Quelle est la politique des Droits de l’Homme de l’Union européenne et qu’apportera le Traité de Lisbonne en la matière ? Comment cette politique est-elle appliquée et quel rôle jouent le Parlement européen et sa sous-commission des Droits de l’Homme dans ce domaine ? Quelles sont les priorités des Verts pour la rendre plus efficace et quels projets porteront-ils lors de la prochaine législature ? Bilan de cinq années de présidence verte de la sous-commission des Droits de l’Homme.

Au terme de la législature européenne 2004-2009, un groupe de travail de haut niveau a été mis en place afin de dresser un bilan de l’actuelle architecture parlementaire du Parlement européen et à la réformer si nécessaire. A l’exception des Verts, aucun groupe politique n’a manifesté de réelle volonté d’améliorer cette politique, que ce soit pendant la législature écoulée ou que ce soit dans la perspective de la prochaine législature. Les raisons pour refuser les ressources nécessaires au renforcement de la structure existante de la sous-commission Droits de l’Homme sont multiples. Mais aucune n’est convaincante. Il est en particulier inacceptable que cette politique capitale fasse l’objet de marchandages internes entre les groupes du Parlement européen. Les Droits de l’Homme n’appartiennent à aucun groupe politique en particulier, et en aucun cas, au plus grand groupe politique du Parlement européen. Or celui-ci souhaite conserver cette compétence au sein de la commission des Affaires étrangères qu’il préside ou il entend la maintenir, comme c’est le cas actuellement, au sein d’une sous-commission placée sous sa responsabilité. Les Verts estiment, eux, que les Droits de l’Homme doivent être traités dans une commission parlementaire chargée de leur respect tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’Union. S’il est juste de s’interroger sur la manière d’agir pour que les Droits de l’Homme ne soient pas isolés mais davantage intégrés dans toutes les politiques européennes, il est inacceptable de refuser d’accroître notre efficacité et notre cohérence dans ce domaine. En effet, le Parlement européen est un acteur important en matière de défense des Droits de l’Homme dans le monde actuel et les attentes à son égard ne cessent de croître.

Des principes à la réalité

Les cinq années de Présidence de la sous-commission des Droits de l’Homme exercée par les Verts leur ont permis d’être en première ligne pour faire fonctionner cet organe et identifier les deux principales entraves à la mise en œuvre d’une vraie politique européenne en la matière. La première est constituée par le fossé réel et permanent entre les principes et engagements de l’Union européenne en termes de Droits de l’Homme et la politique qui est menée en la matière. La seconde réside dans l’absence de cohérence entre la politique interne et la politique externe de l’Union, sa politique interne ayant de fait un impact sur sa politique externe. Cela conduit dans certains cas à une « politique de double standard » qui entame le crédibilité extérieure de l’Union.

Pourtant, nos textes fondateurs sont clairs en termes de protection des droits et libertés. Ils visent de manière de plus en plus précise à un renforcement du respect du droit international. L’article 11 du Traité de l’Union Européenne (TUE), régissant notre politique extérieure actuelle, établit le respect et la promotion des Droits de l’Homme comme un objectif de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Dans cette logique, les accords d’association, de partenariat et de coopération contiennent « une clause Droits de l’Homme et démocratie » (article 1 ou 2 des accords) qui se situe juridiquement au dessus de toute autre disposition puisqu’elle représente un élément essentiel de l’accord. Cependant, cette « clause Droits de l’Homme » n’est pas appliquée ou plus exactement, elle n’est pas applicable. Dans le jargon du Parlement Européen, il est question d’une absence de mécanisme de mise en œuvre de cette clause. Plus simplement, il n’existe pas de procédure « d’urgence » permettant au Conseil des ministres de convoquer les autorités d’un pays tiers avec lequel l’Union serait liée par un accord de ce type pour qu’une situation de non-droit ou une violation flagrante des Droits de l’Homme fasse l’objet de discussions. Cette procédure qui est prévue par les accords de Cotonou2 permet aux deux parties d’établir un calendrier de sortie de crise accompagné d’objectifs clairs à remplir. Si le pays tiers refuse, l’Union peut alors décider d’adopter des sanctions à son encontre. Le cas d’Israël est emblématique. L’intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza a violé à plusieurs titres les principes fondamentaux du Droit International Humanitaire (DIH) et en particulier, les dispositions de la 4ème Convention de Genève relative à la protection de personnes civiles en temps de guerre.

Parmi les cinq principes fondamentaux du DIH figurent le principe d’humanité, le principe de distinction (il impose aux belligérants de faire en tout temps la distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu’entre les biens civils et militaires et comprend l’interdiction de la famine comme méthode de guerre ou de bombardements aériens et terrestres indiscriminés), le principe de précaution (il impose que les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population, les personnes civiles et les biens à caractère civil), le principe de proportionnalité, le principe d’interdiction des maux superflus et des souffrances inutiles. Néanmoins, aucune mesure n’a été prise, que ce soit par le Conseil ou par la Commission (en tant que gardienne des Traités), pour utiliser les dispositions de l’accord d’association UE-Israël et de « sa clause Droits de l’Homme » et ainsi garantir une certaine cohérence dans l’application de nos instruments. La Commission aurait pu initier une suspension provisoire de l’accord pour non-respect par une des parties de sa « clause Droits de l’Homme ». Mais elle a préféré geler les discussions en cours sur le rehaussement des relations avec Israël, sans toutefois présenter cette mesure comme une position officielle de la Commission européenne. Cet exemple montre bien qu’une véritable politique en matière de Droits de l’Homme de l’Union ne peut se concevoir au cas par cas mais nécessite – pour être à la fois efficace et pertinente – une méthodologie nous obligeant à respecter nos engagements juridiques. Cela implique qu’en cas de violation, le Conseil propose l’instauration d’un mécanisme de mise en œuvre de la clause permettant une réponse graduelle avant de parvenir à la suspension de l’accord.

Tout en réaffirmant les dispositions de l’article 11 du TUE, le Traité de Lisbonne donne davantage de corps à la dimension des Droits de l’Homme. Son article 21 insiste sur le fait que « l’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde : la démocratie, l’Etat de droit, l’universalité et l’indivisibilité des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations Unies et du droit international ». Les valeurs reprises dans la Charte des droits fondamentaux à laquelle le Traité de Lisbonne a conféré un statut juridique contraignant, devraient à l’avenir inspirer toutes les politiques de l’Union, en ce compris sa politique extérieure. Ces valeurs, par conséquent, devraient être au cœur de notre politique étrangère. Si dans le processus d’élargissement, le respect des critères de Copenhague3 constitue une pré-condition pour adhérer à l’Union, il n’existe à ce jour à l’égard des pays tiers aucune politique aussi exigeante en matière de respect de la démocratie, de l’Etat de droit et des Droits de l’Homme.

Par ailleurs, si nous voulons être en mesure de réclamer aux pays partenaires la pleine application du droit international, il est important que chaque Etat membre l’applique à la lettre. Et le droit international comprend notamment la ratification des Conventions internationales des Nations Unies. Or, certaines conventions particulièrement emblématiques pour les pays tiers, telles que la Convention internationale sur la Protection des Droits de tous les travailleurs migrants et membres de leur famille ainsi que celle portant sur la Protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, n’ont toujours pas été ratifiées par l’ensemble des Etats membres. Plus grave encore, aucun d’entre eux n’a ratifié la première, ce qui est terriblement symptomatique de notre manière d’aborder la question des migrations. En outre, seuls neuf Etats membres (Danemark, Espagne, Estonie, Malte, Pologne, Slovénie, République tchèque, Royaume-Uni et Suède) ont ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture des Nations Unies qui implique la création de mécanismes de monitoring nationaux et indépendants pour chaque lieu de détention. Ces mécanismes ne sont pas uniquement considérés comme des outils efficaces. Ils sont aussi indispensables pour lutter contre la torture. Par conséquent, l’absence de ratification de ce protocole par une majorité d’Etats membres rend peu crédible l’engagement européen en la matière. Ces deux exemples emblématiques renforcent l’inconsistance de nos politiques internes et décrédibilisent dans une certaine mesure notre politique externe.

Par ailleurs, Dick Marty, Président de la commission juridique du Conseil de l’Europe, a rendu public un rapport en 2006 faisant état d’allégations de sous-traitance de la torture qui aurait été opérée dans des pays dits « à risque » comme l’Ouzbékistan et la Syrie dans le cadre de la lutte contre la torture. Ce rapport apporte des preuves tangibles quant à l’existence des lieux de détentions secrets et des transferts illégaux de détenus en Europe. Si, au plan national, quelques Etats membres ont réagi en mettant en place des commissions d’enquêtes parlementaires ou des procédures juridiques , le Conseil et la Commission n’ont pas démontré de volonté réelle de faire toute la lumière sur ces allégations. Les initiatives parlementaires émanant du Parlement européen se sont soldées par une absence de réponse de la part du Conseil et de la Commission et par conséquent, une absence de mesures concrètes et réelles. Ces deux institutions ont ainsi démontré leur incapacité à sanctionner les gouvernements européens impliqués dans des cas de restitutions extraordinaires, pratique dénoncée par le Rapporteur des Nations Unies sur la torture et l’ancienne Haut Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations Unies.

Un « audit portant sur le pouvoir européen au sein des Nations Unies »4 explique la perte d’influence de l’Union européenne dans les instances onusiennes par son incohérence et sa politique de double standard. Les positions de l’Union européenne sur l’immigration et en particulier sur la « Directive retour » ont eu des répercussions dévastatrices au sein des pays africains ainsi qu’en Amérique latine. La même remarque doit d’ailleurs être formulée en ce qui concerne le positionnement de l’Union européenne par rapport à Israël dans le cadre de son conflit avec le Liban et tout récemment, de son intervention militaire à Gaza. L’abstention de l’Union européenne sur ce type de résolutions ne constitue pas un message positif à l’égard du monde arabe et musulman. Elle ne fait que renforcer ce sentiment de double standard.

A plusieurs reprises, par le biais de sa sous-commission, le Parlement Européen s’est exprimé sur la nécessité d’avoir une démarche proactive et a demandé aux Etats membres de déposer une résolution au Conseil de Genève afin de ne pas laisser le champ libre à d’autres groupes régionaux, comme l’Organisation Islamique. En effet, une telle initiative permettrait de prendre réellement en considération les violations du droit international dans cette région et, en proposant un texte, de s’engager pleinement dans les négociations avec les autre Etats pour arriver à un compromis acceptable par tous.

Le Parlement européen : un contre-pouvoir en matière de Droits de l’Homme?

Conformément aux Traités, le Parlement européen est informé de manière régulière des choix stratégiques du Conseil en matière de politique étrangère. Il est saisi pour consultation, par la Commission, sur toutes nouvelles politiques en la matière. Son avis peut cependant être déterminant pour toute nouvelle adhésion à l’Union européenne et pour chaque accord signé avec un pays tiers (avis conforme). Le Parlement se trouve donc dans un rapport de force difficile et périlleux, et cela d’autant plus que le principe d’unanimité reste de mise au sein du Conseil où chaque Etat peut continuer à faire valoir ses intérêts particuliers par rapport à certains pays ou régions.

Au sein du Parlement, les questions parlementaires relatives aux Droits de l’Homme sont donc traitées par sa sous-commission des Droits de l’Homme. Mais comme son nom l’indique, elle dépend d’un autre organe, en l’occurrence de la commission des Affaires étrangères. Rapidement, elle a été confrontée à la difficulté inhérente à sa position et elle a du redoubler d’efforts pour fonctionner pleinement. Etre une sous-commission ne signifie pas uniquement ne pas avoir de droit de vote sur ses propres rapports ou avoir deux fois moins de moyens et de ressources qu’une commission pleine et entière. Cela signifie aussi qu’on fait l’objet d’une considération relative de la part des présidences en exercice de l’Union dans leur exercice obligé de coopération et dans leur latitude à se rendre disponible. A cela s’ajoute une concurrence hiérarchique avec le président du Parlement et son vice-président en charge des questions Droits de l’Homme qui ne sont nullement obligés de défendre ou de transmettre la position de la sous-commission et de sa présidente, aussi longtemps que le Parlement n’a pas adopté de position. Cela peut naturellement desservir les batailles engagées avec les autres institutions européennes. Malgré cela, et en raison de l’absence d’une sous-commission au cours de la législature 1999-2004, la sous-commission a relevé de merveilleux défis. Elle a imposé sa marque en se basant systématiquement sur une expertise juridique, en faisant appel à la coopération avec toutes les organisations internationales et en rationalisant ses « productions parlementaires ».

Par exemple, au lieu de se limiter, comme par le passé, à une shopping list de toutes les violations commises dans le monde, le rapport annuel du Parlement européen sur les questions relatives aux Droits de l’Homme s’est davantage focalisé sur l’action de l’Union et sur l’évaluation de la mise en œuvre de ses politiques. A chaque fois, les résolutions portant sur l’ancienne commission des Droits de l’Homme des Nations Unies comme sur le nouveau Conseil des Droits de l’Homme ont été le fruit d’analyses approfondies. L’intérêt suscité à Genève par les résolutions de la sous-commission en a été la démonstration. Le Conseil et la Commission, devant expliciter et justifier leurs politiques et démarches devant notre sous-commission (accountability) ont ainsi commencé à coopérer plus largement et à promouvoir de nouveaux canaux d’informations. Ceux-ci restent certes insuffisants mais ils s’inscrivent dans un processus évolutif de coopération interinstitutionnelle.

Les trois rapports majeurs de la sous-commission sont l’aboutissement d’une réflexion minutieuse. Ils portent sur les principaux instruments en matière de Droits de l’Homme de l’Union (clause Droits de l’Homme et démocratie des accords européens ; fonctionnement des dialogues et consultations Droits de l’Homme avec les pays tiers ; évaluation des sanctions de l’Union Européenne comme éléments et politiques de l’Union Européenne dans le domaine des Droits de l’Homme). L’objectif central a été d’analyser ces instruments et de juger de leur impact afin de contribuer à leur rationalisation et ainsi accroître leur efficacité. En quelques mots, pour que « la clause Droits de l’Homme et démocratie » des accords soit effective, sans revenir sur les considérations énoncées précédemment, il est nécessaire qu’elle soit accompagnée d’une procédure de consultation entre les deux parties comme expérimenté aux articles 9 et 96 des accords de Cotonou. Cela induit, de toute évidence, l’émergence d’une nouvelle génération d’accords. Une évaluation annuelle de la situation en matière de Droits de l’Homme, élaborée par la Commission, deviendrait systématique et serait, dans un souci de cohérence, directement prise en compte dans les documents stratégiques consacrés à chaque pays ainsi que dans les plans d’action. La Commission et le Conseil seraient ainsi contraints de définir des critères clairs et des objectifs précis. Les Droits de l’Homme inspirant toutes les politiques de l’Union, ce type de clause serait par conséquent introduit dans tous les accords, y compris dans les accords sectoriels. Par ailleurs, le Parlement étant associé à la prise de décision pour tout accord passé avec un pays tiers, son champ de compétence devrait être étendu pour qu’il puisse participer au processus décisionnel afin d’initier une consultation ou de suspendre un accord.

La question des dialogues et consultations en matière de Droits de l’Homme avec les pays tiers est beaucoup plus difficile à traiter car il existe une multitude de structures choisies en fonction du pays et de son engagement en faveur des Droits de l’Homme et ce, en dépit des lignes directrices adoptées par l’Union dans ce domaine. Une fois de plus, en dehors des principes généraux dictés par l’Union, il est frappant de constater l’absence d’objectifs clairs et de critères précis d’évaluation de ces dialogues. L’ambition de la sous-commission a donc été d’élaborer toute une série de recommandations concrètes pour renforcer leur cohérence. Elle a également proposé la mise en place d’un trilogue interinstitutionnel (sans base légale) avant et après chaque dialogue pour échanger les positions et faire connaître les priorités. Ce trilogue est un acquis qui devra impérativement être préservé.

Enfin, le dernier rapport de la sous-commission concerne l’évaluation des sanctions de l’Union européenne comme éléments d’actions et politiques de l’Union dans le domaine des Droits de l’Homme. Le but de ce rapport n’était pas de plaider pour un renforcement des sanctions ou pour leur abandon, mais de chercher les conditions permettant de rendre les sanctions efficaces et en l’occurrence, de provoquer un changement de comportement des entités visées. A ce jour, l’Union maintient pas moins de 31 régimes de sanctions différents à l’encontre de pays tiers ou d’entités. Ils sont majoritairement constitués d’embargos sur les armes et de sanctions ciblées, limitant autant que possible les effets négatifs sur le plan humanitaire. Trop souvent, la politique de sanctions est élaborée sur une base ad hoc pouvant de surcroît être influencée par des contraintes commerciales ou géopolitiques. Il est par conséquent primordial de rationaliser cette politique et d’adopter une méthodologie rigoureuse, de manière indiscriminée, en se livrant à des études préalables sur les situations spécifiques pouvant appeler des sanctions, du moins si on veut déterminer la réaction la plus appropriée et la plus apte à induire un changement. Il est alors essentiel de systématiser l’inclusion de critères clairs et précis destinés à prévaloir sur du long terme et comme autant de conditions à la levée des sanctions.

Les Droits de l’Homme, une bataille à long terme

S’il est dès à présent clair que la présidence du futur organe parlementaire chargé des Droits de l’Homme au sein du Parlement européen ne reviendra pas aux Verts en juin 2009, il est évident que nous continuerons à influencer la politique des Droits de l’Homme de cette institution. Premièrement, parce que notre engagement en faveur de la défense des Droits de l’Homme est indéfectible. Deuxièmement, parce que notre expérience, notre savoir-faire et nos connaissances de la matière sont et resteront une valeur ajoutée pour les Verts européens.

Parmi les batailles qu’il nous faudra mener dans les mois et années à venir, je n’en citerai que trois : une politique à renforcer, un instrument à inventer et un mécanisme à mettre en place.

La dimension Droits de l’Homme de la politique de voisinage à l’égard des pays méditerranéens et des pays de l’Est devra être à la fois approfondie et renforcée, notamment en vue du possible rehaussement des relations entre l’Union et certains pays du pourtour méditerranéen (Israël, Maroc, Egypte, Tunisie…). Si cette politique offre une série d’instruments potentiellement intéressants tels que des plans d’actions bilatéraux et des sous-comités Droits de l’Homme pour approfondir ces questions, elle manque cruellement de méthodologie pour mesurer et évaluer la situation dans chaque pays. Pour être efficace, cet outil doit être amélioré. Le rehaussement des relations doit dépendre des engagements réels du pays tiers en matière de Droits de l’Homme. Le Parlement doit se frayer un chemin pour participer à l’évaluation des plans d’action et en conséquence, à l’élaboration des priorités des plans renouvelés. Il doit aussi avoir la possibilité d’assister aux réunions des sous-comités Droits de l’Homme et Justice/Affaires Intérieures (JAI) aux côtés des fonctionnaires de la Commission et en présence des représentants des Etats membres. Enfin, pour que l’action extérieure de l’Union repose effectivement sur les principes qui ont présidé à sa création et à son développement, le Parlement doit être en capacité de faire valoir son rôle de contrôle parlementaire.

Parmi les chevaux de bataille des Verts figurent l’absolue nécessité d’instaurer des stratégies Droits de l’Homme par pays comme nouvel instrument pour rationaliser notre action vis-à-vis des pays tiers. Dans un premier temps, le Parlement pourrait être informé du contenu de ces stratégies. Mais à terme, il devrait être associé parce qu’une coordination entre institutions est incontournable pour mener une politique efficace sans que cela d’ailleurs ne modifie l’équilibre institutionnel et le rôle de chaque institution.

Enfin, si nous avons livré bataille pour obtenir un instrument financier spécifique sur les Droits de l’Homme et la démocratie, c’est en partie pour soutenir et protéger les défenseurs des Droits de l’Homme dans les pays dits « difficiles ». Bêtes noires des pays non-démocratiques, les défenseurs qui portent la contradiction et dénoncent les violations orchestrées par leur gouvernement, sont chaque jour davantage menacés, harcelés, opprimés, torturés, incarcérés voire même assassinés. Ils font les frais de nombreuses lois, toutes plus restrictives les unes que les autres dans de nombreux pays comme la Chine, la Russie, l’Egypte et la Tunisie ou font l’objet d’accusation au nom de la lutte contre le terrorisme ou l’extrémisme. Notre action est infime, mais indispensable. Pour la renforcer, nous avons proposé de mettre en place un focal point pour les défenseurs des Droits de l’Homme dans chacune des trois institutions européennes en s’inspirant du mécanisme existant depuis deux ans au Bureau des Institutions Démocratiques et des Droits de l’Homme (BIDDH) de l’OSCE. Cela nous permettrait d’unir nos efforts et d’élargir notre action.

Pour conclure, j’aimerais souligner la chance que nous ont offerte les Verts européens de pouvoir construire la sous-commission Droits de l’Homme au Parlement européen tout en regrettant amèrement les nombreux obstacles mis sciemment sur notre route par des forces politiques visibles et invisibles. Le manque de cohérence de cette politique va à la perte de notre action. Cette politique de deux poids, deux mesures ne porte pas uniquement atteinte à notre crédibilité. Elle renforce l’injustice voire dans certains cas, l’impunité. C’est ainsi que se créent la discrimination entre les peuples et la montée des extrémismes. Nous y avons contribué soit par passivité, comme pour les vols de la CIA, soit par inconsistance, pour le Moyen-Orient.

1Lors du renouvellement du Parlement européen en 2004, les groupes politiques se sont entendus pour restaurer la sous-commission des Droits de l’Homme qui avait été abolie lors de la précédente législature. Au cours de la négociation des Présidences de commissions, les Verts ont opté pour la présidence de cette sous-commission et ont choisi Hélène Flautre (France) pour l’assumer. Chargée de la problématique de l’élargissement au sein de la Commission des Affaires étrangères lors de la précédente législature, Mychelle Rieu a été affectée en 2004 aux Droits de l’Homme. Son rôle ne s’est pas limité à un suivi classique des travaux parlementaire mais il a consisté à concevoir, aux côtés de la Présidente, une méthode de travail et de développement des mécanismes Droits de l’Homme pour renforcer le rôle du parlement en la matière

2Signé le 23 juin 2000 dans la capitale économique du Bénin, après l’expiration de la convention de Lomé, l’accord de Cotonou marque le renouveau de la coopération entre l’Union européenne et les États d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP). Conclu pour 20 ans, cet accord, qui sera révisé tous les 5 ans, réunit les 79 États du groupe ACP et les 27 pays de l’Union européenne, soit une population totale de plus de 700 millions de personnes

3Les critères d’adhésion du Conseil européen de Copenhague de 1993 impliquent que le pays candidat doit impérativement doit avoir mis en place des institutions stables garantissant la démocratie, l’Etat de droit, les Droits de l’Homme, le respect des minorités et leur protection.

4A global Force for Human Rights? an audit of European Power at the UN, Richard Gowan and Franziska Brantner, Policy paper, September 2008

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