« L’enfant ne se préoccupe pas de son avenir ;

devenir adulte, c’est commencer à mettre le présent au service du futur…

ce que l’humanité ne sait pas encore faire ».

(Albert Jacquart)


Ce qui fait la grandeur de l’homme, par rapport aux autres espèces vivantes, c’est en effet d’être responsable de son propre avenir comme de celui de l’ensemble de la planète. Une responsabilité bien difficile à assumer. Car jamais l’avenir collectif n’a paru plus risqué et plus incertain !

A l’occasion du drink du nouvel-an 2006, traditionnelle réunion des fonctionnaires des trois services de mon échevinat, j’ai évoqué l’image du Titanic :

« Notre vaisseau Terre est comme le Titanic qui fonçait vers l’iceberg qui allait causer sa perte.

Mais, à la différence du capitaine du paquebot géant et de ses passagers,

nous sommes informés, nous, des dangers qui nous menacent ».

Luc Schuiten, dans l’introduction de son livre « Archiborescence » donne une image encore plus évocatrice de la situation présente.

Je ne résiste pas à l’envie de la citer dans son intégralité :

« Notre société industrielle ressemble à un énorme train qui fonce à toute allure dans la nuit noire. Avec un ronflement tranquillisant, il avance, mais personne ne sait où il va. Par le pare-brise avant de la motrice de tête, la visibilité est quasi nulle. Dans le poste de pilotage, il n’y a personne. Mais juste derrière se trouve un wagon-restaurant confortable, où des hommes discutent dans une ambiance feutrée : ce sont les décideurs de la planète, les chefs d’Etat des grandes puissances, les hauts fonctionnaires, les chefs d’entreprise et autres responsables qui devisent en raisonnant sur la faible proportion de paysage éclairée par les phares avant du TGV.

Ce train prend de plus en plus de vitesse et en même temps s’agrandit en dévorant tout sur son passage. De grands rétroviseurs et des écrans digitaux nous restituent les images des régions traversées et par les fenêtres latérales, on peut apercevoir les dégâts qu’il cause à l’environnement. Plus loin, sur les toits de certains wagons des bulles vitrées permettent à des équipes d’observateurs de scruter l’horizon. Ils sont unanimes, le train court à la catastrophe. Mais leurs voix n’arrivent pas bien loin et leurs prévisions alarmistes sont à peine écoutées. Les passagers voient défiler par les fenêtres, de part et d’autre du train, une multitudes d’aiguillages, mais aucun n’est jamais pris, car à cette vitesse et par cette visibilité, aucune alternative n’est possible : le plus simple reste de continuer à foncer tout droit. »


Vision exagérément pessimiste ? Oui, je le crois ; car aujourd’hui les voix des « observateurs- vigie » sont de plus en plus écoutées. Encore faudra-t-il que nous soyons à même d’emprunter un aiguillage ! Car au poste de pilotage il n’y a toujours personne … si ce n’est la poignée des actionnaires des quelques sociétés multinationales qui gèrent le monde à leur profit.

Par ailleurs, la sagesse exige que les décisions politiques tiennent compte des prévisions démographiques : la part des personnes âgées ne fera que croître dans les populations de demain.

Les taux de natalité baissent en même temps qu’augmente l’espérance de vie. C’est tout notre système de sécurité sociale qui va devoir tenir compte de cette évolution des pyramides des âges.

Nous sommes tous co-acteurs des perspectives d’avenir des générations futures.

Un passage d’un discours de l’ancien Bourgmestre d’Uccle, André Deridder, m’a particulièrement frappée. A l’occasion de la célébration, en 1994, du 50ème anniversaire de la libération, il a affirmé que « l’essentiel est de réaliser que chaque être est comptable du devenir de la condition humaine ».
A l’époque, il ne pensait certes pas à la préservation des équilibres écologiques planétaires ; mais cette idée demeure pertinente, aujourd’hui, face à la prise de conscience collective qui émerge d’une planète en danger.


Mais ce souci des générations futures ne doit pas nous faire négliger celui des générations actuelles !

Dans un monde de plus en plus inégalitaire, on peut comprendre ceux qui pensent que les exigences d’ordre écologique sont des préoccupations de privilégiés. Lorsque vos besoins vitaux ne sont pas satisfaits, il est en effet bien difficile d’être sensible aux appels à une réduction de votre consommation de biens matériels…

Les jeunes d’aujourd’hui ont de multiples raisons d’être inquiets. Il nous appartient de leur donner des motifs d’espoir et de les aider à devenir des adultes responsables.

Cette mission d’éducation est loin d’être facile à une époque où la rapidité des changements techniques et sociaux rend l’expérience des adultes souvent peu utile pour résoudre les problèmes que les jeunes doivent affronter. Essayons surtout de leur témoigner notre confiance, en eux comme en l’avenir.

L’essentiel n’est-il pas d’avoir des projets ?

Le jour de sa mort ma mère se proposait de repeindre son balcon le lendemain. Elle avait pourtant 78 ans et le cœur en bout de course.

Avoir des projets pour demain. La source de la soif de vivre et d’agir est là.
L’élu qui se contente de gérer son département à court terme et sans capacité d’innovation perd le souffle qui avait justifié son élection. Il risque de finir par n’avoir plus qu’un seul objectif : celui d’assurer sa réélection.

L’avenir est un « à venir » qui n’est pas prédéterminé.

Parce qu’il réserve une place importante à l’action humaine, il est imprévisible.

Mais si personne n’est capable de le prévoir, il appartient à chacun

d’agir en étant habité par l’idée d’un lendemain à construire.

Une responsabilité particulièrement exigeante pour les hommes

et les femmes politiques d’aujourd’hui.

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