Un texte de Jean-Philippe Rémy, facilitateur de changements (www.jphi.be et son blog http://jean-philippe.hautetfort.com), animateurpour Etopia de la formation décentralisée « Enjoy your Ecology ».
Et si surfer harmonieusement sur l’individualisme était la solution politique aux multiples enjeux sociaux et environnementaux de ce 21ème siècle.
Quand on voit la crise de message des partis socialistes, les nôtres et ceux qui nous entourent, nous pourrions nous poser la question. On n’aime ou pas les Reynders ou Sarkozy, ils et leurs partis ont plutôt bien réussi à séduire un électorat de tous bords sur des valeurs individualistes.
Pierre Radanne disait il n’y a pas longtemps sur France Inter (et sur etopia.be*) que face aux défis écologiques, il faudra créer un nouvel imaginaire individuel grâce auquel chacune et chacun pourra contribuer au bien-être collectif avec plaisir.
En préambule, je vous raconte ce que je fais tous les jours pour tester cette nouvelle approche comportementale. Quand je croise (à vélo ou à pied) une automobiliste qui laisse tourner son moteur inutilement :
L’automobiliste : Bonjour… ?
Moi : Cela vous ferait-il plaisir de me faire plaisir ?
L’automobiliste : Euh, oui…
Moi : Promis, ce n’est pas difficile du tout.
L’automobiliste : Euh, oui mais encore.. ?
Moi : Un petit geste de rien du tout. Pouvez-vous couper votre moteur ?
L’automobiliste : Bien sûr, excusez-moi. Le moteur s’éteint…
Moi : Voilà c’est tout. Moi je suis content. Et vous ?
L’automobiliste : Oui, merci.
Moi : Très bonne journée, à vous.
Ca me prend moins d’une minute. Je ne lui pas parlé de la Planète et d’écologie. Seulement de lui ou d’elle et d’un certain plaisir. J’ai des témoins, ça marche 9 fois sur 10 et je vous promets que je ne choisis pas mes « proies ». Ils y passent tous, ce y compris taximen, chauffeurs de bus ou de ministres et même policiers.
Que nos objectifs soient une Terre Verte, un Monde Juste, solidaire, de respect, … est une évidence. Il n’en reste pas moins que les chemins qui nous y mènent peuvent être forts différents. Cette question n’est pas nouvelle : Les idées changent elles les comportements ou les comportements changent ils les idées ? Aujourd’hui, je pense que nous pouvons réfléchir en termes d’efficacité. D’un côté la communication commerciale est très efficace parce qu’elle nous suggère du plaisir. La communication sociale et environnementale pour des raisons éduco-culturelles, est sacrificielle. Pourtant, elles ont toutes les deux le même objectif. L’une est axée sur le comportement tandis que l’autre est sur les idées. Je vous laisse juge de leur efficacité.
Aujourd’hui, ne nous trompons pas, c’est beaucoup plus la résignation citoyenne qui pose problème que les citoyens eux-mêmes. C’est une excellente nouvelle, car dit résignation dit frustration d’une envie. Celle de pouvoir faire œuvre utile de sa bienveillance sociale ou écologique. Comment comprendre et surfer harmonieusement sur ce véritable tsunami d’envie citoyenne ? Quelques suggestions qui ne coûtent pas un euro et qui peuvent peut-être en rapporter un paquet.
1. Combler l’abîme qui nous sépare de la chose publique. Le mot « gens » prononcé par un représentant politique a pour moi un effet désastreux sur ce phénomène de dissociation.
2. Valoriser immédiatement ce que fait déjà de bien une majorité d’entres-nous. Un exemple : Parler de contributions plutôt que de taxes ou d’impôts nous permettrait en un clin d’œil de s’approprier notre participation à l’effort public. Qu’il y ait un peu de nous pourrait être rappelé. Parmi les salariés publics ou privés, peu connaissent leur brut et donc leur « contribution ». Un second exemple : si on pouvait considérer les utilisateurs de Transports en Commun comme d’une part des personnes contribuant quotidiennement à une Terre Verte et d’autre part comme des clients qui contents sont les meilleurs prescripteurs de cette mobilité. Pourquoi avoir choisi le mot « Eco-Taxe » plutôt que par exemple : « Eco-plus » ou « Eco-Contri » ?
3. Rétablir un climat de confiance entre nous. La communication institutionnelle, les rafales de projets de lois ont des conséquences très pernicieuses sur la déliance. En gros, cela nous envoie des messages sur ce que fait de mal une minorité en nous laissant l’impression sournoise, pas si subliminale, que nous en sommes encerclés. Nous ne sommes pas tous des balanceurs de canettes, ni des batteurs de femmes, ni des indifférents ou insensibles. Rien de pire pour rester dans l’aquoibonisme.
Voilà brossées rapidement quelques solutions pour enlever la couche de résignation structurelle qui étouffe le terreau citoyen. Maintenant, il nous faut, nous écolos, présenter nos valeurs comme autant de terrains d’expression de cette envie bienveillante sachant que nous, les citoyens, sommes à saturation complète par rapport à toutes propositions associant la moindre connotation contraignante. Nos atouts sont très nombreux à commencer par le cœur de notre savoir faire : l’écologie source inépuisable de ces petits bonheurs de tous les jours.
Je prendrai, pour la suite, l’idée que je fais mienne, à savoir que tout nouveau comportement social ou environnemental contribue nécessairement à satisfaire le désir d’appartenance qui nous manque si cruellement. Et qui dit satisfaction d’un désir dit plaisir. J’oserai par conséquent proposer de passer par ce filtre « plaisir citoyen » pour suggérer des nouveaux comportements éthiques et atteindre ainsi nos fondamentaux : Développement Durable, solidarité, intégration, justice sociale,… On pourrait ainsi concilier l’inconciliable, individualisme et éthique de comportement.
Pratiquement, nous, éco-conscient, avons donc ce pouvoir magnifique de rencontrer les envies citoyennes des « visiteurs » par les valeurs que nous portons. Il y a néanmoins un préalable : du regard que nous leurs portons dépendra leur sentiment favorable ou non de pouvoir être une solution. Exactement de la même manière que pour cet automobiliste qui coupe son moteur.
Nous sommes des passeurs, des vecteurs de changements. Nous sommes de plus en plus nombreux, quoiqu’encore une minorité. Toute personne à qui nous aurions transmis le goût à la chose écologique et un « passe au suivant » sous une forme consciente ou non, sera immédiatement un passeur efficace du plaisir citoyen que vous aurez transmis. En fait sitôt acteur, il deviendrait prescripteur.
Si j’osais deux, trois recommandations pour emmener tous les jours au moins une personne dans cet imaginaire valorisant, ce serait celles-ci :
Contribuer à contre courant médiatique à un climat « actiogène » autour de soi. C’est-à-dire parler de ce qu’a envie et de que fait de bien la majorité d’entres-nous. Et accessoirement, essayer de ne plus prononcer le mot « gens ».
Assumer et s’approprier le plaisir citoyen de l’écologie ET en être passeur.
Regarder l’autre comme une personne à haut potentiel de contribution qui attend de vous de devenir acteur des solutions du 21ème siècle.
En conclusion, j’insiste sur l’existence d’une source d’énergie inépuisable, naturelle, durable, propre et universelle : l’envie citoyenne de faire œuvre utile de notre bienveillance.
Ce faisant, je me permets l’audace de vous déclarer donc, Fournisseurs Officiels de Plaisirs.
En route vers le Bonheur National Brut, comme au Bouthan, petit royaume enclavé au nord de l’Inde.(**)
C’est romantique au début, parce que peu y croient, c’est réaliste après car beaucoup en ont envie.
(*) : Section Podcast & dans la revue Etopia n°2
(**) Tapez Bonheur National Brut dans un moteur de recherche….