La bonne conservation des archives est d’une importance capitale pour le fonctionnement et la crédibilité de notre démocratie. L’accessibilité aux informations publiques garantit une transparence des actes politiques. Au-delà de la nécessité de conserver des documents pouvant avoir force de preuve juridique, l’enjeu est aussi celui de la mémoire de la société. En témoigne le vote unanime par le Parlement de la Communauté française le 10 mars dernier du projet de décret relatif à la transmission de la mémoire des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre et des faits de résistance ou des mouvements ayant résisté aux régimes qui ont suscité ces crimes. Sources incontournables du travail des historiens, les archives rendent possible une meilleure connaissance du passé. Et négliger les besoins en matière d’archives, c’est mettre en péril la connaissance même de l’histoire de notre pays et laisser libre cours aux spéculations négationnistes de tout bord.
Par ailleurs, les archives constituent une ressource essentielle au bon fonctionnement démocratique, à l’État de droit et au travail de mémoire dont elles se veulent les témoins et garantes. Or, les archives publiques sont confrontées aujourd’hui à quatre défis majeurs :
la répartition des compétences entre l’Etat fédéral et les entités fédérées et pour ce qui concerne la Communauté française, le partage de compétences induit par la notion de « patrimoine culturel ;
l’explosion du nombre de documents, leur diversité (de contenu, de support, de forme), leur dispersion en raison notamment de la fragmentation des institutions intra-francophones et leur fragilité ;
la révolution électronique (production massive de documents électroniques et question de leur conservation via la numérisation ainsi que de leur accessibilité à moyen et long terme) ;
et le manque de moyens pour la sauvegarde des archives publiques et privées.
Des projets européens et internationaux se préoccupent de ces questions, mais globalement, la Belgique est peu investie dans ces réflexions.
Le Parlement fédéral est actuellement saisi d’un projet de loi portant des dispositions diverses et parmi elles, des dispositions qui modifient la loi du 24 juin 1955 relative aux archives (cadre législatif principal en matière d’archives dans notre pays). Cela fait plusieurs décennies qu’il est question de la réviser mais aucune proposition de révision n’est arrivée à terme. Le projet de loi précité est une copie conforme de la proposition de loi Destexhe-Durant déposée sous la précédente législature fédérale. Il se concentre sur l’adoption des modifications les plus urgentes et les plus pragmatiques dont le raccourcissement des délais de transfert et de publicité de 100 ans à 30 ans, point prioritaire pour les citoyens et les chercheurs. La Belgique est en effet un des derniers pays en Europe occidentale à ne pas avoir généralisé la règle des 30 ans !
A la Communauté française, Ecolo a déposé en début de législature une proposition de décret relative à la gestion et à la transparence des cabinets des ministres, à leur contrôle par le Parlement, à leurs relations avec les services de l’administration et à leur transmission.
La problématique de la répartition de compétences en matière d’archives a été abordée dans plusieurs avis de la section de la législation du Conseil d’Etat :« (…) les archives constituent un instrument de travail, la mémoire de la personne, de l’autorité, de l’institution, de l’entreprise, de l’association, etc. qui les constitue dans ce but. Elle les consulte régulièrement dans l’exercice de ses activités. (..) certains des documents déposés aux archives vont, avec le temps, présenter un intérêt pour une autre catégorie de personnes ou d’institutions, en tant qu’éléments concernant l’étude de la période à laquelle ils se rapportent. En d’autres termes, ils acquièrent une valeur scientifique et/ou culturelle. Il est clair que les règles édictées en matière de conservation, de consultation, etc. de ces documents seront fixées en vue d’autres objectifs et émaneront éventuellement aussi d’autorités différentes. »
Au regard de ces éléments, Ecolo tient à rappeler l’importance de bien gérer ses archives pour une démocratie et demande aux différents gouvernements de coordonner enfin leur politique en matière archivistique notamment via un accord de coopération et de veiller à doter les services d’archives compétents des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Ecolo sera vigilant afin d’assurer que les archives publiques puissent être conservées dans de bonnes conditions et que les critères de tri et d’accessibilité puissent être concertés entre les différents niveaux de pouvoir de ce pays.
Marcel Cheron, sénateur de communauté et Fouad Lahssaini, député fédéral ECOLO, avec la collaboration d’Etopia.