Voici le numéro 7 de la Revue Etopia. Cette livraison est consacrée à deux thèmes cruciaux pour les écologistes : le rapport à la nature et l’enjeu de la gouvernance et partant, celui de la démocratie.


Depuis les origines des partis verts, c’est la mission historique des écologistes de vouloir les connecter parce qu’ils sont convaincus que la résolution de la crise écologique passe par un approfondissement de la participation de chacun aux choix collectifs. Un tel projet n’est pas évident, tant les fonctionnements politiques hérités de l’ère industrielle semblent peu à la hauteur des défis planétaires que posent notre économie et nos modes de vie.

C’est particulièrement vrai en Belgique, en Wallonie et à Bruxelles où les problèmes de mal-gouvernance montrent comment l’emprise des partis sur l’Etat génère inefficacité et défiance massive de la part des citoyens. Le premier dossier de ce numéro souligne que si les réformes en matière de gouvernance forment une condition nécessaire d’une mobilisation des citoyens wallons dans le redressement de leur région, elles n’ont une chance d’aboutir que si elles sont comprises à partir de l’histoire de la société dans laquelle elles doivent intervenir. Autrement dit, les appels à une mobilisation de la société wallonne tombent complètement à plat si en même temps, on ne comprend pas le type de relation qu’y entretiennent les citoyens avec la politique et plus largement les dynamiques sociales qui y sont historiquement à l’œuvre.

Au mois de décembre 2010, on célébrera les cinquante ans des grèves de l’hiver ’60-61 qui vit les travailleurs wallons se mobiliser non seulement contre un plan gouvernemental d’économies mais aussi pour la mise en place d’un fédéralisme permettant la reconversion de leur industrie (les « réformes de structure »). Aujourd’hui, que reste-t-il de ces mobilisations ? Quels ont été leurs résultats ? Le temps n’est-il pas venu de donner à la Wallonie et à Bruxelles l’occasion de redéfinir collectivement leurs projets dans une Belgique et dans une Europe qui vont devoir « réinventer » complètement leur prospérité, singulièrement si nous voulons ne pas exploser complètement les limites écologiques de notre économie ?

L’autre dossier se propose d’approfondir une question que les écologistes se posent depuis leurs origines. Dès le début des années ’70, le mouvement Démocratie Nouvelle – l’ancêtre d’Ecolo – revendiquait pour chacun l’exercice d’un « droit à la nature » menacé par l’industrialisation galopante. Entretemps, la prise de conscience environnementale a sans doute fait des bonds de géant. L’éducation à l’environnement, l’émergence du concept de biodiversité, le développement durable, la mise en place d’une législation de plus en plus contraignante ont cependant très loin suffit à inverser la tendance…

Nous sommes de plus en plus nombreux à comprendre qu’en amont des choix et des actions politiques, se pose aussi l’enjeu d’un rapport différent à développer avec ce qu’il faut bien appeler par convention, la « nature ». Le volumineux dossier que nous consacrons à la philosophie de la nature nous invite donc à faire « retour sur » la nature, sans pour autant revenir à « La » Nature. Celle-ci n’est pas une donnée figée une fois pour toutes, qui nous dicterait notre conduite, mais bien un ensemble complexe et mouvant, dont nous faisons directement partie, comme nous le rappelle quotidiennement notre corps. Et notre « rapport à la nature » lui-même est également complexe et diversifié. Le parcours que nous proposons à travers la philosophie et d’autres disciplines est parfois ardu et dense, mais il a pour ambition de développer un maximum de facettes de ce « lien » à cultiver avec la chaîne des écosystèmes. Nous espérons que le lecteur y trouvera des pistes d’expérimentation et de compréhension renouvelées.

Enfin, nous proposons comme de coutume un certain nombre d’articles qui non seulement nous semblent représentatifs de la production des chercheurs-associés d’etopia, mais qui renvoient à des pans cruciaux de l’actualité de notre société qu’il s’agisse de la crise économique et financière, de l’immigration ou du féminisme.

Nous voudrions enfin et surtout en profiter pour remercier tous les chercheurs-associés qui s’investissent de manière importante dans le travail de prospective d’etopia et qui nous aident à progresser dans notre projet de conciliation de la politique et du long terme.

Bonne lecture !

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