Une idée audacieuse à l’échelle européenne.
C’est dans la ville française de La Rochelle que fut tentée la première expérience d’une journée « en ville sans ma voiture » en 1997. Depuis l’idée a fait du chemin : elle s’est étendue d’abord en France puis en Italie ; et, dès 2000, s’est élargie à l’échelle européenne (pas moins de 700 villes dont Bruxelles, dans 14 pays). Elle s’est vue aussi complétée de l’utile accompagnement d’une « semaine de la mobilité ».
Cette initiative s’inscrit dans une politique de la mobilité à long terme visant à l’amélioration des déplacements et des conditions de vie en ville. C’était l’occasion pour les citoyens de découvrir des modes de transport alternatifs à l’automobile ; et pour les pouvoirs publics de tester de nouvelles mesures en matière de déplacement au quotidien.
De la « journée européenne » au « dimanche sans voiture »
En Belgique, la philosophie de l’opération a évolué au cours du temps. En effet, initialement une date fixe avait été choisie (celle du 22 septembre), avec comme conséquence un changement du jour de la semaine chaque année.
Une ou plusieurs zones interdites à la circulation (appelées « zones confort ») étaient délimitées au cœur des villes. L’impact sur la qualité de l’air, le bruit et le trafic devait être évalué, et un sondage réalisé pour mesurer le degré de satisfaction des habitants.
En 2000, le 22 septembre était un vendredi : jour de travail. En 2001, un samedi : jour des achats. Et en 2002, un dimanche : jour de loisirs et de fête… ce qui conduisit les bourgmestres des 19 communes bruxelloises à approuver, à l’unanimité, la proposition de fermer à la circulation automobile la Région bruxelloise toute entière ! Une grande première qui rappela les « dimanches sans voiture » du lendemain des chocs pétroliers.
Le bilan régional de l’expérience du dimanche 22 septembre 2002 étant positif, décision fut prise de la renouveler mais le dimanche 21 septembre 2003 au lieu du lundi prévu.
Ce n’était plus le 22 et ce n’était pas un jour de travail. Cette évolution donnait la primauté à l’aspect festif de la journée. Qui restera désormais fixée au dimanche, à Bruxelles comme dans les villes wallonnes et flamandes qui se sont jointes à l’événement.
Une participation prudente de la commune d’Uccle !
Participation réticente et timide au début
(une zone confort limitée à quelques centaines de mètres dans Uccle-centre en 2000).
Un peu plus audacieuse en 2001
(fermeture de tout le quartier commerçant d’Uccle-centre le samedi, après
une enquête témoignant qu’un peu plus de la moitié des commerçants y était favorable).
Vivement contestée par l’opposition et certains habitants en 2002
(avec par contre d’heureuses initiatives citoyennes comme un rallye pédestre
et la réalisation d’un premier guide de promenade à mon initiative).
Moins effarouchée depuis 2003
(malgré la surcharge de travail pour la police et l’octroi des dérogations par le Bourgmestre),
avec, pour la première fois, une participation locale à la « semaine de la mobilité »
Aboutissant, enfin, à une attitude nettement plus positive des élus depuis 2005
(avec une multiplication des initiatives citoyennes : repas de rue, promenades…).
L’événement devenait tradition…
Il avait fallu s’y habituer tant est grande l’assuétude à l’automobile !
Il était entendu que cette journée favorisant la mobilité douce relevait de mes compétences ; encore fallait-il que les initiatives de mon échevinat soient acceptées par le Collège !
Au fil des ans, nos propositions se firent de plus en plus novatrices (par exemple la publication des guides de promenades-découverte avec cartes et les trois initiatives testées : un ramassage scolaire à vélo, un itinéraire cyclable et une verbalisation renforcée des stationnements sur emplacements pour handicapés et passages piétons).
Un appel fut nécessaire aux synergies avec d’autres services communaux (Police, Parascolaire, Economie). Face aux récriminations des citoyens mécontents, il fallut faire preuve de patience !
Une tâche motivante, assurant la coordination de toutes les activités de terrain, publiques et citoyennes… prise en charge chaque année avec un nombre très réduit de fonctionnaires enthousiastes. Un résultat encourageant en terme de contagion culturelle.
Un essai de bilan
Certains faits sont incontestablement très positifs.
Le calme est apaisant. Les gens sourient et se parlent. Les vélos sortent comme les champignons en automne (avec malheureusement un problème récurrent de manque de respect du code de la route). Le bonheur des enfants fait plaisir à voir. La gratuité des transports en commun (accordée récemment) attire un nombre croissant de passagers.
Malgré les protestations véhémentes de ceux qui estiment inacceptable cette atteinte à leur liberté, les enquêtes expriment un pourcentage croissant de citoyens satisfaits.
Beaucoup même en redemandent : on parle d’un dimanche par mois… et dans un sondage récent 51% des personnes interrogées se sont même déclarées d’accord pour l’éventualité d’un jour par semaine !
L’objectif d’une conscientisation et d’un transfert modal progressif en matière de déplacements est-il atteint pour autant ?
La réponse est moins sûre, surtout depuis que la journée est toujours un dimanche ! Car l’idée première a été détournée de son objectif pragmatique initial d’une expérimentation de modes alternatifs de déplacement dans le contexte de la vie économique normale.
Ne boudons cependant pas notre plaisir ! Car je pense que la portée de ce « dimanche sans voiture » est plus que symbolique.
Ces journées permettent à des rêves de devenir réalité, pour quelques heures. Elles induisent, petit à petit, une nouvelle culture de la mobilité, tant dans l’esprit des citoyens que dans celui des responsables politiques ; elles favorisent par conséquent l’acceptation ultérieure des décisions contraignantes qui seront inévitables à l’avenir.
Sans attendre des miracles des « Journées en ville sans voiture »,
faisons confiance à leur pouvoir d’influencer les mentalités.
Et souhaitons qu’elles se multiplient demain !