Sur la politique, l’avenir de la gauche et l’écologie. Interview de Joschka Fischer au lendemain des élections fédérales allemandes, publié dans le Tageszeitung du 23/09/2005. Traduction libre par Louis Wyckmans pour étopia.
Le 18 septembre 2005, les Verts allemands recueillaient 8,1 pc des suffrages aux élections fédérales. Voici une longue interview de la figure de proue des Grünen, Joschka Fischer, réalisée avant la conclusion d’un accord de gouvernement entre les chrétiens démocrates et les sociaux-démocrates. Il y livre ses réflexions sur l’épisode rouge/vert en Allemagne et sur la gauche et l’avenir de l’écologie politique.
TAZ – C’est assez conforme au « mythe Joschka Fischer » de voir tout le monde s’interroger sur la vraie signification de votre semi « mise à la retraite ». Alors, cela veut dire quoi ?
J.F. Rien de mystérieux. Nous venons de vivre une césure. Il n’est maintenant plus possible dans notre pays de former une majorité rouge/verte, pas plus qu’une majorité conservatrice/bourgeoise d’ailleurs. On se prépare selon toute vraisemblance à la formation d’une grande coalition. Maintenant, j’ai 57 ans. Pendant 20 ans j’ai été en première ligne dans le parti, dans le groupe parlementaire et au gouvernement et simplement je m’interroge « As-tu encore le temps et l’énergie pour porter l’opposition des Verts au Parlement ? »
TAZ – Et c’est quoi la réponse ?
Je me suis dit : « Ou bien tu t’accroches et ils vont te « sortir » un jour ou l’autre parce qu’ils en auront marre de ta tête (ou, autre hypothèse, tu sortiras de l’hémicycle les pieds devant) ou bien tu choisis le bon moment pour te retirer. » La première option n’est pas gaie et je choisis la retraite.
TAZ – C’est une décision politique ou est-ce une décision d’ordre privé ?
On ne sait pas faire cette distinction ; c’est tant l’une que l’autre.
TAZ – Mardi dernier en réunion de groupe parlementaire vous avez dit : « Il y a vingt ans j’ai échangé ma liberté personnelle pour exercer le pouvoir. Maintenant je veux récupérer ma liberté. » Pourquoi ? La politique, ce fut douloureux ?
Oui.
TAZ – Même pour vous, qui personnifiez « la » machine de lutte politique ?
Quand on est au pouvoir, quand on veut mettre en œuvre une politique, on doit tenir compte d’impératifs, de contraintes. On en paie le prix. Il y a sans doute des gens qui peuvent supporter mieux que moi cette tension. Comprenez-moi bien, j’ai eu une période de vie passionnante, j’ai adoré, j’ai toujours été intéressé par la politique, mais maintenant c’est « time ». L’aspect censé être le plus séduisant de la vie publique – les privilèges, les gardes du corps, les limousines – ne me fait vraiment pas défaut.
TAZ – On peut interpréter votre position en retrait de diverses manières. La première c’est de dire : Fischer est un réaliste ; il est bien conscient que les Verts vont être dans l’opposition et il préfère laisser gérer par d’autres ce changement de statut.
Ce n’est pas que je préfère passer la main. Je dois le faire. Les Verts ce n’est pas le parti de Fischer, même si j’y ai exercé une influence non négligeable. En 2002, nous avons réussi à sortir de notre enfermement générationnel. Maintenant, une fois encore, un chapitre nouveau commence. Le chapitre rouge/vert, écrit par ma génération, est irrévocablement clos. Le chapitre suivant sera écrit par des plus jeunes, les moins de 40 ans. Penser qu’il me faut leur léguer quelque chose est absurde. Je suis moi ; j’ai mon historicité, si je puis dire, c’est la mienne.
(pour lire la suite de l’interview, téléchargez le document en pdf ci-joint)