Rôle du politique, enjeux, tendances et filières pour un développement durable de la Wallonie.

(Cette note synthétise une série de publications Etopia et Ecolo sur le sujet.)

Introduction

Le défi du Développement Durable est de répondre aux nécessités du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Il vise, en ce sens, une triple solidarité : avec les populations d’ici, avec les pays du Sud et avec les générations futures. Un cubisme que même Picasso éprouverait des difficultés à illustrer…

C’est que, outre un engagement politique volontaire (on en est loin), s’appuyant sur une administration compétente, des outils réglementaires, économiques et culturels réfléchis, des moyens budgétaires et une évaluation permanente des politiques publiques, il s’agirait aussi et surtout de changer profondément les mentalités. Et on attaque là un travail digne d’Hercule !

Le rôle du politique

Aborder le rôle de l’Etat, des pouvoirs publics dans le cadre du développement durable et de ce que ce concept peut amener comme nouvelles opportunités, c’est évidemment parler des marchés, de création/développement de secteurs de l’industrie, de l’économie. C’est aussi, pour un parti politique, intégrer les nouvelles opportunités à la création d’emploi, à la gestion de l’environnement, aux avancées sanitaires, au progrès social, aux risques inhérents à ces nouveautés technologiques…

Dans ce cadre, le rôle de l’Etat revient d’abord à déterminer la vision et le projet de société, à garantir les conditions d’un marché sain, à créer les conditions du développement de l’activité économique (encourager l’esprit d’entreprise, identifier les pôles de développement, mener une politique de formation adaptée…) et à gérer selon les principes de bonne gouvernance.

Par l’usage de certains moyens, l’Etat peut orienter le développement. On peut à cet égard énumérer une série de pistes concrètes : le transfert de la fiscalité du travail vers l’utilisation de ressources non renouvelables et les nuisances environnementales (par exemple une réduction des cotisations patronales en échange d’une augmentation des taxes sur les carburants et combustibles), le soutien ambitieux de la recherche au développement et son orientation vers les technologies permettant une moindre consommation de ressources non renouvelables, les mesures permettant de rendre moins cher le choix écologique comme des déductions majorées pour les investissements économiseurs d’énergie (impôt des personnes physiques) et pour les investissements dans des chaînes de réutilisation (impôt des sociétés), etc.

Les enjeux pour les entreprises

Pour autant, l’Etat n’est pas seul en scène. D’autres acteurs (entreprises, associations, syndicats…) interagissent avec lui. Voyons succinctement à quels enjeux importants les entreprises sont confrontées. Comme le rappelle avec à propos le récent rapport du Bureau du Plan français consacré au Développement durable , on peut identifier :

 au moins deux enjeux environnementaux importants pour les entreprises, à savoir les changements climatiques et l’interface santé/environnement

 au moins deux enjeux sociaux majeurs, à savoir les délocalisations/sous-traitance et l’intervention des acteurs civils

 des enjeux éco-technologiques : le marché des technologies environnementales, estimé à 200 milliards d’euros dans les années ’90 devrait connaître une croissance de 50% dans les 10 prochaines années ; l’étude SAVE (programme d’efficacité énergétique de la Commission européenne) estime qu’une augmentation de l’efficacité énergétique de 1% par an pendant 10 ans permettrait de créer 2 millions d’emplois par an en Europe…

Les entreprises ne sont pas égales car confrontées à des différences sectorielles sensibles. Les exigences du développement durable influent sur la croissance (aujourd’hui pour améliorer quantitativement et surtout qualitativement la croissance de demain). Elles doivent tenir compte de l’environnement, améliorer l’innovation, prendre en considération les conséquences sur l’emploi, sur l’actionnariat, s’adapter rapidement… Ce n’est évidemment pas simple, surtout dans un environnement économique national belge dominé par les PME (qui sont souvent le nez dans le guidon et ne peuvent/veulent pas réfléchir à ces aspects).

Pourtant, le développement durable va devenir un facteur de différentiation concurrentielle. Les innovations technologiques vertes vont conférer des avantages comparatifs déterminants dans le cadre de la compétition mondiale. Cela vaut pour les entreprises mais aussi pour les Etats. Avec des conséquences encore trop mal estimées…

Les tendances lourdes

Il existe un consensus large sur l’environnement comme champ très important d’innovations technologiques, avec des concrétisations à court et moyen termes (voitures propres, recyclage des produits et des déchets, traitement de l’eau, gestion globale de l’environnement, procédés industriels propres – écologie industrielle…) et des concrétisations/diffusions à plus long terme (le secteur des énergies renouvelables et des nouvelles technologies de l’énergie est moins avancé en Europe qu’aux USA et au Japon ; l’hydrogène et l’énergie de fission ne sont pas envisageables sur le plan de la diffusion avant 2025-2030).

Croissance annuelle des marchés émergents des écotechnologies 1998-2010

Zone Croissance annuelle
du secteur des
écotechnologies (%)
Asie du Sud-Est 14 %
Chine 12 %
PÉCO-CEI 10 %
Amérique latine 9 %
Moyen-Orient 8 %
Afrique 6 %
Etats-Unis, Japon, Union européenne Stabilisation

Source : Estimations Ecotec (2002)

La stabilisation que prévoyait Ecotec pour les pays développés est déjà remise en cause et selon des données plus récentes (elles datent de 2004), il y aurait croissance également pour Etats-Unis, Japon et l’Union européenne.

En France, les écotechnologies sont devenues un secteur à part entière qui compte plus de 7.000 entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 31,8 milliards d’euros en 2003, soit une hausse annuelle de 5,3 %. Dans ce contexte, les PME éco-industrielles connaissent une croissance de leur chiffre d’affaires plus forte que le reste de l’économie (+6,2 % contre +2,1 % en moyenne en 2003) et sont plus innovantes que la moyenne nationale ;

Dans l’Europe des Quinze, la croissance de l’emploi environnemental a été d’environ 9 % sur la période 1997-2002 et devrait se maintenir, compte tenu des nombreux travaux à mener, notamment dans les domaines de l’eau et des déchets. Il y a là un gisement de nouveaux emplois.
Sur un plan plus micro, il y a 1,1 million de logements en Wallonie. Plus de 620.000 n’ont pas de murs extérieurs isolés, près de 400.000 ne possèdent pas de double vitrage et plus de 480.000 n’ont pas de toiture isolée. La Fédération de la Construction estime que la rénovation énergétique de 300.000 logements assurerait plus de 12.500 emplois sur 15 ans.

Les filières vertes en Belgique et en Wallonie

Les filières les plus récentes proposées par les écologistes se retrouvent dans le Contrat pour les générations futures et dans le Maribel « environnement » qui privilégient une économie de transformation des processus de production en faveur de l’environnement. Nous y développons le concept de secteurs éco-industriels « à triple dividende », à savoir créateurs d’activité donc d’emploi, favorables à l’environnement donc à la santé, permettant des économies pour les consommateurs donc une augmentation du pouvoir d’achat. Via des plans d’investissements massifs public/privé (qui restent à chiffrer), les secteurs à développer sont la construction et le logement durables, la chimie verte, les moteurs propres, les énergies renouvelables, l’assainissement des friches industrielles, la dépollution des sols, le secteur de l’eau, les transports écologiques et la logistique multimodale, les bâtiments scolaires, les infrastructures de communication électronique, les services non-marchands.

Les pouvoirs publics peuvent faire plus et mieux pour le développement durable sans que ça leur coûte plus cher. A cet égard, les marchés publics constituent un excellent levier pour imprimer un sens durable à la politique économique du pays. Pour se faire une idée concrète de la masse financière qui transite sur ces marchés, il suffit d’examiner le volume annuel des marchés publics lancés par les acheteurs publics et entités assimilées des 25 pays membres de l’Union : Plus de 1.000 milliards d’EUROS, soit quelque 14% du PIB européen ! Outre le fait d’approvisionner l’Etat en services, biens et travaux, les marchés publics sont donc un formidable outil économique. Pourtant, la façon dont l’Etat achète actuellement stimule encore trop peu l’innovation environnementale, sociale et éthique. En effet, une récente étude réalisée au niveau européen pour le compte de la Commission confirme que les critères environnementaux ne sont pas assez pris en compte lors de la passation des marchés publics. Seuls l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la Grèce, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède font un réel effort pour « acheter vert ». 40 à 70% des appels d’offre lancés par ces 7 pays exigent le respect de critères environnementaux. Dans les 18 autres pays de l’Union, ce taux ne dépasse pas les 30%.
C’est particulièrement vrai en Belgique francophone, où le volet « vert » des marchés publics n’est que très peu actionné alors qu’il pourrait activer des secteurs à fort potentiel de croissance et d’emplois non-délocalisables (construction durable, énergie renouvelable, chimie verte, bioplastique, transport écologique et logistique multimodale, agriculture biologique…).

Force est de constater que ce sont actuellement les petits marchés (les fournitures de bureaux, le café, … en bref quelques miettes du PIB) qui se voient intégrer les avancées environnementales, sociales et éthiques. Il est temps d’étendre aux gros marchés publics (l’immobilier, les véhicules, l’énergie, les gros contrats de fournitures, les concessions, …) les avancées en terme de durabilité : l’impact économique dans les filières porteuses d’emplois en sera démultiplié et permettra d’importantes innovations environnementales et sociales.

Voilà esquissées, les enjeux principaux pour les entreprises ainsi que certaines filières régionales qui présentent un potentiel de développement articulant les dimensions économique, sociale et environnementale. Il convient toutefois de garder à l’esprit que les capacités de financement des écotechnologies ne sont pas infinies et que certains choix méritent une réflexion pluridisciplinaire en profondeur. On pense notamment aux effets potentiels sur la santé des nanotechnologies et des biotechnologies, secteurs dans lesquels s’engage fortement la Région wallonne et qui donnent de la matière (c’est le cas de le dire) au débat lié au principe de précaution…

Quelques liens pour mieux connaître les plus récentes prises de position des écologistes en matière d’économie verte

Documents Etopia :

 Emploi et construction Durable à Bruxelles ou Comment avancer vers une économie verte ?

 Natural Capitalism ou Comment gérer le capital naturel ? (traduction française par G. Chapelle et M. Verdonck)

 Ecologie industrielle : une stratégie de développement, Suren Erkman (pour une approche des avantages de l’écologie industrielle et de l’importance de la gestion des flux)

Documents Ecolo :

 Pour des marchés publics qui donnent sens à l’économie (pour une action des pouvoirs publics en faveur du développement durable via l’outil que constituent les marchés publics)

 Des Racines… et des ailes. Pistes écologistes pour le développement de filières et secteurs d’emplois pour le bassin de Charleroi (pour une déclinaison sous-régionale des filières d’emploi « vertes »)

 Ecolo et l’avenir de la Wallonie : entre économie, emploi et environnement (conférence de presse relative à l’économie wallonne et à l’économie « verte »)

 Plan fédéral de Développement durable II : “Jusqu’où s’arrêteront-ils ?” (pour une critique du plan fédéral de développement durable et une série de propositions d’ECOLO en faveur du développement durable)

 L’écologie, une chance pour l’économie (pour une approche des rapports entre écologie et économie)

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