme liquide dans des roches réservoir surmontées d’une couche de roche étanche ou dans des eaux profondes océaniques ; ou encore de le piéger par des bactéries capables de fabriquer du calcaire.
Plus incertaine est l’idée de refroidir l’atmosphère (par un ensemencement de la stratosphère en particules de dioxyde de soufre) !
Mais la solution première est évidemment la réduction des émissions de gaz à effet de serre et ce par tous les moyens possibles. Ce qui impose principalement une nouvelle politique de l’énergie combinant réduction de la consommation et abandon progressif de l’usage des combustibles fossiles
A cet égard, la prise de conscience des risques potentiels liés au réchauffement climatique s’était déjà traduite par le célèbre protocole de Kyoto, ratifié par les gouvernements d’une centaine de pays industrialisés (sans les USA !) et entré en vigueur en 2005, dont la première période d’engagement se termine en 2012.
Le GIEC propose, lui, comme objectif le scénario – optimiste – d’une limitation du réchauffement climatique de l’ordre de 2° à l’échéance de 2050. N’oublions pas, aussi, que le CO2 dégagé reste une centaine d’années dans l’atmosphère !
Grâce à une stabilisation des concentrations d’équivalent CO2 dans l’atmosphère entre 445 et 490 ppm (elle est en moyenne de 280 ppm aujourd’hui et sa croissance est encore inévitable).
Pour y parvenir, Kyoto fut certes un pas important ; mais un tout premier petit pas… loin d’être suffisant par rapport aux décisions politiques qu’impose l’avenir de l’humanité.
Des décisions qui seront forcément impopulaires en Occident ; parce qu’elles remettent en question un mode de vie fondé sur le dogme d’une croissance nécessaire (à savoir celle du produit intérieur brut et donc de la consommation). Mais aussi dans les pays en voie de développement, qui tout en revendiquant le droit de suivre notre modèle d’industrialisation, exigent notre aide financière pour contribuer à l’effort demandé de réduction des gaz à effet de serre à l’échelle de la planète.
Remarquons à cet égard que cela coûte moins cher de réduire ces émissions dans les PVD (où se développent des industries nouvelles) que dans les pays anciennement industrialisés (où les rénovations sont coûteuses).
En guise de conclusion
- En matière de réchauffement climatique, l’inaction est plus coûteuse que l’action.
- Des solutions existent qu’il faut avoir la volonté de mettre en pratique.
- Les enjeux ne sont pas qu’environnementaux et économiques. Ils sont aussi sociaux et politiques.
- Le dernier rapport de l’ONU souligne le lien inextricable entre la problématique écologique et la question des droits de l’homme : le combat pour la stabilisation du climat et le combat contre la pauvreté sont intimement liés.
- Les pays industrialisés doivent accepter d’assumer la responsabilité de la « dette environnementale » engendrée par leur développement économique.
- Nombreux sont ceux qui évoquent la question d’avenir des « guerres de l’environnement ».
« La politique est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire »
(Montaigne cité par J-P Van Ypersele, climatologue belge)