Il m’a fallu du temps pour prendre conscience de l’importance urbanistique du patrimoine urbain constitué par les fenêtres, portes et loggias.


Une ASBL bruxelloise m’y a aidée dénommée « L’Ouvrant », qui vise à la préservation et la mise en valeur des portes et châssis anciens. Son porte-parole dynamique est venu me rencontrer afin de me sensibiliser à sa préoccupation majeure : le saccage du petit patrimoine qui dénature les façades urbaines, et ce dans une relative indifférence.

« Une façade appartient à celui qui la regarde ».

Le slogan provocateur de cette association souligne

combien l’architecture est un art visible depuis l’espace public !

Il légitime les réglementations dont se plaignent tant certains architectes.

J’ai par la suite découvert, non sans une certaine jubilation, les façades du peintre-architecte autrichien Hundertwasser. Elles m’ont rappelé quelques plaintes de riverains ucclois en raison du choix de couleurs de façade qu’ils jugeaient « provocants » !

Hundertwasser défend, au contraire, l’idéal d’un habitat diversifié où peut s’exprimer le droit pour chaque habitant de s’approprier sa façade en la décorant comme l’y incite sa créativité spontanée.

Deux conceptions différentes du droit de l’habitat : faut-il accorder la priorité à l’harmonie qui naît d’une certaine cohérence du paysage urbain ou à la libre expression de chacun dans la personnalisation de son logement ? Un exemple de conflit de valeurs parmi beaucoup d’autres.

Mais ceci nous éloigne de mon propos : l’importance des châssis dans l’expression architecturale d’un bâtiment et le choix délicat du matériau et de la forme. J’avais écrit pour le journal communal un article à ce sujet qui – une fois n’est pas coutume – a fait l’objet d’un débat en Collège avant que je ne sois autorisée à le publier.

Il me fut en effet reproché d’attenter à la liberté des habitants en cherchant à influencer leur choix en matière de châssis. Mon texte visait en réalité à rendre les habitants conscients des implications esthétiques et écologiques de leur choix. J’y comparais les trois matériaux couramment utilisés : le bois, le PVC et l’aluminium. Et je rappelais que le renouvellement des châssis doit faire l’objet d’une demande de permis d’urbanisme si l’aspect est modifié (par modification de la forme et des divisions du châssis ou du matériau utilisé).

Je pense qu’il y avait, dans l’esprit de certains collègues, une volonté de défense implicite du PVC, matériau de plus en plus envahissant sur le marché bien que généralement dénoncé par les écologistes (volonté qui s’est aussi manifestée dans la délivrance de permis d’urbanisme où la condition imposant des châssis en bois pour les rénovations a souvent été refusée par le Collège).

Les châssis anciens étaient en bois.
C’était des menuiseries de belle qualité qui témoignaient d’une grande liberté de forme (arrondis) et de découpe (division interne) que ne permet plus l’usage de plus en plus répandu des châssis PVC bon marché. Des merveilles (dont les façades de l’avenue Brugmann, par exemple, présentent encore de beaux témoignages) ont été démolies, sans demande de permis et sans que soit engagée la responsabilité des entrepreneurs en charge du chantier de rénovation.

Le choix du bois présente encore aujourd’hui de nombreux avantages : la solidité et la longévité de ce matériau naturel renouvelable, sa qualité esthétique, sa faculté d’être réparé et travaillé de manière artisanale sur mesure (avec une grande liberté d’expression), sa très bonne isolation thermique et acoustique. Le seul inconvénient est la nécessité d’un entretien régulier ; mais certains produits de protection permettent aujourd’hui un entretien plus aisé et moins fréquent.

Les châssis en PVC sont de plus en plus répandus.

Jadis tous blancs, ils sont aujourd’hui colorés de teintes diverses (y compris une bonne imitation bois). Leur principal avantage est la facilité d’entretien (ils doivent cependant être lavés régulièrement pour éviter que la saleté ne s’incruste). Il est possible d’en acquérir à des prix modiques.

L’inconvénient majeur du PVC est écologique : ce matériau est fabriqué à partir de pétrole, une ressource non renouvelable, et il n’est ni réparable ni recyclable. Il engendre une pollution gazeuse importante à la fabrication et en fin de vie. De plus il est hautement inflammable.

Son succès a par ailleurs un impact regrettable sur l’aspect de bien des façades : fabriqués en série, les modèles de châssis PVC bon marché proposés par les entrepreneurs en rénovation remplacent souvent des châssis anciens bien plus esthétiques. Des dessins plus recherchés sont devenus possibles (mais beaucoup plus coûteux).

Les châssis en aluminium ne manquent pas de qualités.

Structure très fine, réparation possible, recyclage aisé, très peu d’entretien. Leur capacité d’isolation est aujourd’hui devenue très bonne (par l’insertion d’une « rupture thermique » au cœur de la structure métallique). Ils assurent une meilleure stabilité pour les baies de grande taille.
L’inconvénient est d’ordre écologique : pollution engendrée par le traitement d’un minerai non renouvelable et grande consommation d’énergie pour la fabrication du
métal.

Conclusion

Il ne faut pas s’étonner que le châssis de fenêtre en bois soit vivement recommandé par l’administration régionale des Monuments et Sites. La démonstration est faite qu’il peut allier ses qualités esthétiques avec les exigences actuelles de confort et d’économie d’énergie. Par ailleurs, le choix du bois est le plus conforme aux exigences d’un développement durable ; pour autant qu’il provienne de forêts exploitées de manière à en assurer le renouvellement (bois « labellisés »). Son entretien est certes plus exigeant mais il procure de l’emploi à des artisans de qualité. Un choix personnel responsable, qui n’est malheureusement pas à la portée de toutes les bourses !
Il faut toutefois reconnaître que le PVC se prête aujourd’hui, pour autant que l’on accepte d’y mettre le prix, à des imitations du bois, par les teintes et par les formes, qui sont très acceptables du seul point de vue esthétique.

Un « Front de défense des châssis » s’est constitué en région bruxelloise.

Une initiative citoyenne qui privilégie l’aspect esthétique par rapport aux économies d’énergie : en effet le placement d’un double vitrage est peu compatible avec les formes souvent courbes des châssis anciens.

Conflit de valeurs !

Share This