Carte blanche à Jean-François Fauconnier, de Greenpeace Belgique.
Le nucléaire est déjà en cours de remplacement !
Le défi ne consiste pas à choisir ainsi entre la peste et le choléra. A condition de donner simultanément la priorité aux mesures d’économies d’énergie et d’efficacité énergétique, plusieurs scénarios montrent la possibilité d’opérer une véritable transition vers un système énergétique basé sur les différentes énergies renouvelables (éolien sur terre et en mer, solaire thermique, hydraulique de petite taille, biomasse, solaire photo-voltaïque, énergie des marées et des vagues).
Une étude réalisée à la demande de la Commission européenne par le Groupe LTI démontre ainsi la faisabilité d’une réduction de 90% des émissions de CO2 en 2050 en développant les renouvelables et l’efficacité énergétique, sans faire appel au nucléaire et en gardant un niveau de confort équivalent à celui des pays de l’Europe du Nord. Le German Advisory Council on Global Change (WBGU) prévoit dans son scénario pour 2050 et 2100 un véritable renversement des énergies fossiles vers les énergies renouvelables. Toujours à l’échelon européen, un scénario développé à la demande de Greenpeace par l’Institut de Thermodynamique technique du Centre allemand d’Aérospatiale (DLR) démontre que l’Europe peut à la fois sortir du nucléaire et réduire ses émissions de CO2 de 30% d’ici à 2020. Le scénario développé dans ce rapport (Energy revolution, a sustainable pathway to a clean energy future for Europe, disponible sur www.greenpeace.be) montre que la moitié de la demande en énergie de l’Europe des 25 pourrait provenir de sources d’énergie renouvelables et que les émissions de CO2 pourraient être réduites de près de 75% d’ici 2050.
Le passage à un système énergétique basé sur les renouvelables est non seulement nécessaire (pour protéger le climat), mais également inévitable à terme, à cause de l’épuisement prévisible des combustibles fossiles et de l’uranium. En Belgique, sans même parler du gigantesque potentiel de l’efficacité énergétique, depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sortie du nucléaire, des investissements importants ont déjà été consentis (ou sont planifiés) dans des centrales au rendement élevé et dans les renouvelables. Essent construit ainsi une centrale à cogénération de 130 MW chez Ineos. Le consortium Zandvliet Power a construit une autre centrale à cogénération de 400 MW chez BASF (avec une option pour 400 MW supplémentaires), une centrale TGV de 800 MW est prévue chez Sidmar. Et Nuon projette d’investir, d’ici 2008, 500 millions d’euro pour la construction de trois centrales à cogénération (capacité totale de 700 MW, dont 220 déjà prévus chez BRC). Récemment, Tessenderlo Chemie a annoncé son intention de construire une centrale TGV de 400 MW et Electrabel a construit une centrale à cogénération de 60 MW chez Stora Enso. Il faut ajouter à ces investissements le projet éolien offshore de C-Power (216 à 300 MW), celui de deuxième parc éolien en Mer du Nord du consortium Eldepasco (150 MW), ainsi que plusieurs projets de taille plus réduite, comme les parcs à éoliennes de SPE/Ecopower à Gand, celui de Nuon dans le port d’Anvers et les centrales à cogénération de Groenkracht et Aspiravi à Ostende et Oostrozebeke.
Cette capacité de production est supérieure à la capacité des trois plus vieux réacteurs nucléaires (1.746 MW). En terme d’électricité produite, si l’on tient compte de 7.000 heures de fonctionnement à capacité maximale par an pour les centrales à cogénération, 8.000 heures pour les centrales TGV et 3.500 heures pour les parcs éoliens offshore, on arrive à une production d’électricité à partir de gaz et d’éolien (19.911 GWh) largement supérieure à celle des trois plus vieux réacteurs nucléaires (13.705 GWh), qui doivent fermer leurs portes au plus tard d’ici… 2015.
Chez nous, les discussions sur la remise en question de la loi sur le nucléaire sont clairement dépassées : le monde industriel belge n’a pas attendu l’échéance pour investir dans une capacité de remplacement. Et au niveau mondial, contrairement à ce que ses partisans tentent de faire croire, le nucléaire est une source d’énergie marginale. Il ne couvre en effet qu’environ… 2% de la consommation finale d’énergie.
Jean-François Fauconnier, Greenpeace
Pour plus d’informations, lisez les neuf fiches de Greenpeace et d’autres associations environnementales qui illustrent que l’énergie nucléaire est trop chère, trop dangereuse et inacceptable d’un point de vue social. Les fiches indiquent également comment la filière nucléaire produit des quantités non négligeables de CO2.