_ « L’architecture est une façon de penser les espaces de demain. Elle est une ressource culturelle vivante, trop souvent réduite aux dimensions marchande et patrimoniale »

(Bureau d’architecture de La Cambre)


Notre commune d’Uccle est fière d’être le siège d’une tradition d’innovation architecturale depuis le début du 20ème siècle.

Il suffit d’évoquer les créations uccloises de Henri Van de Velde, de Paul Amaury Michel, de Louis de Koninck, de Raphaël Delville et de Jacques Dupuis pour s’en convaincre. Les brochures guides de « promenades-découverte » éditées par mon échevinat avaient notamment pour objectif de les mettre en valeur.

Certaines de ces constructions, très décriées à l’époque parce que non conformes aux canons classiques de l’esthétique communément en vigueur, sont aujourd’hui unanimement considérées comme d’un grand intérêt patrimonial. C’est ce que rappelle le slogan de l’affiche annonçant le prix ucclois d’architecture contemporaine:

« L’architecture d’aujourd’hui, c’est le patrimoine de demain ».

Mais il serait utile de nuancer le propos en ajoutant « peut-être » !

A ma connaissance, Uccle est la seule commune à avoir institué un prix d’architecture contemporaine. Il est ouvert aux réalisations privées récentes en matière de construction nouvelle ou de rénovation. Il est décerné tous les deux ans (depuis l’an 2000) par un jury indépendant des autorités communales. Une exposition est organisée et une brochure est éditée, disponible gratuitement.

Ce prix témoigne d’une volonté politique : il a été créé dans l’objectif de promouvoir le développement sur notre territoire communal d’une architecture de qualité résolument contemporaine. Je pense qu’il appartient en effet aux pouvoirs publics d’encourager la réalisation de projets architecturaux novateurs. Leurs audaces créatives sont à considérer, au même titre que d’autres formes d’art, comme un fait de culture qui est le reflet de notre temps dans un monde en évolution.

Devoir des pouvoirs publics d’abord parce que la créativité potentielle des architectes rencontre des difficultés croissantes à s’exprimer : réglementations urbanistiques de plus en plus complexes, contestations de voisinages de mieux en mieux organisées, restrictions budgétaires des maîtres d’ouvrage, concurrence des constructions en série « clé sur porte »… sont autant de contraintes qui brident leur créativité. Il en est, heureusement, que la contrainte stimule !

Devoir des pouvoirs publics, également, parce que l’architecture a un impact majeur sur l’espace public urbain ; elle peut donc contribuer très utilement à l’amélioration du cadre de vie de tous.

Je suis cependant très consciente que les réalisations architecturales novatrices (que ce soit par leurs formes, leurs matériaux ou leur organisation spatiale) peuvent surprendre et dérouter ceux qui n’ont pas appris à en comprendre le sens. A chaque époque, sa perception du beau et de l’idéal en architecture ; et si le passé architectural est très généralement respecté en tant « qu’âge d’or », les œuvres novatrices sont souvent considérées, d’abord, comme des « erreurs » ! Pour le plus grand nombre, la bonne architecture est celle du passé, pas celle de l’avenir.

L’art du passé n’est pas plus accessible que celui d’aujourd’hui par nature ; mais nous avons reçu des clés pour le comprendre. On constate d’ailleurs que les sensibilités évoluent à mesure que le regard s’habitue. La nouveauté est progressivement perçue avec d’autres yeux ; encore faut-il pour cela qu’elle soit bien visible depuis l’espace public !

J’ai dû affronter, à plusieurs reprises, la contestation par des riverains de constructions jugées inappropriées dans leur quartier.

Au pire, elles étaient qualifiées d’inesthétiques, sans appel. Au mieux, leur intérêt était reconnu, mais le contraste avec le bâti existant était stigmatisé. « Comment avez-vous pu accorder un permis pour une telle incongruité ? » tel est le sens de la question souvent posée.

Le dialogue est alors la meilleure des réactions possibles.

Ecouter les plaintes, préciser la manière dont a été instruite la demande (en tenant notamment compte de l’intégration du projet dans son environnement), expliquer la politique communale en la matière. Ce n’est pas toujours convaincant ; mais cela contribue à apaiser l’agressivité, tant à l’égard du nouvel arrivant que de l’échevin responsable !

L’intérêt manifesté par notre commune pour l’architecture contemporaine nous a valu d’être contactés par le réalisateur d’un très bon film documentaire sur ce thème (« Qui n’a pas peur de l’architecture ») récemment passé sur la première chaîne de la RTBF.

Les architectes communaux y sont interviewés, ainsi que moi-même en tant qu’échevine. Ce fut l’occasion, pour les architectes et les maîtres d’ouvrage de deux maisons unifamiliales ayant suscité de la contestation, d’expliquer leur démarche : celle de Pierre Hebellinck (dans le quartier Fond Roy) et celle de Will Van de Perre (près du square Guy d’Arezzo).

Toutes les administrations communales n’ont pas la même ouverture d’esprit. _ S’écarter d’une architecture standardisée conforme aux normes légales demeure encore difficile.

Reste la question délicate de savoir selon quels critères juger de la qualité d’un projet contemporain. La réponse est loin d’être simple ! Elle a souvent fait l’objet de débats en Collège.

Je n’ai pas la prétention de détenir une vérité à ce sujet.

Je préfère laisser la parole à l’un des membres du jury du prix 2006 :

« Lors de ce jury, nous avons eu la démonstration que tout processus de construction d’un édifice tient sur la rencontre – parfois fulgurante – entre une idée et un lieu, entre un concept et un contexte. C’est la réussite de ce rendez-vous « sensible » qui rend l’œuvre intense, émotionnelle et humaine ».

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