Les résultats sont là, indéniables. Il s’est passé quelque chose de neuf et d’important en Europe le 7 juin 2009. Dans de nombreux pays, les partis verts ont progressé et cette progression, ils la doivent vraisemblablement en bonne partie à leur credo européen. Certes le score des conservateurs, des eurosceptiques et surtout des abstentionnistes atteint des proportions inquiétantes. Mais la bonne nouvelle, c’est que les Verts ont gagné en faisant campagne sur l’idée que l’Europe n’était pas le problème mais bien une partie de la solution. Les résultats des listes vertes dans une série de grandes villes européennes ont de quoi donner le tournis. De Paris à Stockholm, en passant par Marseille, Rennes, Lyon, Heidelberg, Münster, Berlin, Münich, Bruxelles, Nimègue, Utrecht, nombreuses sont les grandes villes, où les écologistes dépassent très nettement les 20% et occupent la première place, parfois très loin devant les sociaux-démocrates. Ils franchissent même la barre des 30 % dans un certain nombre de circonscriptions, généralement celles les plus proches des centres urbains. Là où des élections régionales où municipales étaient organisées, la percée du scrutin européen est confirmée, mais dans une moindre mesure. C’est un indice supplémentaire que, comme de coutume, un public généralement urbain crédite les Verts d’un indéfectible engagement européen. La nouveauté, c’est que ce vote augmente aussi très sensiblement en dehors des villes. En Wallonie, aux européennes, les listes Ecolo arrivent en tête ou presque dans plusieurs circonscriptions rurales, là où une personnalité comme celle de Jean-Michel Javaux parvient à combiner un ancrage populaire et une identification verte et européenne très claire. Et en France, le succès d’Europe Ecologie concerne aussi la France rurale, l’engagement de José Bové n’y étant sans doute pas étranger.

Le Vert, « première nécessité »

Evidemment, le succès des Verts tient aussi et surtout à la percée de la prise de conscience écologique. Celle-ci n’est plus une préoccupation de « luxe » dont on doit se passer en période de crise, mais elle apparaît désormais comme une « première nécessité ». Est-ce parce que l’électorat vert ne perçoit pas encore fortement l’impact de la crise ? Ou alors est-ce parce que leurs propositions paraissent constituer les meilleures réponses ? Il est sans doute trop tôt pour trancher, mais ce qui est certain, c’est que les Verts sont les seuls à avoir présenté sous le générique du « Green Deal », un ensemble très ambitieux de nature à répondre simultanément à l’urgence écologique, sociale et économique. Les sociaux-démocrates ne peuvent pas en dire autant, donnant l’impression de rester scotchés dans un mélange de social-libéralisme et de vieilles recettes de relance par la demande qui convainc de moins en moins leur base traditionnelle. En Allemagne, une enquête citée par la chaîne publique ARD indique que la CDU a été le premier choix des ouvriers (35% des ouvriers allemands ont voté pour le parti d’Angela Merkel) alors que seul un ouvrier allemand sur cinq est allé voter pour le SPD. Du reste, 40 % des électeurs sociaux-démocrates disent éprouver un malaise par rapport au soutien public apporté à certaines entreprises en difficulté…

Le retour en arrière n’est pas la réponse

En France, le PS a d’abord été sanctionné par ses divisions internes. « Vous passez le plus clair de votre temps à vous positionner les uns par rapport aux autres. Trop à gauche, pas assez à gauche. Et si je vous disais que l’on s’en fiche un peu ? Si par aventure vous reveniez au pouvoir, chacun sait bien que vous feriez tous la même politique. On a vu ça hier, de Mélenchon à Bérégovoy », écrit Jacques Julliard le 11 juin dans le Nouvel Observateur pour expliquer pourquoi il a voté pour Cohn-Bendit. Mais ce n’est pas tout. Non seulement, le PS s’est essentiellement focalisé sur la politique intérieure française mais il s’est contenté de défendre mollement des recettes très traditionnelles. En Wallonie, aux élections régionales, il est vrai que cela lui a mieux réussi, sans doute parce que la rhétorique antisocialiste primaire du parti libéral a provoqué la peur de l’électorat traditionnel du PS qui a continué à soutenir un parti pourtant frappé par une série de scandales politico-affairistes. L’enjeu pour les Verts sera donc de convaincre un public de plus en plus large que la sortie des crises écologiques, sociales et économique ne passera plus par la restauration des Etats-providences que le néo-libéralisme de la fin du XXème siècle a laminés. Autrement dit, on ne s’extraira pas de la crise où nous a menés le productivisme néo-libéral par une relance du productivisme, même socialement régulé, comme le rêve encore une bonne partie de la gauche et de l’extrême-gauche traditionnelles.

Un Green Deal qui reste à négocier

La gauche du XXIème ne peut plus se contenter de réclamer la mise en œuvre de solutions adaptées au monde du XXème siècle. Le compromis fordiste doit être remplacé par un Green Deal qui aura pour objectif de réduire simultanément les inégalités et les empreintes écologiques de nos sociétés. Dans le programme d’Europe Ecologie, il y a toute une série de propositions très intéressantes, comme par exemple le contrat de conversion écologique pour les travailleurs du secteur automobile, la création d’une agence européenne de transformation de l’économie, la réduction du temps de travail au niveau européen… à négocier et à amplifier d’urgence avec les syndicats, au plan européen comme au plan national. Ces propositions montrent que l’autre bonne nouvelle de ces élections européennes, c’est que l’écologie a retrouvé ses lettres de noblesse en France et qu’un énorme potentiel de créativité politique s’est remis à fonctionner à plein régime, au bénéfice futur de l’ensemble de la famille verte. D’où l’importance de la réorganisation des Verts français dont la structure complexe ne paraît plus adaptée, comme nombre d’entre eux en conviennent. Leur défi sera de combiner l’énergie qui s’est déployée dans la campagne européenne, grâce notamment à l’apport des associatifs, avec une organisation plus efficace et donc forcément plus centralisée. Toute la famille verte européenne ne pourra qu’en bénéficier.

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