Une carte blanche de Claudine Drion, vice présidente d’Etopia_ et Murielle Frenay, conseillère provinciale Ecolo.
Du 13 au 18 décembre se tiendra à Hong Kong la prochaine conférence interministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce. Ce rendez-vous biannuel, souvent médiatisé, rassemble les gouvernements de tous les pays membres de l’OMC et donne les grandes orientations en matière de secteurs à libéraliser et d’obstacles au commerce à supprimer. Entre ces grandes messes, des centaines d’experts négocient et établissent au quotidien, dans l’insouciance et l’indifférence politique, les normes et textes qui imposent la doctrine économique du libre échange.
Or la libéralisation touche les citoyen-nes dans leur quotidien. Laisser au marché notre qualité de vie (santé, éducation, culture etc., …) ou notre patrimoine commun (eau, énergie, etc., …) ne rencontre pas l’intérêt général. Comme le montre l’exemple du naufrage du pétrolier Erika dont on fêtera bientôt le triste anniversaire, la recherche du profit à tout prix sacrifie l’environnement, les conditions de travail, la santé politique et les collectivités locales. L’activité économique doit donc être contrôlée. Sans feux rouges, la circulation aux carrefours serait impossible. Les parlementaires dans ces matières exercent un contrôle à postériori. Mieux, comme ce fut le cas avec l’Accord Général sur le commerce de services (AGCS), ils ratifient des textes qu’il n’ont ni négocié, ni débattu.
Durant la législature 99-2003, nous avons pu mesurer combien le contrôle politique sur ces enjeux fondamentaux était insuffisant. Des mobilisations citoyennes et des initiatives parlementaires avaient toutefois obtenu la définition d’un mandat de négociation limité (telle la résolution qui fut voté par la Chambre en 2002 pour assurer la transparence des négociations à l’OMC et fixer des garde-fous ainsi qu’en mars 2003, en lien avec les manifestations citoyennes, pour que des secteurs relevant de l’intérêt général soient exclus des matières relevant de l’AGCS).
Qu’en est-il aujourd’hui ? Au Parlement, les questions parlementaires sont inefficaces vu la complexité et le secret des négociations (posées avant on apprend que les choses sont en cours, posées après on apprend que les carottes sont cuites). La Commission mondialisation, mise en place à la Chambre et au Sénat, suite à la pression des associations altermondialistes, ne semble pas pouvoir influencer sur le mandat de négociation de la Belgique et de l’Europe à l’OMC et risque de se transformer en arbre qui cache la forêt. Ce qui permet de cadrer un peu le mandat de négociation du gouvernement ce sont des résolutions parlementaires… or, depuis 2 ans le Parlement reste discret sur ces thèmes. Lors de la Convention des Collectivités locales hors AGCS à Liège en octobre dernier, les parlementaires belges étaient quasi absents et n’ont pas pris d’initiative à cette occasion. Pendant ce temps, la machine OMC continue, loin des regards.
En réponse aux lobbies économiques qui font pression pour élargir le champs d’application de l’AGCS, l’Union Européenne a mis sur la table la méthode de négociation « benchmarks », ce qui correspond à un nivellement par le bas : chaque Etat membre s’engage à un degré de libéralisation dans une série de sous-secteurs concernés. Ce processus exige qu’en contrepoids, le monde politique reprenne ses responsabilités du local au global.