On considère souvent que la communication passe d’abord par les mots ; l’image est alors conçue comme l’illustration d’un texte.

Pourtant la carte est une image porteuse de sens en tant que telle ; elle apporte une perception spatiale des faits irremplaçable parce que très difficile à traduire en mots.


Les cartes sont un univers qui m’est familier, comme à tout géographe. Bien avant de devenir échevine de l’urbanisme, j’avais impulsé un important travail d’équipe du groupe local d’Ecolo-Uccle, dont le résultat fut l’édition d’un « atlas thématique d’Uccle » qui a rencontré un certain succès en 1997 (lors de la mise à l’enquête publique du dossier de base du « plan communal de développement »). Nous l’avions conçu comme un outil de démocratie locale participative.

Sur les murs de mon bureau communal s’affichaient trois plans : la partie uccloise du PRAS, une carte des PPAS ucclois et une autre des terrains appartenant aux différents pouvoirs publics. L’objectif n’était pas décoratif : ces trois documents cartographiques étaient pour moi un instrument de travail au quotidien. Non seulement pour fonder ma propre réflexion mais aussi pour étayer les explications données à mes visiteurs.

La carte utile comme instrument pour fonder des politiques

La carte est un précieux outil d’investigation des réalités. Elle objective les constats des situations présentes et de leur évolution dans le temps.
Quelques exemples locaux :

 Celle des phone et night shops ucclois montre une répartition dans l’espace très concentrée dans quelques zones (bien équipées en transports en commun) où se pose le problème de nuisances de voisinage.

 Celle des antennes GSM témoigne au contraire d’une beaucoup plus grande dispersion spatiale, ce qui multiplie le nombre des personnes exposées aux ondes électromagnétiques mais réduit la puissance localement émise.

 Celle des zones vertes met immédiatement en évidence la disparité entre un sud de la commune très richement doté en maillage vert et une partie nord beaucoup moins privilégiée (parce que plus anciennement urbanisée).

 Celle du revenu médian par habitant met en évidence de fortes disparités sociales entre les quartiers ucclois.

La carte est l’instrument privilégié de l’aménagement du territoire.

C’est d’abord par la représentation cartographique que s’expriment les projets publics de plans d’urbanisme et de mobilité.

Dans le cas des premiers, les citoyens rencontrent des difficultés de compréhension dues au caractère très abstrait des symboles utilisés dans les documents officiels ; un accompagnement pédagogique est nécessaire. Difficile de faire comprendre, lors des enquêtes publiques, la signification des « zones pyjamas » dans le plan des affectations des PPAS ; nécessaire aussi d’expliquer que les « zones bâtissables » ne sont pas l’implantation réelle des futures constructions.

La commune d’Uccle se dote progressivement d’une cartographie moderne.

Une des « graines » que j’ai semées pendant mon mandat est la dynamisation d’une cellule cartographique informatisée au sein de l’échevinat de l’Urbanisme ; comme aussi l’acquisition d’un équipement performant dans le cadre de la mise sur pied de « l’Observatoire du logement ». J’espère qu’il en sera fait bon usage par la suite.

La carte comme outil utile aux citoyens

Elle les aide d’abord, tout simplement, à se repérer dans l’espace.

A mon arrivée en 2001, le seul plan communal mis à la disposition des habitants avec le nom des rues était un document peu lisible, encadré d’annonces publicitaires. Il était de plus entaché de nombreuses lacunes et de quelques erreurs (par exemple l’indication d’une avenue J.Pastuur carrossable jusqu’à l’avenue Dolez !).

J’ai donc rapidement initié la réalisation d’un plan informatisé (et donc actualisable) le plus clair possible ; avec localisation des services publics communaux et mise en évidence de tous les chemins piétonniers accessibles au public. Distribué gratuitement à tous les habitants qui le souhaitent, il s’est avéré également très utile aux différents services communaux.

Elle peut servir à promouvoir une mobilité alternative.

Il est utile de diffuser, via les services communaux, un plan des transports en commun et une carte des itinéraires pour vélos. Une récente publication de l’ACQU (Association Uccloise de Comités de Quartier) valorise très bien les cheminements piétons (particulièrement nombreux dans notre commune). Des brochures éditées à l’initiative de mon échevinat de l’Urbanisme et de l’Environnement et de celui des Travaux suggèrent également des itinéraires de promenades.

Les documents cartographiques urbanistiques sont d’un accès plus difficile.

Il faut aider les citoyens à les apprivoiser ! De fréquentes références au plan du PRAS (Plan régional d’affectation du sol) lors de mes dialogues avec les habitants les ont familiarisés avec ce document légal qui régit fondamentalement les questions d’urbanisme en région bruxelloise.

La validité de la carte comme moyen d’investigation et de communication

La carte est un langage qui transmet un message de manière codée. Une carte n’est pas la réalité ; elle est une vision de la réalité qui résulte de la démarche de son concepteur. Ne l’oublions pas !

Quelques exemples concrets pour éclairer cette idée :

 Une cartographie des espaces verts ucclois biaise notre vision si elle ne fait pas la distinction entre espaces verts « de droit » et « de fait » et néglige la réalité de la verdurisation souvent très importante des intérieurs d’îlots.

 Un plan architectural peut induire, par manque de clarté, une confusion entre la situation existante et celle projetée. Quelques dessins d’arbres bien placés vous transforment un projet banal en une image séduisante !

 Les cartes réalisées à des fins publicitaires sont des représentations fantaisistes qui offrent une image lacunaire et déformée de la réalité.

 Rares sont les cartes de presse qui explicitent de manière pertinente la problématique de l’article concerné.

 Le planisphère de Mercator était utile aux navigateurs parce que cette carte conserve les angles. Mais jadis omniprésente dans les écoles, cette représentation donnait du monde une vision européocentriste bien en adéquation avec l’idéologie colonialiste.

 Les choix des dénominations écrites et du cadrage de l’espace concerné, aussi bien que le tracé de limites frontalières, peuvent être infléchis à des fins de propagande !Les exemples récents des cartes diffusées par internet à l’initiative du ministère flamand du Tourisme (NV.A) en témoignent d’une manière particulièrement déplorable.

Les exemples récents des cartes diffusées par internet à l’initiative du ministère flamand du Tourisme (NV.A) en témoignent d’une manière particulièrement déplorable.

Une carte peut présenter des erreurs et des omissions (qui parfois sont volontaires !). Par ailleurs, les choix techniques du cartographe ont une grande influence sur la vision que nous aurons des faits représentés.

Le choix des couleurs ou des symboles a toujours beaucoup d’importance. Mais aussi le système de projection cartographique retenu dans les planisphères (qui conserve soit les surfaces soit les angles), les changements d’échelle (impliquant des généralisations simplificatrices) et, plus subtilement, les limites des classes de grandeur choisies pour les cartes thématiques quantitatives.

La première qualité d’une carte est sa lisibilité. La seconde une conception rigoureuse. La troisième sa pertinence.

La carte devient alors un instrument de réflexion irremplaçable

pour tenter d’expliquer la répartition des faits dans l’espace

et de l’infléchir par des politiques adéquates.

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