Un sous-titre du journal communal d’avril 2007 rappelle fièrement le choix de la majorité :

« Uccle, où les impôts sont parmi les plus bas ».


Un choix traditionnel de la tendance libérale dominante dans cette commune que l’on dit riche et qui a pourtant chaque année bien du mal à boucler son budget. Celui de 2007 n’a pu être en boni que grâce au prélèvement d’une bonne part des réserves que j’avais accumulées à la Régie foncière dans la perspective de la construction de logements publics !

Un choix politique, dicté par des préoccupations électorales certes compréhensibles, mais contestables au nom du rôle que devrait jouer la fiscalité dans nos démocraties. Est-il acceptable que, paradoxalement, les plus pauvres soient davantage imposés que les plus riches ?

Ce mot m’inspire donc une réflexion plus générale que le simple commentaire de la fiscalité uccloise (qui est effectivement une des plus basses de la région bruxelloise tant pour l’IPP que pour le précompte immobilier).

Pour une image plus positive de la fiscalité !

Le parti Ecolo a toujours tenu à rappeler que la fiscalité a trois fonctions politiques :

  • Procurer aux pouvoirs publics les moyens financiers nécessaires pour remplir efficacement leurs missions collectives d’intérêt général

    Diminuer les impôts c’est réduire les recettes permettant de financer, pour tous, des services publics de qualité accessibles.

    Exemple de financement d’intérêt général, celui des transports en commun : 30% des impôts des Bruxellois servent à financer la STIB (dont le taux de couverture des dépenses par ses propres recettes devra dépasser les 50% en 2011)
  • Assurer une redistribution relative des richesses entre catégories sociales.

    Le fait de taxer davantage les hauts revenus trouve sa légitimité dans une volonté de solidarité.

    Tout le problème est de savoir jusqu’où on peut aller en ce sens sans risquer la fuite des capitaux à l’étranger et les délocalisations d’emplois.
  • Orienter les comportements de production et de consommation dans le sens de l’action politique que l’on souhaite mener

    Cela peut se faire par le biais d’une réduction fiscale incitative ou d’une taxation dissuasive.

    La décision uccloise d’une réduction du précompte immobilier accordée aux jeunes ménages acquéreurs d’un premier logement relève de la première. La seconde est trop rarement prise en considération : la taxation communale des imprimés toutes boites et des antennes GSM (instaurée sous la précédente législature) a été proposée par les échevins responsables dans un objectif de rentrées supplémentaires plus que de dissuasion ! Ce qui n’est pas le cas de celle sur les phones shops dont la multiplication rapide est source de nuisances de voisinage.

Payer ses impôts m’est toujours apparu comme une exigence civique fondamentale. Contrairement à la réputation qu’ont les Belges, je ne pense pas avoir rechigné devant l’obligation de payer mes impôts. L’exercice d’un mandat politique exécutif dans une des communes de la région bruxelloise où la fiscalité est la plus basse m’a largement confortée dans cet état d’esprit. J’ai trop souvent déploré le manque de moyens financiers des pouvoirs publics (à tous les niveaux) face aux exigences d’une mise en œuvre des politiques sociale et environnementale auxquelles j’aspirais.

Les pouvoirs publics doivent être dotés de moyens suffisants pour répondre aux nombreuses attentes de la population. Même si l’on peut reprocher, souvent à juste titre, des gaspillages dans la manière dont sont utilisées les recettes fiscales, ce n’est pas par la fraude que ce problème sera résolu !

J’ai donc eu du mal à comprendre que certains citoyens se soient crus récemment autorisés à revendiquer en justice le remboursement des taxes communales payées, sous prétexte qu’elles n’avaient pas été votées, puis approuvées par la tutelle régionale, avant la fin de l’année concernée.

Fiscalité directe et indirecte

Ces deux types de fiscalité sont très différents dans leur principe :

  • Les impôts directs sont prélevés sur les individus ou les sociétés, au prorata de leurs revenus ou bénéfices.

    Cette progressivité de l’impôt contribue, plus ou moins selon les législations en vigueur, à la redistribution des richesses.

    Nous vivons dans un pays où les revenus du travail sont taxés bien davantage que les revenus du capital. Ce qui limite malheureusement la capacité redistributive de l’impôt direct et incite les citoyens à la fraude.

    C’est pourquoi j’ai toujours soutenu l’idée d’une augmentation du précompte immobilier dans les additionnels communaux plutôt que d’une augmentation de l’impôt sur les personnes physiques (IPP). Mais je souhaitais que l’augmentation (consentie chaque fois avec regret par la majorité à dominante libérale) soit plus importante, dans l’objectif d’aligner Uccle au niveau du taux de la moyenne régionale.

    Il est toutefois vrai qu’un précompte immobilier modéré en ville peut contribuer à enrayer la fuite des habitants vers la périphérie et contribuer à répondre au manque de logements pour les moins favorisés. Le rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat (RBDH) défend même l’idée d’une diminution ou exonération du précompte immobilier pour les propriétaires qui rénovent des logements insalubres ou confient la gestion de leur immeuble à une « agence immobilière sociale ».
  • Les impôts dits indirects sont des taxes à la consommation qui frappent un même bien ou service de la même façon quels que soient les revenus des consommateurs.

    On leur reproche à juste titre un aspect peu démocratique. Mais ils permettent d’orienter les comportements (des citoyens comme ceux des pouvoirs publics) en taxant davantage les produits nuisibles à l’environnement et la santé).

    Je pense qu’il y a là un instrument utile, insuffisamment et mal exploité. Par une modulation plus différenciée de la TVA et des droits d’enregistrement il serait possible de mener une politique fiscale qui s’inscrive davantage dans l’optique d’un développement durable.

    Ainsi par exemple, la TVA n’est réduite que pour la seule construction de logements sociaux ; elle demeure de 21% pour la construction de logements publics moyens, qui répond pourtant elle aussi à un besoin pressant.

Il parait logique d’imposer un taux de TVA peu élevé pour les biens de consommation de première nécessité dont les plus pauvres ne peuvent se passer. C’est pourquoi, nombreux sont ceux qui plaident aujourd’hui, dans le contexte de la forte hausse du coût de l’énergie, pour une réduction de la TVA sur le gaz et l’électricité.

J’ai du mal à les suivre. Car en plus du fait qu’une telle décision bénéficierait inutilement aux ménages à revenu élevé, cette mesure s’inscrirait dans une vision à court terme, écologiquement sans avenir.

Il faut admettre, comme l’écrivait récemment l’économiste Philippe Defeyt dans Le Soir, que « la période d’une énergie bon marché est derrière nous » et que la solution qui s’impose à la raison est à rechercher dans les économies d’énergie. En investissant la somme qu’il accepterait de perdre si la TVA diminuait de 21 à 6%, dans une politique volontariste de réduction de la consommation, « le gouvernement oeuvrerait à l’amélioration du pouvoir d’achat et de l’environnement. A long terme. »

Faut-il rappeler que la Belgique est un des pays les plus énergivores d’Europe ?

Vers une fiscalité « verte » généralisée?

On rencontre encore aujourd’hui des gens pour qui « Ecolo, c’est les écotaxes ! ». Le terme est définitivement connoté négativement et source de rejet viscéral de ce parti pour certains.

Parler de « taxes vertes » et « d’incitants fiscaux » est aujourd’hui mieux accepté. Pas seulement en raison du choix des mots ; en 15 ans un grand pas en avant a été fait dans le cadre de la prise de conscience citoyenne des risques liés au réchauffement climatique.

Le principe d’une fiscalité environnementale est désormais admis. Qu’elle soit dissuasive ou incitative, elle est un instrument précieux au service d’une politique de développement durable. Il s’agit plus d’un transfert de taxation que d’une augmentation de son montant global.

Le gouvernement français a opté pour une « taxe carbone » progressivement augmentée. Jean-Michel Javaux, propose lui, au nom du parti Ecolo, une diminution de la TVA sur tous les produits et services « écologiques » ; ainsi qu’un transfert de la charge fiscale sur le travail vers une plus forte taxation de la pollution.

En comparaison, le moins que l’on puisse dire est que les décisions prises par le gouvernement fédéral précédent ont été tardives et frileuses en la matière. Au-delà des sacs et couverts en plastique, notons cependant l’intérêt du principe d’une prise en compte de l’émission de CO2 dans la déduction fiscale des « voitures de société » (un premier pas vers la limitation de l’effet pervers d’une telle pratique des entreprises !) et celui des déductions fiscales en matière d’isolation des bâtiments.

La taxe de circulation dépend, elle, des gouvernements régionaux. Taxer les voitures particulières en fonction de leurs émissions de gaz polluants pourrait être complété par la prise en compte du kilométrage parcouru : facteur dissuasif efficace pour réduire l’usage abusif qui est fait de l’automobile.


Dans un autre domaine de préoccupation, celui de l’économie des matières premières, la TVA devrait être réduite pour les activités de récupération.

D’une manière générale, la question se pose de savoir s’il vaut mieux taxer celui qui consomme ou celui qui produit. La réponse n’est pas évidente ! Et rien n’est simple.

Remarquons en effet que la taxation communale offre des possibilités « vertes » fort limitées en raison des modestes domaines qui lui sont réservés ; et que les taux de TVA sont aujourd’hui obligatoirement harmonisés à l’échelle de l’Europe. Par ailleurs gardons-nous de considérer la taxation environnementale comme une solution structurelle à des problèmes budgétaires : une taxe sur la pollution est biodégradable par définition !

Carotte ou bâton ?

On oppose souvent la fiscalité contraignante et la fiscalité incitative (déductions fiscales ou, mieux encore, crédits d’impôt).

Je pense que taxation et incitation fiscale sont deux concepts liés dans la mesure où, dans les deux cas, le citoyen garde la liberté de choix de ses consommations ; et qu’il y a moyen de les combiner utilement.

L’exemple de la Région wallonne en témoigne : la décision est prise d’un bonus-malus écofiscal pour la mise en usage d’un véhicule privé neuf ou d’occasion. Rouler « propre » (120g de CO2 maximum par km) permet de bénéficier d’une réduction automatique importante de la taxe d’immatriculation ; le choix d’une forte pollution (à partir de 196g /km) sera pénalisé dans la même proportion (avec adaptation dans le cas des familles nombreuses) .

Le choix des seuils est discutable ; et, plus grave, les pollutions autres que celles par le rejet de CO2 ne sont pas prises en compte ( l’indice global « écoscore » choisi par les régions de Flandre et de Bruxelles, est explicité sous l’entrée « Mobilité »). Mais on ne peut nier l’intérêt de la logique adoptée.

Un idéal vers lequel il faut tendre :

l’instauration d’une fiscalité dissuasive liée au « score écologique », à tous les niveaux de pouvoir, dans tous les secteurs économiques et toutes pollutions confondues, avec développement simultané des alternatives.

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