-# Habitat et formes urbaines – Densités comparées et tendances d’évolution en France.

  1. DBook – Density, Data, Diagrams, Dwellings.

Par Benoît Moritz, chercheur-associé à Etopia.

Avant-propos

La densité n’est à priori pas une thématique qui accroche et, en termes d’édition, c’est une véritable gageure que de se lancer dans la publication d’un ouvrage qui lui serait entièrement consacré. Deux ouvrages récents viennent cependant démentir cette idée reçue. Nous les avons lus pour vous[[Notes de lecture parues dans BRU-Planning A Capital”, n°3, revue de l’AATL.]].

Le regard des agences d’urbanisme françaises

La première publication est un ouvrage édité par la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme (FNAU) et intitulé Habitat et formes urbaines – Densités comparées et tendances d’évolution en France[[Habitat et formes urbaines – Densités com parées et tendances d’évolution en France, FNAU,
Paris, 200. L’ouvrage est actuellem ent réédité en partenariat avec la revue Traits U rbains. Il est
égalem ent téléchargeable gratuitem ent sur le site de la FNAU : [->http://www.fnau.org].]] . Il s’agit d’un ouvrage collectif, issu de la mise en commun de référentiels de densités élaborés par 24 agences d’urbanisme françaises dans le cadre de divers plans qui leur étaient assignés (plans d’agglomération, schéma directeur régional, plan local d’urbanisme, etc.).

Cet ouvrage, qui se veut systématique et rigoureux, est basé sur une approche comparative de « situations urbaines » que l’on peut observer dans les villes françaises. Il s’intéresse, plus particulièrement et comme son titre l’indique, à la question de la forme urbaine résidentielle mise en perspective par rapport à la question de la densité.

L’ouvrage est composé de quatre parties :

en introduction, une série de textes de références rédigés par des auteurs provenant du milieu des agences d’urbanisme ;

suivent une centaine de fiches portant d’abord sur des cas représentatifs de formes urbaines (souvent planifiées) rencontrées dans les agglomérations françaises depuis le XVIIIème jusqu’à la période contemporaine puis des fiches représentants des opérations récentes ; chaque cas étant analysé au regard d’une grille d’analyse identique fournissant des évaluations quantitatives par rapport à la densité ;

enfin, le livre s’achève sur une série de résumés d’études menées par diverses agences d’urbanisme sur le thème de la densité.

L’intérêt de cet ouvrage est variable d’une partie à l’autre : les textes introductifs présentent en réalité les conclusions auxquelles mènent l’analyse comparative des fiches. La publication des fiches n’a par contre en soi que très peu d’intérêt pour le lecteur mis à part la démonstration à laquelle elle procède de l’existence d’une diversité des formes urbaines présentes dans les villes françaises. Le choix de la classification, par typologie de forme est logique dans la mesure où il participe de ce questionnement sur le rapport entre typologies urbaines et densités. On trouvera par ailleurs dans ces fiches quelques informations intéressantes relatives à des opérations résidentielles anciennes (« La Cité Frugès » de Le Corbusier à Pessac, l’opération « Toulouse Le Mirail » de Candilis&Woods) ou récentes (deux variations sur le thème de « l’îlot ouvert » : l’opération « Quartier Massena Nord » à Paris de Christian de Portzamparc et l’excellente opération lilloise « Euralille-îlot Saint-Maurice » orchestrée par l’architecte bruxellois X. De Geyter).

La densité, une « valeur à défendre » ?

Les résumés des études constituent quant à eux une invitation à approfondir les questions que posent la densité et les multiples manipulations intellectuelles auxquels le travail sur les indicateurs peut mener. On épinglera en particulier une étude menée par l’APUR, l’agence parisienne, qui questionne les densités quantifiées au regard des densités vécues par les habitants de quatre quartiers de la capitale française. On épinglera encore cette étude menée par l’agence toulousaine d’urbanisme sur le rapport entre formes urbaines et densités et qui conclut qu’il « n’y a pas de densités idéales mais des densités nécessaires qui permettent de rendre la ville enviable et attractive ».

Comme évoqué précédemment, les conclusions auxquelles mènent l’étude comparative des cas représentatifs des formes urbaines se trouvent dans les textes introductifs et plus particulièrement dans l’excellent texte intitulé « Réflexions » rédigé par Catherine Martos et Jean-Baptiste Rigaudy qui sont respectivement Directrice d’études de l’Agence d’Urbanisme de Lille et Directeur général adjoint de l’Agence d’Urbanisme de Bordeaux. On s’en doutera, l’enseignement principal de l’étude comparative réside dans la démonstration sur base objective d’une absence de lien conditionnant entre typologie et densités « tous critères confondus ». Pour le dire autrement, l’étude comparative démontre clairement que le choix d’une typologie urbaine n’est pas un choix de densité et qu’inversement une densité ne détermine pas à priori une forme urbaine.

Parmi les textes introductifs, il convient également de souligner l’intérêt du compte-rendu de la table ronde réunissant différents directeurs d’agence d’urbanisme (« La ville peut-être dense et belle »). Ce compte-rendu laisse clairement transparaître le rôle de chambres d’observations et de réflexions sur le devenir des villes que constituent les agences d’urbanisme. C’est d’ailleurs probablement à ce niveau que réside l’intérêt principal de cette publication : démontrer la capacité des agences d’urbanisme françaises à observer, analyser et projeter dans l’avenir les territoires dont ils ont la charge.

Si le contenu des textes s’avère riche, on regrettera par ailleurs le peu d’attention portée, à la mise en forme du livre. Le graphisme est en effet très conventionnel, voir terne alors que l’ouvrage est une véritable dissertation sur la thématique de la densité. On regrettera également que la dimension historique la densité ne soit pas abordée, alors que la matière, évoquée dans les diverses fiches, était bel et bien disponible.

Pour conclure, je ne peux m’empêcher de relever cette citation émanant du texte de réflexions de Catherine Martos et Jean-Baptiste Rigaudy et qui résume à elle seule l’esprit qui a animé les agences qui ont contribué à la publication : « La densité n’est ni un modèle, ni un outil de projet, mais certainement plutôt une valeur à défendre, fondamentalement contextuelle et qui ne peut être ramenée à une norme ».

Exemples de projets de logements collectifs innovants

Dans un tout autre genre, la maison d’édition espagnole A+T s’est lancée dès 2002 dans la publication de référentiels de densités. Quatre numéros de sa revue d’architecture ont été consacrés à ce sujet. En 2004, ces quatre numéros ont été rassemblés dans un livre intitulé Densidat – Nueva vivienda collectiva / Density – New collective housing.

La maison d’édition nous livre en cette fin d’année 2007 la suite de ses réflexions en publiant le livre DBook – Density, Data, Diagrams, Dwellings[[DBook – Density, Data, Diagrams, Dwellings, Editions A+T, Vitoria Gasteiz, 2007]]. Ce livre comporte 64 projets de logements collectifs innovants, issus majoritairement de la production européenne. L’opération est ici beaucoup moins sérieuse que celle de la FNAU et s’agissant d’une maison d’édition privée, il s’agit clairement de réaliser un ouvrage attractif, d’où une très grande importance apportée aux exemples choisis et à leurs capacités iconographiques.

Le choix la classification des exemples est ici relativement douteux : elle est opérée de manière croissante, sur base d’une densité habitée mais calculée simplement à l’échelle de l’immeuble sur base d’hypothèses empiriques d’occupations des chambres ramenées à l’hectare. La densité de population est ainsi rapportée aux superficies occupées par le logement. Si d’un point de vue purement scientifique, ce mode de calcul se tient (il est parfois utilisé pour rendre compte plus précisément des répartitions spatiales de la population au sein d’un quartier ou d’un secteur statistique), il est étonnant que la densité à laquelle il soit fait référence dans cet ouvrage – celle d’un immeuble – soit assimilée à l’échelle de densité à laquelle il est couramment fait référence dans les ouvrages traitant de la densité c’est-à-dire l’échelle d’une opération entière (voir par exemple le référentiel de densités de la FNAU).

À titre d’exemple, pour l’opération lilloise de « Euralille-îlot Saint-Maurice », le référentiel de la publication A+T rapporte pour l’immeuble que l’architecte belge Stephane Beel y a réalisé une densité 812 habitants à l’hectare alors que le référentiel de la FNAU indique une densité habitée de 279 habitants à l’hectare. C’est évidemment ce dernier indicateur qu’il faut considérer sachant qu’il porte sur l’ensemble de l’opération. Il est par ailleurs aussi curieux que le choix de classification des exemples soit entièrement basé sur cette mesure alors que l’on sait que la densité de population n’est qu’un des indicateurs de la densité.

Un intérêt essentiellement graphique

Dans Dans la publication de 2004, la maison d’édition A+T était tombée dans un écueil méthodologique identique en procédant à une classification unique d’opérations résidentielles à grandes échelles et de petites opérations de logements ; cette classification était alors basée sur un indicateur de nombre de logements à l’hectare. L’ouvrage de la FNAU a quant à lui de manière habile évité cet écueil en procédant à une classification par typologies urbaines.

Mais l’intérêt de cet ouvrage est en effet tout à fait autre que celui de la densité qui n’est finalement qu’un prétexte. D’une part, il nous montre comment le logement collectif peut se présenter de manière extrêmement diversifié dans ses choix typologiques et dans ce sens, il nous démontre, à quel point il convient d’être ouvert à cette diversité typologique afin que la ville, qui se veut durable, s’adapte aux nouveaux modes d’habiter. D’autre part, cet ouvrage nous donne à connaître les nouveaux paradigmes de l’architecture résidentielle contemporaine : parmi ceux-ci, le super-îlot de Christian de Portzamparc à Almere, les logements-silos de MVRDV à Copenhague, les projets de Claus en Kaan, de Ryue Nishizawa, de Zaha Hadid…

Enfin, à l’issue de la présentation des 64 projets, un travail de schématisation et de mise en relations d’informations quantitatives est fait, travail qui montre les corrélations possibles entre différents indicateurs de densité. Ce travail présente certainement un intérêt scientifique auquel le référentiel de la FNAU ne s’était pas adonné mais, compte tenu des écueils méthodologiques précédemment décrits, on peut se poser la question de la fiabilité des résultats qui sont proposés et si finalement, ces spéculations ne sont pas tout simplement le prétexte à l’élaboration d’un travail purement graphique. L’ouvrage est, de fait, abondamment illustré de documents graphiques, plans, coupes, élévations, ce qui en constitue en réalité son principal intérêt.

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